Archive | 25 juillet 2021

Intrigue au Kodogan de Charles Haquet

Présentation de l’éditeur :
Tokyo, un soir d’hiver, en 1882. Dans une pièce sombre, neuf silhouettes vêtues de longues capes attendent, immobiles.
Soudain, un homme fait son apparition, le visage caché par un masque. Il s’emporte contre ce « gouvernement félon qui livre le Japon aux chiens d’étrangers » et dévoile son projet : tuer l’un des principaux politiciens de l’époque, Ito Hirobumi. Un homme est traîné dans la pièce, enchaîné. C’est un proche collaborateur d’Ito Hirobumi. Son refus de trahir son maître va lui couter très cher…
Cette même nuit, le samouraï Tosode marche dans la neige, ivre de fatigue et de saké. Chassé par sa femme, sans travail, il rumine contre ce « Japon Meiji » qui laisse si peu de place à ses anciens samouraïs. Jusqu’à ce que, dans son errance, il tombe sur un homme singulier, qui médite sous la neige. Cet homme s’appelle Jigoro Kano. C’est le fondateur du judo. Commence alors une intrigue à deux niveaux : sur la scène politique, les affrontements sont violents entre les partisans de l’ouverture à l’Occident et les nationalistes. Et l’on découvre très vite qu’il y a des liens puissants entre les maîtres de Ju-jitsu et les politiciens véreux.
Mon avis :
Rien ne va pour Tosode, rien, absolument rien. Sa vie est une ca-tas-trophe. Je pèse mes mots ! Lui, l’ancien samouraï, n’a plus de travail. Sa compagne l’a mis à la porte, elle en a assez de voir que Tosode perd les métiers qu’il trouve les uns après les autres. Donc, il est prié d’aller voir ailleurs. Tosode a bu, un peu, beaucoup, beaucoup trop, et le voilà en train de errer dans Tokyo, ivre, fatigué, et là, il fait une rencontre, j’ai presque envie de dire « une belle rencontre », qui lui permettra de découvrir un tout nouveau sport : le judo.
Et là, je vais vous dire, c’est un régal. J’ai lu récemment un autre roman qui parlait des arts martiaux et qui n’était pas très réussi. Là, ce n’est absolument pas le cas. Nous sommes véritablement plongés dans la création de ce sport, de sa philosophie et j’ose utiliser ce terme. Je suis admirative de la manière dont Charles Haquet a su parfaitement lié toutes les informations liées aux principes de ce sport dans une intrigue politique – parce que revendiquer l’importance du sport et de l’éducation de tous est éminemment politique.
Je le dis d’entrée de jeu, la vie de Tosode va prendre un tournant auquel il ne s’attendait pas, notamment grâce à une rencontre providentielle – pour lui. Il faut en effet pouvoir le supporter, ce cher samouraï, et trouver quelqu’un qui veuille bien de lui est presque une gageure. Je dis aussi que d’autres personnages vont être confrontés à des choix, et se demander, justement, si ceux qu’ils ont fait jusque là sont si judicieux que cela. Prendre ses décisions sans se laisser influencer, ce n’est pas aussi facile que cela en a l’air, surtout quand on est jeune et presque seul.
Et l’hiver est là. Il est presque un personnage à part entière, tant il peut être rude pour les petites gens.
Le dénouement fait allusion à un personnage croisé dans La geisha de Yokohama. Un tome 6 verra-t-il le jour ?

L’Assassinat du Pont-Rouge de Charles Barbara

édition Magnard – 172 pages.

Présentation de l’éditeur (avec laquelle je ne suis pas d’accord du tout !) :

Paru en 1855, L’Assassinat du Pont-Rouge est te premier roman policier français. Dans cette oeuvre, qui fait apparaître en son coeur Baudelaire et même l’un de ses poèmes – offert à son ami Chartes Barbara deux ans avant que ne paraissent Les fleurs du Mal ! -, c’est la crise spirituelle du XIXe siècle qui prend corps : la certitude de la mort de Dieu conduit te héros à la déchéance absolue. Les visionnaires du XIXe siècle – Baudelaire, Sainte-Beuve et Barbey d’Aurevilly – ont d’ailleurs su reconnaître en leur ami Charles Barbara  » un de ces terribles dans le réel « . Ce roman policier au rythme haletant propose une peinture pittoresque de la Bohème parisienne et balaie tous tes horizons, de l’étude sociologique au roman d’aventures, en passant par le fantastique, la philosophie et la poésie. L’après-texte complet permettra d’approfondir l’étude d’un mouvement littéraire (le romantisme), mais aussi de plusieurs genres : le roman policier, le fantastique, la poésie. Il s’attache à mettre en pratique les formes du discours et du récit, de l’argumentation et de la mise en scène.
Mon avis ;
J’ai vu que les avis concernant ce livre étaient tous positifs. Le mien ne le sera pas, je préviens tout de suite. Le quatrième de couverture parle ici de « premier roman policier français ». Grand bien leur fasse. Il ne contient pas d’enquêteurs, seulement un juge d’instruction qui, parfois, apparaît et raconte comment le hasard l’a aidé à résoudre une affaire, croyant en résoudre une autre.
Non, pour moi, ce roman est avant tout celui d’une époque. Il a été publié en 1855, pendant le second Empire donc, et raconte la crise morale, spirituelle de d’une certaine frange de la population c’est à dire ce qui restait de la Bohème parisienne. Oui, je ne crois sincèrement pas que les parents de Joseph, né en 1856 et d’Aimée, née en 1858, mes arrière-arrière-grands-parents aient traversé une telle crise, en aient même eu le loisir, à dire vrai.
Je me suis un peu perdue avec les personnages, quasiment tous masculins, cherchant à faire leurs chemins dans la vie. Je croyais tenir le personnage principal, jusqu’à l’arrivée de Clément. Il a perdu la foi, il ne croit pas en Dieu, et comme il ne croit pas en Dieu, comme il ne croit pas aux vertus de la souffrance, indispensable à toute vie, à toute création, à toute envie de s’en sortie, il se montre non seulement hypocrite mais commet des actes réprouvés par la morale. Il est encore des personnes pour penser de nos jours que la souffrance est bonne. Je ne parle pas de la douleur, qui est un signal d’alerte à ne pas négliger, mais de la souffrance  qui ne permet pas , quoi que l’on pense, de faire carrière ou d’écrire.
Des hommes et des femmes. Trois femmes en fait : Mme Thillard, dont le mari se serait suicidé en se jetant dans la Seine, pris de remords après avoir ruiné sa famille, perdant notamment l’héritage de sa femme et de sa belle-mère (que l’on verra peu). Mme Thillard devient professeur de piano pour vivre, et donnera des leçons à Rosalie, dont le mari, ce fameux Clément, avait travaillé pour les Thillard. Oui, si Mme Thillard avait su, jamais elle n’aurait accepté de donner des leçons à Rosalie, qui n’est pas sans éprouvée une joie mauvaise à voir Mme Thillard ainsi rabaissée.
Mais Rosalie apparaît avant tout, comme Mme Thillard, comme une victime des hommes – et des femmes. C’est sa mère qui l’a contrainte à se prostituer. Et si elle quitte son amant en titre parce qu’elle tombe amoureuse de Rodolphe, celui-ci, attiré avant tout par sa beauté, mettra un certain temps avant de l’épouser. Elle ne se remettra jamais ni de sa grossesse ni de la naissance de son enfant. Oui, c’est tout à fait possible. Oui, il est possible aussi que le médecin, consulté fréquemment, ne trouve pas de causes physiques au dépérissement de Rosalie. Que sait-on de la dépression à cette époque ? Rien.
Certains passages de ce texte se teintent de fantastique, tout en me faisant penser à certaines croyances médicales qui avaient cours – ou comment, quoi qu’il arrive, même dans cette société dont une partie ne croit plus en Dieu, c’est toujours la femme la responsable.
Pas de rédemption possible, pour personne. Le châtiment ? Le remords perpétuel, et l’impossibilité, quoi qu’il soit fait, de réparer les fautes commises. Pessimiste ? Oui. L’existence de l’auteur fut pire encore.