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Duane est amoureux de Larry McMurtry

Présentation de l’éditeur :

Duane a 64 ans. Il a perdu sa femme dans un accident de voiture, et ne s’en remet pas. Réalisant un vieux rêve, il est parti en Égypte pour tenter de soulager son chagrin, mais le retour à Thalia, la petite ville texane où il a passé toute sa vie, s’avère bien difficile : ses amis sont partis (quand ils ne sont pas morts), son entreprise, désormais dirigée par son fils Dickie, se porte très bien sans lui, ses filles l’ennuient et son cœur est en train de le lâcher. Heureusement, il y a l’amour… ou plus précisément la poitrine d’Annie Cameron, une jeune géologue particulièrement affriolante embauchée par son fils, et qui ne semble pas insensible aux charmes de notre héros. Il y a aussi Honor Carmichael, sa psychanalyste lesbienne, avec laquelle Duane s’est lancé dans une sorte de défi aux lois de l’attraction.

Mon avis : 

J’ai commencé par la fin, c’est à dire par le dernier tome de la série et comment dire ? Mon avis est plutôt mitigé, et je ne suis pas sûre qu’il aurait été différent si j’avais lu les trois tomes précédents, mettant en scène Duane.

Il revient d’un voyage en Egypte, accomplissant ainsi l’un de ses rêves. Et sa vie amoureuse, sexuelle, prendra un nouveau tournant, avec forces détails. Je n’irai pas jusqu’à dire que le sexe est devenu son sujet principal de préoccupations, mais cela y ressemble grandement. Veuf depuis deux ans de sa femme, décédée dans un accident de voiture, Duane a été amoureux de sa psy lesbienne Honor. Il est maintenant amoureux de la jeune Anne, qui travaille dans sa compagnie pétrolière. Il doit aussi faire face à des soucis de santé assez importants, qui risquent de l’emmener plus vite que prévu dans l’autre monde, d’autant plus qu’il ne se ménage absolument pas, renonçant certes à faire du vélo par grandes chaleurs, mais ayant une très grande appétence pour le sport en chambre.

Ce roman n’est pas désagréable à lire, mais je ne m’attendais pas à un contenu si débridé. Je ne m’attendais pas non plus à lire l’antisémitisme totalement assumé des deux filles de Duane, qui elles aussi ont une vie sentimentale des plus mouvementée : l’une a fait son coming out, l’autre veut rentrer au couvent. J’ai eu l’impression de découvrir une certaine Amérique, une Amérique qui a survécu à la crise, une Amérique qui a tenu vaille que vaille, en dépit de nombreux rebondissements (voir la vie personnelle de Bobby, le meilleur ami de Duane). Je pense que la brièveté des chapitres m’a aussi permis de lire ce livre sans trop de soucis.

Pour ma part, j’aimerai savoir ce que ceux qui ont lu les autres tomes de la saga ont pensé de ce final.

 

 

La montgolfière de Willa Cather

Présentation de l’éditeur : 
Cette nouvelle a été publiée au début du siècle dans le McClure’s Magazine à New York, puis reprise dans le premier recueil de Willa Cather, Youth and the Bright Medusa, que A. Knopf a édité en 1920.
Willa Cather raconte une histoire d’amour bohème dans le vieux New York, près de Washington Square, entre une jeune chanteuse arrivée de l’Ouest et un peintre.
Hedger est un solitaire, il vit avec son bouledogue César dans un studio, et l’arrivée d’une très belle voisine changera sa vie.
Mais il refusera de se laisser séduire par la gloire tandis que Eden Bower deviendra une star adulée par une cohorte d’admirateurs.
L’évocation nostalgique du New York des maisons magnifiques en grès brun, des réverbères, des voitures à cheval, n’est pas sans rappeler Henry James et Edith Wharton.
Mon avis :
Pour découvrir Willa Cather, et avant de me lancer dans une œuvre plus longue, j’ai découvert cette nouvelle de 85 pages. Elle met en scène deux artistes, Hedger d’un côté, Eden Bower, de son vrai nom Edna Bowers (oui, il faut choisir un nom qui fasse plus « star »).
Chacun a sa vision de ce qu’un artiste doit être, et le fait que leur point de vue soit diamétralement opposé causera une scission entre eux. Il est dommahe que le quatrième de couverture le dise d’entrée de jeu, gâchant ainsi, un peu, le plaisir de lecture. Tous les deux sont des artistes, pas de doute là dessus. Eden est une cantatrice, et, par le narrateur omniscient, par de nombreuses anticipations, et par une ellipse de vingt ans entre l’avant-dernier et le dernier chapitre, nous saurons qu’Eden deviendra une cantatrice adulée, honorée en Europe, et qu’elle gèrera avec soin sa carrière et son argent. Nous saurons qu’Hedger deviendra un peintre reconnu, à sa manière, c’est à dire celle d’explorer toutes les formes de son art, sa volonté de ne pas se répéter, au grand dam de ceux qui exposent ses oeuvres, au grand dam aussi d’Eden, qui aurait bien aimé le voir percer.
Hedger n’est pourtant pas un artiste maudit, il est un solitaire qui se contente de très peu pour vivre – payer son loyer, avoir de quoi manger, de quoi nourrir son chien aussi, dont il prend grand soin. Ce trait dominant de son caractère est à recherche dans son enfance – abandonné, il n’a pas connu ses parents, et il doit à la bienveillance d’une personne que la vie aura mis sur son chemin d’avoir pu se cultiver, accéder à l’art. Autonome, il lui manque cependant quelques « codes », et si espionner sa voisine ne le questionne pas du tout, ne lui pose aucun problème moral, le narrateur omniscient est là pour nous rappeler que non, ce comportement est tout sauf « normal ».

Edna, elle, apparaît comme différente des autres membres de sa famille, mais elle a aussi su très tôt comment tout mettre en oeuvre pour parvenir à vivre de son art. Etre une cantatrice, oui. Etre une courtisane, une femme que l’on ne respecte pas, non.
A découvrir, même si ce n’est pas forcément la meilleure oeuvre de Willa Cather.

Arpenter la nuit de Leila Mottley

édition Albin Michel – 416 pages

Présentation de l’éditeur :

Kiara, dix-sept ans, et son frère aîné Marcus vivotent dans un immeuble d’East Oakland. Livrés à eux-mêmes, ils ont vu leur famille fracturée par la mort et par la prison. Si Marcus rêve de faire carrière dans le rap, sa soeur se démène pour trouver du travail et payer le loyer. Mais les dettes s’accumulent et l’expulsion approche.
Un soir, ce qui commence comme un malentendu avec un inconnu devient aux yeux de Kiara le seul moyen de s’en sortir. Elle décide de vendre son corps, d’arpenter la nuit. Rien ne l’a pourtant préparée à la violence de cet univers, et surtout pas la banale arrestation qui va la précipiter dans un enfer qu’elle n’aurait jamais imaginé.

Mon avis : 

Tout d’abord, je tiens à remercier les éditions Albin Michel qui m’ont permis de découvrir ce livre – je rédige bien tard mon avis.

Black lives matter. Mouvement politique plus que jamais d’actualité. Et la vie des femmes ?

Kiara a 17 ans. Elle vit dans un appartement à Oakland, avec son grand frère Marcus. Il tente de percer dans le rap, comme leur oncle l’a fait avant lui. Lui et ses potes mettent toute son énergie dans son projet. Marcus ne pense qu’à ça, sa soeur devrait comprendre qu’il ne peut pas s’occuper du reste, c’est à dire de toutes les préoccupations de la vie quotidienne : payer le loyer, qui a encore augmenter, remplir le frigo, etc, etc… Oui, l’on a appris aux filles, aux femmes, à prendre soin de leur père, de leur mari, de leurs frères, de leurs fils. Qui leur a dit qu’il fallait aussi qu’elles prennent soin d’elles-mêmes ? Personne. Kiara, qui a tenté à maintes reprises de trouver un travail, se tournera vers ce que l’on nomme « le plus vieux métier du monde ».

Ce n’est qu’une des étapes dans la vie chaotique de Kiara. Oui, elle fera des mauvaises rencontres, et pas forcément celles auxquelles on pense. Police, corrompue, justice, à la ramasse : un très bon avocat sait jouer avec les failles du système, et elles sont particulièrement nombreuses. Ce n’est pas faute, pour Kiara, de se démener, pour son frère, pour les amis de son frère, pour cet enfant qui est quasiment livrée à elle-même, ou pour ce bébé qui a besoin de son père – c’est à dire d’un père qui ne soit pas en prison. Et qui se démène pour elle ? Oui, je sais, je me répète. J’ai eu très souvent l’impression qu’elle était irrémédiablement seule, et j’ai eu souvent l’impression de lire un récit dans lequel l’espoir était absent. Savoir que ce récit est inspiré de faits réels n’est pas non plus la révélation la plus encourageante qui soit.

Bien que nous sommes en Californie, un état que l’on se représente en règle générale comme « ensoleillé », « chaleureux », j’ai trouvé ce récit particulièrement glaçant, comme si, parfois, la narratrice cherchait à tenir à distance ce qui lui arrivait, comme si, parfois, tout cela était « trop », tout en étant en même temps quasiment inévitable. Tragique ? Oui. Et je terminerai par ces mots.

Le Sourire de Jackrabbit de Joe R. Lansdale

édition folio policier – 310 pages.

Présentation de l’éditeur :

À Marvel Creek, petite ville reculée du Texas, racistes et fanatiques font la loi… jusqu’à l’arrivée de Hap et Leonard.
Hap Collins, ouvrier texan idéaliste devenu enquêteur, est heureux : il se marie enfin avec sa compagne Brett, qui dirige l’agence de détectives où il travaille avec son vieil ami, Leonard, noir, gay, républicain et bagarreur. Mais en pleine noce surgit une famille d’intégristes religieux, qui leur demande de retrouver leur fille fraîchement disparue, surnommée Jackrabbit.
Fusillades, bastons et humour sont au rendez-vous dans cette nouvelle aventure de Hap Collins et Leonard Pine, mais le regard que porte Joe R. Lansdale sur la profonde fracture de la société américaine actuelle, et sa culture de la violence, n’a sans doute jamais été aussi tranchant.

Mon avis :

Il y a quelque chose de pourri au Texas, et pas seulement au Texas. Pourtant, ce nouveau tome des aventures de Hap et Leonard avait très bien commencé. Hap s’était marié avec Brett. Vive les mariés ! Tout le monde, absolument tout le monde était content pour eux (même une petite fille qu’ils soupçonnent fortement de plus tenir du vampire que de l’être humain) quand des humains qui étaient assez éloignés de l’humanisme sont venus troublés le repas de mariage parce qu’ils avaient besoin du duo d’enquêteurs pour retrouver leur fille et soeur, surnommée Jackrabbit. Racistes ? Je dirai plutôt qu’ils redéfinissent ce qu’est le racisme, et qu’ils ne sont pas les seuls à penser de manière aussi tordue.

Le pire ? Celui qui est nommé le Professeur. Pourquoi ? Il est intelligent, il manie parfaitement la rhétorique, rassurant ainsi ceux qui l’entendent dans leur convictions crasses. Mais Hap et Leonard connaissent hélas très bien (trop bien) ce genre de discours, et maîtrisent parfaitement l’art de le démonter, tant ils ont l’habitude de l’entendre. Pour citer Leonard : « Ségrégationniste, c’est juste une autre façon d’épeler raciste, dit Léonard . La seule différence entre les deux mots, c’est que le plus long porte une cravate et un costume. » Oui, et même si cela paraît incroyable, il est encore des personnes que l’amitié entre un blanc et un noir dérangent. Alors quand une jeune femme blanche se met en couple avec un homme noir et a un enfant avec lui, ces mêmes personnes sont scandalisées – voire même bien pire.

Hap et Leonard s’impliquent fortement, ne reculent devant rien. Les menacer, chercher à les impressionner ? C’est une très mauvaise idée. Parce qu’il est une personne qui ne peut absolument pas se défendre, au beau milieu de Marvel Creek, cette ville de tordu, c’est bien le bébé de Jackrabbit. Et, pour lui, ils ont bien l’intention d’aller jusqu’au bout, quitte à se faire aider de renfort – je pense au conjoint de Leonard, un chic type.

Je pense aussi, parce que les deux hommes n’oublient personne, à Rex, un chien qui a été maltraité de tout temps par son « maître ». Leonard ne se trompe pas, ce n’est pas le chien qui est responsable, c’est l’homme qui l’a rendu ainsi. « Je suis un libérateur » dit Leonard. Il a bien raison.

 

No Name Bay par Russell Heath

Présentation de l’éditeur :

Alors que Rinn s’éloigne discrètement des lieux d’un sabotage pour se réfugier dans la forêt, il ignore qu’un homme est sur le point de mourir. Lorsque son ancienne compagne, Kit Olinsky, une militante écologiste, est accusée puis arrêtée pour le meurtre, il découvre que les preuves contre elle sont accablantes. Mais l’incarcération de Kit semble arranger un sénateur local corrompu qui, désormais débarrassé d’elle, peut se tracer un chemin jusqu’au poste de gouverneur. Lorsque celle-ci est libérée sous caution, elle est plus déterminée que jamais à faire tout ce qui est en son pouvoir pour rétablir son nom et arrêter la mécanique implacable et destructrice, qui une fois lancée semble vouloir tout écraser sur son passage. Rongé par la culpabilité d’avoir laissé des preuves l’ayant incriminée, Rinn décide de laisser derrière lui sa vie isolée dans les montagnes pour lui venir en aide. Il est prêt à tout sacrifier pour sauver Kit, mais ce qu’elle va lui révéler bouleversera sa vie à jamais.

Merci aux éditions Mera et à Netgalley pour ce partenariat.

Mon avis :

Je reconnais que j’ai eu du mal à lire ce livre, non parce que j’étais victime d’une panne de lecture, mais parce qu’il s’agit d’un thriller éco-politique (c’est moi qui donne cette étiquette) et que ce n’est pas un genre que j’explore souvent. Cela m’arrive rarement, mais je me suis perdue avec le nom des personnages, Rinn, Kit, Dan, Macon… tout restait un peu flou pour moi, y compris les liens qui les unissaient réellement. Pour Rinn et Kit, militants écologistes tous les deux, c’est une grande histoire d’amour passée, une histoire aussi où Rinn demandait à Kit toujours plus sans rien lui donner en retour de ce qu’elle désirait vraiment, l’amenant, comme dans la chanson de Goldmann, à faire un bébé toute seule. Dan, lui, c’est l’ami de longue date, qui a été témoin de leurs engagements respectifs, et qui s’est éloigné de Rinn après sa rupture avec Kit – j’ai envie de dire après sa rupture avec la société tout court. Dan est aussi celui qui exploite les forêts, coupe le bois – ou plutôt  ses hommes – et fait vivre bien des familles avec ce commerce.

De l’autre côté, nous avons l’Alaska, son gouverneur, ses lois, le vote de ses lois, et, pour quelqu’un comme moi qui ne maîtrise pas du tout le système politique américain, je dois dire que je me suis souvent égarer dans les méandres des magouilles nécessaires pour faire voter des lois vraiment nécessaires pour les amérindiens. Bien sûr, en disant « magouilles », je simplifie à l’extrême, mais le roman nous montrera des scènes particulièrement significatives, comme le travail des militants bénévoles sur le terrain, les tractations avant les séances de la chambre, et les séances elles-mêmes – attention à ne pas rater le dernier avion ! Tout peut arriver, tout peut être chamboulé, les alliances peuvent très vite devenir caduques, les ambitions personnelles passant (parfois/souvent/toujours) avant l’intérêt des habitants. Il ne s’agit pas seulement des lois sur la subsistance, il s’agit aussi de la loi anti-avortement, dont le traitement est particulièrement significatif aussi.

La mort d’un homme devient aussi un levier politique. Enquêter, oui, brouiller les pistes aussi, et ne pas toujours être très regardant avec les procédures tant que cela peut nuire à l’adversaire politique. J’ai souvent eu le sentiment que Kit était quasiment seule avec son fils, que celles avec qui elle se bat depuis des années n’étaient pas forcément prêtes à la soutenir coûte que coûte, sauf rares exception. Elle n’est pas la seule à expérimenter ce sentiment de solitude.

Bizarrement, je suis restée sur ma fin en terminant ce livre, comme si une suite était possible, pour débrouiller enfin certains noeuds, et asseoir les ambitions de certains. Pourquoi pas ?

pour illustrer ce polar qui m’a mené en Alaska, autant prendre Hawaï.

 

Sur la route de Madison de Robert James Waller

Présentation de l’éditeur :

Francesca Johnson, fermière de l’Iowa, était seule cette semaine-là ; son mari et ses enfants s’étaient rendus en ville pour la foire agricole. Sa rencontre avec Robert Kincaid, écrivain-reporter qui photographiait les ponts du comté de Madison, eut lieu au cours de l’été 1965. Dès leur premier regard, ils surent qu’ils étaient faits l’un pour l’autre de toute éternité. Ils ne disposaient que de quelques jours pour se connaître, s’aimer et vivre une vie entière de passion silencieuse, avide et sans espoir.

Mon avis : 

Ne pas lire ce livre pendant le quart d’heure lecture, au cas où les larmes vous viendraient aux yeux. Je ne parle pas tant de la partie « passion », ces quelques jours qu’ils ont passé ensemble, je pense plutôt à l’avant et à l’après – l’avant, ce moment qui nous préparent au récit, et l’après, quand la vie quotidienne reprend le dessus, quand des rituels sont mis en place pour se souvenir, quand certaines actions ne sont pas vraiment comprises par les proches, même si ceux-ci, justement, ont autre chose à faire qu’être proches.

Francesca est une femme qui, au départ, n’a pas un destin ordinaire, elle a quitté l’Italie pour les Etats-Unis, suivant un beau G.I. qui lui promettait… quoi ? Une vie bien tranquille au fin fond de l’Iowa ? Peut-être pas. Alors oui, là-bas, les gens sont gentils, ils se préoccupent de toi, mais ils sont aussi très bavards, et ne se préoccupent pas tellement de la culture, pour ne pas dire pas du tout. Francesca en souffre-t-elle ? Oui, un peu, malgré tout. Comme elle ne peut pas vraiment avouer qu’elle ne comprend pas les goûts et les choix de son mari et de ses enfants.

Aussi la rencontre avec Robert Kincaid, écrivain-reporter est-elle … hors du temps, de son temps, de ce quotidien. Alors oui, la fin est connue, mais pouvait-il en être autrement ? Je ne le pense pas.

Oh, William ! par Elizabeth Strout

édition Fayard – 260 pages

Présentation de l’éditeur :

Pour Lucy Barton, le coeur de William, son ex-mari, a toujours été un mystère. Pourtant, malgré les années, ils sont restés intimement liés. Lucy n’est donc pas étonnée lorsque William lui demande de l’accompagner pour enquêter sur un secret de famille. En route vers le Maine, les anciens amants évoquent leurs souvenirs et dressent le bilan d’une existence partagée, de l’université jusqu’à la vie avec de nouveaux conjoints, en passant par la naissance de leurs filles. Elizabeth Strout dépeint de sa plume exquise les peurs et les incertitudes, les joies simples et les gestes tendres de ses personnages. Oh, William ! signe le retour de son héroïne fétiche, Lucy Barton, pour une méditation magistrale sur la famille.

Mon avis : 

Il est des choses qu’il est difficile d’expliquer. J’aime écouter la voix de Lucie Barton, j’ai aimé l’écouter dès que j’ai lu Je m’appelle Lucy Barton et après Tout est possible. J’aime cette voix. J’aime ce qu’elle nous raconte, en confidence. J’ai lu quasiment d’une traite ce livre, tant j’ai aimé écouter cette voix, que j’ai l’impression d’entendre encore en écrivant cet avis.

Lucie avait enfin trouvé la sérénité auprès de son second mari, une sérénité qu’elle n’avait pas auprès de William, son premier mari, avec lequel elle a eu deux filles. Aujourd’hui, Lucie a 64 ans, elle est veuve de son second mari. Elle est restée proche de William, son premier mari. Elle raconte leur vie, le présent, mais aussi le passé. Elle essaie de comprendre pourquoi leur vie de couple s’est déroulée ainsi, sous la bienveillante domination de sa belle-mère. Lucy, nous lecteurs qui suivons ses récits, savons à quel point elle a souffert dans son enfance, dans son adolescence, comment, contrairement à son frère, elle a eu la chance de s’extirper de cette violente absence d’amour – et pire encore.

Sereine, Lucy l’est encore, y compris quand la vie de William s’écroule, à la suite de deux événements qui n’ont aucun lien l’un envers l’autre. Ils sont encore tous les deux tellement liés que, quand il part à la recherche du passé de sa mère, de tout ce qu’elle lui avait caché. J’ai eu l’impression que l’on tendait un miroir à Lucy, lui montrant d’autres enfances bouleversées que la sienne.

En lisant ces livres, j’ai eu aussi l’impression que le destin de Lucy lui permettait de parcourir les Etats-Unis. L’Illinois, où elle est née et a grandi. New York, où elle a étudié, s’est mariée, est devenue autrice. Le Maine, d’où est originaire la mère de William. L’intertextualité est importante dans ce qui est pour l’instant une trilogie, puisque Lucy écrit son histoire, que nous connaissons en lisant nous-mêmes les livres dont elle est l’héroïne, et que d’autres personnes lisent ces livres, et apportent des informations complémentaires sur ce récit autobiographique.

 

Les gens des collines de Chris Offutt

Présentation de l’éditeur :

Depuis quatorze ans dans l’armée, où il est devenu enquêteur, Mick Hardin revient dans ses collines natales du Kentucky pour constater que son mariage est brisé. Sous le choc, il s’enferme dans la cabane de son grand-père avec une solide provision de bourbon. Mais sa sœur Linda, première femme shérif du comté et pas du genre à se laisser marcher sur les pieds, vient solliciter son aide sur une affaire : le cadavre d’une jeune veuve vient d’être retrouvé dans les bois. Or les gens des collines ont tendance à rendre justice eux-mêmes, d’où la nécessité de court-circuiter les rumeurs inopportunes, avant que les vendettas ne dégénèrent. Peut-être Mick, enfant du pays et vétéran respecté, pourra-t-il apprendre la vérité et agir à temps ?
Comme Nuits Appalaches, le nouveau roman de Chris Offutt plonge dans l’univers âpre des collines du Kentucky, où la violence côtoie parfois une certaine poésie.

Mon avis : 

Bienvenu dans le Kentucky, le Kentucky profond, où l’on sait bien vous recevoir, sans aucun souci.

J’exagère à peine. Mick Hardin est en permission, une permission qu’il prolonge, qu’il étire au-delà du possible et des règles. Il est chez lui dans ce Kentucky rural, où chacun se connaît, connaît les familles, les lignées, les liens entre eux, les inimitiés entre eux. Ici, on pardonne – mais pas tout de suite.

C’est peu de dire que Mick se laisse aller, disons plutôt qu’il a pris une sacré cuite. Quand sa soeur, shérif, vient le chercher parce qu’elle a besoin de son aide pour une enquête, elle pense autant à elle qu’à lui – il faut absolument le sortir de son marasme, dont on connaîtra la cause au fur et à mesure de la lecture – avant de découvrir son « visage professionnel » lors du dénouement. Lui et sa soeur sont des personnalités qui sortent de l’ordinaire, et qui, en l’état actuel des choses, doivent empêcher les gens des collines de se faire justice eux-mêmes. Pas simple.

C’est comme si l’histoire ne commençait pas aujourd’hui, mais bien avant, dans tous les liens qui se sont tissés entre les familles, dans toutes les traditions que certains ont essayé de faire perdurer, sans véritable succès – il est des enfants qui ont le réflexe de partir le plus loin possible de ces collines. Non, je ne me suis pas vraiment demandé pourquoi, l’espérance de vie me semble vraiment plus brève qu’ailleurs dans ces collines. La faute aux balles ou aux conditions de vie difficile ? Les deux, sans doute.

J’ai lu ce livre sans voir le temps passer, en deux temps, et en dépit de récits sanglants, douloureux, j’ai vraiment apprécié cette lecture. Bien sûr, je sais que ce n’est pas possible, mais j’aurai bien vu un autre roman se situant dans ces collines, pour mettre en scène d’autres récits de ces personnes pour qui le temps semble s’être arrêté.

73e lecture – Kentucky

Jamais plus de Colleen Hoover

Présentation de l’éditeur :

Lily Blossom Bloom n’a pas eu une enfance très facile, entre un père violent et une mère qu’elle trouve soumise, mais elle a su s’en sortir dans la vie et est à l’aube de réaliser le rêve de sa vie : ouvrir, à Boston, une boutique de fleurs. Elle vient de rencontrer un neuro-chirurgien, Ryle, charmant, ambitieux, visiblement aussi attiré par elle qu’elle l’est par lui. Le chemin de Lily semble tout tracé. Elle hésite pourtant encore un peu : il n’est pas facile pour elle de se lancer dans une histoire sentimentale, avec des parents comme les siens et Atlas, ce jeune homme qu’elle avait rencontré adolescente, lui a laissé des souvenirs à la fois merveilleux et douloureux. Est-ce que le chemin de Lily est finalement aussi simple ? Les choix les plus évidents sont-ils les meilleurs ? Le chemin d’une jeune femme pour se trouver et pour rompre le cycle de la violence. Est-ce que l’amour peut tout excuser ?

Merci aux éditions Audible et à Netgalley pour ce partenariat.

Mon avis :

J’ai un souci avec ce livre. Je devrai plutôt dire plusieurs. J’ai souhaité le découvrir parce qu’une de mes élèves le lisait lors du quart d’heure lecture, qu’elle me disait les difficultés qu’elle avait à le lire bien qu’elle soit une bonne lectrice. J’ai eu alors envie de le découvrir.

Je noterai d’abord les points positifs. J’ai beaucoup aimé la lecture de Lila Tamazit, j’ai pris plaisir à l’écouter me lire ce texte, à suivre chacun des personnages, qu’elle parvient à nettement caractériser, j’ai vraiment aimé son expressivité. J’ai trouvé intéressant aussi les retours en arrière, quand Lily relit son journal intime, quand elle revit son adolescence, ce qu’elle a vécu avec Atlas, ce jeune homme SDF victime lui aussi d’une certaine forme de violence parentale.

Ce que je n’ai pas aimé ? L’intrigue. Oui, je comprends qu’il soit important de parler des violences conjugales, je comprends très bien que l’héroïne a souffert du climat de violence dans lequel elle a grandi, reprochant, mais pas explicitement, à sa mère de ne pas avoir quitté son père, d’avoir subi, encore et encore, les sévices physiques. Lily reconnaît cependant que son père pouvait avoir de grandes qualités – quand il n’était pas « en crise ». Et, juste après l’enterrement de son père, elle rencontre Ryle : il est beau, il est riche, il est neuro-chirurgien, bref, il m’a aucun défaut. En apparence. Mais rien n’est simple et plusieurs choses m’ont fait tiquer en découvrant le déroulement de leur histoire d’amour. Ou plutôt, de leur histoire de sexe, parce que c’est vraiment de cela dont il s’agit dans ce roman. Ce n’est pas tant le caractère érotique de l’oeuvre qui m’a dérangé, c’est proprement certaines situations un peu limite – la notion de consentement est à revoir. J’ai eu envie de dire à Lily « fuis » – preuve que, même avec ce qu’elle a vécu, elle passe outre ce qui lui arrive. L’on me dira que, quand on a vécu la violence étant enfant, on a tendance à se lancer dans une relation qui reproduira le schéma parental. Certes. Mais j’ai trouvé cela énorme, hors-norme, comme le fait qu’Alyssa, la soeur de Ryle, devienne spontanément la première et la seule amie de Lily. Comment se construire quand sa vie n’est qu’une immense solitude ? Difficilement.

A vous de voir si vous voulez vous lancer dans cette lecture. J’ai découvert aujourd’hui qu’une suite allait paraître en français en janvier 2023.

L’antre du diable par Douglas Preston, Lincoln Child

traduction de Sebastian Danchin

Présentation de l’éditeur :

Sept décennies après, le mystère plane encore à Roswell… Licenciée de l’Institut archéologique de Santa Fe, Nora Kelly accepte la proposition pour le moins inattendue du milliardaire Lucas Tappan : diriger des fouilles sur le site de Roswell, où un ovni se serait écrasé en 1947 ! En fait de vaisseau, Nora met au jour les corps de deux inconnus abattus d’une balle en pleine tête. Détail étrange : deux disques d’argent sont retrouvés auprès des cadavres. Aussi fait-elle appel à la jeune agente du FBI Corrie Swanson. À mesure que progresse l’enquête, les incidents se multiplient sur le chantier. Disparitions suspectes et morts violentes apportent bientôt la preuve qu’une puissance – extraterrestre ou non – est en action, prête à tout pour protéger certains secrets.

Dans cette aventure, la plus déstabilisante et la plus périlleuse qu’elles aient jamais vécue, Nora et Corrie sont aux prises avec des forces qui les dépassent…

Mon avis : 

Merci aux éditions l’Archipel et à Netgalley pour ce partenariat.

Je le reconnais, j’aime suivre les aventures de Nora Kelly, de son frère, et de Mitty, leur chien – ne pas oublier le chien, très important pour moi. Oui, je suis le genre de lectrice qui pense qu’un animal ne doit pas être maltraité au cours d’un roman. Voilà, c’est dit.

A l’institut archéologique de Santa Fe, cela ne va pas fort, et si vous suivez les avetures de Nora, comme moi, vous pouvez vous en douter. Le poste qui lui revenait de droit lui a passé sous le nez, son remplaçant est tout sauf à la hauteur, et quand un milliardaire qui semble ne pas savoir quoi faire de son argent se propose de sponsoriser des fouilles archéo-extraterrestres, la coupe est pleine, elle déborde, et Nora claque la porte. Seulement… c’est elle que Lucas Tappan veut pour diriger ses fouilles, c’est bien elle qui en prendra la direction : il sait être convaincant (non, je ne vous dirai pas comment il l’a convaincue !). Tout commençait bien, ou presque, jusqu’à ce qu’elle et son équipe trouvent deux corps pas vraiment morts de morts naturelles. C’est alors que le FBI entre en scène.

Je ne vous cacherai pas que les aventures de Nora sont toujours aussi agréables à lire, même si j’ai trouvé certaines péripéties un peu répétitives par rapport au volume précédent. Certes, ce n’est pas pour rien que l’armée est surnommée la grande muette, cependant j’ai trouvé que c’était un peu trop – un peu trop de complot, un peu trop de secrets très bien gardés, trop bien gardés, un peu trop de personnes prêtes à tout pour que les secrets restent profondément enterrés. Je me surprends à espérer que c’est ici le dernier tome de ses aventures, parce que Nora en voit vraiment des vertes et des pas mûres dans ce volume, elle mériterait non de très longues vacances, mais de très longues recherches couronnées de succès.

J’en oublie presque Corrie, et pourtant, elle est là, et bien là. Elle aussi traversera beaucoup d’épreuves – la misogynie a encore de beaux jours devant elle, quoi qu’en disent certains. J’ai eu l’impression qu’elle était un peu en retrait dans ce volume, mais peut-être n’est-ce qu’une impression. Voler de ses propres ailes n’est pas toujours facile, surtout quand on ne sait plus vraiment sur qui compter.