Archive | juillet 2021

Combattre pour être soi de Clarisse Agbégnénou

édition Rageot – 160 pages

Présentation de l’éditeur :

Judokate mondialement connue, Clarisse Agbégnénou nous raconte ici sa jeunesse jusqu’à son premier titre mondial, à 21 ans. De sa naissance à son entrée au club d’Asnières à 9 ans, nous la suivons au sein de sa famille. Jugée turbulente par ses enseignants, elle choisit de faire du judo pour canaliser son énergie. Remarquée pour ses qualités athlétiques, elle brûle les étapes pour obtenir ses ceintures et survole ses concurrentes dans toutes les compétitions. Dès 14 ans, Clarisse entre au Pôle France d’Orléans, antichambre de l’INSEP qu’elle intègre trois ans plus tard. Elle devient championne d’Europe dans la foulée ! C’est le début d’une incroyable réussite à la fois sportive et humaine…

Merci aux éditions Rageot et à Netgalley pour leur confiance;

Mon avis :

Petit avertissement simple : je ne suis pas sportive, je ne connais que peu de choses au judo, même si l’un de mes cousins a pratiqué ce sport pendant de longues années. Cela ne m’a pas empêché d’aimer la lecture de ce livre, qui ne s’adresse pas qu’aux sportifs et qui, surtout nous parle avant tout d’être soi, d’oser être soi, et non de rentrer dans la norme.

Clarisse Agbegnenou retrace son parcours, de sa naissance prématurée à son premier titre mondial. Chaque chapitre représente une étape et se clôt par un bilan, par des conseils, bref, par la volonté d’aider son lecteur à trouver sa voie. La première clé est de prendre du plaisir, quel que soit l’activité pratiquée. C’est une notion qui est trop facilement oubliée par, eh bien par les adultes (pas tous, heureusement) comme si une activité n’avait de valeurs que parce qu’elle faisait souffrir. La seconde clé, c’est la persévérance, se souvenir de ce que l’on veut vraiment. Oui, il faut faire des choix, et certains ne sont pas faciles, certains ne seront pas compris par les amis, voire par le petit ami. Et cela nous emmène vers ce que j’ai appelé la troisième clé : être bien entouré(e). Oui, j’ai l’impression d’enfoncer une porte ouverte, mais combien de petits amis ne sont pas prêts à passer après la passion de leurs petites amies ? Très peu. C’est très souvent la jeune fille qui est obligée de se sacrifier pour le jeune homme, parce que celui-ci (et beaucoup de personnes avec lui) pensent que les passions d’un garçon valent plus que celles d’une fille. J’ajoute, pour ceux qui sont « fleur bleue », qu’il en est qui pense que l’amour vaut tous les sacrifices. Justement : si l’on aime une personne, on est heureux de la voir s’épanouir dans une discipline qu’elle aime.

Il est d’autres sujets tout aussi importants qui sont abordés dans ce livre : le racisme, le rapport au poids et à la nourriture. « Si un jour, j’ai un enfant, je ne lui mettrai jamais la pression sur son poids. Heureusement que je suis bien entourée, mais j’ai vu des filles s’affamer pour être dans la catégorie inférieure… Les adultes ne se rendent pas compte du poids de leurs paroles…  » Ses phrases ont résonné en moi, parce qu’il est important de rappeler aux filles (oui, toujours elles) que leur valeur ne dépend pas d’un chiffre sur une balance.

N’allez pas croire cependant que le livre soit rébarbatif à lire, bien au contraire. Ce récit est au contraire très positif, montrant comment persévérer, surmonter les obstacles, non pour rentrer dans la norme, mais pour être véritablement soi.

 

Léon et Gustave. Au cœur de la mine par Sophie de Mullenheim

Présentation de l’éditeur :

Léon va bientôt avoir douze ans. Il est fils et petit-fils de mineur. Pour lui, l’avenir est tout tracé : il sera mineur. Mais Léon va à l’école et, contrairement à ses parents et grands-parents, il sait lire et écrire. Il lit beaucoup d’ailleurs : les livres que lui prête son instituteur et le journal dans lequel il suit avec passion l’avancée des travaux de la Tour Eiffel. A mesure que l’immense tour s’élève, le rêve de Léon grandit : il veut devenir apprenti dans les ateliers du grand Gustave Eiffel. Il veut construire des tours, des ponts, des bâtiments… La famille de Léon, pourtant, est loin de partager son enthousiasme. Plus vite le garçon travaillera à la mine et plus vite il rapportera des sous à la maison.

Mon avis  :

La lecture de ce roman fut difficile, presque un roman dont j’ai regretté d’avoir sollicité le partenariat. Oui, cela peut sembler un peu dur à dire je le sais, mais je pensais, j’espérais apprécier davantage cette lecture. On ne refait pas le passé, on ne peut guère changer les choses. Je ne peux non plus changer mon parcours de lectrice, celle qui à 13 ans avait déjà lu Germinal. Léon a des rêves, il a brillamment réussi le certificat d’études, mais il ne pourra pas faire d’études, parce que son père en a décidé autrement. Il est toujours bon de rappeler que les enfants cessaient d’être des enfants à douze ans (au mieux) et allaient travailler dans les mêmes conditions que les adultes, que leur salaire était pour leurs parents, pour aider la famille à vivre. Léon rêve, cependant, un peu, mais la vie à la mine se charge d’étouffer ses rêves. Il est ami avec Marie, qui travaille elle aussi à la mine. Pour ceux qui font mine que le travail des femmes est récent, il est bon de rappeler que les femmes ont travaillé de tout temps, y compris quand elles étaient enceintes. Ainsi, Minette est née dans la mine, d’où son prénom, parce que sa mère, hercheuse, n’a pas eu le temps de remonter à la surface pour accoucher – ce qui signifie, pour ceux qui n’auraient pas compris l’horreur de la situation, que des femmes enceintes poussaient des berlines pleines de charbon. Minette a la poitrine faible, sans doute parce qu’elle a respiré de la poussière de charbon à la naissance. C’est le seul point positif : elle ne peut travailler sous terre, elle travaille à la lampisterie. Même l’amitié entre Cachou, la jument, et Léon n’est pas pour moi un événement heureux, puisque Cachou descend à son tour – et le fait qu’elle soit désormais avec Léon ne me fait pas oublier quelle fin attend les chevaux au fond des mines.
Je reconnais que le monde de la mine, exact opposé du monde de Gustave Eiffel, est très bien décrit. Cependant, je ne suis pas sûre d’avoir envie de partager ce livre avec mes élèves.

Hamlet de Shakespeare

Mon avis :

Pendant le confinement, un journaliste a dit que plutôt que de regarder Netflix, il fallait mieux relire Hamlet. Cela signifie donc que ce journaliste (Guillaume Durand, pour le nommer) estime que tout le monde a lu Hamlet – et que, vraiment, sa lecture peut remonter le moral, distraire, pendant un confinement.

Pour ma part, ce doit être la troisième fois que je lis Hamlet. La première, c’était en 1995 pour le bac. La seconde fois, je ne sais plus, mais je sais que je ne l’ai pas relu quand j’ai vu Hamlet au théâtre. Cette mise en scène, je l’ai trouvé grotesque, avec une Gertrude ivre et un Claudius qui change le papier toilette dans les… toilettes lors d’une scène (c’était à la Comédie-Française pour les curieux). Bref, voici ma troisième lecture de l’oeuvre et un court avis, qui n’aura rien d’une analyse littéraire.

Peu de personnages féminins, si ce n’est Gertrude, la reine mère d’Hamlet, et Ophélie. Pauvre Ophélie ! Son frère parti étudier, elle reste avec son père qui lui donne quelques conseils : repousser Hamlet, même si celui-ci se dit amoureux d’elle, parce qu’il ne pourra jamais l’épouser. Sauf que, quand Hamlet commence à simuler la folie, Polonius, père d’Ophélie, se transforme en maquereau (l’allusion dans les répliques d’Hamlet sont claires) et tente de jeter Ophélie dans les bras d’Hamlet, pour prouver que les causes de la folie du jeune homme sont le dépit amoureux. Elle ne trouvera que le mépris d’Hamlet, et n’entendra qu’un autre conseil : entrer au couvent. Après l’assassinat de son père par Hamlet (il ne pensait pas tuer Polonius, mais pensait que Claudius les espionnait, lui et sa mère. Eh bien non : laissons un courtisan faire le sale travail), Ophélie sombre dans la folie, la véritable folie, et meurt. Accident ? Suicide ? Peut-on véritablement se suicider quand on n’a plus sa raison ? Son frère Laërte n’aura pu la sauver, ni se sauver lui-même.

Hamlet, c’est le triomphe de la mort. Seuls Horatio et Fortinbras survivront, c’est peu de personnages. La mort est là, dès les premières scènes, avec le fantôme d’Hamlet (le père) qui appelle son fils à la vengeance, vengeance qu’il ne pourra accomplir. C’est la scène première de l’acte V (mon sujet au bac de lettres en 1995, nouvelle épreuve spécialement créée pour les terminales L) dans laquelle les fossoyeurs exhument les ossements de Yorick, le bouffon dont il ne reste rien, si ce n’est le souvenir qu’en a Hamlet.

Hamlet, c’est aussi le théâtre dans le théâtre, avec cette troupe de comédien qui met en scène ce que le roi ne veut surtout pas voir, ne veut pas savoir. Certaines répliques seraient aussi des allusions aux conflits qui existaient entre différentes troupes de théâtre à l’époque de Shakespeare.

Et Hamlet, le personnage ? Rien ne serait arrivé si le roi l’avait laissé retourner à ses études ! Pourquoi le garder près de lui ? Pour mieux le surveiller ? Pour être sûr que le plus proche du trône ne fomente pas une rébellion contre lui ? Peut-être. Hamlet et sa folie, c’est aussi son incapacité à se venger, sa capacité à trouver toujours des prétextes pour reculer sa vengeance, avant de la mettre en scène : je pense à nouveau à la pièce de théâtre mais surtout au dénouement lui-même.

Ai-je aimé relire Hamlet ? Non, pas vraiment, pas cette oeuvre-ci en tout cas. Mon oeuvre préférée de Shakespeare reste La nuit des rois.

Les veuves de Malabar Hill de Sujata Massey

édition Charleston – 624 pages

Présentation de l’éditeur :

La première avocate de Bombay mène l’enquête

Années 1920, Inde.
Perveen Mistry vient de rejoindre le cabinet d’avocats de son père, devenant la toute première femme avocate en Inde, un statut qui ne manque pas de faire débat. Mais quand un meurtre est commis dans une riche maison musulmane pratiquant la purdah (séparation stricte des femmes et des hommes) elle est la seule à pouvoir mener l’enquête. En effet, les seules survivantes – et potentielles témoins du crime – sont les trois veuves du riche marchand, vivant recluses dans une partie de la maison interdite aux hommes. Seule Perveen peut comprendre ce qui s’est réellement passé à Malabar Hill …
Une enquête passionnante, qui nous plonge au cœur de la société indienne du début du XXe siècle et de la place qu’y occupent les femmes.

Mon avis :

Mon rythme de lecture et mon rythme d’écriture diffèrent grandement. Qu’à cela ne tienne : voici ma chronique sur Les veuves de Malabar Hill, premier roman policier mettant en scène Perveen Mistry.

Nous sommes dans les années 20, nous sommes en Inde, pays qui est toujours à l’époque, il est bon de le rappeler, sous domination anglaise. Perveen a d’ailleurs étudié à Oxford, d’où elle est sortie diplômée. Elle a même gagné au cours de ses études une amie, Alice, amitié que ses parents ne voient pas forcément d’un bon oeil, les parents d’Alice non plus. L’on saura dans le cours du roman pourquoi elle n’a pas pu poursuivre ses études en Inde. Elle ne peut pas plaider, elle n’en a pas le droit, par contre, elle peut travailler dans le cabinet de son père, avocat reconnu : elle l’aide à préparer ses dossiers, à faire des recherches. Un jour pourtant, il semble qu’elle pourra, non pas plaider, mais exercer véritablement. Un des clients de son père, Omar Farid, vient de mourir – de mort naturelle. Ses trois veuves ne peuvent avoir de contact avec des hommes qu’à travers le jali, un mur grillagé qui, dans leur logement, sépare le quartier des hommes du quartier des femmes. Quand je dis « contact », je devrai plutôt dire « elles ne peuvent parler ». Aussi Perveen propose-t-elle de les aider, pour gérer la succession qui ne s’avère pas des plus faciles. Comme si la situation n’était pas déjà épineuse, l’homme qui devait veiller sur elle, cet homme de confiance, est assassiné dans la maison de Malabar Hill. Qui peut avoir commis ce crime ? Pourquoi ? Surtout, les trois veuves et leurs enfants se retrouvent désormais sans protection. La police mène l’enquête mais, sans trop en dévoiler, ne se défie pas assez des apparences, et surtout, peine à comprendre les contraintes liées à la pratique de la purdah.

Parallèlement, certaines parties du roman, nettement délimitées, nous renvoient cinq ans en arrière, quand Perveen était encore une jeune fille assez naïve. Oui, quand on lit les premiers chapitres, on peine à le croire. Et pourtant…. ces retours dans le passé nous font mesurer le chemin qu’elle a parcouru, les embûches qu’elle a dû surmonter, et les liens qui existent encore entre son passé et son présent. Être sur ses gardes, ne pas tomber dans des pièges, ne pas céder à une fausse compassion – Perveen a encore des combats à mener pour se libérer de ce passé.

Les veuves de Malabar Hill n’est pas un thriller sanglant. Je le qualifiera plus volontiers de « roman policier historique », qui nous en apprend énormément sur cette société indienne des années 20, notamment sur le sort qui était réservé aux femmes. Je pense que certains passages feront bondir littéralement le lecteur, du moins, je l’espère. Mesurer le chemin parcouru ne signifie pas nécessairement la fin des combats – voir la situation actuelle des femmes en Inde.

L’épaisseur du livre ne doit pas faire peur, parce qu’il est vraiment très prenant. J’ai eu envie de savoir ce qu’il allait advenir pour Razia, la première épouse, et sa fille unique Amina, aussi vive qu’elle est attachante, pour Sakina, la seconde veuve, mère de trois enfants dont un fils, le seul fils d’Omar Farid, pour Mumtaz enfin, dernière épouse, musicienne de son état, la seule à ne pas avoir d’enfant, celle dont la situation est la plus précaire. Bien sûr, j’ai eu envie aussi de savoir comment Perveen allait aider l’enquête à avancer, comment elle allait aider les trois veuves, ne serait-ce qu’à préserver le peu de droit qu’elles ont.

Un roman à découvrir.

 

Une arête dans la gorge de Christophe Royer

édition Taurnada – 384 pages

Présentation de l’éditeur :

Mutée depuis peu à la Criminelle de Lyon, le commandant Nathalie Lesage, mise à l’écart par sa supérieure, va devoir se battre pour trouver sa place…
Très vite, une série de meurtres atroces va la plonger dans les entrailles et les arcanes de la Ville des Lumières, lui réservant de bien sombres surprises…

Mon avis :

Tout d’abord, je voudrai remercier Joël, des éditions Taurnada, pour ce partenariat que je chronique avec quatre mois de retard. Fin février/début mars était une mauvaise période d’un point de vue professionnel, et la situation fut longue, très longue à se modifier. Finalement, l’avoir lu maintenant, en une période de grandes vacances m’a permis de vraiment apprécier ce livre.

J’avais beaucoup aimé Lésions intimes, dans lequel j’avais rencontré pour la première fois Nathalie Lesage. Après ce qu’elle a vécu dans ce tome, elle a eu besoin de faire une pause, une longue pause. Si elle reprend du service, c’est à Lyon qu’elle travaille désormais, avec le grade de commandant. Son arrivée ne semble pas vraiment faire plaisir à sa supérieure. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’elle la met dans un placard mais presque. Elle lui adjoint de plus un stagiaire – non, non, non, elle ne lui met pas des bâtons dans les roues. L’isolement imposé ne durera pas longtemps, un meurtre est commis, puis un deuxième puis… Tous les enquêteurs se retrouvent mobilisés, même si Nathalie Lesage est censée rester toujours discrète.

La bonne surprise, c’est que son stagiaire est d’ors et déjà un policier efficace, heureux d’être en binôme avec elle et avide de faire ses preuves. Attention ! Cela ne veut pas dire qu’il est une tête brûlée, prêt à faire n’importe quoi. Non : être prudent, ne pas faire cavalier seul font aussi partie des bonnes pratiques policières. J’ai aimé ce personnage à la vie personnelle bien remplie. Il adore manger, il adore le rugby (il pratique assidûment), il aime aussi le cosplay, bref, un personnage qui aime son métier sans vivre uniquement pour lui. Ils forment tous deux un binôme intéressant, et même un binôme qui obtient des résultats.

Le livre nous fait découvrir Lyon, de ce qui se passe dans cette ville et sous cette ville. Paris et ses catacombes ne sont pas seules ! Ce monde souterrain condamné (impossible de le visiter, pour cause de trop grande dangerosité) ne pouvait qu’intéresser des personnes avides de découvertes comme ce journaliste qui guidera généreusement Nathalie, ou d’autres, avides de secrets et de symboles.

J’espère retrouver Nathalie Lesage et Cyrille dans d’autres enquêtes.

PS : J’allais presque oublier le personnage de Diane, un personnage qui m’a fait tiquer (et Nathalie aussi). Diane a connu Nathalie à l’école de police, quinze ans plus tôt; Elle est lesbienne (aucun problème), elle va se marier (c’est une bonne nouvelle), Joanna dite Jo, sa fiancée, est extrêmement jalouse, au point que prendre un verre  avec Nathalie sans qu’elle ait donné son feu vert après avoir rencontré le commandant Lesage est impossible. Est-ce vraiment cela que les femmes veulent, la soumission, la peur perpétuelle de faire quelque chose qui déplaise à l’autre et provoque une crise ? Oui, je suis atterrée que l’on confonde encore amour et désir de possession. Oui, cela existe, c’est bien de le montrer, ce qui ne le cautionne aucunement, bien de montrer que cela existe aussi dans les couples homosexuels.

 

Pietà de Daniel Cole

édition Robert Laffont – 384 pages

Présentation de l’éditeur :

Londres, hiver 1989.
Un corps est retrouvé dans Hyde Park par la Metropolitan Police. La victime a gelé dans une position pour le moins inattendue : celle du Penseur de Rodin. Mais quelque chose cloche dans son regard : ce bleu intense, perçant…
Quelques jours plus tard, nouveau crime. Cette fois, ce sont les corps d’une mère et de son fils que l’on découvre, réplique exacte de la Pietà de Michel-Ange.
Londres va bientôt se transformer en musée macabre, mais personne ne le sait encore…

Merci aux éditions Robert Laffont et à Babelio pour ce partenariat



Mon avis :

Pietà, pour moi, c’est d’abord une intrigue située à la fin des années 80, puis des années 90. Il ne s’agit pas de faire de ces années un papier peint, en multipliant les références, mais de traquer un tueur avec les moyens de cette époque. Ce qui veut dire pas de téléphone portable, avec les fameuses scènes clichés du portable oublié ou déchargé. Internet ? Très peu développé aussi. Pour enquêter, il faut encore utiliser les vieilles méthodes, et faire avec un supérieur qui a des idées très arrêtées sur la manière de mener et de conclure une enquête.

Celle-ci connaît une coupure de sept ans. Coupable idéal trouvé, emprisonné, il a avoué, tout va bien. La seconde affaire ? Pas résolue, comme beaucoup d’autres. Il faut l’acharnement d’une toute jeune enquêtrice pour déclencher des événements en cascade et la réouverture d’une enquête. Pourquoi a-t-elle agi ainsi ? Raisons personnelles. Toutes nos motivations ne sont-elles pas personnelles ?

Ce qui a changé ? Le temps qui a passé. Les deux premiers enquêteurs, Chambers et Winter ont vieilli. Chambers a été durement éprouvé, physiquement, moralement, sept ans plus tôt. Il doute, de lui, du regard qu’Eve, sa femme, porte sur lui. Winter ? Pour l’instant, il n’est plus tout à fait dans la police. Il attend sa réintégration, et essaie de ne pas penser aux cauchemars qui le hantent depuis sept ans. Qu’à cela ne tienne, avec la confiance de leur nouvelle supérieure, et les moyens (pas très nombreux) dont ils disposent, ils doivent tenter de mettre fin aux agissements du meurtrier.

J’avais craint à un moment qu’un regard admiratif soit lancé sur lui. Ce n’est pas le cas. Ce sont des regards horrifiés, dégoutés qui sot posés sur ses crimes. Chercher à retracer son parcours, découvrir ce qui l’a amené à concevoir ses crimes, reconnaître qu’il a eu une enfance douloureuse n’est en aucun cas l’absoudre. Et s’il est un personnage pour admirer ses « oeuvres », c’est l’occasion, pour le lecteur, de se plonger à nouveau dans les méandres d’un esprit tordu.

Tout est la faute de la mère ? Je me suis posé la question. Non que je le crois. Je me suis cependant demandé si ce postulat était une opinion de l’auteur, ou simplement le reflet d’un point de vue communément admis. Quoi que la mère fasse, tout est toujours sa faute. Le père ? Des psys auraient dit qu’il ne sert à rien avant six ans. L’enfant, surtout s’il a une mère défaillante, maltraitante, aurait pourtant bien besoin que son père se manifeste.

Pour contrebalancer ce point négatif, je retiens un extrait très important, surtout que l’opinion contraire est très souvent exprimé, dans des romans ou pire, des séries télévisées prêtes à consommer : le partage des responsabilités après la mort d’une victime. Or, quoi qu’il se soit passé, quelles que soient les circonstances, le seul et unique responsable de l’assassinat d’une personne, c’est le meurtrier, pas ses proches, familles, amis, collègues.

Pietà ? Un roman glaçant.

La louvre de Rouen de Gilles Milo-Vaceri

Présentation de l’éditeur :

Normandie, juin 2018. Le SRPJ réclame le commandant Gerfaut, car des meurtres barbares terrorisent Rouen. Aurélie, nièce du divisionnaire Marcelli, a failli en être victime. Sa soeur jumelle, Céline, est responsable de Monet 2018, une exposition composée de vingt tableaux qui seront présentés dans la cathédrale. Enzo Battista, l’as de l’OCBC, est chargé de leur protection. Tout va de travers… Les cadavres pleuvent, les journalistes parlent trop et les témoins se font tuer. Alors, quand une menace semble planer sur Céline et qu’elle disparaît brutalement, Gerfaut voit rouge.

Mon avis :

Rouen est une belle ville. Je sais, j’y vais souvent. Rouen est mis à l’honneur dans ce roman, les œuvres qu’elle a inspirées, ses clochers, et aussi son bouquiniste qui a une place de choix dans ce roman, place tout à fait justifiée pour qui connait Le rêve de l’escalier.
Il se trouve qu’une série de meurtres secoue la ville, meurtre et tentative de meurtres, sur la personne de la nièce du supérieur hiérarchique de Gerfaut. Celui-ci sait à quel point Marcelli est attaché à sa famille, aussi accepte-t-il de se rendre sur place pour enquêter, main dans la main avec son ami Enzo Battista. Le tout est désormais que leurs équipiers parviennent à tenir le choc.
Ce n’est pas qu’enquêter est difficile, c’est qu’enquêter quand des témoins vous cachent des informations pour une raison ou pour une autre que les choses deviennent encore plus compliquées, ou quand d’autres personnes ne font absolument pas attention à ce qui se passent autour d’eux. Il faut dire que les coupables, eux, savent parfaitement où ils veulent en venir, quels objectifs sont les leurs – ou plutôt quelle folie, ou, pour faire plus direct, quel esprit tordu. Le seul point positif est de faire découvrir la belle région de Normandie à ceux qui ne la connaîtraient pas. Peut-être après se diraient-ils que la Normandie est une région dangereuse. Non. L’on peut visiter une exposition consacrée à Monet ou (comme c’est le cas en ce moment) à Flaubert sans encombre.
Comme les tomes précédents, la louve de Rouen est une enquête efficace et rondement menée. Je note cependant qu’elle était très sanglante, non que cela me dérangeât, mais je pense aux « âmes sensibles » qui passeraient ici et me liraient.

Intrigue au Kodogan de Charles Haquet

Présentation de l’éditeur :
Tokyo, un soir d’hiver, en 1882. Dans une pièce sombre, neuf silhouettes vêtues de longues capes attendent, immobiles.
Soudain, un homme fait son apparition, le visage caché par un masque. Il s’emporte contre ce « gouvernement félon qui livre le Japon aux chiens d’étrangers » et dévoile son projet : tuer l’un des principaux politiciens de l’époque, Ito Hirobumi. Un homme est traîné dans la pièce, enchaîné. C’est un proche collaborateur d’Ito Hirobumi. Son refus de trahir son maître va lui couter très cher…
Cette même nuit, le samouraï Tosode marche dans la neige, ivre de fatigue et de saké. Chassé par sa femme, sans travail, il rumine contre ce « Japon Meiji » qui laisse si peu de place à ses anciens samouraïs. Jusqu’à ce que, dans son errance, il tombe sur un homme singulier, qui médite sous la neige. Cet homme s’appelle Jigoro Kano. C’est le fondateur du judo. Commence alors une intrigue à deux niveaux : sur la scène politique, les affrontements sont violents entre les partisans de l’ouverture à l’Occident et les nationalistes. Et l’on découvre très vite qu’il y a des liens puissants entre les maîtres de Ju-jitsu et les politiciens véreux.
Mon avis :
Rien ne va pour Tosode, rien, absolument rien. Sa vie est une ca-tas-trophe. Je pèse mes mots ! Lui, l’ancien samouraï, n’a plus de travail. Sa compagne l’a mis à la porte, elle en a assez de voir que Tosode perd les métiers qu’il trouve les uns après les autres. Donc, il est prié d’aller voir ailleurs. Tosode a bu, un peu, beaucoup, beaucoup trop, et le voilà en train de errer dans Tokyo, ivre, fatigué, et là, il fait une rencontre, j’ai presque envie de dire « une belle rencontre », qui lui permettra de découvrir un tout nouveau sport : le judo.
Et là, je vais vous dire, c’est un régal. J’ai lu récemment un autre roman qui parlait des arts martiaux et qui n’était pas très réussi. Là, ce n’est absolument pas le cas. Nous sommes véritablement plongés dans la création de ce sport, de sa philosophie et j’ose utiliser ce terme. Je suis admirative de la manière dont Charles Haquet a su parfaitement lié toutes les informations liées aux principes de ce sport dans une intrigue politique – parce que revendiquer l’importance du sport et de l’éducation de tous est éminemment politique.
Je le dis d’entrée de jeu, la vie de Tosode va prendre un tournant auquel il ne s’attendait pas, notamment grâce à une rencontre providentielle – pour lui. Il faut en effet pouvoir le supporter, ce cher samouraï, et trouver quelqu’un qui veuille bien de lui est presque une gageure. Je dis aussi que d’autres personnages vont être confrontés à des choix, et se demander, justement, si ceux qu’ils ont fait jusque là sont si judicieux que cela. Prendre ses décisions sans se laisser influencer, ce n’est pas aussi facile que cela en a l’air, surtout quand on est jeune et presque seul.
Et l’hiver est là. Il est presque un personnage à part entière, tant il peut être rude pour les petites gens.
Le dénouement fait allusion à un personnage croisé dans La geisha de Yokohama. Un tome 6 verra-t-il le jour ?

L’Assassinat du Pont-Rouge de Charles Barbara

édition Magnard – 172 pages.

Présentation de l’éditeur (avec laquelle je ne suis pas d’accord du tout !) :

Paru en 1855, L’Assassinat du Pont-Rouge est te premier roman policier français. Dans cette oeuvre, qui fait apparaître en son coeur Baudelaire et même l’un de ses poèmes – offert à son ami Chartes Barbara deux ans avant que ne paraissent Les fleurs du Mal ! -, c’est la crise spirituelle du XIXe siècle qui prend corps : la certitude de la mort de Dieu conduit te héros à la déchéance absolue. Les visionnaires du XIXe siècle – Baudelaire, Sainte-Beuve et Barbey d’Aurevilly – ont d’ailleurs su reconnaître en leur ami Charles Barbara  » un de ces terribles dans le réel « . Ce roman policier au rythme haletant propose une peinture pittoresque de la Bohème parisienne et balaie tous tes horizons, de l’étude sociologique au roman d’aventures, en passant par le fantastique, la philosophie et la poésie. L’après-texte complet permettra d’approfondir l’étude d’un mouvement littéraire (le romantisme), mais aussi de plusieurs genres : le roman policier, le fantastique, la poésie. Il s’attache à mettre en pratique les formes du discours et du récit, de l’argumentation et de la mise en scène.
Mon avis ;
J’ai vu que les avis concernant ce livre étaient tous positifs. Le mien ne le sera pas, je préviens tout de suite. Le quatrième de couverture parle ici de « premier roman policier français ». Grand bien leur fasse. Il ne contient pas d’enquêteurs, seulement un juge d’instruction qui, parfois, apparaît et raconte comment le hasard l’a aidé à résoudre une affaire, croyant en résoudre une autre.
Non, pour moi, ce roman est avant tout celui d’une époque. Il a été publié en 1855, pendant le second Empire donc, et raconte la crise morale, spirituelle de d’une certaine frange de la population c’est à dire ce qui restait de la Bohème parisienne. Oui, je ne crois sincèrement pas que les parents de Joseph, né en 1856 et d’Aimée, née en 1858, mes arrière-arrière-grands-parents aient traversé une telle crise, en aient même eu le loisir, à dire vrai.
Je me suis un peu perdue avec les personnages, quasiment tous masculins, cherchant à faire leurs chemins dans la vie. Je croyais tenir le personnage principal, jusqu’à l’arrivée de Clément. Il a perdu la foi, il ne croit pas en Dieu, et comme il ne croit pas en Dieu, comme il ne croit pas aux vertus de la souffrance, indispensable à toute vie, à toute création, à toute envie de s’en sortie, il se montre non seulement hypocrite mais commet des actes réprouvés par la morale. Il est encore des personnes pour penser de nos jours que la souffrance est bonne. Je ne parle pas de la douleur, qui est un signal d’alerte à ne pas négliger, mais de la souffrance  qui ne permet pas , quoi que l’on pense, de faire carrière ou d’écrire.
Des hommes et des femmes. Trois femmes en fait : Mme Thillard, dont le mari se serait suicidé en se jetant dans la Seine, pris de remords après avoir ruiné sa famille, perdant notamment l’héritage de sa femme et de sa belle-mère (que l’on verra peu). Mme Thillard devient professeur de piano pour vivre, et donnera des leçons à Rosalie, dont le mari, ce fameux Clément, avait travaillé pour les Thillard. Oui, si Mme Thillard avait su, jamais elle n’aurait accepté de donner des leçons à Rosalie, qui n’est pas sans éprouvée une joie mauvaise à voir Mme Thillard ainsi rabaissée.
Mais Rosalie apparaît avant tout, comme Mme Thillard, comme une victime des hommes – et des femmes. C’est sa mère qui l’a contrainte à se prostituer. Et si elle quitte son amant en titre parce qu’elle tombe amoureuse de Rodolphe, celui-ci, attiré avant tout par sa beauté, mettra un certain temps avant de l’épouser. Elle ne se remettra jamais ni de sa grossesse ni de la naissance de son enfant. Oui, c’est tout à fait possible. Oui, il est possible aussi que le médecin, consulté fréquemment, ne trouve pas de causes physiques au dépérissement de Rosalie. Que sait-on de la dépression à cette époque ? Rien.
Certains passages de ce texte se teintent de fantastique, tout en me faisant penser à certaines croyances médicales qui avaient cours – ou comment, quoi qu’il arrive, même dans cette société dont une partie ne croit plus en Dieu, c’est toujours la femme la responsable.
Pas de rédemption possible, pour personne. Le châtiment ? Le remords perpétuel, et l’impossibilité, quoi qu’il soit fait, de réparer les fautes commises. Pessimiste ? Oui. L’existence de l’auteur fut pire encore.

La geisha de Yokohama de Charles Haquet

édition Le Masque – 288 pages.

Présentation de l’éditeur :

Un monastère zen dans les faubourgs de Kanazawa. Le moine Kodebu fait ses ablutions dans la cour endormie. Soudain, un cri retentit. Sur le toit de la Grande Pagode, une silhouette ailée brandit un corps inanimé. Elle le précipite dans le vide, sous le regard horrifié du moine. Qui est cette mystérieuse créature ? Pourquoi persécute-t-elle la communauté bouddhique ? Dans les sombres couloirs du monastère, la peur rôde… Pour résoudre cette énigme, Kodebu appellera son fidèle ami à la rescousse : Tosode, un ancien samurai qui erre sur les routes du Japon depuis la mort de son maître. L’enquête mènera les deux hommes dans les maisons de plaisirs du quartier Higashi. Ils y rencontreront Fumiko, une troublante geisha qui cache un terrible secret dans ses manches de soie…

Mon avis :

Tout d’abord, je tiens à remercier Pativore grâce à qui j’ai gagné ce livre pour l’anniversaire de son blog. La lecture de ce livre fut une belle découverte, au point que j’ai recherché si d’autres livres de cet auteur était disponible à la bibliothèque (oui, un, le tome 5 des aventures de Tosode).

L’action se passe dans un Japon en pleine mutation. Les samouraïs ne sont plus les guerriers tout puissants et craints qu’ils étaient, et doivent chercher un autre moyen de subsistance plus encore quand, comme Tosode, ils ont devenus des rônins, samouraï sans maître. Celui de Tosode a été assassiné. Ce n’est pas que Tosode a de la chance, c’est que son ami Kodebu l’appelle au secours. Le monastère de Kanazawa, où vit le moine Kodebu, est en proie à des attaques fréquentes, deux moines ont déjà perdu la vie, les autres ont peur. Une malédiction planerait-elle sur le monastère ? C’est ce que certains commencent à croire, et ce n’est pas très bon à cette époque où leur ordre est mis à mal au profit du shintoïsme. Qui aurait intérêt à ce que les moines soient chassés, le monastère détruit ?

Parallèlement, nous suivons Fumiko, geisha qui, par amour, a fui sa condition. Oui, éperdument amoureuse, elle l’a été, et son désir de vengeance est à la hauteur de la trahison qu’elle a subie. Par conséquent, elle fait preuve de patience, de persévérance, d’abord pour retrouver l’homme avec lequel elle avait bâti des projets d’avenir après avoir renoncé à tout ce qui avait constitué sa vie. Pour cela, elle entreprend un voyage qui lui fera croiser à plusieurs reprises le chemin de Tosode qui, parfois, n’en demande pas tant. A moins qu’il ne change d’avis. Les deux mondes – celui de la geisha et celui du moine Kodebu – semblent très éloignés, et pourtant… Aucun lieu ne semble vraiment propice au calme, à la sérénité et au pardon.

La geisha de Yokohama est un roman policier qui nous emmène loin dans le temps et dans l’espace, et nous permet, en plus de suivre une intrigue policière originale, de découvrir le Japon du XIXe siècle.