Archive | décembre 2019

Refuge de Terry Tempest Williams

Présentation de l’éditeur :

Utah, printemps 1983. La montée des eaux du Grand Lac Salé atteint des niveaux records et les inondations menacent le Refuge des oiseaux migrateurs. Hérons, chouettes et aigrettes neigeuses, dont l’étude rythme l’existence de Terry Tempest Williams, en sont les premières victimes. Alors qu’elle est confrontée au déclin de ces espèces, Terry apprend que sa mère est atteinte d’un cancer, comme huit membres de sa famille avant elle – conséquence probable des essais nucléaires menés dans le Nevada au cours des années 1950. Bouleversée par la douleur de celle qu’elle accompagne dans la maladie, Terry se plonge dans une enquête sur les effets dévastateurs des retombées radioactives.

Mon avis :

Quand un individu a un cancer, toute sa famille l’a avec lui. (p. 238).

Cette phrase, par sa justesse, par le fait qu’elle dit si bien ce que nous sommes en train de vivre dans ma famille, je voulais qu’elle ouvre ce billet.

Cette oeuvre a été écrite en 1991, et traduite en français seulement vingt ans plus tard – de cela,  nous pouvons remercier les éditions Gallmeister, qui trouvent vraiment des oeuvres d’une rare beauté.

Terry, l’autrice, est aussi la narratrice de ce livre. Chaque chapitre porte le nom d’un de ses oiseaux qu’elle observe, dont la vie est menacée par la montée des eaux du Grand Lac Salé mais aussi par l’indifférence des hommes. Il faut pourtant trouver une solution à cette montée des eaux : les industries perdent de l’argent – oui, les hommes ne sont pas indifférents pour tout.

Ce n’est pas un livre facile à vivre, parce qu’il fait voir ce que c’est, au jour le jour, que l’accompagnement d’une personne qui souffre d’un cancer, d’une personne qui a en plus décidé de lâcher prise, de profiter de chaque jour, et qui sait que la mort est au bout du chemin. A la fin du livre, dans le texte écrit dix ans après sa parution, Terry Tempest Williams montre bien l’évolution de la manière dont la maladie est prise en charge : ne plus avoir « honte » de cette maladie, pouvoir en parler, échanger, est important (si les personnes en font le choix, bien sûr).

S’il faut qualifier la manière dont la mère de Terry est accompagnée par son médecin, je dirai que les mots « avec humanité » – le médecin respecte ses choix, y compris celui de ne pas mourir à l’hôpital. Il est des moments très durs à lire, il faut cependant se dire que chacune des réactions est profondément humaine, oui, je redis le mot, et qu’il est possible à chacun de flancher, de ne pas réagir comme on s’y attendait, et aussi de dire « oui, je n’aurai pas dû, j’ai fait une erreur ».

Bien sûr, il est des maladresses aussi, et Mimi, la grand-mère de Terry, n’hésite pas à corriger le médecin qui minimise (pour la rassurer ?) l’intervention qu’elle s’apprête à subir. Nous sommes au plus près de la vie et de la mort dans ce livre, et l’autrice nous livre les faits tels qu’ils sont, sans les embellir, sans sombrer dans le pathos, sans jamais faire croire que c’est facile – surtout pas facile à accepter.

Et il y a les oiseaux, qui l’aident à tenir, qu’elle observe, qu’elle cherche, qu’elle retrouve parfois, dans cette nature, dans ce refuge qu’elle connaît. Il est question de religions, aussi, la religion mormone. Jamais il n’est question de prosélytisme, mais du soutien qui leur fut apporté, moralement, physiquement.

Alors… si vous aimez le nature writing, ou si vous avez envie de découvrir ce genre, Refuge est véritablement à découvrir.

 

Les Soeurs de la lune, tome 13 : Haunted Moon de Yasmine Galenorn

édition Milady – 384 pages.

Présentation de l’éditeur :

Il y a un nouveau sorcier parmi nous : Bran, le fils de la Mère Corneille et de la licorne noire, et bien malgré moi, je dois lui servir d’intermédiaire avec notre agence outremondienne. Lorsque des cimetières sont pillés et que les esprits sont capturés par une force surnaturelle sinistre, la reine nous envoie sauver une dignitaire fae de haut rang. La piste nous conduit jusqu’au seigneur des fantômes… et dans le royaume des morts.

Mon avis :

Après un tome 11 et un tome 12 longtemps attendus et appréciés, je dois dire que cette lecture-ci est une petite déception. Déjà, Camille n’est pas ma soeur favorite, je crois l’avoir déjà dit, mais là, j’ai plus eu l’impression de lire une aventure d’Anita Blake qu’une aventure des soeurs d’Artigo. Pourquoi ? Parce que le problème qui se pose aux soeurs ne sera vraiment étudié qu’à la moitié du roman, la première partie étant consacrée à l’initiation, au perfectionnement magique de Camille. Cela ne m’a pas vraiment intéressé, non plus que le rôle de ses trois maris – j’ai toujours envie de zapper ces scènes érotiques, très présentes toujours dans les volumes consacrés à Camille.

Heureusement, la partie qui est consacrée à la lutte contre le nouvel adversaire et le cercle de sorciers qui l’aide (volontairement ou non, les recrues ne savent pas vraiment ce qui les attend) est beaucoup plus intéressante à mes yeux. Nous sommes vraiment au coeur de l’action, au coeur du danger aussi : les soeurs, leurs proches, ont déjà payé un tribu assez conséquent pour cette lutte. Et cela ne semble pas devoir s’arrêter de si tôt. Nous nous retrouvons dans un quartier de la ville que nous avons déjà visité, connu pour sa grande concentration de fantômes et de cimetières abandonnés, comme si l’un n’allait pas sans l’autre. Une distinction est d’ailleurs opérée entre les différents types de fantômes – et le personnage d’Ivanka, pourtant pas vraiment proches des soeurs, se retrouve dans leur cercle.

Je n’ai pas vraiment eu l’impression que l’action progressait beaucoup, comme si ce tome était un passage obligé. Heureusement le prochain, dont la parution est annoncé fin janvier, met en scène Delilah – très en retrait dans ce tome, tout comme Menolly.

Journal d’un louveteau garou – le bal 2

Cher journal
Écrire pendant le bal, je pensais que ce serait difficile. Pas du tout ! il faut dire que l’on s’ennuie copieusement. (Oui, je ne vais pas censurer mon propre journal, n’est-ce pas ? ).
Nous entrâmes à huit heures, heure officiel du début du bal. J’avais déjà vu plein de téléfilm américains, des séries aussi, dans lesquels le bal se déroule dans un gymnase somptueusement décoré. Là aussi, cela se passe dans le gymnase. Pour la décoration, je la qualifierai de totalement absente. Raison de sécurité et de budget. Surtout de sécurité.
– Apparemment, me souffla Paul, un louveteau serait monté au sommet du sapin au beau milieu du bal il y a six ans, provoquant ainsi son effondrement. C’est ma sœur qui me l’a dit.
Comme si les propos des grandes soeurs étaient à prendre au sens propre !
Notre professeur vampire DJ était bien là, avec ce que j’identifiai comme un piano à queue et un micro. Flûte alors ! Le principal adjoint avait quant à lui une pile de partition à la main. Cela ne me disait rien qui vaille.
– Chers louveteaux (et un larsen, un), chères louvetelles, enfin, vous qui allez vous embêter toute la soirée ici, je peux vous dire que vous n’êtes pas les seuls. J’ai eu cette année un aperçu de ce que c’était, la musique lupine, et en deux cents ans, je n’avais rien entendu de pire. Je vais donc jouer au piano (il donna une grande claque sur l’instrument qui ne s’écroula pas) les plus beaux morceaux de ma jeunesse, sans oublier des classiques que vous ne connaissez sans doute pas, enfin, surtout pas ceux qui font semblant d’écouter mes cours et dorment les yeux grands ouverts. Monsieur le principal, à vous ! »
Notre principal a tout simplement déclaré le bal ouvert. Le pauvre ! Quoique… Il n’aime peut-être pas danser.
La première heure, il ne se passa pas grand chose. Il faut dire que notre professeur vampire enchaînait valse sur polka, mazurka sur valse. De temps en temps, il émettait quelques grognements, qui ramenaient illico le principal à ses côtés. Je suis presque sûr l’avoir entendu murmurer « non mais vous inquiétez pas, je ne vais pas dézinguer un louveteau. Par contre, il est probable que je me barre avant la fin du bal s’ils continuent à être aussi mous ! C’est quoi cette génération ? J’ai connu des vampires en hibernation plus vivaces !  »
Deuxième heure, enfin un peu d’animation. Il faut dire que nous n’avions plus droit à des classiques, mais à des oeuvres plus remuantes.
– Et ils appellent ça danser ! Si quelqu’un filme, il aura l’impression que c’est au ralenti ! J’ai connu des thés dansants plus mouvementés.
Pourtant, j’avais l’impression que nous nous démenions pas mal. Le thème du bal avait aussi été respecté – beaucoup de vert, beaucoup trop de vert.
Bien sûr, aucune fille ne portait des chaussures à talon – des louves en escarpins, vous rêver ! Puis, comme me souffle Sarah « ce n’est pas pratique pour danser ».
Survint alors un grand « boum ». C’était notre professeur qui avait violemment rabattu le couvercle du piano.
– C’est catastrophique. J’en vois même deux qui se sont endormis. Alors, je m’accorde une pause bien méritée et pendant ce temps je vous suggère de continuer à vaquer à vos occupations, c’est à dire faire du surplace.
Nous trouvâmes que c’était très exagéré. Néanmoins, comme nous nous ennuyions ferme, nous décidâmes Mathieu et moi de rentrer à l’internat et de nous coucher.
– C’était très bof, dit Matthieu.
Je partageais son avis, et je le partage avec toi. Nous ne sommes pas les seuls à avoir quitté le bal, cependant, je demanderai demain aux vaillants louveteaux qui sont restés comment cela s’est terminé.
Anatole Sganou, 4e Bleu.

Les mangeurs d’argile de Peter Farris

Présentation de l’éditeur :

À quatorze ans, Jesse Pelham vient de perdre son père à la suite d’une chute mortelle dans le vaste domaine de Géorgie qui appartient à sa famille depuis des générations. Accablé, il va errer dans les bois et se rend sur les lieux du drame. Là, il fait la rencontre de Billy, un vagabond affamé traqué depuis des années par le FBI. Une troublante amitié naît alors entre cet homme au passé meurtrier et le jeune garçon solitaire. Mais lorsque Billy révèle à Jesse les circonstances louches de l’accident dont il a été le témoin, le monde du garçon s’effondre une deuxième fois. Désormais, tous ceux qui l’entourent sont des suspects à commencer par sa belle-mère et son oncle, un prêcheur cynique et charismatique. Alors que le piège se referme, Jesse se tourne vers Billy.

Mon avis :

Livre lu depuis deux mois déjà. Pourquoi ai-je tant tardé pour rédiger mon avis, alors que j’avais adoré les précédents romans de Peter Farris ? Justement : il m’a manqué quelque chose à la lecture, mais quoi ? C’est ce que j’ai eu du mal à cerner.

Première piste : les personnages que j’ai préférés sont que l’on voit le moins. L’oncle de Jesse, disparu depuis quelques années déjà : nous le découvrons au cours des retours en arrière, qui nous montrent comment on en est arrivé à la situation actuelle. Seconde piste : la construction du récit, justement, non linéaire, dans lequel les morts encore vivants, vivent une vie encore semée d’embûches. Prenons l’exemple de Richard « Richie » Pelham, le père de Jesse. Il est décédé accidentellement lors des premières pages du roman, et nous savons très bien que ce n’était pas un accident. Un autre le sait : Billy, vagabond vétéran de l’Irak – les États-Unis n’en finissent pas d’intervenir à l’étranger, et de créer des générations de jeunes adultes qui doivent porter de lourds traumas. Richie, lui, n’a pas fait la guerre, si ce n’est une guerre personnelle pour sauver son frère des affres de l’alcool, pour sauver sa jeune épouse des affres de la dépression, pour élever ensuite son fils unique. Mais il a fini par retrouver l’amour en la personne de Grace, avec qui il a une fille – ce qui ne le fait pas négliger son fils, loin de là.

Richie a beau être mort, son ombre bienveillante plane sur le récit. Oui, « bienveillante », parce qu’il a pensé à protéger les plus faibles – dont son fils – ce qui gênent les plans des …. Je cherche comment les appeler : des méchants ? des profiteurs ? de la mafia locale qui ne pense qu’à s’enrichir ? Choisissez. Les méchants sont réellement méchants, simplement méchants, rien n’est à sauver chez eux. Au premier rang, nous trouvons Grace, la seconde épouse de Richie, et son frère. Avec eux, nous pouvons nous interroger sur la place de la religion aux États-Unis. Quand j’ai lu les scènes consacrées aux prédications de Carroll, le frère de Grace, je me suis dit : « ce n’est pas possible ! Comment peut-on croire en de telles choses à notre époque ?  » Pour en arriver là, il faut vraiment être profondément désespéré, ne plus avoir foi en rien, surtout pas en la médecine – ou en la nature humaine. Nous nous retrouvons dans un milieu d’une rare pauvreté, et je ne parle pas seulement de pauvreté matérielle.

S’il est des personnages qui ne sont pas manichéens, ce sont bien Billy et l’agent qui le recherche – parce que c’est ce qu’il doit faire. Le chercher, pas le traquer et l’anéantir : lui reste humain, confronté à l’inhumanité de ce qu’a vécu Billy, à l’inhumanité de ce qu’il a accompli aussi.

Je continuerai à lire les romans de Peter Farris, lui qui explore la Georgie comme Jake Hinkson explore l’Arkansas, c’est certain. Je regrette simplement d’avoir moyennement apprécié ce livre.

Ghetto X de Martin Michaud

Présentation de l’éditeur :

Alors que Victor Lessard se distancie des Crimes majeurs pour éclaircir le passé de son père, il se retrouve pris pour cible dans un attentat et doit disparaître afin d’assurer sa sécurité et celle de ses proches. Néanmoins, Jacinthe le rejoint en catimini et, ensemble, ils remontent une piste jusqu’à un obscur et dangereux groupe armé d’extrême droite. Au péril de leur vie, ils tenteront de freiner les desseins meurtriers de ces extrémistes et ceux de l’homme mystérieux qu’ils protègent.

Merci aux éditions Kennes et à Netgalley pour ce partenariat.

Mon avis :

Victor Lessard est un homme optimiste. Oui, dit ainsi, et si vous découvrez le quatrième de couverture, vous vous dites que ce n’est pas la caractéristique que vous attendez de lui. Et pourtant : il en faut, de l’optimisme, même si le mot n’est pas prononcé, pour continuer à agir alors que tout ou presque s’est effondré autour de vous, et il lui en faudra, jusqu’au dénouement.

Agir, oui, est le maître mot, pour protéger les siens, pour empêcher une opération particulièrement meurtrière d’être mise en œuvre. Non, parce qu’au début du roman, tout était presque paisible, serein. Presque. Victor, en effet, perdait un vieil ami, un des derniers témoins de son enfance, de son passé, du drame fondateur qui a fait de lui l’homme qu’il est devenu, et il a reçu des données qu’il ne possédait pas avant. Alors que fait quelqu’un qui a travaillé aux Crimes Majeurs ? Il cherche, recherche, il se replonge dans son passé, et contacte quelqu’un qui a bien connu ses parents. Cela aurait dû être quelque chose de simple, banal, même si les circonstances évoquées étaient tragiques – si ce n’est que la tragédie s’invite à nouveau dans la vie de Victor Lessard. Quel secret a-t-il bien pu remuer, des décennies après la mort des siens ? Y aurait-il un lien avec la mort de ce journaliste d’investigation, lui aussi très investi dans son travail ?

Victor doit prendre le temps de se poser des questions, il n’a pas le choix, tout en faisant avec la douleur qui l’entoure -Victor a des amis qui tiennent à lui, et qui sont prêts à prendre des risques pour lui, quitte à en payer le prix très cher. On ne lit pas ce livre en se disant que rien ne peut arriver aux héros ou à ses proches, tous peuvent payer les conséquences de leur engagement, surtout face à des ennemies que rien n’arrête. Mais qui sont-ils, ces ennemis, quelles sont leurs motivations ?

Nous les découvrons, au cours du récit, nous suivons le parcours de leur « leader », de son entraînement à son aboutissement. J’ai repensé à un livre de David Vann, en lisant son parcours : l’armée transforme des hommes en tueurs froids, en exécuteurs d’ordre, et ne se préoccupent pas des conséquences quand ses hommes sont démobilisés. Puis, qui se préoccupent aussi de l’évolution de nos peurs ? En effet, ce livre nous montre comment nous sommes passés de la peur du communisme pendant la guerre froide, du « péril rouge » à la peur du terrorisme, de l’immigrant, en un raccourci sidérant. Oui, je dis « nous », dans le sens de la société occidentale, nous qui nous interrogeons (ou pas) sur la manière de vivre après (les attentats) et avec (ceux qui ont projeté d’en commettre).

Et s’ajoute, s’entrelace, quelque chose qui n’a pas changé, quelles que soient les idéologies : la soif de pouvoir. Ceux qui tirent les ficelles dans cette intrigue sont ceux qui désirent en avoir, qu’ils se l’avouent ou non – mais la plupart du temps, ils ne se voilent pas la face. Victor, Jasmine, Gagné, d’autres encore (Virginie, Yako….) ont comme point commun de vouloir mener leurs missions à bien, en en ayant strictement rien à faire de dominer les autres : toute la différence pour mener sa vie, et vivre avec les autres, non contre les autres.

Journal d’un louveteau garou – le bal des louveteaux 1

Écrire, c’est choisir. Choisir ce que l’on va raconter ou pas. J’aurais pu rédiger une histoire très triste qui se serait appelée « le landau ». Ce texte aurait-il plu ? Peu importe : ne pas l’écrire maintenant est un choix. On n’a pas besoin d’un surcroit de tristesse.

En revanche, revenir à la thématique des louveteaux garous, et raconter enfin ce bal auquel j’ai fait souvent allusion sans l’écrire devrait plutôt provoquer quelques sourires – sauf si vous êtes allergiques aux louveteaux. Revenons donc quelques années en arrière dans le récit. Anatole Sganou est en fin de 4e Bleu, il supporte son petit frère Valère, et c’est bientôt le bal de fin d’année.

En piste !

Cher journal,

pourquoi le pensionnat organise-t-il un bal ? Il ne peut pas organiser une boum, comme tout le monde ? « Non, parce que vous êtes déjà suffisamment explosifs » avait dit Célina, professeure d’EPS du pensionnat, et professeur de danse auto-proclamée. Non, parce que s’ils ont appelé cela « bal », c’est parce que les danses dites « de salon » sont à l’honneur. Je ne connais pas de danse « de forêt », cela vaudrait le coup de les créer ! En dépit de maintes et maintes répétitions, je n’ai absolument pas progressé, et Mathieu non plus. Je me demande d’ailleurs si quelqu’un, le moindre louveteau, a réellement progressé depuis le début de notre entraînement quasi-sportif. Je ne fais pas vraiment la différence entre une valse et une polka. Quant à la salsa et la rumba, je ne vois pas l’intérêt d’avoir crée de telles danses. Sauf quand vraiment on s’ennuie dans un bal et que l’on veut varier les combinaisons dansantes. Je reviens à mon point de départ : je ne vois pas l’intérêt d’aller d’appeler « bal » ce qui devrait être une « boum ».

Et puis, cette année encore, pour le bal, nous avons un dress code, simple, mais un dress code quand même : « chacun doit avoir une touche de vert sur soi, à défaut d’être entièrement vêtu de vert ». On n’est pas des légumes du potager, flûte ! Mathieu a même parlé de porter un tee-shirt avec une courgette dessus – je trouve que c’est une très bonne idée. Pour la touche de couleur, j’aurai préféré du rouge, il paraît que c’était déjà le thème il y a trois ans et qu’il est nécessaire de se renouveler. Puis, j’aurai préféré que ce ne soit pas notre professeur de musique vampire qui officie aux platines, sous la surveillance de notre principal par intérim – les choix de notre professeur vampire sont en effet hautement discutables, surtout après trois heures du matin.

Point positif : nous n’avons pas besoin d’avoir une cavalière attitrée.
Point positif n°2 : nous pouvons danser tout seul si nous le souhaitons, nous pouvons même ignorer ces fameuses « danses de salon », parce qu’il est des limites à ce qu’un louveteau garou peut endurer.
Point positif n°3 : nous pouvons venir avec un cavalier, c’est à dire avec son meilleur copain, surtout si les filles n’ont encore aucun intérêt pour vous.

Madame Cobert et Madame Achille tiendront les vestiaires, elles vont donc passer la soirée à aiguiller les gentils louveteaux que nous sommes à retrouver les affaires sur nous leur avons laissées – enfin, si nous parvenons à les leur décrire à peu près correctement. La buvette sera tenue par l’infirmier – autant dire que je vais soigneusement éviter cet endroit, je crois qu’il m’en veut encore pour ce que je lui ai fait. Ce sont les risques du métier, ai-je envie de lui répondre. Enfin, s’il m’adresse la parole, ce qu’il se garde bien de faire depuis le jour fatal où je lui ai mordillé le bras.
Une autre règle non écrite est qu’il faut manger de la pizza avant le bal, plutôt qu’une entrecôte ou du rôti – il paraît que c’est mieux pour la « résistance nerveuse ». Il est des concepts qui m’échappent.
Bien sûr, n’oublions pas l’essentiel : il ne faut pas faire un bal de fin d’année un jour de pleine lune parce que sinon, les catastrophes peuvent survenir en moins de temps qu’il ne m’en faut pour l’écrire ou pour réciter mes déclinaisons latines.
En attendant, je compte passer une bonne nuit de sommeil afin d’être en forme pour demain.
Anatole Sganou, 4e Bleu.

Joyeux Noël !

Titre et article court, avec, en illustration, quelqu’un qui n’était pas né à Noël dernier – et moi qui ne pensais pas agrandir la tribu féline !

J’ajoute également un morceau de musique, en souvenir d’un concert de Noël qui n’a pas pu se faire :

Lucile Finemouche et le balafré : La dimension Chronogyre d’Annabelle Fati

Présentation de l’éditeur :

Un précieux manuscrit volé, un mystérieux voleur volatilisé : a priori, tout commence comme une banale enquête policière pour Lucile Finemouche et son associé. Et pourtant… Fantômes et esprits démoniaques les attendent au coin de la rue ! Il est encore temps de reculer. Mais chez Lucile, la curiosité est toujours la plus forte et c’est son âme de détective qui l’emporte.

Mon avis :

Chacun ses petits soucis dans la vie. Ainsi, la jeune détective Lucile Finemouche et son acolyte le Balafré doivent mener l’enquête chez Agatha, une célèbre autrice de romans policiers : toute ressemblance avec une autre Agatha ne serait bien sûr que totalement fortuite, tout comme l’atmosphère crée, proche de celle des romans de Sir Arthur Conan Doyle. Cependant, elle est un peu bizarre, cette Agatha. Normal, me direz-vous, elle écrit des romans policiers ! Qu’elle ait un chat prénommé Hercule, qu’elle ait besoin de détectives parce qu’un manuscrit a disparu est logique, employer un majordome fidèle, parfait, mais très légèrement fantômatique est problématique. Juste un peu.

Si vous aimez les intrigues mouvementées, vous serez servi(e) : ce n’est pas parce que nous sommes dans un roman de littérature jeunesse que la progression du récit doit être simple. Lucile va de découverte en découverte jusqu’au bout, y compris à l’ultime page de ce récit, qui nous promet à nouveau des découvertes pour le tome 2.

Il faut dire que, dans ce roman, finalement, Lucile ne peut faire confiance spontanément à personne. Non qu’elle soit d’une nature méfiante, mais que la succession d’événements qu’elle traverse l’amène à considérer autrement ceux qu’elle côtoie. Elle a bien dû admettre l’existence d’un majordome fantôme, elle doit admettre des faits plus étonnant encore, notamment les rôles respectifs d’un pigeon, d’un chat, et d’un homme-loup dans toute cette histoire. Sans oublier son ex d’une extrême banalité, qui aura pourtant toute son utilité – oui, la jeune détective Lucile Finemouche a déjà un ex, comme beaucoup d’adolescentes d’ailleurs ! N’oublions pas les illustrations, qui secondent parfaitement le récit.

Lucile est différente, le Balafré son associé aussi : j’espère les retrouver dans leur seconde aventure.

 

Comment nous dire adieu de Marcello Fois

Présentation de l’éditeur :

Alors que la neige tombe sur Bolzano et ses environs, Michele, un enfant de onze ans, disparaît sans laisser de traces. Le commissaire Sergio Striggio est chargé de l’enquête. Installé depuis quelques années dans le Nord de l’Italie pour vivre librement son amour avec Leo, il s’apprête à révéler son homosexualité à son père, ancien policier. Mais celui-ci lui annonce qu’il est atteint d’une maladie incurable. Soudain le passé assaille père et fils, avec tous ses fantômes, s’insinuant dans l’enquête en cours et s’y reflétant étrangement. Après l’avoir affronté et défait, Striggio, il en est convaincu, pourra accompagner son père dans son dernier voyage.

Mon avis :

– Sharon, mais qu’est-ce que tu fais ?
– Cela ne se voit pas, non ? Je secoue le commissaire Striggio !
– Mais enfin, il est en train de perdre son père !
– Raison de plus ! La mort d’un être cher va très mal avec des tirades ampoulées, des affectations, des poses, pour ne pas dire des postures narcissiques.

Je vous assure, à la lecture de ce roman, il y a de quoi être énervée. D’abord, ce roman ne choisit pas son camp, c’est un peu ennuyeux. Roman psychologique, roman policier ? Oui, un roman policier peut se doubler d’un roman psychologique sans aucun problème. Dans Comment nous dire adieu, il est question de psychologie raffinée. Oui, le commissaire réfléchit sur chaque geste, chaque posture du quotidien, chaque échange verbal ou non verbal avec son compagnon. Il se souvient de son enfance, de la douleur de perdre sa mère, mais surtout, de la recherche de savoir ce qu’elle verrait pour la dernière fois avant de quitter ce monde, ce qu’elle éprouverait en le quittant. Apprenant que son père est atteint d’une maladie incurable, il se demande comment appréhender ses moments, lui qui estime avoir toujours déçu son père. Surtout, il ne sait pas comment lui dire, ni même s’il doit lui dire qu’il est homosexuel. Vaste sujet, tellement vaste qu’il en oublie son enquête. Et c’est là que j’ai envie de le secouer.

Non, parce que se retrouver au milieu du livre et se dire que l’on a oublié un fait extrêmement important – et que toute l’équipe l’a oublié aussi, c’est rageant. Que le propre compagnon du commissaire ait tu lui aussi un fait important, par solidarité, me donne envie de lui coller des baffes. J’ai l’impression que tous ont oublié que la vie d’un enfant était en jeu.

Le meilleur policier ? Le père du commissaire. C’est grâce à lui que l’enquête se dénouera, ce qui est quand même un comble – grâce à lui, à sa formidable mémoire des cas qu’il a traités, et à une bonne dose de hasard. Non mais franchement, depuis quand on se fit au hasard pour retrouver un enfant, je vous le demande ? Le meilleur moyen de planter une enquête, oui !

Puis, comme souvent, je déplore le rôle perverti de la parole. Alors oui, comme nous l’annonce la quatrième de couverture, les non-dits sont importants. C’est même sur eux que repose réellement l’intrigue ! Tout ce qui n’a pas été dit, tout ce que l’on n’a pas osé dire, et qui aurait empêché que l’on sombre dans un bordel sans nom. Je ne parle même pas des mensonges, mensonges par omission, ou mensonges par action. Ces menteurs, ces menteuses, assument-ils les conséquences de ce qu’ils ont dit ? Même pas ou pas vraiment, c’est au choix.

Bref, une déception italienne, et c’est suffisamment rare pour être dit.

Les soeurs de la lune – tome 12 : Shadow Rising de Yasmine Galenorn

Présentation de l’éditeur :

Nerissa et moi n’arrivons pas à prendre une décision concernant notre cérémonie d’engagement et nous nous querellons comme un vieux couple. Lorsque mes sœurs et moi nous rendons au pays des elfes pour y rencontrer la reine Asteria, celle-ci nous apprend que l’Ombre Ailée a envoyé Telazhar, un nécromancien maléfique, en Outremonde afin de relancer les grandes guerres. Et dès que nous rentrons chez nous, nous découvrons que Gulakah, le seigneur des fantômes, cherche à prendre le contrôle de toutes les créatures magiques sur Terre. Prises entre deux ennemis et deux batailles, pourvu que nous parvenions à arrêter la catastrophe à temps !

Mon avis :

Ah, là, là, j’ai vraiment besoin de vacances, j’ai mis un temps fou à comprendre qui était en couverture. Oui, Menolly, bien sûr, mais je n’avais pas compris qui était le puma à ses côtés.

Ce tome est tout en action. Déjà, le début est surprenant, puisque nous nous retrouvons en Outremonde : leur père souhaite en effet faire la paix. Avec Camille d’abord, qu’il a renié, et qui espère vraiment que son père reconnaîtra ses erreurs – sinon, pour renouer, c’est très compromis. Avec Menolly aussi, dont il n’a jamais accepté la transformation en vampire – comme si elle avait eu le choix. Outremonde n’est pas une société idéale, loin de là. Le harcèlement sexuel ? Bien présent, et presque pas hors la loi. Le racisme ? L’élitisme ? Si vous aimez, vous avez frappé à la bonne porte. Autant dire que les soeurs ont toujours senti que leur métissage n’était pas bien vu – mais leur permettait aussi d’être libre, de ne pas se marier pour consolider une alliance, d’être homosexuelle sans craindre de ne pas avoir d’héritiers. Et tant pis pour ceux qui n’ont pas eu le courage d’assumer l’amour qu’ils ont éprouvé pour les soeurs d’Artigo.

Tant pis aussi pour l’organisation d’agents secrets qui connaît si mal la Terre qu’ils ont littéralement envoyé au casse-pipe un de leurs agents par méconnaissance du terrain – aux trois soeurs de découvrir ce qu’il est devenu. Elles doivent aussi gérer une force magique inconnue qui pompe l’énergie des sorcières – et Camille, toujours pas complètement remise de ce qu’elle a enduré dans le tome 10, n’a pas vraiment besoin de cela en plus. Du coup, elles doivent faire appel à plus fortes qu’elles, conclure des alliances, même provisoires, et engendrer quelques catastrophes. Prendre des risques aussi : Camille, Delillah et toi…. vous êtes parties au combat plus de fois que je n’ai envie d’y penser. Et vous êtes toujours conscientes que ça pourrait être la dernière fois que vous le faites. Mais vous y allez quand même, parce que vous n’avez pas le choix. Parce que c’est la bonne décision. Parce que vous ne pouvez pas ne pas y aller. 

Et se marier ! Menolly n’est pas vraiment passionnée par les préparatifs, et approuve tout ce que souhaite Nerissa, sans comprendre que celle-ci a besoin de voir sa chère et tendre s’impliquer, ne serait-ce qu’un peu, lui prouver son affection. Il faudra qu’Iris lui mette les points sur les i et les barres sur les t pour que la jeune vampire comprenne.

Un douzième tome mouvementé, qui se clôt sur un peu de sérénité.