Archive | août 2017

L’ascension du Mont Blanc de Ludovic Escande

Présentation de l’éditeur :
Quand Jean-Christophe Rufin et Sylvain Tesson emmènent un éditeur sujet au vertige à 4800 mètres d’altitude…
Éditeur parisien, Ludovic Escande est plus habitué aux salons littéraires qu’aux bivouacs en haute montagne. Un soir, il confie à son ami Sylvain Tesson qu’il traverse une période difficile, l’écrivain lui lance : « Mon cher Ludovic, on va t’emmener au sommet du mont Blanc ! ».
Il n’a jamais pratiqué l’alpinisme et souffre du vertige. Pourtant il accepte, sans réfléchir. S’il veut atteindre le toit de l’Europe, il devra affronter les glaciers à pic, les parois vertigineuses, la haute altitude et le manque d’oxygène. La voie que lui font emprunter Sylvain Tesson et Jean-Christophe Rufin est périlleuse pour un débutant. Mais c’est le plus court chemin pour retrouver goût au bonheur.
Avec sincérité et humour, Ludovic Escande raconte cette folle ascension qui est aussi et surtout une formidable aventure amicale, littéraire et spirituelle.

Merci à Allary édition, à son attachée de presse et à Netgalley pour ce partenariat.

Mon avis :

Ami lecteur, si tu es quelqu’un de très raisonnable, adepte de livre feel good bio, ce livre n’est pas fait pour toi. En revanche, si tu n’es pas contre une expérience hors norme, pas du tout raisonnable, laissez-vous entraîner.
Au début de ce récit, Ludovic se remet à peine – ou plutôt, ne se remet pas vraiment de son divorce. Il est littéralement au bord du gouffre. Alors, que vont faire ses amis pour l’aider ? Quoi de mieux qu’atteindre les sommets ? Et d’affronter son vertige – un point commun entre moi et l’auteur, si ce n’est que je ne me surpasserai jamais comme lui.
Nous avons le récit de son entraînement, rigoureux à sa manière mais pas conventionnel – et la désapprobation de la faculté de médecine n’y changera rien, elle qui appelle à une ascèse totale. Non, l’auteur n’ira pas jusqu’à tout supprimer, et ce n’est pas Sylvain Tesson qui le lui demandera. Je ne vous cache pas que c’est son nom qui m’a donné envie de lire ce livre.
Bien sûr, nous avons aussi le récit de l’ascension, sans aucun temps mort. Ce livre nous raconte l’urgence de vivre, l’urgence de ce donner un but et d’y parvenir. Il montre aussi la sûreté, la sérénité en la personne de Jean-Christophe Rufin – l’exacte opposé de Sylvain Tesson.
Un livre à lire, pour montrer que l’aventure reste à porter de main aujourd’hui.

Une fille dans la jungle de Delphine Coulin

Merci à Netgalley et aux éditions Grasset pour ce partenariat.

Mon avis : 

Ce livre est facile à lire – par le vocabulaire utilisé, par la construction du récit, par la facilité avec laquelle chaque personnage est identifiable.  Voilà pour nous aider à entrer dans ce livre. La difficulté, c’est tout le reste. J’ai été littéralement prise aux tripes par le destin de ces six jeunes, dont Hawa est la figure phare, sans être une chef de bande avec ses aspects négatifs.
Leur but ? Passer en Angleterre, oui, mais surtout survivre. La jungle ne semble pas seulement une zone de non droit, c’est un lieu où la loi n’a pas (n’a plus ?) court et où tout ce qui s’y passe semble en dehors de notre temps. Nous croisons parfois des bénévoles, trop peu, trop occupés. Puis, la jungle a été démantelée, ils n’ont plus de raison d’être là, non ? L’impression de faire comme si, comme si détruire cet endroit était LA solution pour qu’il n’y ait plus de migrants, alors que l’histoire n’est qu’un éternel recommencement.
A l’intérieur de courts chapitres, l’on saura comment Hawa, Elira, Milad, Jawal, Ali et Ibrahim sont arrivés là et se sont réunis, refusant de répondre aux injonctions de ceux qui voulaient… J’ai envie d’écrire « les parquer ailleurs » et bien je l’écris puisque c’est ce que je pense à la lecture. Dans ces bracelets colorés qui leur furent distribués et les envoyèrent dans des lieux différents, j’ai eu l’impression de lire des déplacements d’objet, que l’on range comme l’on peut, non des soins portés à des êtres humains.
Ce qui domine ? La violence des hommes sur d’autres êtres humains. La violence et la peur du surgissement de la violence. La peur au ventre, la peur dans le ventre.
Ce livre est un roman, ce pourrait presque être un documentaire. C’est en tout cas un livre inconfortable, parce qu’il nous montre ce que l’on ne veut pas, ne veut plus voir et qui pourtant existe pas loin de nous.

Je m’appelle Lucy Barton d’Elizabeth Strout

Merci à Marie et aux éditions Fayard pour ce partenariat.

Présentation de l’éditeur : 

Hospitalisée à la suite d’une opération, Lucy Barton reçoit la visite impromptue de sa mère avec laquelle elle avait perdu tout contact. Tandis que celle-ci se perd en commérages, convoquant les fantômes du passé, Lucy se trouve plongée dans les souvenirs de son enfance dans une petite ville de l’Illinois – la pauvreté extrême, honteuse, la rudesse de son père, et pour finir son départ pour New York, qui l’a définitivement isolée des siens. Peu à peu, Lucy est amenée à évoquer son propre mariage, ses deux filles, et ses débuts de romancière dans le New York des années 1980. Une vie entière se déploie à travers son récit lucide et pétri d’humanité, tout en éclairant la relation entre une mère et sa fille faite d’incompréhension, d’incommunicabilité, mais aussi d’une entente muette et profonde. Publié aux États-Unis en janvier 2016, Je m’appelle Lucy Barton s’est rapidement hissé en tête des ventes et a été salué comme un chef-d’oeuvre par la critique littéraire.

Mon avis :

Il est pour moi toujours plus difficile de rédiger un avis pour un livre dont j’ai apprécié la lecture que pour un livre que j’ai moins aimé.
Ce que j’ai préféré dans ce livre ? Sa simplicité, la limpidité de son écriture. L’action a beau se resserrer sur les jours que la mère de Lucy passera à l’hôpital au chevet de sa fille, ils offrent une ouverture sur le passé, l’enfance de Lucy, ses études, son histoire d’amour avec son mari, et le futur. En dépit de ces bouleversements chronologiques, le récit n’est pas du tout difficile à suivre, tant il est facile de se laisser guider par la voix de Lucy.
Ce que ce livre nous permet de découvrir est l’extrême pauvreté des « oubliés » américains, ceux dont personne ne parle, que personne ne voit, pauvreté matérielle, pauvreté culturelle aussi. Lucy montre la volonté, l’énergie qu’il lui a fallu pour s’en sortir, la manière dont elle a pu se fondre dans le New York des années 70-80, où les étudiants, d’une certaine manière, singeaient la pauvreté sans l’avoir vécue.
Autre contraste, avec les premiers pas de Lucy dans la création littéraire, sa rencontre avec une écrivain et la fragilité, la difficulté de l’écriture, comme une mise en abîme de Lucy. Ecrire ne va pas de soi, être une écrivain reconnue non plus.
Il est aussi question des relations mère/fille, qui sont tout sauf traditionnelles. Lucy et sa mère, à l’hôpital, sont réunies dans un lieu neutre et le plus important entre elles, finalement, sera ce qu’elles ne se seront pas dits plutôt que ce qu’elles auront échangé. Seules interruptions, les visites quotidiennes du médecin, homme serein et résolument tourné vers l’avenir de la jeune femme.
Je m’appelle Lucy Barton est un livre sur les ruptures, les fossés qui se creusent au coeur d’une famille, mais aussi sur les liens qui perdurent malgré tout. Il est aussi un livre sur l’écriture et la transmission. Et si ce livre n’est pas tout à fait un coup de coeur, il est du moins ce qui s’en approche le plus parmi les livres que j’ai lus de cette rentrée littéraire 2017.

Dans le ventre de la baleine de Danièle Buelens

Merci à Mathieu et aux éditions Librinova pour ce partenariat.

Mon avis : 

Voici un livre curieux à lire pour la casanière que je suis, celle qui pourrait organiser un circuit touristique comportant les maisons natales de plusieurs membres de sa famille. D’ailleurs, celle-ci n’a guère bougé de la Normandie, du moins, elle y est établie depuis 1698 (je ne suis pas remontée au-delà). Ceci explique sans doute et aussi l’immense retard pour rédiger cet avis : ce service de presse est dans ma PAL depuis décembre.
Tout autre est la famille dont sont issus les personnages que nous croisons dans les derniers chapitres du livre. Ils viennent d’horizons divers, et ne se sont pas contentés d’y vivre, ils ont aussi beaucoup voyagé – par obligation ou par choix personnel, professionnel. Leur point de départ ? Le Mont Liban, dont les massacres vont pousser une des branches de cet arbre généalogique littéraire à partir. Une autre vient d’Egypte, une Egypte bien différente de l’image que l’on peut en avoir aujourd’hui, l’Egypte, le Liban où se termineront une partie du voyage. Je n’ai garde d’oublier la Bretagne – presque double puisqu’un garçon des terres a fait le choix de la mer.
Goût du voyage ou nécessité, ce qui m’a frappé est qu’en dépit de l’éloignement, des aléas de la vie, de l’histoire également, les liens ne se sont pas distendus entre les membres d’une même famille. Au fil des générations, chaque fratrie (ou plutôt sororie pour le XXe siècle) a partagé … beaucoup, sans que jamais les décisions des uns ou des autres ne soient jugées – solidarité familiale qui perdure depuis 1860 et s’exprime avec la même attention.
Ce voyage dans le temps et l’espace passe très rapidement et montre aussi l’évolution, positive ou négative, de nos sociétés, le regard aussi qui peut être portés sur celles et ceux qui, justement, ne se préoccupent pas du regard des autres. Dans le ventre de la baleine est à la fois un roman historique, une chronique familiale et renoue aussi avec la tradition des récits de voyage.

Ils vont tuer Robert Kennedy de Marc Dugain

Présentation de l’éditeur :

A Vancouver, en Colombie-Britannique, un professeur d’histoire fait sa thèse sur l’assassinat de Robert Kennedy. Il est persuadé que la mort brutale de ses deux parents successivement en 1967 et 1968 est liée à l’assassinat du jeune politicien américain en juin 1968. Son enquête l’amène à découvrir les liens tissés par son père et les services secrets britanniques durant la Résistance.

Mon avis :

Tout d’abord, je tiens à remercier Babelio et les éditions Gallimard pour m’avoir permis de découvrir ce roman en avant-première.
Le narrateur est un universitaire, presque un rêveur puisqu’il poursuit une thèse depuis des années sur les frères Kennedy. Pourquoi ce sujet ? Pour lui, la mort de ses parents est liée à l’assassinat de Robert Kennedy. Ou comment l’histoire intime se retrouve mêlée à la grande histoire.
Nous saurons petit à petit comment les parents de Marc sont morts. Nous saurons pourquoi Marc a eu tant de mal à se remettre, et quels ont été les conséquences pour l’adolescent qu’il était, pour l’homme qui, à soixante ans, a eu une vie sentimentale qui n’est pas vraiment celle d’un universitaire, de la liberté des années 70 à aujourd’hui, alors qu’il a longuement hésité avant de fonder une famille. Il ne possède finalement que ses recherches – sur les Kennedy ou sur ses parents.
L’ensemble du roman est raconté du point de vue de Marc, que viennent parfois pondérer les avis de ses proches ou des personnes qu’il a rencontrées au cours de ses recherches. La limite est donc fragile entre certitudes (romanesques) et invention, pour ne pas dire hallucination.
Roman ? Documentaire ? Tentation autobiographique aussi, avec un personnage principal qui est le quasi-homonyme de l’auteur. Si le sujet est la succession d’événements qui a conduit à la mort de Robert Kennedy, les crises qui ont jalonné les années de présidence de JFK – les missiles de Cuba, par exemple, il est question aussi de la période trouble de la seconde guerre mondiale, comme si l’histoire du XXe siècle n’était constituée que d’une succession de complots dont les conséquences, les ramifications s’étendent dans le temps et dans l’espace. Autre histoire, celle de la psychanalyse, son usage pour apaiser ceux que l’Histoire aura blessé.
Ils vont tuer Robert Kennedy est un roman dense, riche, qui dresse aussi le portrait de l’Amérique d’aujourd’hui.

La bibliothèque des coeurs cabossés de Katarina Bivald

Présentation de l’éditeur : 

Tout commence par les lettres que s’envoient deux femmes très différentes : Sara Lindqvist, vingt-huit ans, petit rat de bibliothèque mal dans sa peau, vivant à Haninge en Suède, et Amy Harris, soixante-cinq ans, vieille dame cultivée et solitaire, de Broken Wheel, dans l’Iowa. Après deux ans d’échanges et de conseils à la fois sur la littérature et sur la vie, Sara décide de rendre visite à Amy. Mais, quand elle arrive là-bas, elle apprend avec stupeur qu’Amy est morte. Elle se retrouve seule et perdue dans cette étrange petite ville américaine. Pour la première fois de sa vie, Sara se fait de vrais amis – et pas uniquement les personnages de ses romans préférés –, qui l’aident à monter une librairie avec tous les livres qu’Amy affectionnait tant.

Mon avis :

Je lis ce livre après tout le monde ou presque. Est-ce si grave ? Non, je ne crois pas. Pour moi, c’est avant tout un roman sympathique, mais pas un livre à lire absolument, de toute urgence. Ce n’est pas un coup de coeur, loin de là. Il est même certains propos sur les livres, tenus par Sara, l’héroïne, qui ont un peu freiné ma lecture.
Alors, pourquoi l’avoir terminé ? Déjà, parce que l’action se passe dans l’Iowa, un état américain dont on parle peu, sur lequel on écrit peu, sauf les romans policiers de Donald Harstad. Pourquoi si peu de roman s’y déroulent-ils ? Sans doute parce que dans cet état, il ne se passe rien. A Broken Wheel, contrairement à la ville voisine de Hope, on peut d’ailleurs parler de désertification rurale – les jeunes s’en vont, les quadragénaires et les personnes plus âgées restent.
On peut parler aussi du point des regards d’autrui. Mener sa vie comme on l’entend semble quasiment impossible, tant tout se sait, tout est jugé – oui, un constat un peu rude pour un livre que, finalement, on peut ranger dans les feel good. D’ailleurs, pour Sara, un véritable livre feel good est un livre dans lequel les personnages ont rencontré maintes difficultés avant d’avoir enfin un dénouement heureux (oui, je paraphrase). Les difficultés, ce sont souvent les personnages eux mêmes qui se les imposent. Parce qu’ils n’osent pas, parce qu’ils pensent que la relation ne sera pas durable. L’un des personnages les plus sympathiques est à mes yeux Georges, parce qu’il fait avec – ou plutôt sans.
Sara, avec les livres, ou plutôt avec la manière de trouver des livres pour les autres, bouscule leurs petits habitudes et si tout ne change pas, certains entrevoient cependant l’avenir différemment, remettent en cause certains préjugés. A l’image de Sara qui ne recommande pas un livre sans l’avoir lu (et je connais des vendeurs de livres qui feraient bien de s’en inspirer), il ne faut pas juger, condamner simplement parce que l’on vous aura dit que ce n’était pas bien – principe simple que beaucoup n’applique pas. Mention spécial pour Gavin, très à cheval sur les lois et qui a bien du mal avec les habitants de cette charmante petite ville, dans ce charmant état dont l’arbre symbole est le chêne.

Love in Provence de Tamara Balliana

Présentation de l’éditeur :

Cassie est américaine et travaille comme consultante pour le groupe hôtelier Richmond. Son rêve ultime ? Diriger un jour un hôtel. Quand ses patrons l’envoient en France pour une dernière mission avant de lui confier un établissement, elle saute dans le premier avion pour Marseille, bien décidée à faire ses preuves. Malgré son habitude des voyages, lorsqu’elle se retrouve dans le Lubéron, au cœur de la Provence des cartes postales, l’expérience est très différente de ce à quoi elle s’attendait ! Le mistral, la gastronomie à la française et le chant des cigales la plongent dans un univers dont elle n’avait jamais osé rêver. Sa collègue Olivia va l’entraîner à la rencontre des personnages hauts en couleur de sa nombreuse famille, et Cassie ne restera pas insensible au charme troublant de Damien, le sexy directeur de l’hôtel. Son plan de carrière bien huilé résistera-t-il à ses aventures lubéronnaises, et à l’amour ?

Merci à Netgalley et aux éditions Amazon Publishing France grâce à qui j’ai pu lire ce livre en avant-première.

Mon avis :

Ce qui m’a attirée en découvrant ce livre, c’est sa couverture, qui évoquait l’été, les vacances et la Provence. Justement, ce roman est parfait pour les vacances, ou pour en retrouver l’ambiance,une lecture agréable, parfaite entre deux lectures plus corsées.
L’héroïne, Cassie, est une working girl qui découvre la France. Même si elle a quelques préventions, le récit nous évite certains clichés. Oui, les français savent conduire, possèdent même des voitures (à embrayages) et ils ont même le téléphone chez eux. Cassie (diminutif de Cassandra, personne ne l’appelle ainsi) est consultante, mais nous ne la verrons pas trop à l’ouvrage comme si, finalement, l’hôtel n’avait pas besoin d’être véritablement remis à niveau. Elle n’est que de passage, ce qui lui fait envisager une passade, mais surtout pas le grand amour – cet hôtel n’est qu’une étape dans son parcours professionnel.
Bien sûr, le titre nous l’indique, nous sommes dans une romance, alors, que va-t-il se passer ? Cassie succombera-t-elle au charme du parfait Damien, le beau ténébreux qui dirige l’hôtel ? (Oui, il y a toujours un beau ténébreux dans les romances). OU bien rencontrera-t-elle quelqu’un qu’elle saura charmer par son absence de talent de cuisinière ? Nous avons droit à quelques morceaux de bravoure, comme le passage du tour de France, ou le week-end en amoureux à Paris (revisité). De même, les paysages que nous sommes amenés à voir sont agréables, sans que l’on sombre jamais dans le remplissage.
Love in Provence est un roman sympathique, rempli de personnages attachants.

Gabriële d’Anne et Claire Berest


Merci aux éditions Stock et à Netgalley pour ce partenariat.

Mon avis :

J’avais déjà lu des oeuvres écrites par Anne et Claire Berest – écrites séparément. Il s’agit ici de leur première oeuvre à quatre mains. Leur sujet ? Leur arrière-grand-mère, morte à 104 ans. Si elles auraient pu, auraient dû la connaître, les deux soeurs ne l’ont jamais rencontrée, même, on ne leur a parlé de Gabriële que tardivement. Pour quelles raisons ? Ce livre n’est pas qu’une tentative pour répondre à cette question, ce serait infiniment réducteur. Il retrace la vie de Gabriële Buffet et de son mari, le peintre Francis Picabia.
Roman ? Biographie ? Ce qu’ils ont vécu tous les deux est tellement en dehors des normes qu’il est difficile de classifier ce livre. Les deux auteures nous exposent les faits le plus objectivement possible, sans porter de jugements de valeur, ou pire, de jugements moraux. Il ne s’agit pas non plus, jamais, de verser dans le pathos, ou dans l’énoncé strictement objectif des faits : maintenir ce juste équilibre n’a pas du être chose facile. Aussi, j’ai apprécié ces fins de chapitres où les deux soeurs prennent la parole et expriment leur choix, leur difficulté d’écriture aussi.
Curieuse femme que Gabriële. Il est d’un côté la vie qu’elle aurait pu vivre, de l’autre celle qu’elle a vécu, toutes les deux étant loin des normes de son époque. Elle fut la première femme à entrer dans une classe de composition, elle cessa tout composition à sa rencontre avec Picabia qui l’épousa.  Pourtant, elle ne devint pas une épouse « classique » bien qu’ils eurent quatre enfants. Muse, ombre vivant auprès d’un grand  homme ? Encore des termes trop réducteurs pour désigner sa flamboyance, ce parcours à travers les continents, à une époque (la première guerre mondiale) où voyager pour son art était détonnant.
Bien des artistes rencontrèrent le couple Buffet-Picabia et, je dois le dire, ce livre m’a permis de découvrir des personnalités aujourd’hui peu (re)connues, de montrer les bouillonnements créatifs d’une époque. Mais, avec quelle conséquence pour les proches de ces créateurs ? Cent ans après les faits relatés, j’ai l’impression que les conséquences sont toujours présentes pour les descendants de ce couple, de manière crépusculaire.

Une histoire trop française de Fabrice Pliskin

Présentation de l’éditeur :

Fondée par un homme de gauche, la société Jodelle Implants vend des prothèses mammaires aux femmes du monde entier. Véritable «  laboratoire d’innovation sociale  », elle se distingue par la diversité de ses employés, ses hauts salaires ou sa crèche d’entreprise. Ici, chaque matin, le PDG envoie aux cent vingt salariés un poème de La Fontaine ou de Rimbaud.
Lorsque Louis Glomotz, critique littéraire au chômage, y trouve un emploi, il est loin de se douter que cette façade humaniste cache une réalité toxique, et qu’il va se retrouver au cœur d’un scandale sanitaire mondial.

Merci à Netgalley et aux éditions Fayard pour ce partenariat.

Mon avis : 

Premier constat, abrupt : ce livre est un récit qui ne vous lâche pas.
Le titre, déjà, fait cogiter la professeur de français que je suis, puisqu’en théorie, un adjectif exprimant une relation ne peut être mis au superlatif. Comme quoi, la créativité n’a rien à faire avec la norme grammaticale. S’ensuit alors une question : en quoi une histoire peut-elle être trop française ?
Nous savons dès le départ (ou presque) qu’un scandale va éclater, nous ne savons pas comment. Nous espérons cependant l’apprendre – quelques anticipations parsèment le récit, posant ainsi les jalons de la révélation.
Français, le patron idéal de la société Jodelle est aussi un patron paternaliste – et les exemples de paternalisme ne manquent pas dans l’histoire du patronat français. Celui-ci prend soin de ses employés, leur assurant plus que le nécessaire, leur offrant un sentiment de sécurité qui sape tout envie de quitter ce confort, le tout mâtiné de mesures spécifiques et bienveillantes. Ah, la diversité en entreprise, ah, l’accès à la culture – ne leur envoie-t-il pas un poème tous les jours ? Lecture obligatoire et orientée – ou comment saper un peu plus le libre arbitre de chacun.
Sécurité de l’emploi, cocon douillet de l’entreprise modèle (le nom de l’entreprise à une consonne près) et la complicité. Tous savent, tous se paient de mots et tremblent d’être découverts lors des contrôles réguliers -montrant ainsi au passage les défaillances d’un système. Oui, des mots, de très longs discours très bien construits, l’expression sincère des tourments de chacun, des morceaux de bravoure quasi-émouvants et qui tournent en vase clos. Le discours, si bien huilé soit-il, ne doit pas être entendu en dehors du cercle professionnel.
Cette propension à s’étourdir de mot n’est le propre des employés Jodelle, non. D’autres partagent ce travers, à commencer par Louis, second personnage principal de ce roman. Il se laisse porter par les événements, un velléitaire qui ne s’engage pas. Père de plusieurs enfants, en couple depuis sept ans (la durée fatidique pour un couple, si l’on en croit les spécialistes), il hésite à devenir père avec sa compagne, dont le passé s’inscrit dans les grandes tragédies du XXe siècle (j’utilise cette formule parce qu’elle s’inscrit parfaitement dans la rhétorique des personnages) et noie ses atermoiements sous un verbiage argumentatif. Les paroles creuses d’un côté, les actes de l’autre – sa compagne est plutôt du côté des actes.
Louis, chômeur pour raison économique et égocentrique, apparaît comme le témoin quasiment passif de ce qui se trame dans l’entreprise. Etre l’oreille que tous ou presque attendait, pour des mots, toujours des mots qui ne mènent nulle part alors qu’un seul, qui ouvre la dernière partie du livre, suffisait : féminicide.

Le voyage de Ricky de Toby Genkel et Reza Memmari

J’ai eu la chance de voir le film en avant-première aujourd’hui – il sort le 18 octobre. Presque un an que je n’étais pas allée au cinéma (soupirs) autant recommencer par du léger.

L’histoire ? Ricky est un moineau orphelin de naissance, qui a été adopté par un couple de cigognes, Claudius et Aurora, et élevé avec Mex, leur fils. Seulement, au moment de la migration vers Gibraltar, ils laissent Ricky derrière eux, puisqu’il ne supporterait pas le voyage. Qu’à cela ne tienne ! Ricky va entreprendre un voyage pour les rejoindre.

Verdict ? Le voyage de Ricky est un film charmant, sur la différence et l’acceptation de la différence. Il est question d’amitié aussi, de son importance – ne pas essayer de changer l’autre s’il est vraiment votre ami même s’il est bizarre. Peut-être vous trouve-t-il bizarre, lui aussi. N’oublions pas quelques allusions au monde hyper-connecté dans lequel nous vivons, au point d’en oublier parfois le monde réel qui nous entoure, ce qui est dommage parce que les paysages traversés sont très réussis.