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Le maître de fengshui est à l’ouest de Nury Vittachi

édition Picquier -330 pages

Présentation de l’éditeur :

C F Wong, le maître de fengshui, déteste l’idée de se rendre en Occident. Cependant il est des offres qui ne se refusent pas, surtout quand elles sont aussi bien rémunérées. En effet, les Britanniques espèrent vendre le plus gros avion du monde aux Chinois et on a fait appel à lui pour s’assurer que le fengshui de l’appareil était bon. Bien mieux, la reine, lasse des infortunes que connaît la famille royale, s’inquiète du mauvais fengshui qui pourrait régner au palais de Buckingham. Evidemment, les choses ne se passent jamais comme prévu.

Mon avis :

Il a fallu que je lise ce roman en période de confinement pour découvrir les raisons de l’absence de papiers toilettes autre que ceux parfum brise marine dans les supermarchés. Tout est la faute du maître de fengshui ! Oui, tout : il est incapable d’obtenir le moindre travail de la part de sa secrétaire. En revanche, elle a acheté pas moins de cinq cents rouleaux de papier toilettes, cinq cents ! Du coup, le maître s’en sert pour s’asseoir dessus et méditer en douceur – et personne ne se dit que ces rouleaux pourraient manquer quelque part.

Cependant, on lui propose un contrat en or presque massif, et le maître ne peut résister. Oui, l’argent passe toujours avant tout le reste, surtout qu’il a malencontreusement une grosse dette à rembourser, en lien avec des surligneurs défectueux et c’est avec joie qu’il signe ce contrat, qui va le mettre en relation avec ni plus ni moins que la famille royale. Sa première mission est simple : s’assurer que le plus gros avion au monde est bien feng shui. Las ! Un homme est assassiné dans l’avion lui-même. Pire : le coupable est un ami de Joyce, un homme qui ne ferait pas de mal à une mouche (mais à un éleveur maltraitant ses bêtes, oui). Joyce a donc quelques soucis. Surtout, elle veut vraiment prouver l’innocence de Paul, qui est aux yeux de tous le seul et unique coupable possible. Pourquoi chercher quand tout semble tellement évident ? Puis, nous sommes en Chine, et même si des intérêts européens sont en jeux, les autorités chinoises n’ont pas vraiment envie d’explorer la notion de présomption d’innocence.

Joyce enquête donc – et Wong aussi, presque malgré lui, parce qu’il tient à son intérêt, parce que certains éléments ne sont pas feng shui du tout. La persévérance de Joyce est pour beaucoup dans la progression de l’enquête – cela, et le fait qu’elle soit considérée comme insignifiante par certaines personnes. Elle peut se comporter de manière très ordinaire, c’est évident, mais elle ne renonce pas, et garde ses convictions. Wong, lui, reste maître du feng shui, et s’il dit que cela ne va pas, c’est que cela ne va pas – la réalité dépassera toutes ses craintes.

Le maître du feng shui est à l’ouest est un roman qui nous parle de pouvoir, entre des activistes qui font ce qu’ils peuvent pour alerter contre les dangers du consumérisme et des industriels qui peuvent dépenser des millions en campagne de publicité pour montrer à quel point consommer (et polluer) c’est bien. C’est aussi un livre rempli d’humour et d’absurdité, notamment avec le personnage de Wong, qui ne maîtrise pas totalement la langue anglaise, encore moins la hiérarchie aristocratique de la famille royale anglaise. pourquoi Lady Diana est présentée comme une roturière dans tout le roman alors que les origines aristocratiques de sa famille remonte au XVe siècle – Il y a d’ailleurs la volonté de prendre des distances avec la réalité, notamment en créant une soeur cadette, Marjorie, à la reine ou en présentant Lady Diana comme une roturière alors que les origines aristocratiques de sa famille remonte au XVe siècle – volonté de faire un peu plus rêver la midinette qu’est Joyce ?

Avec ce livre, j’aurai lu l’intégralité des aventures du maître. Comme souvent, j’ai préféré les recueils avec des récits courts, qui se prêtent mieux à ses excentricités.

Fatal fengshui de Nury Vittachi

Edition Philippe Picquier – 380 pages.

Présentation de l’éditeur :

Muni de sa boussole de maître de fengshui et de sa perspicace sagesse chinoise, C.F. Wong résout des énigmes criminelles aussi embrouillées qu’un bol de nouilles. Cette fois-ci, M. Pun, son principal employeur et mécène, a décidé d’offrir pour Noël une séance de fengshui gratuite aux membres de
son conseil d’administration international. Wong se retrouve donc avec une série de missions à accomplir, à Singapour, en Inde, Thaïlande, aux Philippines, en Australie. Seule ombre au tableau : il va aussi devoir emmener avec lui son écervelée de jeune assistante, Joyce McQuinnie… Elle aura pourtant son rôle à jouer, qu’il s’agisse de
retrouver des voitures de luxe qui se volatilisent, ou de démêler un attentat contre un informaticien de Hyderabad, revendiqué par plus de cent cinquante personnes…

Mon avis :

Misogyne, le maître du fengshui l’est complètement. C’est une composante assumée de sa personnalité, tellement assumée qu’il ne se questionne jamais sur ce sujet. Voici d’ailleurs ce qu’il pense des femmes et des adolescents en général, et de son assistante en particulier : Wong décida de laisser son assistante se débrouiller. Selon lui, les adolescents et les femmes étaient des créatures avec lesquelles les adultes masculins étaient dans l’impossibilité de dialoguer. D’ailleurs, son assistante, il ne l’a pas choisie, elle lui a été imposée par un gros, très gros client dont elle est la fille, et comble de catastrophe pour notre maître du feng shui, elle a décidé de rester, tant elle aime ce qu’elle fait ! Pauvre maître du fengshui  ! Il a une assistante qui, il faut bien le dire, est plus douée que lui pour comprendre l’être humain, ses travers, peut-être parce qu’elle est plus proche du réel que lui, ne serait-ce que par les éléments du langage. Oui, la langue peut être une barrière, quand on ne possède pour se faire comprendre que d’un guide la conversation déjà périmée. Le point positif est que les contresens du maître Wong sont des sources irrésistibles de quiproquo, le plus souvent résolu par Joyce – et tant pis si C.F. Wong ne comprend pas l’expression « c’est du gâteau ».

Au cours de ces neuf enquêtes, dont le fil conducteur est M. Pun, son principal employeur et mécène, Wong parcourra, avec Joyce, plusieurs pays d’Asie : l’Inde, la Thaïlande, les Philippines, et ne pourra que constater que la nature humaine est la même partout. Il devra aussi enquêter, sous peine de ne pas être payé – et même en enquêtant ou en trouvant le coupable, il ne sera pas vraiment sûr de recevoir ses honoraires. Un vrai scandale ! Il est vrai que faire arrêter son client n’est pas le meilleur moyen de rentrer dans ses frais. cependant, le maître trouve très souvent le moyen d’empocher quelques à côté – ce n’est pas de sa faute si certains veulent lui faire des cadeaux, ou lui permettent de rencontrer des personnes qui ont un besoin impérieux de faire analyser leur logement.

Ses neuf enquêtes sont suivies par un épilogue en guise de point final, qui nous montre les suites et les perspectives de ses enquêtes. Pas de chance pour le maître du fengshui.

 

Les Incroyables Aventures des soeurs Shergill par Balli kaur Jaswal

Présentation de l’éditeur :

Dans la famille Shergill, il y a :
Rajni, l’aînée, mère de famille au bord de l’implosion depuis que son fils ado lui a fait une révélation fracassante.
Jezmeen, la séductrice un brin égoïste, petite actrice londonienne dont le dernier bad buzz tourne en boucle sur les réseaux sociaux.
Et enfin, Shirina, la docile cadette, dont le parfait mariage arrangé commence à sérieusement battre de l’aile.
Trois sœurs que tout oppose et qui vont devoir se supporter pour réaliser la dernière volonté de leur mère : accomplir un pèlerinage en son honneur en Inde, de Delhi au Temple d’or d’Amritsar.
Combien de temps avant que tout dérape ?
Les voies d’une mère sont impénétrables… Dans ce pays aux facettes multiples, et parfois violentes, les sœurs Shergill embarquent pour un incroyable voyage à la découverte de leurs racines et d’elles-mêmes.

Merci aux éditions Belfond et à Netgalley pour ce partenariat.

Mon avis :

Comme souvent, quand je sollicite un partenariat, c’est la couverture qui m’a attiré, et franchement, je la trouve toujours magnifique. Bravo à la personne qui l’a conçu, et bravo aussi à Laura Vaz, la traductrice. Ils ne sont jamais trop cités.
Nous suivons le voyage des trois soeurs en Inde. Ne sortez pas les violons tout de suite : ce ne sont pas trois soeurs que la vie a séparé, ce sont trois soeurs qui ont eu une enfance différente, parce qu’elles n’occupaient pas la même place dans la fratrie. Rajni est l’aînée. Elle a eu la chance de bien connaître son père, décédé parce qu’il n’a pas pris au sérieux l’accident dont il a été victime, elle a connu sa mère différente, sans les soucis que l’éducation de trois filles, seules, lui causaient. Elle a aussi longtemps été fille unique, parce que ses parents ont eu du mal à concevoir un deuxième enfant.
Jezmeen, elle, est la soeur du milieu, celle qui se dispute toujours avec sa soeur aînée – parce qu’elle est sa soeur aînée, et parce que, suite à un voyage en Inde avec sa mère, après le décès de leur père, Rajni est devenue raisonnable, une seconde mère en quelque sorte. Et Jezmeen, qui ne connaissait pas sa soeur sous ce jour, n’a pas vraiment supporter. Depuis, rien n’a vraiment changé entre elles. Rajni est devenue la mère raisonnable d’un ado qui ne l’est pas à ses yeux (elle n’a pas pu avoir d’autres enfants), Jezmeen tente de percer en tant qu’actrice, et sa mère de lui répéter jusqu’au bout qu’il faut qu’elle change de voie.
Jusqu’au bout. Ce qui les réunit aujourd’hui est une promesse faite à leur mère, sur son lit de mort : effectuer un périple en Inde et disperser ses cendres. L’objectif est de suivre les instructions, très précises, de leur mère, qui voulait sans doute les faire s’entendre à nouveau, se réconcilier, les réconcilier avec leur pays, par delà sa mort.
Je n’ai pas oublié la plus jeune des soeurs, celle qui, silencieuse, assistait aux disputes entre ses aînées, et faisait tout pour passer inaperçue, c’est à dire correspondre aux attentes de sa mère. Elle a même, comme beaucoup de jeunes indiennes, rencontré son mari sur un site de rencontres, un site de « mariage arrangé ». Elle a tout quitté pour lui, et vit désormais en Australie avec mari et belle-mère. Oui, tout va bien, tout va très bien, c’est du moins ce que pensent ses soeurs, c’est ce que Shirina veut croire.
Chacune a une bonne dose de secrets, de faits qu’elles ne veulent surtout pas révéler aux autres – et quand, comme Shirina, vous êtes habitués à distiller une image sereine et à ne jamais être questionnée, il est facile de dissimuler. Rajni met tout en oeuvre pour suivre le parcours, Jezmeen met tout en oeuvre pour suivre son instinct, et leur duo fait des étincelles. Il en fait aussi parce que l’on est en Inde, et les trois femmes ont beau être anglaises, être des touristes, elles n’en sont pas moins d’origine indienne, elles n’en sont pas moins femmes, et au fur et à mesure de leurs parcours, elles ne peuvent que constater qu’être une femme, en Inde, c’est être vulnérable, c’est ne pas avoir les armes ou les appuis nécessaires pour lutter. Manifester pour ses droits en Inde est aussi montrer à quel point les femmes en ont peu. Être une femme, c’est aussi se sentir coupables : leur mère voulait un garçon, et les trois soeurs, surtout la dernière, ont bien intégré qu’elles n’étaient pas désirées. Certains répondront que l’avortement de foetus féminins est interdit en Inde. Il est des moyens de contourner la loi, surtout quand la pression vient des femmes elles-mêmes. Il est important d’éduquer les filles et les garçons, et ce, dans tous les pays : un retour en arrière est toujours possible, une prise de conscience aussi, heureusement.
Début de la vie, et aussi fin de vie : que désire-t-on pour ses parents, comment veut-on quitter cette vie ? Les trois soeurs n’étaient pas d’accord entre elles, et n’auraient pas le fin mot de l’histoire, juste le rappel qu’il faut profiter des personnes que l’on aime tant qu’elles sont là, et ne pas hésiter à le leur dire, à les regarder, à voir si elles vont bien ou pas. Ne pas vivre les uns à côté des autres, mais les uns avec les autres.

Le maître du Feng Shui de Nury Vittachi


Présentation de l’éditeur :

C.F. Wong est un maître du Feng Shui, mais pas seulement. Son art de l’agencement, de l’harmonie, sa maîtrise du yinet du yang en font également un admirable détective. Dans ces toutes premières aventures du « Maître de Feng Shui « , le quotidien plutôt tranquille de ce maître de la sagesse orientale se trouble irrémédiablement dans la résolution parfois épineuse, toujours cocasse, d’affaires plus mystérieuses les unes que les autres. Mais le plus grand mystère de tous réside dans les mœurs et le comportement de sa jeune stagiaire, Jo McQuinnie, punkette au grand cœur avec laquelle il forme un tandem aussi mal assorti que savoureux.

Mon avis :

Ceci est le premier livre dans lequel le maître du Feng Shui apparaît, et, ô surprise ! ce n’est pas un roman mais un recueil de nouvelles. C.F. Wong est pourtant un maître du Feng Shui renommé, il a une secrétaire totalement inefficace, et des contrats qu’il honore, tout en veillant à se faire rémunérer. Il accepte même de prendre un jeune stagiaire, Jo, qui lui a été chaudement recommandé par son père, un de ses clients. Seulement, le maître du Feng Shui ne maîtrise pas toutes les subtilités de l’anglais – il n’est pas le seul dans ces nouvelles – et pour lui, Jo ne pouvait être qu’un garçon, pas une fille ! Il se rend compte cependant très rapidement de l’intérêt de travailler avec elle. D’abord, elle n’est pas aussi empotée qu’il le croyait, elle perçoit très bien qu’il ne l’apprécie pas, et elle fait même merveille avec des clients que C.F. Wong avait du mal à apprivoiser – la sensibilité féminine, la jeunesse, il n’y a que cela de vrai !

L’art du maître du Feng Shui, c’est aussi l’art d’anticiper. Si certains de ses clients sont réellement ce qu’ils paraissent être, et sont d’une grande honnêteté, d’autres pensent utiliser le maître à leur fin. Il ne s’agit pas de le manipuler, non, il s’agit de bien pire que cela – d’où la nécessité d’anticiper. Ses vieux complices apparaissent déjà dans ce premier tome, de même que sa propension à vouloir comprendre les expressions « jeunes » de sa stagiaire, afin d’étendre la palette de ses compétences – et à ne pas comprendre sa passion pour les boissons à base de lait et de café.

Le maître du Feng Shui est un recueil drôle, mouvementé, sans illusion sur la nature humaine.

Shanghai fengshui de Nury Vittachi

édition Philippe Picquier – 438 pages.

Présentation de l’éditeur :

Pour le maître de fengshui et son assistante Joyce, Shanghai s’annonce pleine de promesses : nouveau bureau, nouvelles réjouissances culinaires, nouveaux amis… Mais une série d’événements imprévus va bouleverser cet alléchant programme : ils vont se retrouver au centre d’un complot visant à assassiner les présidents américain et chinois. Les voilà lancés dans une folle course poursuite. Les services secrets américains et la police chinoise à leurs trousses, ils doivent désamorcer une bombe au cœur de la ville. Seuls problèmes : 1) Shanghai est paralysée par un gigantesque embouteillage ; 2) la bombe est cachée dans un éléphant blanc.

Mon avis :

Cher maître du Feng-shui, je serai claire : sensibilité occidentale ou pas, et même s’il est bon de consommer de la nourriture « fraîche », il n’est pas nécessaire de faire preuve d’excès et de se gaver, trouvant des manières toujours plus douloureuses de cuisiner les bêtes, et se dédouaner en disant qu’elles ne souffrent pas, voire même que cela leur fait plaisir. Ben voyons. Bien sûr, ce sont des personnes riches, voire très riches qui agissent ainsi, parce qu’elles peuvent se le permettre. L’écologie, on s’en moque, les personnes qui n’ont pas de quoi manger, aussi. Oui, je sais qu’il est de bon ton de dire que personne ne meurt de faim de nos jours – en France. Et ailleurs ? Et si ce n’est pas le cas en France, c’est aussi grâce à des associations et à leurs bénévoles qui se dévouent. Voilà, c’est dit. Note : je ne suis pas végétarienne, mais j’essaie d’avoir une consommation raisonnable.

Ceci dit et écrit, le végétarisme, le végétalisme et surtout le véganisme sont au coeur de l’intrigue, ainsi que leurs militants, qui, à part Joyce, paraissent tous hautement détestables. Ils sont montrés violents, colériques, comploteurs, intolérants, prétentieux. N’en jetez plus ! Bien sûr, ils ne se préoccupent pas du tout des humains, pas vraiment des animaux, bref, le portrait qui est dressé d’eux est entièrement négatif. Ai-je précisé qu’ils étaient aussi bêtes et manipulables pour la plupart ? Maintenant, c’est fait.

Que les personnages soient caricaturaux est déjà fortement gênant, que l’intrigue parte dans toutes les directions ou presque l’est plus encore. Je ne vous parle même pas de vraisemblance, je ne sais absolument pas à quel moment elle est partie. Peut-être dès les premières pages, même si je veux bien croire les personnages quand ils affirment qu’avec la bureaucratie, c’est toujours ainsi. Cependant, voir l’immeuble dans lequel on emménage démoli le jour même, c’est tout de même assez rare. Je vous passe sous silence, ou presque, l’enlèvement de la fille d’une militante vegan proche de Joyce, la manière dont elle est sauvée, l’attentat fomenté contre Potus par les vegans (si, si) en plaçant une bombe dans un éléphant blanc, ce qui porte malheur nous dira Wong. Ah, vous ne savez pas qui est Potus ? Je vous aide : President Of The United States, en visite officiel. Ajoutons que les services secrets américains sont représentés par un chef hors pair, qui a soigneusement construit son personnage, que les services secrets chinois sont représentés par une femme charmante, la commissaire Zhang, qui a appris l’anglais, certes, mais pas ses subtilités parlées, et doute toujours du sens caché que peut contenir certaines paroles. Non, « l’éléphant contient une bombe » n’est pas une phrase contenant un sous-entendu sexuel ! Elle n’est pas la seule à avoir de léger soucis avec l’anglais, et C.F. Wong ne comprend pas pourquoi « Fech », que dit toujours sa collaboratrice, n’est pas dans les dictionnaires.

Soyons clair : dans cette enquête abracadabrante, on voit peu le maître au travail, on ne voit quasiment jamais sa secrétaire, et Joyce est plus occupée, c’est tout à son honneur téméraire, à tenter de sauver Nelson, l’éléphant blanc, que de pratiquer le feng shui. De plus, autant le premier volet lu était drôle, autant ce n’est pas le cas de celui-ci. En lirai-je un troisième ? A voir !

Le maître de fengshui perd le Nord de Nury Vittachi

édition Philippe Picquier – 349 pages.

Présentation de l’éditeur :

Mourir est très mauvais pour le fengshui.
C’est pourquoi C.F. Wong, digne maître de fengshui exerçant à Singapour, se trouve amené à résoudre quelques énigmes criminelles-comme l’apparition intempestive d’un fantôme dans un cabinet dentaire, ou la disparition d’une jeune Chinoise promise à une mort inévitable et prochaine. Ici, il est confronté à une histoire très compliquée, qu’il va s’efforcer de dénouer avec l’aide de sa pétillante stagiaire, Joyce McQuinnie, une Anglo-Australienne plus préoccupée par ses soirées en boîte de nuit que par les enseignements de la géomancie traditionnelle chinoise.

Mon avis :

Bon.
Curieux objet de littérature policière que nous avons là.
L’auteur, né au Sri Lanka, est marié avec une anglaise et a adopté trois enfants chinois (je le cite). Ils vivent à Hong-Kong où l’auteur est aussi journaliste.
Bon (bis).
C.F. Wong est un maître du Feng Shui, et j’ai presque failli me convertir à cette philosophie de vie. Enfin, pendant cinq minutes, entendons-nous, puis je suis retournée à mon bordel organisé, c’est tellement mieux ainsi – pour moi.
D’ailleurs, ce pro du rangement et de l’organisation ne parvient pas vraiment à mettre de l’ordre dans sa propre vie. Il faut dire que ce roman ne commençait pas très bien pour lui : en pleine consultation dans l’appartement d’une famille, il ne parvient pas à trouver ce qui ne va pas, ce qui explique ce malaise – et pourtant, il l’éprouve, légèrement, certes, mais il l’éprouve. Enfin, il trouve : quelqu’un a mis le feu à l’appartement et l’odeur de fumée est apparue. Heureusement, le maître de la sagesse orientale a gardé tout son calme, et il lui en fallait, parce que :
– sa secrétaire est une calamité, ne fait absolument rien, sauf lui compliquer la vie ;
– Joyce, sa stagiaire, se met souvent dans des états que la morale réprouve, tout en mettant beaucoup de coeur à l’ouvrage.
De plus, il se retrouvera non seulement à fournir ses services de maître de feng shui, mais à résoudre une affaire d’enlèvement, de vengeance, mais aussi sauver, peut-être, une jeune femme d’une mort imminente. Cela fait beaucoup pour un seul homme, qui ne peut compter que sur sa stagiaire australienne, dont les coutumes l’étonnent, quand ils parviennent à se comprendre – à croire qu’ils ne parlent pas vraiment la même langue tous les deux (ou alors, les jeux de mots sont plus faciles à comprendre dans la langue originelle). Il faut dire aussi que la jeune femme déjeune de breuvages assez incompréhensible, comme des latte et autres caramel macchiatto.
J’ai l’impression que lui-même ne sait pas vraiment comment il se fourre dans des situations encore plus invraisemblables que celles que j’ai nommée plus haut, et qui impliquent la triade (si, si), la police (c’est le minimum) et un hélicoptère (parfois) quand il n’est pas obligé de courir partout, avec Joyce sur les talons. Le pauvre a parfois à peine le temps de se consacrer à son métier, encore moins d’écrire. Les quelques pages qu’il parvient à écrire sont pourtant autant d’invitations à se poster, à réfléchir, à profiter de la vie, à se demander ce qu’est vraiment le bonheur.
Il récuse aussi ceux qui croient tout savoir, ceux qui, en examinant les lignes de la main ou toute autres méthodes de divinations, pensent prédire l’heure de la mort – et ne pas tenter de l’empêcher, puisque tout est écrit. C.F. Wong rappelle, à juste titre, que l’on traverse tous des passes difficiles – à nous de les traverser le mieux possible, sans se laisser abattre, dans tous les sens du terme.
Un livre et une enquête bordélique, mais sympathique.

Rue du dragon couché de Chi Wei-Jan

Présentation de l’éditeur :

Que faire à Taipei quand on adore le roman policier, la philosophie et le Kung-fu sinon s’installer Rue du Dragon couché, au coeur du quartier des pompes funèbres, et y devenir détective privé ?
C’est ainsi que Wu-cheng, dramaturge raté qui en veut à tout le monde après que son couple s’est désagrégé, décide de tout envoyer valser : il quitte son poste à l’université, déménage et devient détective privé par amour des intrigues.

Mon avis :

Vous ne connaissez pas Taïwan ? Cela tombe bien, ou presque, moi non plus ! Partons donc ensemble à la découverte de ce pays, via Wu-Cheng, apprenti détective. Traditionnellement, dans la littérature policière, le détective est quelqu’un qui a été policier avant de se lancer dans la brillante (ou pas) carrière de détective. Ici, rien de tout cela : Wu est un quinquagénaire. Universitaire pas geek du tout, il démissionne, se sépare quasiment de sa femme, et se lance, sans que personne ne comprenne pourquoi, dans la belle et noble profession de détective. Avec lui, nous découvrons la ville de Tapei, quelques trafics par-ci, par-là, parce que, soyons honnête : Wu n’a pas beaucoup de client. A vrai dire, il en a même une seule, au début, et s’il réussit à boucler son affaire, il n’a pas grand chose à faire de ses journées. Il a même un emploi du temps réglé comme du papier à musique, solitaire, certes, mais régulier. Pendant ce temps, des crimes sont commis à Taïwan. De là à dire qu’un tueur en série sévit dans la ville, il n’y a qu’un pas que certains sont tout prêts à franchir, à condition, bien sûr de ne pas faire peur à la population locale. Wu, pendant ce temps, se renseigne sur les tueurs en série. En fait, Wu se renseigne sur à peu près tout – est-ce parce qu’il est universitaire ? Il est capable de disserter de tout et de rien, des parisiens, notamment, de l’art, de la musique – et de son corps de quinquagénaire qui n’apprécie pas ce nouveau métier.
Il se retrouve bien malgré lui, alors qu’il n’appréciait rien tant que sa petite vie de détective presque tranquille, plongé au cœur de cette enquête pour meurtres, mais pas de la manière dont il l’aurait voulu ! Heureusement, il peut compter sur les rares amis qu’il a – pour être détective ou universitaire, il faut parfois être imbuvable. Il faut dire aussi qu’avant de quitter l’université, il a piqué une crise assez conséquente, sur laquelle il revient de temps en temps. Oui, il n’est vraiment fier de ce qu’il a fait, bien conscient qu’il a eu, qu’il a encore des « problèmes », mais ce n’est pas une raison pour qu’on remette ça sur le tapis !
Sauf qu’on le remet, forcément, parce qu’il est au coeur de cette enquête. Qui pouvait en vouloir aux victimes, d’innocentes personnes âgées, pour de pas dire, dans le cas de la troisième victime, des personnes impotentes, qui ? Et qui aurait intérêt à impliquer cette universitaire démissionnaire, cet auteur de théâtre pas vraiment réussi, dans une affaire pareille ? *
Oui, cela fait beaucoup de question, pour Wu, pour la police, et pour le lecteur aussi. Ce n’est pas tant les méandres d’une enquête qu’il faut suivre qu’une organisation tellement bien huilée qu’elle est implacable. Les américains n’ont pas le monopole des tueurs en série. Les taïwanais n’ont pas vraiment envie d’en avoir un et d’examiner ses obsessions.
Rue du dragon couché, un roman pour lecteur qui aime être surpris.
Je remercie Netgalley et les éditions Calmann-Lévy pour ce partenariat.

 

Nuit sans lune au Waziristan de S. Mauloof

Présentation de l’éditeur :

Lorsqu’un entrepôt est réduit en cendres au Waziristan (entre le Pakistan et l’Afghanistan), l’inspecteur d’assurances Cash est envoyé sur place pour examiner les dégâts. Il arrive à Tank, une ville provinciale frappée par la pauvreté, et découvre un projet de détournement de fonds qui met ses patrons et la police secrète pakistanaise dans une situation délicate. Alors qu’il s’efforce de trouver un compromis entre deux idéologies opposées, Cash est hanté par le souvenir de sa femme décédée et par les devoirs qui lui incombent en tant que père d’une adolescente particulièrement douée. La corruption du monde dans lequel il évolue et les soupçons unanimes finissent par triompher de lui : Cash est persécuté, menacé et finalement kidnappé par des talibans, qui réclament une rançon…

Mon avis : 

Ne lisez pas ce livre si vous chercher un roman policier qui puisse vous divertir, parce que vous vous tromperez grandement. Rien n’est simple, et encore moins simpliste dans ce récit, qui se passe dans un pays que nous, occidentaux, ne connaissons quasiment pas, et encore, uniquement de notre point de vue.

Le Waziristan existe bel et bien, et n’a pas une très bonne réputation. Il est plutôt vu comme un lieu de recrutement pour terroristes. Pour les habitants de cette région du Pakistan, c’est avant tout leur nation, et ceux qui les menacent viennent d’Afghanistan, du Pakistan, mais aussi des Etats-Unis. Si j’ai été frappée par une scène (entre autres), c’est celle qui nous montre l’effroi provoqué par l’apparition d’un drone américain. D’ailleurs, les américains ne sont peut-être pas étrangers à cet l’entrepôt qui a été réduit en cendres…  Les raisons ne sont peut-être pas à chercher du côté de l’accident pur et simple.

Sayyid Qais Ali Qureshi, c’est le vrai nom de Cash, l’agent d’assurance qui a une mission compliquée. Elle lui a été confiée par son amie Sonia, pour laquelle il a éprouvé plus que de l’amitié. Ce n’est pas seulement pour  elle qu’il accepte cette mission, c’est surtout pour sa fille, pour qu’elle puisse faire les études qu’elle désire. Je n’ai garde d’oublier la mère de Cash, qui a aussi une grande importance pour son fils.

Nous serions en France, Cash n’aurait aucun mal à faire son travail. Je connais peu de personnes qui refusent le dédommagement proposé par leur assurance. Ce n’est pas le cas ici, pour des raisons complexes, qui nous sont bien expliquées, en un conflit entre tradition, religion et envie de vivre à son époque. Cash n’est pas au bout de ses peines, lui qui est enlevé et ne voit franchement pas de quelle manière il va pouvoir s’en sortir.

Ce qui nous est raconté est dur, pas forcément agréable à lire. Etre otage est tout sauf une partie de plaisir, et les conséquences sont rudes. Il ne s’agit pas tant de vivre que de survivre – dernier qualificatif valable également pour les populations locales. Ne plus être un otage n’est pas facile non plus. Plus qu’un roman policier, ce livre pourrait être qualifié de « romans d’espionnage » ou de « roman de guerre ». Il est cependant un des rares romans noirs que je connais écrit par un auteur pakistanais.

Je terminerai par quelques citations :

« Je cessai de regarder cette scène horrible et mémorisai des détails qui n’avaient de sens que pour un inspecteur d’assurance. J’avais passé vingt ans de ma vie à reconstituer les circonstances des sinistres qui avaient détruit des usines ou des entrepôts, et voilà que je me trouvais sur les lieux d’un bombardement au moment où il se produisait. A la différence que le camp de Ghazigar n’était pas assuré et que les gens ne déposeraient pas plainte contre Dieu ni le gouvernement ».

« Voilà donc ce qu’est une zone de combat. Un endroit où les sociopathes peuvent enfin socialiser« .

La soeur de Soledad de Jose Dalisay

Présentation de l’éditeur (extraits) :

Cabaret le Flamboyant. Walter, un policier, est chargé d’une mission particulièrement délicate : annoncer à Aurora qu’un cercueil portant son nom vient d’arriver à l’aéroport de Manille, en provenance d’Arabie Saoudite. Comme la jolie chanteuse est de toute évidence bien vivante, qui est la morte ? Et pourquoi y a-t-il eu, semble-t-il, usurpation d’identité ? Accompagné de la jeune femme soudain devenue silencieuse, Wlater entreprend un long périple en voiture jusqu’à la capitale afin de récupérer le corps de la mystérieuse défunte. Au cours du voyage, deux solitaires cabossés par la vie apprendront à se connaître. Et Walter finira par découvrir la vérité.

Mon avis :

Je salue tout d’abord le courage de l’éditeur, qui a choisi de faire paraitre en France un roman philippin. Je me demande s’il a rencontré un certain succès à sa parution, ou un écho dans les blogs. Pour ma part, je ressors déçue de cette lecture, parce que les promesses ne sont pas réellement tenues. « Walter finira par découvrir la vérité » ? Peut-être, mais pas le lecteur, qui restera sur sa faim, même après avoir lu l’épilogue, et ne saura pas réellement quel fut le destin de la soeur d’Aurora. Il saura en revanche le sort de ces philippins partis travailler à l’étranger, dont six cents d’entre eux reviennent chaque année dans des cercueils de plomb. Il saura les trafics en tout genre qui sont le quotidien des philippins restés au pays – et certains, tout en se montrant particulièrement rusés d’un côté, sont très naïfs de l’autre. Il saura les rêves d’Aurora. Il saura pourquoi Soledad part travailler à l’étranger, à Hong Kong d’abord, en Arabie Saoudite ensuite, même si ses motivations sont sujettes à caution. Le narrateur omniscient est là pour nous montrer – aussi – à quel point Soledad comprend très mal ceux qui l’entourent, ou ne tient pas compte de ce qu’ils lui disent. Soledad est une mystique, à sa façon, d’une manière extrême et dangereuse – pour elle et pour les autres. Reste Walter, le policier, un peu déboussolé. Si le récit n’a duré que quelques jours, les retours en arrière nombreux (et, disons le mot, parfois ennuyeux) nous ont tout appris des errances et des erreurs des personnages principaux. Dommage que nous ne puissions pas les voir repartir enfin vers un avenir plus serein.

Asie2