Archive | août 2022

Les Nuées – Livre 2 Néro par Nathalie Bernard

Présentation de l’éditeur :

25 juin 2025 : Chris, commandant en chef du sous-marin nucléaire, constate la disparition du monde tel qu’il l’a connu. Celui-ci est plongé dans une nuit terriblement froide. Jour perpétuel indéfini : Lisbeth découvre la société de Néro, aux mœurs bien différentes d’Érémos. Arrivera-t-elle à s’y intégrer et à retrouver sa mère ? Suite et fin d’un diptyque passionnant, où les fils étroitement liés de deux destins parlent en profondeur de la transmission, de la construction des sociétés et de la nature humaine face au désastre.

Merci aux éditions Thierry Magnier et à Netgalley pour ce partenariat.

Mon avis : 

J’ai lu le premier tome, et je ne l’avais pas vraiment apprécié. Je m’attendais à ressentir les mêmes sensations pour le tome 2, ce n’est pas le cas. Peut-être parce que je connaissais déjà l’un des personnages principaux, Lisbeth, et que je m’étais attachée à elle, à son désir de fuir la société dans laquelle elle vit, de découvrir un ailleurs, un ailleurs qui ne serait pas cette société hiérarchisée, sclérosée, dans laquelle les puissants exploitent la majorité des citoyens (pour ne pas dire plus). Dans ce second tome, elle découvre la société de Nero, qui est différente, parce que les impératifs pour la survie de ses membres est différente aussi. Je ne veux pas donner trop de détails, mais la condition féminine n’est pas vraiment appréciable dans cette société non plus. Je reconnais cependant qu’elle pourrait être bien pire, même si le rôle des femmes semble être réduit à sa plus simple expression. Le rôle des hommes aussi, si l’on n’y réfléchit bien. Dans ce monde d’après, c’est  la survie qui domine, non la vie.

Le contrepoint du récit de Lisbet est founi par Chris, commandant d’un sous-marin nucléaire. Note : on ne parle que rarement des sous-mariniers, des hommes et des femmes qui vivent, travaillent, servent leur pays sous la mer. En fait, on ne parle d’eux qu’en cas de catastrophe, et Les nuées ne font pas exception. Chris est un commandant, il est aussi un mari, un père, qui peine à maintenir des liens avec son fils, certain qu’une catastrophe écologique ne peut que survenir. Et Chris vit cette catastrophe que nous connaissons par le tome 1, et dont il ne peut mesurer l’étendue, lui qui est, avec ses hommes et femmes, au fond de l’océan. De son côté, il y aura aussi des décisions à prendre, des épreuves à surmonter, et comme ces mots paraissent légers par rapport à ce qu’ils vivent. Même s’il faut être fort, physiquement, psychologiquement pour travailler dans un sous-marin, rien ne peut vraiment préparer à ce qu’ils vivront, à ce qu’ils construiront – ou pas.

Le titre du diptyque prend tout son sens dans cette deuxième partie, et c’est aussi très angoissant pour moi à lire, pour ne pas dire fortement déprimant. Alors oui, j’ai suivi ces personnages, j’ai partagé leurs émotions, leurs sensations, et ce n’était franchement pas facile.

A vous de voir si vous souhaitez découvrir Les nuées.

 

Les chairs impatientes de Marion Roucheux

Présentation de l’éditeur :

Six mois après la naissance de son deuxième enfant, une jeune femme est admise en maison de repos au bord d’un lac de montagne. En retournant skier seule pour la première fois depuis longtemps, elle rencontre un homme qui va réveiller son corps.
Dans une langue poétique et crue, Les chairs impatientes raconte un certain désir féminin dévorant qui ne veut plus renoncer à rien et peut tout renverser sur son passage : famille aimante, réputation, carrière.

Merci aux éditions Belfond et à Netgalley pour ce partenariat.

Mon avis : 

Ma première mission, en écrivant cet avis, est d’éviter les phrases toutes faites, passe-partout, parce qu’un roman vaut toujours mieux que des formules toutes faites. Nous suivons le parcours d’une femme, tout le récit est fait de son point de vue, à travers ses souvenirs, à travers ce qu’elle vit, ce qu’elle souhaite, ce qu’elle espère. Ce qui m’a frappé en premier, c’est l’absence de prénoms. Seul son mari, Antoine, est prénommé dans ce récit, tous les autres personnages sont définis par les liens qui l’unissent à elle ou par leur profession, leur « raison sociale » (je pense à ses patients, notamment).

Et c’est ce qui m’a frappé, dans ce roman qui parle d’un sujet dont on commence seulement à parler : la dépression post-partum. Elle s’est remise de la naissance de son premier enfant, même si, dans ses souvenirs, le lecteur se rend compte que s’occuper de son premier enfant n’a pas été facile, que son mari ne m’a pas semblé à son écoute à l’époque, et qu’elle était affreusement seule. Elle parle de sa mère, de ses soeurs aînées, où sont-elles ? Note personnelle : ma mère m’a toujours dit qu’elle avait été soutenue par sa mère et par sa soeur aînée, que ce soit par une aide matérielle (préparation des repas) ou morale, et par mon père, aussi (ce n’est pas forcément évident). Pourquoi le personnage principal est-elle si seule face à la maternité ? C’est Antoine qui se rend compte qu’elle ne va vraiment plus bien du tout alors que leur fils a six mois. Heureusement, ou malheureusement, ils sont aisés, et la jeune femme peut aller en maison de repos, à la montagne, elle peut y faire du ski sans que cela pose de problèmes pécuniers – ni sans que personne ne s’inquiète qu’il puisse lui arriver quelque chose. Certes, elle a un traitement, certes, elle voit un médecin, quotidiennement, mais je trouve qu’elle reste souvent seule, livrée à elle-même, comme si on lui offrait une thérapie convenue, toute en main, comme si chaque dépression n’était pas unique. Oui, Antoine, son mari, est aux petits soins à son retour, mais il ne voit pas, il ne comprend pas, alors que la narratrice va comprendre peu à peu pourquoi elle va si mal.

Il lui faudra pour cela une rencontre – avec un homme. Un homme qui ne sait rien d’elle, qui ne sait rien de sa vie et qui va voir avant tout son corps – parce que nous sommes des corps, non des entités spirituelles. La narratrice a un corps qu’elle se réapproprie, un corps qui a porté deux enfants, un ventre qui n’est plus celui qu’elle avait avant – et elle le dit. Et on ne parle pas assez des bouleversements que la maternité entraine, et certains de ne surtout pas vouloir que l’on en parle.

J’ai lu ce roman quasiment d’une traite, parce que le rythme est prenant, l’on lit au rythme auquel l’héroïne se réapproprie son corps puis sa vie. Le langage est précis, cru dans les scènes intimes – parce que nommer est important : mettre un voile pudique sur certaines choses, c’est aussi cacher ces fameuses certaines choses.

Les chairs impatientes est un roman qui peut bousculer le lecteur – et n’est-ce pas aussi ce que l’on demande à un roman ?

Un profond sommeil par Tiffany Quay Tyson

Présentation de l’éditeur :

White Forest, Mississippi. Cachée au milieu de la forêt, la carrière fascine autant qu’elle inquiète. On murmure que des esprits malveillants se dissimulent dans ses eaux profondes. Par une chaude journée d’été, Roberta Lynn et Willet bravent toutes les superstitions pour aller s’y baigner avec leur petite sœur, Pansy. En quête de baies et à la faveur d’un orage, ils s’éloignent de la carrière. Quand ils reviennent, Pansy a disparu.

Quelques années plus tard, Roberta et Willet, qui n’ont jamais renoncé à retrouver leur sœur, suivent un indice qui les mène dans le sud de la Floride. C’est là, dans les troubles profondeurs des Everglades, qu’ils espèrent trouver la réponse à toutes leurs questions.

Mon avis : 

Merci aux éditions Sonatine et à Netgalley pour ce partenariat.

Ce livre est définitivement mon coup de cœur pour la rentrée littéraire 2022. C’est ensuite que vient la charge d’expliquer pourquoi ce roman est mon coup de cœur, et prévoir aussi certaines critiques qui me seraient adresser, que ce soit sur mon blog, ou que ce soit dans la vie. Oui, il m’arrive de recommander certains livres et après l’on me le reproche parce que les livres sont trop violents.

Mais à quoi le lecteur qui choisirait de lire ce livre pourrait-il s’attendre ? A un roman à l’eau de rose ? Il s’agit de la disparition d’un enfant, de la dépression profonde dans laquelle sombre la mère des trois enfants – aux yeux de sa fille Bert, leur mère a oublié qu’elle avait deux autres enfants et qu’eux aussi avaient besoin d’elle – et de la disparition de leur père. Le mot « disparition » est à prendre au sens propre du terme, non en une manière d’adoucir la mort. Earl, le père des trois enfants, a disparu des radars. Bert savait que son père vivait de trafic, avec son propre frère comme complice. Elle savait qu’il partait pour une durée indéterminée, et justement, au moment où Pansy a disparu, il devait revenir prochainement, parce que ses absences avaient toujours une durée maximale. Alors oui, la présence des policiers n’est pas pour faciliter son retour, les soupçons non plus – peut-être ce père fuyant est-il pour quelque chose, même si tout allait bien dans cette famille.

La disparition de Pansy, c’est une disparition parmi d’autres disparitions d’enfants. Certaines seront élucidées, d’autres non, et il ne faut pas oublier que Pansy est blanche. Non, ce n’est pas anodin du tout dans le Mississippi du XXe siècle. Sa mère passera au journal télévisée, et je sais très bien que si elle avait été afro-américaine, jamais elle n’aurait été assise à la télévision, à côté d’une journaliste, jamais elle n’aurait pu adresser un appel au ravisseur.

Ce que j’ai aimé aussi dans ce roman, c’est qu’il nous renvoie à plusieurs époques. L’esclavage – et les maîtres qui ne comprennent pas le désir de liberté de ses esclaves qui leur doivent tout, y compris les coups qu’ils prennent quotidiennement, pour leur bien. La guerre de Sécession. Les guerres qui traversent le XXe siècle. Tous ses retours en arrière nous montrent le racisme. Il est des scènes qui sont absolument insoutenables à lire, des scènes qui me hantent encore, parce qu’il ne faut pas se leurrer : les actes atroces qui nous sont racontés sont encore possibles, puisqu’elles l’ont été. Et, quand vous aurez lu ces scènes, vous reviendrez en arrière, et vous comprendrez mieux d’autres faits contés dans ce récit.

Il est question aussi de la condition féminine dans ce roman. A une époque où le droit à l’avortement est remis en cause aux Etats-Unis, il est bon de rappeler que, quand il a été instauré (et même sans doute encore maintenant), il n’était pas forcément possible, quand on n’en avait pas les moyens, quand on était trop éloigné de tous les centres médicaux, quand on ne veut pas que cela se sache, de subir un avortement. Il n’existait alors que deux solutions : un avortement clandestin (ou comment se transmettre les adresses qu’une femme se devait de connaitre) ou l’adoption de l’enfant (en menant une grossesse la plus discrète possible). Il est question aussi de toutes les souffrances que les femmes ont tu, et elles sont très nombreuses dans ce roman. Qui les aurait écouté ? Et même en ce moment, où l’on parle de la libération de la parole, j’ai peur qu’on n’écoute pas toujours/pas vraiment les femmes, voire qu’on leur demande très vite de se taire à nouveau, pour ne surtout pas déranger.

Transmission, le mot est là, la grand-mère paternelle de Bert tient à lui transmettre tout ce qu’elle sait, tout ce qui ne sera pas forcément avouable non plus, et, au fil du temps, Bert en découvrira de plus en plus sur le passé de sa famille. La transmission est là aussi dans les prénoms de Roberta et de Willet, qui sont ceux de leurs grands-parents maternels, morts bien avant leur naissance. Bert déteste son prénom, ce que sa mère ne comprend pas, et ce que certains romanciers qui manquent d’imagination ne comprendraient pas non plus : je ne compte plus les oeuvres où l’on donne à la petite-fille le prénom de la grand-mère parce qu’on n’a pas pensé à un prénom – pour une fille. Cependant, ce choix prendra sens, fera sens dans le roman, puisque Bert vit son prénom comme un poids – et est heureuse quand un enfant reçoit un prénom juste « pour soi ». Et Bert, de s’interroger à son tour sur ce qu’elle souhaite transmettre, elle qui n’a jamais cessé de chercher sa soeur et de chercher son père, comme si les deux disparitions, qui ont eu lieu en même temps, était indissociable.

 

 

Court texte – retour à la nature

Ce texte m’a été inspiré par une photo du blog de Soène, article Deux en un le samedi.

Il n’y a pas à dire, les randonnées, c’est sympa – jusqu’à un certain point. Léonie aimait la nature, le silence – et voilà que l’un des randonneurs s’était improvisé guide touristique et ne cessait de décrire tout, absolument tout ce que l’on voyait, nommant chaque plante, chaque arbre en français et en latin. Pour la prochaine rando : prendre des bouchons d’oreilles.

Soudain surgit devant eux un mur d’enceinte – ou plutôt, ce qu’il en restait. La nature avait repris ses droits et recouvrait entièrement le mur, ou plutôt ce qu’il en restait, l’un des côtés étant entièrement détruit. Léonie regarda, intriguée, mais franchement, quand elle marchait… eh bien, elle marchait. Elle n’avait pas forcément envie de questionner ! Cependant, il fallut que Danielle, férue d’histoire depuis toujours, avait voulu en savoir plus, et bien sûr, Arthur, leur guide, les éclaira de ses lumières.

– La partie effondrée du mur d’enceinte l’aurait été en 1944, démolie par deux chars d’assaut enflammés. C’est pour la légende : les chars d’assaut n’étaient pas en flamme.
– Ravie de l’apprendre, commenta Léonie qui avait une folle envie d’en finir – elle n’aimait pas parler de cette période historique. Et il y a quoi, derrière ce mur ?
– Des terres, et un manoir datant du XIXe siècle. Il appartenait jusqu’à une date récente à une famille qui ne savait pas trop quoi en faire, si ce n’est venir de temps en temps pour aérer, constater qu’il ne s’écroule pas totalement, et le louer pour des tournages.
– Merveilleux, commenta Léonie avec une absence totale d’enthousiasme.
– J’ai mieux : ils auraient réussi à vendre, et bientôt, se tiendra ici un authentique cabaret champêtre, avec chambre d’hôtes et salon de thé.
– Merveilleux ! s’exclama Danielle avec un authentique enthousiasme. On pourra ainsi faire une pause lors d’une prochaine randonnée. Vous, je ne sais pas, mais moi, je n’en peux plus !

Insoluble par Patterson James & Ellis David

Présentation de l’éditeur :

Depuis l’assassinat de sa sœur (Invisible, L’Archipel, 2016), Emmy Dockery, analyste au FBI, ne cesse d’identifier des crimes impunis là où ses collègues concluent à des morts accidentelles. À travers le pays, des sans-abri ou les personnes qui leur viennent en aide meurent sans que personne ne s’émeuve. Sauf Emmy, persuadée qu’un tueur est aux manettes. Un homme qui, selon son enquête, se déplace en fauteuil roulant. Pendant ce temps, Citizen David défraie la chronique. Ce justicier fait sauter le siège d’entreprises qu’il estime manquer d’éthique. Ne laissant aucun mort derrière lui, il s’attire les faveurs du public. Jusqu’au jour où il fait exploser, à Chicago, un centre d’accueil pour SDF. Bilan : près de deux cents morts. Parallèlement, l’ex-agent Harrison Bookman est chargé par une huile du FBI de surveiller Emmy, son ancienne petite amie, suspectée d’être la taupe qui livre des informations confidentielles à la presse au sujet de Citizen David. Mais quelqu’un d’autre surveille Emmy. L’observe, l’épie… Et attend le moment opportun pour frapper !

Mon avis (rédigé le 4 août) : 

Je ne suis pas embarrassée pour écrire cet avis, non, j’ai plutôt l’impression que je vais vous parler davantage des Etats-Unis que du roman en écrivant cet avis. En effet, j’ai lu ce livre en me disant que l’Amérique va mal, très mal. Je sais bien que c’est un roman, seulement un roman policier est aussi le reflet de la société qui l’a produit. Et cette société n’est pas en forme.

Prenons Emmy, par exemple. Elle a frôlé, frôle et frôlera sans doute encore la porte du FBI. Pourquoi ? Parce que cette analyste consciencieuse voit des crimes là où d’autres voient des morts accidentelles. Serait-elle à ce point obnubilé par son métier qu’elle verrait des crimes partout ? Elle a déjà prouvé qu’il y avait des crimes partout, des crimes insoupçonnés, faciles à dissimuler, notamment dans ce cas : la mort de SDF, cela inquiète qui ? Personne. Sauf Emmy. Il est même des personnes, qui sont pourtant des personnes « positives » dans ce roman, qui se rendent compte qu’elles sont pleines de préjugés envers les SDF. Point positif : au moins, elles s’en rendent compte. Mais quel cheminement pour en arriver là !

James Patterson et David Ellis ont beaucoup d’imagination, et c’est tant mieux aussi. Cela ne les empêche pas de construire une enquête solide et malheureusement possible, crédible, eu égard à des essais que j’ai lus. Oui, l’armée américaine apprend à ses soldats à tuer, froidement, sans état d’âme, et pour des personnes ayant déjà des troubles psychologiques, cela peut avoir de lourdes conséquences. Restent à déterminer si ses conséquences sont lourdes pour eux, s’ils se font mal à eux-mêmes (voir le pourcentage de vétérans américains qui sont devenus SDF, justement) ou s’ils font mal aux autres, sans état d’âme, parce que tuer, c’est facile (voir Dernier jour sur terre de David Vann).

Il y aura peut-être des lecteurs pour se dire qu’une telle intrigue n’est pas possible. Elle l’est, malheureusement. Et même si elle ne pouvait pas l’être, les deux auteurs mènent leur récit de telle manière que j’y ai cru, que j’ai été du côté d’Emmy, qui a risqué sa vie, déjà, qui en a gardé ses séquelles, et qui se questionne aussi sur ses choix. Elle ne peut pas rester sans rien faire, même si cela compromet sa relation avec son fiancé. Lui a quitté le FBI – presque quitté, parce qu’il reprend du service presque malgré lui, et comprendra, au fur et à mesure de l’enquête, pourquoi c’est à lui qu’on a fait appel.

En effet, pendant qu’Emmy enquête officieusement sur un tueur de SDF, elle doit aussi enquêter officiellement sur un poseur de bombes, Citizen David, qui veut tirer la sonnette d’alarme sur certaines pratiques discriminantes. Pour ce faire, il a choisi la méthode forte – poser des bombes – tout en faisant en sorte de ne pas faire de victime. Jusqu’à ce que…. Oui, l’enquête sera menée à bien – quoi, je spoile ? quand on lit un roman policier, cela fait partie du contrat : connaître l’identité du « coupable » – mais cela ne sera facile pour personne, parce que, pour une fois, ce n’est pas un tueur qui est pourchassé, mais quelqu’un qui ne supporte plus cette société américaine et ses inégalités. Et je rappelle que comprendre pourquoi une personne agit d’une certaine manière ne signifie ni la justifier, ni l’excuser.

Un roman prenant.

Le Château des trompe-l’oeil par Christophe Bigot

Présentation de l’éditeur :

1837, baie du Mont Saint-Michel. Le jeune Baptiste Rivière est convoqué au château d’Escreuil pour s’y faire dicter les dernières volontés de la propriétaire des lieux. Mais à son arrivée, le personnel se ligue pour lui interdire l’accès à sa chambre : Langlois, diabolique intendant du domaine, le vieux Simon, qui semble plus qu’un ordinaire jardinier, et même Séverine, la femme de chambre dont Baptiste cherche pourtant à se faire une alliée.

Pourquoi la baronne d’Escreuil se cache-t-elle ? Qui est vraiment cette ancienne comédienne, veuve d’un aristocrate guillotiné sous la Terreur ? Bravant les mises en garde, Baptiste s’aventure dans les plus sombres recoins du domaine. Mais les apparences sont trompeuses, et en cherchant la baronne, c’est sa propre vérité que Baptiste va devoir affronter.

Jouant sur les codes du conte gothique, du roman historique et du récit d’apprentissage pour mieux les subvertir, Le Château des trompe-l’œil offre une plongée vertigineuse et haletante dans les gouffres du passé et de l’âme humaine.

Merci aux éditions La Martinière et à Netgalley pour ce partenariat.

Mon avis :

Ou comment rédiger un avis alors que je n’ai pas vraiment apprécié cette lecture. C’est un roman historique qui se passe après la révolution française, tout en évoquant cette période trouble. J’aurai déjà dû me dire que c’était mal partie, parce que je n’aime pas particulièrement cette période historique (sauf tout ce qui touche à Marie-Antoinette). Je n’aime pas non plus les romans érotiques, et, si le personnage principal, Baptiste Rivière, adore les « lectures interdites », ce n’est pas mon cas. Je n’aime pas non plus les contes gothiques, et je crois que je pourrai continuer ainsi longtemps, comme si je disais que, finalement, je n’aurai pas dû lire ce livre. C’est la curiosité qui m’a poussée à le découvrir, parce que je ne m’interdis aucune lecture tant que je suis tentée. Et puis, le début m’a aussi fait penser à Dracula, avec ce jeune homme naïf (il ne le restera pas longtemps) qui se retrouve dans un château perdu non loin du Mont-Saint-Michel, même si le roman, très vite, s’éloigne de ce que le lecteur pouvait imaginer (et c’est tant mieux aussi).

Une fois le livre refermé, j’étais un peu … dubitative ? Bousculée ? Étonnée ? Les trois, sans doute. Les traumatismes de la révolution sont passés par là, et bon nombre de secrets aussi, que je me garderai bien de dévoiler.

A lire si vous aimez sortir des sentiers battus.

Les Nuées – Livre 1 Érémos par Nathalie Bernard

Présentation de l’éditeur :

26 mai 2025. Lucie, astronaute, part pour sa première mission spatiale. 49e jour perpétuel de l’an 376 AGS. Voilà quelques rotations que la mère de Lisbeth n’est pas rentrée. Aurait-elle osé s’aventurer par-delà les Brumes, sur la terrible Mer des Nuées ? Premier tome d’un diptyque passionnant, ce roman d’anticipation alterne le point de vue de deux femmes que des siècles séparent, mais aux destins intimement liés.

Merci à netgalley et aux éditions Thierry Magnier pour ce partenariat.

Mon avis : (attention, je ne vais pas me faire que des amis).

A un moment, il faut dire stop, cesser de chercher ce qui nous a plu dans un livre alors que sa lecture a été peu agréable, pour ne pas dire pas agréable du tout. L’argument « oui, mais truc, chose, machin a aimé » ne fonctionne plus sur moi depuis longtemps. L’argument « mais si vous n’avez pas aimé, c’est que vous avez mauvais goût » non plus. Mon avis est subjectif, et j’ai le droit de dire que je n’ai pas apprécié, ce qui n’empêche pas d’autres personnes d’aimer !

Pourquoi je n’ai pas aimé ? Parce que j’avais l’impression de lire encore et toujours le même récit, à savoir celui d’une société post-apocalyptique (ou presque) qui s’est reconstruite en instaurant des règles extrêmement rigides, une société dans laquelle les puissants ont très certainement des choses à cacher, dans laquelle le peuple a si peu de choix, si peu de liberté qu’il s’en rend à peine compte, et que le mot « révolte » n’est même plus dans le langage courant, ou presque. Le fait que je lise beaucoup me donne une impression peut-être un peu faussée, je n’y peux pas grand chose si c’est mon ressenti.

Alors oui, l’on me dira que la catastrophe qui est arrivée, et que nous découvrons dans le journal de Lucie, astronaute, n’a pas grand chose à voir avec la volonté ou la passivité de l’homme. Certes. Et si j’ai préféré la partie racontée par Lucie, parce que je me demandais comment elle allait se terminer, je n’ai pourtant pas été aussi émue que d’autres lecteurs l’ont sans doute été. Quant à la partie concernant Lisbeth, elle m’a semblée parfois longue, très longue, tant il faut du temps pour que tout se mette en place, tant nous découvrons peu à peu la hiérarchie et l’organisation de la société d’Erémos. Oui, c’était nécessaire, je ne dis pas le contraire, je dis simplement que je n’ai pas apprécié ce récit.

A vous de voir si vous souhaitez découvrir cette oeuvre.

 

Maxine et Mifa par Karine Guiton

Présentation de l’éditeur :

La vieille Mifa a un drôle de métier : elle est gardienne d’objets inutiles ! Une girafe empaillée, une robe de mariée à froufrous, un buffet démodé… Chez elle, c’est un vrai capharnaüm, et ça lui va très bien comme ça ! Cependant, sa routine bien rodée s’apprête à être complètement chamboulée par une demande pas comme les autres… Celle de la petite Maxine, qui veut lui confier Alfred, son énorme doudou !

Merci aux éditions Didier Jeunesse et à Netgalley pour leur confiance.

Mon avis :

Si vous souhaitez lire un livre rationnel et parfaitement « moral », c’est à dire un livre qui daterait du temps où les livres pour enfants étaient écrits avant tout pour les parents, pour transmettre un certain enseignement à leurs enfants, passez votre chemin. Par contre, si vous voulez (oui, je m’adresse aux parents et aux enseignants), faire découvrir un univers loufoque et juste également, c’est avec plaisir que vous découvrirez et ferez découvrir Maxine et Mifa.

Pourquoi ai-je dit « juste » ? Parce que Maxine est une petite fille dont les parents n’ont pas tellement le temps de s’occuper, parce qu’ils sont tout entier occupés par Etienne, leur second enfant, leur garçon, et qu’ils se contentent du minimum pour leur aînée, leur fille (oui, j’insiste sur la différence de genre, parce que j’ai souvent vu, dans la « vraie vie » à quel point cela jouait). Maxine se doit donc d’abandonner son doudou, auquel elle tient encore, parce que ses parents ont décrété qu’à son âge, elle n’en avait plus besoin – et la petite fille n’est pas d’accord ! Seulement, elle n’a pas voix au chapitre. Heureusement, il existe un métier extraordinaire : gardienne d’objets inutiles. Il est exercé par Mifa, et avant elle, par sa mère et sa grand-mère. Elle garde les objets dont les gens ne se servent plus, ou ne peuvent plus se servir, parce qu’il est abîmé, parce qu’ils n’en ont plus l’usage, parce que cet héritage est un peu encombrant. Ils s’en débarrassent, sans vouloir s’en séparer totalement. La preuve : ils peuvent lui rendre visite. Seconde preuve : ils tiennent vraiment à ce sue Mifa en prennent soin, elle qui doit promener quotidiennement la girafe empaillée. Puis vient Alfred, le gorille doudou usé, qui va même plaire énormément à Ursule, le lézard de compagnie de Mifa. Quand j’ai lu cette histoire, j’ai pensé à toutes les possibilités qu’elle offrait, du point de vue de l’invention, parce que les personnages, les situations crées sont extrêmement inventives ! J’ai pensé aussi à ces personnes qui changent, comme M. Rossette, qui rompt avec la tradition familiale, d’autres qui choisissent des voies propres à davantage s’épanouir, voire des personnes qui sont obligées de changer de voie, pour raison de santé.

Maxine et Mifa, un livre drôle et inventif.

 

NOA par Marc Lévy

FORMAT Livre audio
ISBN 9791036614286
PRIX 21,99 € (EUR)
DURÉE 7 Heures, 43 Minutes

Présentation de l’éditeur : 

9 hackers combattent un dictateur. Des vies sont en danger. Une reporter d’investigation va s’infiltrer en terrain ennemi. Le temps est compté. Le Groupe 9, plus uni que jamais, repart en mission. L’avenir de tout un peuple est en jeu. De Londres à Kyïv, de Vilnius à Rome, un roman d’aventures et d’espionnage au suspense trépidant, une histoire qui interpelle et invite à réfléchir sur le monde qui nous entoure.

Merci à Netgalley et aux éditions Lizzie pour ce partenariat.

Mon avis : 

J’ai fait le compte : onze chroniques à venir, onze partenariats, et je ne parle pas des chroniques déjà écrites pour septembre et pour octobre (oui, des partenariats en avance). Je crois que je vais un peu me calmer sur les partenariats à la rentrée….

Mais revenons à ce livre audio. Ce livre est le tome 3 d’une série, je n’ai pas lu les deux autres tomes, et cela ne m’a pas gêné, ni pour l’intrigue, ni pour la caractérisation des personnages. Je dois dire que le livre a pour moi tenu ses promesses, et que j’avais hâte de poursuivre son écoute le soir. L’aventure est vraiment au rendez-vous, l’amour aussi. Et l’on peut s’interroger sur les capacités qu’ont certains à manipuler les informations, à quel point cela peut être facile, à l’époque d’internet – du moment qu’on en a les moyens. Etre journaliste, faire son métier consciencieusement est bien plus compliqué ! Mon personnage préféré reste… l’énigmatique personnage qui donne son nom à ce roman, même si j’ai aussi beaucoup apprécié Janice, « tête brulée » qui prend énormément de risques.

En fait, j’ai accroché dès la première phrase, cette fameuse première phrase qui certifie qu’il n’y a aucun lien avec des personnes existantes ou ayant existé et qui s’arrêtent brusquement. Parce que oui, l’on voit des liens avec l’actualité, et que la fiction peut aussi montrer, rappeler, ce que l’on a tendance à oublier étant donné le flux d’actualité dans lequel nous sommes noyés. J’ai aimé la lecture talentueuse d’Audrey Sourdive.

A découvrir !

Plume et l’ombre du dragon par Agnès Marot

édition Scrinéo – 160 pages.

Présentation de l’éditeur : 

Un conte moderne et loufoque, avec des licornes, un dragon, des ombres… et une piratesse !

Tremble devant Plume, la plus terrible piratesse de la forêt des Merveilles ! J’ai l’air innocente, comme ça, mais, si tu croises mon chemin, tu ferais mieux de surveiller ton ombre : elle pourrait disparaître dans ma besace en un battement d’ailes de fée. Aucune ne me résiste ! Pourtant il y en a une que je n’ai pas encore : celle du dernier dragon. Paraît qu’il est super dangereux, que personne n’ose l’approcher, blablabla… Moi, je compte bien l’attraper !

Ben alors, tu viens ou quoi ? L’aventure, ça n’attend pas !

Mon avis :

Merci aux éditions Scrinéo et à Netgalley pour ce partenariat.

Quand je découvre un livre atypique et original, j’ai toujours peur d’une chose : qu’il ne trouve pas son public. En tant que lectrice, j’ai vu tout de suite toutes les possibilités qu’il offrait pour un jeune lecteur ou une jeune lectrice, tout ce que l’on pouvait imaginer à partir de ce qui nous est raconté dans ce livre. En tant qu’enseignant, je peux vous dire que c’est le genre de livre que j’ai envie de faire découvrir à mes élèves.

Plume est une fille qui exerce un métier pas vraiment féminin : elle est piratesse. J’ai aimé la féminisation de la profession : les femmes pirates ont existé, on les a simplement oubliées, comme beaucoup d’autres. Elle est piratesse comme sa maman, elle est voleuse d’ombre, elle les vole à leur légitime propriétaire et les revend – sauf celles auxquelles elle s’est attachée, comme la dernière ombre qu’elle vient de capturer, celle d’une licorne un peu bizarre. Celle-ci la met sur la piste d’un animal hors-norme, le dernier de son espèce : un dragon, LE dernier dragon. PLume et ses amis les ombres se lancent alors à l’aventure.

Cela pourrait un voyage initiatique comme un autre, Plume surmontant une succession d’épreuves, faisant des rencontres, s’enrichissant au fil de ses rencontres. Ce pourrait être un conte aussi, dans lequel Plume partirait à la recherche de quelque chose qu’elle désire vraiment, et qui n’est pas forcément cette fameuse ombre de dragon. Non, c’est bien plus que cela, tout simplement parce que ce récit n’est pas manichéen, parce que les personnages qu’elle croise, contre lesquels elle doit lutter parfois, ont des raisons d’agir comme ils agissent, parce que la pire chose qui puisse arriver, ce n’est pas d’avoir à affronter des épreuves, non, la pire chose, c’est de devoir affronter la solitude, pas celle que l’on a choisi pour un temps, non, celle qui vous a été imposées par les choses de la vie.

Un très beau roman.