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Choucroute maudite de Rita Falk

Présentation de l’éditeur :

Bienvenue dans le village de Niederkaltenkirchen, Bavière, pour une comédie policière haute en couleur. Le commissaire Franz Eberhofer, viré de Munich pour raisons disciplinaires, se la coulait douce dans sa bourgade natale : les patrouilles finissaient invariablement devant une bière chez Wolfi, en promenade avec Louis II – son chien –, dans la boucherie de son copain Simmerl ou à table avec sa mémé sourde comme un pot. Ça, c’était jusqu’à ce que les membres de la famille Neuhofer claquent l’un après l’autre, avec la mère retrouvée pendue dans les bois, le père électricien électrocuté, et le fils aîné aplati façon crêpe sous le poids d’un conteneur. Ne reste plus que Hans, le fils cadet.
L’enquête s’annonce déprimante. Mieux vaut prendre des forces et avaler consciencieusement les robustes charcuteries locales.

Mon avis :

Le fin fond de la campagne bavaroise, il n’y a que cela de vrai, du moins, pour le commissaire Eberhofer. A la suite d’un léger souci professionnel – très léger – il a été décidé de le mettre au vert. Enfin, disons qu’à ce stade, ce n’est plus du vert, mais le désert vert. Les choses ont été bien faites : à Niederkaltenkirchen, vit aussi la famille du commissaire. Son père, d’abord, est un fan absolu des Beatles ce qui rend la cohabitation avec son rejeton un peu délicate. Sa mémé, sourde, est une excellente cuisinière et il en profite largement. Elle est aussi une inconditionnelle des promotions en tout genre – comment lui faire plaisir ? une promo ! Reste Leopold, frère aîné du commissaire, fils chéri de la famille, mariée à une belle roumaine – vive l’union européenne.

Il ne se passe jamais rien, dans ce patelin, au point que pour occuper le commissaire, on va presque le renvoyer à la circulation, avec des conséquences inattendues et drôles. Il faut dire que le commissaire, que l’on aurait tendance à qualifier trop vite de danger public, est très soucieux de la sécurité de ses semblables, et de sa capacité à enquiquiner ceux qui veulent le contraindre à faire quelque chose qu’il n’a pas envie de faire. Ah, si, pardon, quatre décès successifs ont eu lieu, quatre décès dans une même famille. Non, ce ne sont pas des meurtres, pas du tout, ce sont des accidents et un suicide. Il est vraiment des familles qui sont frappés par le sort.

Ce n’est pas l’enquête qui est l’intérêt principal de ce livre, c’est la personnalité d’Eberhofer, qui décide d’enquêter à sa manière, et pas tout le temps, pour faire toute la lumière sur es étranges coïncidences et sur les profits certains que certains en ont tiré. Oui, le commissaire est parfois bien plus préoccupé par sa vie sentimentale à laquelle il tente de donner un semblant d’existence que de tout savoir sur ses meurtres qui ne préoccupent plus grand monde – puisque la famille Neuhofer n’existe plus du tout. Sa non-enquête l’emmène pourtant très loin – heureusement qu’il n’était pas seul sur le coup et que certains coupables ont tous les défauts des méchants de série B. L’on est un polar humoristique et culinaire ou on ne l’est pas. La preuve : les recettes nous sont données à la fin du livre.

 

Metzger sort de son trou de Thomas Raab

Présentation de l’éditeur :

Willibald Adrian Metzger, restaurateur de meubles anciens, n’a pas vraiment le profil du héros. Il ne boit pas de café, s’évanouit quand il sent de la fumée de cigarette, n’a ni voiture ni téléphone portable et a un faible pour les femmes plus âgées. Moqué pour son nom de famille (le « charcutier ») et pour sa timidité, il traverse la vie pour ainsi dire enfermé dans son atelier avec sa bouteille de rouge. Pourtant lorsqu’en traversant un parc enneigé, il tombe sur le cadavre d’un homme éborgné, le pacifique Willibald n’a d autre choix que de se mettre à enquêter, d’autant que la victime ne lui est pas inconnue : Felix Dobermann, son bourreau du temps de la cour de récré.

Mon avis :

Si, comme moi, vous aimez les romans policiers hors-norme, alors ce livre est fait pour vous. Nous trouvons bien un commissaire de police – disons qu’il n’est pas très vigoureux. Il pourrait presque passer pour un enquêteur dilettante. Il a connu, dans sa jeunesse, un restaurateur de meubles Metzger : ils étaient en quelque sorte des condisciples.  Metzger a un léger problème : il est tombé sur le cadavre de son ennemi d’adolescence. Problème : le cadavre a disparu. Pourtant, Metzger est sûr de lui, de son fait : Dobermann a bien été assassiné. Par qui ? Pourquoi ? Le voilà obligé de replonger dans son passé, lui qui a plutôt été l’éternelle victime des autres lycéens.
Victime, oui, mais la tête haute : Willibald a subi ce qui lui arrivait presque avec indifférence, lui qui ne voulait pas que sa mère, divorcée, s’en fasse encore plus pour lui. Son métier ne ravissait pas son père. Qu’importe ! Lui est heureux de ce qu’il fait, même si, parfois, une, deux, trois bouteilles accompagnent sa soirée.
Renouer avec le passé, c’est remuer ce que d’autres n’auraient pas voulu qui le soient. Revoir leur ancienne victime ne leur fait pas forcément plaisir – et s’il cherchait à se venger ? La mesquinerie ne vieillit pas, finalement. Metzger en apprend surtout beaucoup sur l’actuelle victime ignorée : Dobermann. Violeur, meurtrier, il est sorti de prison à cause d’une attaque cérébrale. Certains diront que la justice divine existe. Un autre (Metzger) voudra, vingt ans plus tard, avoir le coeur net sur ce qui s’est passé vingt ans plus tôt. Il va mener l’enquête, et au fur et à mesure des pages, il montera en puissance, disant quelques vérités au passage. Certains sont prêts à les entendre, un(e) autre est plutôt prêt(e) à le faire taire.
Au milieu de toutes ses rencontres, il en est une qui marquera Metzger : celle de Danjela, femme du concierge à son époque, veuve du concierge désormais – ils s’étaient unis pour permettre à la jeune femme de rester en Autriche. Elle n’a pas changé en vingt ans, et elle est une des rares personnes en qui Willibald puisse avoir totalement confiance.
Un polar hors norme pour un enquêteur hors-norme.

Zone d’anomalie d’Andriy Kokotukha

Présentation de l’éditeur :

Plus de vingt ans après la catastrophe de Tchernobyl, une jeune femme, Tamara Tomilina, entre en contact avec un journaliste du journal Faits incroyables. Elle veut qu’il publie son histoire. À cause de l’explosion de la centrale nucléaire soviétique, sa mère, alors enceinte d’elle, a dû être évacuée de Pidlisne, un village du nord de l’Ukraine. Tamara a donc grandi loin de là. Mais depuis quelque temps, la nuit, elle entend des gémissements effrayants, et un irrésistible appel de ce village où elle n’a pourtant jamais mis les pieds. Et elle a entendu dire que d’autres avaient ressenti la même chose, s’étaient rendus là-bas et avaient disparu pour toujours dans la zone de Tchernobyl. Le jour suivant la publication de l’article, Tamara disparaît. Puis le journaliste disparaît à son tour…

Mon avis :

Son nom est Chamray, Victor Chamray. Il exerce la belle profession de journaliste. il ne travaille pas dans n’importe quel journal, non, il travaille dans un journal qui collecte des faits extraordinaires, des faits qui ne sont pas vraiment vérifiables et qui ne sont pas susceptibles d’entraîner, pour la rédaction, un procès en bonne et due forme. Comment en est-il arrivé là ? C’est une histoire dramatique, qui vous sera racontée en son temps, je vous rassure.
Une jeune femme magnifique, Tamara Tomilina, demande à le rencontrer. Elle est appelée par un lieu, un village qui a été évacué peu avant sa naissance, à cause de l’accident de Tchernobyl. Elle lui parle de disparition. Elle aussi disparaît, avant de réapparaître, amnésique. Et les ennuis commencent pour Victor Chamray – ou devrais-je plutôt dire qu’ils continuent.
Ce polar pourrait presque être léger, n’était le contexte. C’est à une Ukraine en proie à la corruption que nous avons à faire, corruption qui règne à tous les niveaux. Il faut vraiment avoir une abnégation professionnelle rare pour résister à l’argent, à la violence, à l’intimidation, à la torture aussi. Vous trouvez que ce tableau n’est pas très réjouissant ? Vous avez raison. L’Ukraine a subi beaucoup, avant et après la chute de l’URSS, et elle semble à peine se relever. A peine. D’ailleurs, le meilleur enquêteur de ce récit risque pire encore : le renvoi. Il n’est pas le meilleure pour rien, puisque, pour avoir survécu tant de temps dans ce système, c’est qu’il a su anticiper, prévoir – pour protéger vraiment.
Ce qui rend ce livre assez aisé à lire est le ton, le mélange des genres, entre tragique et bouffonnerie. Certains personnages sont proprement impayables, comme Pouzyr, policier prêt à presque tout pour passer le moins de temps possible avec sa belle-mère. Cela ne l’empêche pas de prendre des risques : le drame n’est jamais loin.
Un polar que j’ai aimé lire et découvrir.

Ps : je spoile sur le dénouement, qui rappelle celui de ma précédente chronique. Si ce n’est… qu’il (=le vengeur) a pris des risques et que sa victime était plus dangereuse que lui. Puis, l’enquête suivra son cours, après tout….

Spada de Bogdan Teodorescu

édition Agullo – 311 pages.

Mon résumé :

La Roumanie, de nos jours. Un homme est retrouvé poignardé, puis un deuxième, encore un troisième. Le point commun entre les trois ? Ils ont tous un casier judiciaire et son tous d’origine tzigane. Qui peut bien être cet insaisissable tueur ?

Mon avis :

Bonjour à tous ! Je viens ici pour vous présenter un thriller roumain. En effet, un tueur en série sévit en Roumanie, il poignarde ses victimes, ne laisse pas de survivants, et toutes les forces de police vont jeter leur forces vives pour le mettre hors d’état de nuire.
Ah, on me souffle dans l’oreillette que ce n’est pas exactement ainsi que cela se passe. Comment ? La police ne fait pas d’efforts pour l’arrêter parce qu’elle n’a aucun indice, aucune piste mais une dizaine de cadavres ? C’est tout de même un peu embarrassant, non ?
Et bien, oui et non, parce que la recherche du tueur n’est pas l’élément le plus important de ce roman. Bodgan Teodorescu dresse un portrait corrosif de la société roumaine. La presse est totalement libre. Libre de se faire acheter, libre de se faire dicter ce qu’elle doit dire ou faire, libre de déprogrammer une émission, un film pour assurer une meilleure audience à de sympathiques hommes politiques qui ont des choses très importantes à dire – sur le Poignard, justement, le tueur qui occupe tout le monde et que personne n’arrête.
Les faits sont importants, la manière dont ils sont instrumentalisés l’est plus encore. Servir l’intérêt d’un parti, stigmatiser une communauté, se retrouver avec la communauté internationale sur le dos – voici ce qui nous attend. La plupart des événements nous sont présentés de manière brute, comme si le lecteur était un témoin, et après nous voyons le parti que certains en tirent, les tourments du malheureux président et de ses ministres. Oui, je le plaindrai presque, ce président, obsédé par son rival, le discours idéal, abreuvé de thé et nourri de biscuits. Quant au discours nationaliste, il n’est même pas besoin de changer un mot, il pourrait être reproduit par n’importe quel extrémiste de n’importe quel pays d’Europe. N’oublions pas non plus l’armée, qui se tient prête…. à remettre de l’ordre, à sa manière.
L’intrigue tient ses promesses jusqu’à la dernière page, avec un final surprenant, mais pas étonnant au vue de tout ce que l’on a découvert auparavant.
Après La ferme aux poupées de Wojciech Chmierlarz, la maison d’édition Agullo me semble vraiment présenter des auteurs hors des sentiers battus.

Metzger voit rouge de Thomas Raab

Présentation de l’éditeur :

Quand un joueur de foot s’écroule, raide mort, sur le terrain au beau milieu d’un match, que faut-il en conclure ? Dopage, surmenage physique ? Mais quand ce même joueur a été, auparavant, copieusement insulté par les supporters de l’équipe adverse comme de la sienne, à cause de sa couleur de peau, d’autres pistes peuvent être envisagées.

Mon avis : 

J’ai croisé ce livre à la bibliothèque à plusieurs reprises, et il a fallu une après-midi où je n’avais pas grand-chose à lire (si, c’est possible), avec une amie plongée dans l’Affaire Protheroe pour que je me décide à l’emprunter.
En faisant des recherches, je n’ai pas trouvé tant de critiques que cela sur ce livre. Pour quelles raisons ? Parce que l’action est lente à se mettre en place ? Mais ce n’est pas l’action traditionnelle qui est importante, c’est tout ce qui est autour, à commencer par la personnalité hors-norme, décalée, de Metzger. Il est restaurateur de meubles anciens, et a une relation avec Danjela, concierge d’origine croate. Ils s’aiment, pas de doute, cependant Metzger a du mal à dire ses sentiments, plus encore à donner des preuves d’amour – même si accompagner sa dulcinée à un match de football en est une.  Ce qui n’était pas prévu, c’est que le brillant gardien de but soit assassiné en plein match, et que Danjela, qui avait commencé à enquêter, soit victime d’une agression qui aurait dû la tuer, mais l’a laissée plongée dans le comas.
Découvrir la vérité, oui, mais surtout, protéger Danjela, qui en savait trop, qui s’est retrouvée à fouiner là où il ne fallait pas et qui, du coup, risque encore sa vie – on n’est jamais vraiment en sécurité, même dans une unité de traumatologie. Danjela a de la chance, dans son malheure : un compagnon qui se rend compte à quel point il tient à elle, et à quel point elle tenait à lui, une meilleure amie prête à aider, un commissaire de police qui en a marre de se faire taper sur les doigts par un supérieur incompétent, et qui a bien l’intention de faire un peu de ménage là où s’est encore possible de le faire.
Le milieu du football autrichien est un peu/beaucoup pourri, grevé par le racisme et la violence. Je crois même que l’on peut supprimer l’adjectif « autrichien », tant on peut voir que ce problème dépasse largement le problème de l’Autriche. La peinture des joueurs de football n’est pas tendre – le sont-ils seulement ?
J’ai une tendresse particulière pour Metzger. Il suffit d’une phrase, parfois, pour me faire apprécier ou détester un personnage. « Je t’attendra chaque jour qui me reste à vivre » peut être flippant si elle vient d’un amoureux éconduit. Elle ne l’est pas quand il s’agit d’un homme qui parle à la femme qu’il aime et qui lutte pour survivre.
Je suis retournée à la bibliothèque empruntée le tome 1.

Un astronaute en Bohème de Jaroslav Kalfar

Présentation de l’éditeur : 

 »  La Terre était maintenant un point brillant dans les profondeurs des cieux,un foyer réduit à une unité de ponctuation. »
Jakub est un astrophysicien missionné par la République tchèque pour partir dans l’espace analyser un inquiétant nuage qui recouvre Vénus. À la veille de son départ et alors que des hordes de caméras le suivent partout, Jakub n’a qu’une hâte, se retrouver enfin seul. Cependant, au bout de treize semaines de voyage, il apprend par écran interposé que sa femme Lenka le quitte.

Merci à Netgalley et aux éditions Calmann-Lévy pour ce partenariat

Mon avis : 

Parmi tous les titres de la rentrée littéraire 2017, celui-ci m’avait interpellé parce qu’on associe rarement « astronaute » et « Bohème », cette région historique d’Europe centrale. De plus, il s’agit d’un premier roman, tout pour attiser ma curiosité.
Je n’ai pas été déçue par ce roman qui mélange les genres et les tons. Les genres, parce que ce roman tient de la science-fiction et du roman historique. Science-fiction, il revisite le thème de la conquête de l’espace, de la recherche scientifique, de l’existence d’une vie extraterrestre en écrivant sur un projet quasiment délirant, non parce qu’il s’agit d’analyser un mystérieux nuage, mais parce que la petite République Tchèque songe à battre au poteau les puissances américaine et russe. Roman historique, il nous plonge dans le passé du pays, par le biais de son narrateur et personnage principal, l’astrophysicien Jakub.
Il est un symbole de la réussite de son pays, mais aussi de sa dualité. Enfant, il a vécu la transition entre le communisme et le capitalisme, à laquelle la société tchèque s’est parfaitement adaptée – la description de la modalité de la mission ressemble à une gigantesque émission de télé-réalité, avec maints placements de produits. A travers les yeux de Jacob, nous découvrons les facettes de ce pays, des méthodes du communisme, qui n’ont pas vraiment été oubliées par ceux qui dirigent le pays aujourd’hui.
Ce n’est pas seulement le voyage dans l’espace  de Jakub que nous découvrons dans ce roman. C’est aussi son itinéraire personnel, son introspection, après qu’il a appris que Lenka, sa femme (diminutif d’Héléna) le quittait. Il lui en faudra, du temps (le voyage ne dure-t-il pas huit mois ?) pour parvenir à ses conclusions, pour prendre certaines décisions. Il semble que chaque pays a besoin de héros, non ?
Une belle découverte.

Je ne résiste pas à dédier ce billet à un autre Jakub (francisé en Jacob), et à une autre Héléna (surnommée Héla).

Une brève histoire du tracteur en Ukraine de Marina Lewycka

Présentation de l’éditeur : 

Quand leur père Nikolaï, veuf depuis peu, leur annonce qu’il compte se remarier avec Valentina, Vera et Nadezhda comprennent qu’il va leur falloir oublier leurs vieilles rivalités pour voler à son secours. Car Valentina a cinquante ans de moins que lui, des ogives nucléaires en guise de poitrine, et un certain penchant pour les plats surgelés! Mais surtout, elle est prête à tout pour assouvir sa quête du luxe à l’occidentale. Tandis que Nikolaï poursuit tant bien que mal son chef-d’oeuvre – une grande histoire du tracteur et de son rôle dans le progrès de l’humanité – les deux soeurs passent à l’action. Commence alors une bataille épique pour déloger l’intruse aux dessous de satin vert, sur fond de secrets de famille.

Mon avis :

Un homme, d’origine ukrainienne, veuf, octogénaire, se remarie avec une très belle immigrée ukrainienne qui va faire de sa vie un enfer. Ses deux filles vont essayer de le dépatouiller de ce mariage qu’il a choisi pour de mauvaises raisons. Dit ainsi, cela ressemble à un vaudeville, si ce n’est que l’entente n’est pas au beau fixe entre les deux soeurs depuis la mort de leur mère et le partage de son héritage. L’une des soeurs (la plus jeune) a une fille, l’aînée en a deux, et ceci explique cela – même si les cousines s’entendent très bien !

Nikolaï a beau être maltraité par Valentina, et pas qu’un peu, le ton n’est pourtant pas tragique puisqu’il accepte de cette femme, de son fils, des choses qu’il n’aurait pas accepté, et n’a pas accepté du tout d’ailleurs, de sa première femme et de leurs filles.

Puis, le roman se fait poignant quand nous découvrons la jeunesse de cette homme, ce que lui, sa première femme et sa fille aînée ont vécu en Ukraine, ce que la cadette, née après, n’a pas connu. Il se dessine alors une autre histoire, entre l’Ukraine du passé, et l’Ukraine contemporaine, qui n’est pas vraiment une terre joyeuse et tranquille. Et l’on peut se demander aussi quelle vision nous donnons de l’Europe, puisque Valentina ne voit le bonheur que dans la (sur)consommation et la facilité. J’ai vraiment du mal à ressentir ne serait-ce qu’un peu de compassion pour elle : elle n’a pas réellement été dupée, elle profite de tous les avantages de sa situation, n’est pas à un mensonge ou un mépris près. Oui, elle a vécu des événements durs, elle souhaite le meilleur pour son fils mais elle ne sait pas profiter de ce qu’elle possède – puisque posséder est la seule chose qui l’intéresse.

Quant à Vera et Nadezhda, elles feront la paix, d’une certaine façon. Et Nadezhda comprendra la signification de son prénom, et la chance que cette « enfant de la paix » a eu.

Matinées au café Rostand d’Ismael Kadare

Présentation de l’éditeur :

Dans ce recueil de textes inédits, Ismail Kadaré, qui partage désormais son temps entre l’Albanie et la France, commence par décrire sa première arrivée à Paris, au début des années 1970, alors qu’il est encore recouvert des miasmes du régime qui l’a laissé sortir quelques jours.
La Ville lumière lui apparaît alors comme dans un songe. Cette « liaison », selon ses propres mots, va durer quatre décennies et perdure. Ce furent d’abord vingt années pendant lesquelles il vécut sous la chape communiste, puis vingt autres qu’il qualifie d’intemporelles. Années où l’écrivain, tous les matins, et encore aujourd’hui, a posé ses notes et son stylo sur une table du café Rostand, face au jardin du Luxembourg, puisant dans ce rituel le moyen d’évoquer tour à tour Tirana, Moscou, l’Académie française, Macbeth, le prix Nobel, mais aussi ses compagnons de jeunesse dans une Albanie muselée et les figures littéraires qui surgissent au gré de ses promenades dans Paris.
Refuge de l’écrivain et, pour lui, lieu d’inspiration, le café, véritable fil conducteur de ces courtsrécits, lui permet de livrer ici le ferment d’une vie d’écriture.

Merci à Netgalley et aux éditions Fayard pour ce partenariat.

Mon avis :

Ismael Kadare a 80 ans, et bien que je connaisse cet auteur de nom, bien que j’ai croisé à de nombreuses reprises ses livres, dans des librairies, à la bibliothèque, c’est la première fois que je lis une de ses oeuvres, la toute dernière en date, parue le 18 janvier. Ce qui m’a attiré en premier lieu, il faut bien le dire, est la couverture, que j’ai trouvée sobre et évocatrice à la fois.
Je le dis tout de suite : ces récits n’étaient pas forcément la meilleure manière d’aborder l’oeuvre de cet auteur. Ce sont des chroniques, certaines très longues, d’autres très courtes, parfois répétitives. Le café m’avait semblé, au tout début, être le fil conducteur du roman, qu’il s’agisse du café pris au café Rostand, près du Luxembourg (note : je passe devant chaque fois que je vais au Luxembourg), entre auteurs, certains travaillant ou corrigeant leur manuscrit dans ce lieu. Ce n’est pas qu’un café, c’est aussi l’occasion, pour Kadare, de parler de son tout premier séjour à Paris, et de parler de ce qui est le vrai sujet de ces récits : l’Albanie.
Ici, en France, ou ailleurs, en Italie, en Russie, dans le passé proche, dans le présent, dans le futur, et même dans les temps ancien, l’Albanie est omniprésente. Indépendante, sous le jouge turc, sous domination communiste, ou royauté, l’Albanie nous est montrée sous toutes ses facettes. L’Albanie, et le sort qu’elle réserve à ses écrivains, dont Kadare ne semble pas le représentant, mais le survivant, là où tant d’autres ont dû renoncer à écrire – génération sacrifiée, même pour ceux qui ont connu une reconnaissance internationale. Kadare parle aussi des « jeunes pousses », la jeune génération d’écrivain, encore peu connue. Quelle sera leur avenir ? Difficile encore à dire ou à écrire.
Matinées au café Rostand est un livre davantage destiné à ceux qui apprécient déjà l’oeuvre de l’auteur plutôt qu’à ceux qui la découvrent.

Quitter Zell de Wolf Hass

Mon résumé :

Alois, en mettant en route les télésièges, a la très mauvaise surprise de trouver deux cadavres. Qui a commis le crime ? Six mois plus tard, l’enquête n’a pas avancée. Brenner, ancien policier, nouveau détective, est pourtant sûr qu’il parviendra à jeter toute la lumière sur cette affaire.

Mon avis :

Amateur de romans policiers traditionnels, passez votre chemin. En revanche, si vous aimez découvrir des auteurs, des enquêteurs, qui sortent des sentiers battus, n’hésitez pas, Wolf Haas et Brenner sont faits pour vous !
Brenner est un ancien policier, qui n’apprécie pas nécessairement son ancien supérieur qui apparaît de temps en temps pour faire avancer l’enquête. Dame : elle dure depuis six mois, cette enquête, et l’on ne sait toujours pas qui a tué ses deux riches américains octogénaires, beaux-parents d’une riche figure locale.
Ce n’est pas que rien n’est simple, c’est que les figures hors-normes ne manquent pas dans ce coin perdu de l’Autriche. Certaines sont attachantes, comme , qui s’est totalement identifiée aux jeunes femmes sacrifiées pour la prospérité des industries américaines, ou Alois, capitaine des pompiers qui a découvert les corps, et qui, dans l’exercice de ses fonctions, a droit à une des plus belles pages du roman.
Si le dénouement du roman laisse un goût amer, si, et ce n’est pas si rare, j’ai trouvé que le coupable était une victime à part entière, l’Autriche ne sort pas grandi de ce roman. Depuis Elfriede Jelinek, les lecteurs savent que les campagnes paisibles autrichiennes ne sont pas celles que l’on veut bien nous montrer. Ce roman nous le prouve.
Une très belle découverte.

L’énigme de Saint-Olav

Présentation de l’éditeur :

Tallinn, 1409.
Sur les hauteurs de la ville, les chevaliers teutoniques incarnent une aristocratie en fin de règne, tandis que la ville basse de Tallinn brasse une population métissée et contrastée. On y croise orfèvres, compagnons maîtres chanteurs, marchands de l’ordre des Têtes-Noires et chefs de guildes, dans l’activité bouillonnante du port de commerce de la Hanse. Un haut responsable de l’ordre des chevaliers est retrouvé décapité à la porte du monastère, une épée ensanglantée abandonnée à la hâte sur le chemin de la ville basse. Le bailli fait appel à son fidèle ami Melchior, l’apothicaire, réputé pour son ingéniosité.

Mon avis :

Fans de policiers historiques, vous serez ravis de découvrir à la fois un pays peu connu (l’Estonie)et un tout nouveau héros, au nom de roi-mage, Melchior l’apothicaire. Il n’est pas enquêteur, comme sa profession l’indique. Il est un esprit éclairé, auquel les enquêteurs font appel : l’erreur est humaine, il est bon de tout faire, même à cette époque, pour s’en prémunir.

Les temps sont rudes, les guerres sont encore bien présentes à l’esprit, de même que l’assaut de pirates et autres brigands. Pas de quartier pour eux, pas de quartier non plus quand ils sont capturés et condamnés. Mais ces violences n’étaient pas parvenus jusqu’à Tallinn (pas encore devrai-je dire, puisque l’auteur introduit, à la fin du roman, une anticipation qui nous renseigne à la fois sur le destin de la ville et sur celui de Melchior et son épouse), aussi il convient de trouver l’identité du coupable et de mettre fin à ce qui devient une série de meurtres. Ce n’est pas si facile, même si tout le monde ou presque se connaît dans la ville – justement. On fait attention aux inconnus, rares, on se méfie moins de quelqu’un qui, justement, est tout à fait à sa place.

Le roman se teinte de fantastique à cause de la malédiction dont Melchior et sa famille sont victimes. J’ai dit « fantastique », parce que c’est ainsi que l’on dirait si l’action était contemporaine. Pour Melchior il s’agit plutôt d’une malédiction divine. Vivre sans croire était impossible au XVe siècle. Pour ma part, j’ai du mal à croire en un Dieu aussi vindicatif.

L’énigme de Saint-Olav est un roman policier intéressant, pour qui aime le moyen-âge, l’importance de la religion dans la vie quotidienne, et les intrigues qui prennent le temps de se développer.

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