Archive | mai 2015

Spice et Wolf, tome 1


Présentation de l’éditeur :

Déesse de la moisson, Holo est une louve qui peut prendre l’apparence d’une attirante jeune fille. Délaissée par les paysans de son village pour qui les vieilles légendes ne servent plus qu’à effrayer les enfants, Holo décide de rejoindre son village natal dans les terres du Nord à bord de la carriole d’un marchand itinérant, l’énigmatique Lawrence Kraft. Tandis qu’ils découvrent de nouveaux horizons en troquant leurs cargaisons de ville en ville, le duo va apprendre à se connaître et rapidement devenir très complice. Mais méfiance : les faux-semblants, les arnaques et les dangers bordent leur chemin… Le talent divin de Holo pour comprendre la nature humaine sera bien utile pour éviter les mauvais pas et les deal douteux !
Êtes-vous prêts à suivre cette charmante déesse dans un voyage initiatique parsemé de plaisirs simples, de rencontres, mais aussi de dangers ?

Merci à Babelio et aux éditions Ofelbe pour ce partenariat.

Mon avis :  :

Lors de la précédente édition Masse Critique de Babélio, j’ai postulé pour ce titre parce que je venais de découvrir Les enfants-loups de Mamoru Hosada. Ayant beaucoup apprécié cette oeuvre, je me disais que j’apprécierai beaucoup celle-ci, la lecture du quatrième de couverture confortait cette opinion. Je me suis trompée.

Je pensais véritablement qu’Holo serait le personnage principal de ce roman, j’ai aimé les moments du récit où elle était au premier plan. Elle est attachante, cette divinité que certains honnissent, parce qu’ils ne comprennent pas tout au rythme de la nature. Courageuse, combattive, elle sait ce qu’elle risque – l’Eglise veille à l’élimination de tous ceux qui ne sont pas dans la norme – et n’hésite pas à se mettre en danger pour protéger Lawrence Kraft.

Celui-ci est un marchand itinérant qui rêve de se stabiliser, d’ouvrir sa propre boutique, pour avoir enfin un « chez lui ». L’une de ses craintes ? Retourner d’où il est originaire et découvrir que personne ne le reconnaît, voire même que cet endroit n’existe plus. Il prend des risques pour accroître son capital (on peut difficilement être un marchand ambulant et riche) et grâce à Holo, parvient, parfois, à négocier mieux qu’il ne le pensait.

Et c’est là que je me suis ennuyée. Je m’attendais à un voyage, j’ai lu des pages et des pages où il était question de monnaie, de cour de la monnaie, de tractation, de taux de change… Presque toute la première partie a pour sujet le commerce ! Et la première moitié de la seconde partie n’est pas en reste. Si l’on peut trouver passionnant cette vision du commerce, ces associations, qui protègent ou non les leurs, ces règles strictes, elles ne m’ont pas vraiment apportée le plaisir de lecture attendu.

Quant aux rencontres… Ce qui m’a frappé, c’est que les personnages sont irrémédiablement seuls. Lawrence ? Il n’a pas de famille, pas ou peu d’amis, juste un marchand, Jacbo, qui l’a formé, mais ce n’est pas pour cette raison qu’on peut le qualifier d’amis. Holo ? Elle essaie de rentrer chez elle. Zehren, Martin Liebert ? Ils sont des marchands eux aussi, mais ont-ils une famille, une femme, des enfants ? Il n’en est guère question dans ce roman. Les personnages féminins sont rares, ne serait-ce que parce que le monde des marchands est essentiellement masculin, que ce soit à cause de sa dureté ou les préjugés de cette époque, à la fois médiéval et classique (au sens européen du terme). L’Eglise veille à asseoir son pouvoir, traque ceux, ou plutôt celles qu’elle soupçonne de sorcellerie, et il ne faut pas grand chose pour attirer son attention. Si je parle aussi « d’époque classique », c’est parce que les peines encourues par Lawrence s’il ne parvient à régler ses dettes m’ont rappelé celles pratiquées au temps de Louis XIV. Et curieusement, bien que sa vie, et celle d’autres personnages sont en jeu, je n’ai pas réussi à m’attacher à lui, ou aux autres humains, sans doute à cause de leur manque d’empathie, de leur absence de solidarité, et de leur manière de se servir les uns des autres.

Spice & Wolfe, ou une rencontre ratée.

Idhun de Laura Gallego Garcia

couv33364326Présentation de l’éditeur :

Le jour où survient la conjonction astrale des trois soleils et des trois lunes, Ashran prend le pouvoir sur Idhun. Un guerrier et un magicien, exilés de cette planète, organisent la Résistance.
Leur objectif : renverser Ashran et ses alliés, de redoutables serpents ailés. Or, Ashran a envoyé sur Terre Kirtash, mi-homme mi-serpent, en lui donnant pour mission de tuer deux adolescents, Jack et Victoria. Sauvés par la Résistance, ils découvriront qu’un lien mystérieux les unit au monde d’Idhun…

Mon avis :

Ceci est le troisième roman que je lis de cette auteur espagnole, qui remporte un grand succès dans son pays, et je vois déjà se dessiner des constantes narratives dans ces ouvrages. Bien qu’il ne s’agisse que du troisième roman lu de ma part, j’éprouve une certaine lassitude, voire même de l’ennui : Idhun ne restera pas mon ouvrage préférée de cette auteur, et je ne pense pas lire le tome 2 (le tome 3 n’est, à ma connaissance, toujours pas traduit en français).

Pour quelles raisons ? Tout d’abord, nous y retrouvons un jeune héros (Jack) et une jeune héroïne (Victoria) qui sont tous les deux menacés de mort par un jeune méchant. Oui, voilà peut-être l’originalité de ce tome : la jeunesse du tueur froid, glacé, impitoyable, et pour moi qui aime les « beaux » méchants, les méchants riches en profondeur, je pensais que ce personnage serait vraiment intéressant. Sans trop en dévoiler, quelques péripéties m’ont semblé franchement niaises (amoureux de la guimauve, bonsoir), et la profondeur du personnage est celle d’une feuille de papier.

Ces deux jeunes gens, Jack et Victoria auront chacun leur mentor, leur protecteur, qui devra veiller sur eux (c’est un peu leur rôle, non ?) et, éventuellement, les défendre au péril de leur vie (c’est un peu leur rôle, non ? Pardon, je l’ai déjà dit), Aslan le prince chevalier pour Jack, Shail le magicien pour Victoria. Ils sont uniques, ces deux adolescents, au point que Jack, en une belle ellipse narrative de deux ans (l’auteur aime beaucoup les ellipses) a su parfaitement se débrouiller tout seul dans le monde entier tandis que le méchant tueur à la solde de leurs ennemis… Non, je ne le dirai pas, mais si vous avez le courage de lire ce livre, vous trouverez à nouveau des lieux communs et des indices gros comme des maisons qui prouvent à quel point ils sont uniques. D’ailleurs, si Jack était un humain ordinaire, Victoria ne s’intéresserait pas à lui – et dire que moi, humaine ordinaire, je lis leurs aventures !

J’ai failli oublier de vous parler du loup garou, du dragon et de la licorne – encore des personnages récurrents de l’œuvre de Laura Gallego Garcia. Flûte à la fin, où sont cachés LE dragon tout mignon et LA licorne toute sympa qui doivent sauver Idhun ? Aslan et Shail tiennent vraiment à eux, ils les ont sauvés une fois, ils entendent bien récidiver et retrouver ces deux charmantes bestioles ! Si se cacher, pour une licorne, semble être évident (ce n’est pas moi qui le dis), qu’en est-il du dragon ? Quelqu’un qui met le feu partout ne peut passer inaperçu ! Pour ma part, j’ai trouvé très facilement leur cachette – vous ai-je déjà dit que les indices étaient gros comme des maisons ?

Que dire de plus ? Que j’ai trouvé les personnages et l’intrigue très simplistes ? Que je n’ai eu aucune envie ni de visiter ni de sauver Idhun ? Que j’ai retenu des bâillements à plusieurs reprises ? Que j’ai cherché en vain une émotion, si j’excepte une envie de coller une baffe à Victoria, vraiment trop niaise par moment ? Moralité : si pour vous le mot « résistance » a une toute autre résonance que celle que l’on trouve dans ce roman, passez votre chemin ! Ce livre est un très bel objet, dont le contenu n’est vraiment pas à la hauteur ni du contenant, ni du titre.logoespagnesharon2

 

Tatouage de Manuel Vazquez Montalban

Mon résumé :

Pepe Carvalho a 37 ans. Il a bourlingué. Il vit à Barcelone et, en cette année 1976, l’Espagne s’éveille à la démocratie. Un corps est retrouvé, flottant dans la mer. Impossible de connaître l’identité de cet homme, défiguré. Seul indice : un tatouage, « Né pour révolutionner l’enfer ». Un gérant de salon de coiffure demande à Pepe d’enquêter et de découvrir son identité.logoespagnesharon2

Mon avis :

Eureka ! J’ai trouvé le premier tome des aventures de Pepe Carvalho, détective privé désabusé, amateur de femmes, de bonne chair (et non d’horribles plats tout préparé), qui brûle des livres dans sa cheminée, hiver comme été. Il est en couple avec Charo, qui exerce le plus vieux métier du monde. Biscuter ne travaille pas encore pour lui. Il a pour indic Bromure, persuadé que l’eau et la nourriture contiennent… du Bromure, pour freiner les ardeurs de la population. Prévoyant, il met de côté pour ses vieux jours.

L’enquête dont il est en charge l’étonne : retrouver l’identité d’un mort ? La police la connaît certainement, même si elle ne veut pas la dévoiler dans les journaux. Pourquoi Ramon, gérant d’un salon de coiffure, ne va pas tout simplement le demander au commissariat ? Non, cet homme, dont on murmure qu’il s’est déclassé par amour pour la belle Queta, manucure de sa femme et désormais coiffeuse, veut que Pepe enquête, et il le fait (en plus, c’est bien payer).

Malheureusement, ce n’est pas aussi facile que cela paraît. La mort de ce jeune homme a mis la police en mouvement. Elle a même fait de sacrés coups de filet – pourquoi n’en faire qu’un quand on peut en faire plusieurs, taper dans les milieux de la drogue et de la prostitution. Pepe suit les pistes qui se présentent, se rendant aux Pays-Bas, pays dont la liberté fait peur aux ouvriers espagnols qui y ont trouvé du travail. Non, une telle bêtise n’est pas dite ou pensée par Pepe, mais par la police hollandaise qui aimerait bien embaucher ( ou débaucher, c’est selon) Pepe, pour veiller sur ses populations si sensibles, si fragiles, si faciles … à renvoyer. C’est leur triste vie que nous montre Vazquez Montalban, celles d’hommes obligés de vivre loin de leur famille pour subvenir aux besoins des leurs.

Pepe paie de sa personne au cours de cette enquête, il n’est pas sans rappeler Nestor Burma – dans ses moments les plus douloureux. Certains taxent Pepe de misogynie, de machisme. Ce n’est pas si simple. Il n’hésite pas à tabasser un mac – au grand dam de celle qui travaille pour lui, alors que son « chéri » se roule royalement les pouces. Il porte un regard acéré sur les femmes qui vivent dans un roman, non dans la réalité, pour celles qui se donnent des frissons à peu de frais. L’adultère, oui, mais en restant une femme respectable et respectée. Quand une femme s’ennuie trop, son riche mari lui offre un magasin de vêtements, comme avant on offrait un bureau de tabac aux jeunes filles séduites. Misogynie ? Constat dû à l’observation de ce qui l’entoure, et Pepe ne pourrait résoudre ses enquêtes s’il n’avait un oeil acéré.

Tatouage, ou un roman policier presque parodique, dans une Barcelone des années 70, bien loin de celle des jeux olympiques qui nous fait découvrir des quartiers chers aux cœurs des auteurs catalans – et ceux qui y vivent.

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Chroniques de la tour, tome 1 : la vallée des loups de Laura Gallego Garcia

Présentation de l’éditeur :

l existe de par le monde quelques Hautes Ecoles de Magie, secrètes et élitistes. Dana a l’incroyable chance d’être choisie comme élève par le Maître de la Tour de la Vallée des Loups. Mais pourquoi elle ? Y aurait-il un rapport avec l’existence de Kai, ce jeune garçon qu’elle seule peut voir et entendre ? Ou avec cette mystérieuse prisonnière qui l’appelle à son secours ? Dana devra désobéir à son Maître pour venir en aide à cette étrange femme qui lui ordonne de partir à la recherche d’une licorne. Mais les loups de la Vallée semblent décidés à ne pas la laisser faire…

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Mon avis :

Une école de magie en Espagne ? Harry Potter, mais aussi Amandine Malabule et David Eliott ont des cousins, ou des émules ! Ce n’est pas aussi simple.
Nous sommes dans un univers de fantasy, non dans un monde contemporain où la magie se serait invitée. Les personnages vivent comme au moyen-âge, un moyen-âge perpétuel puisque, même quand on revient mille cinq cents ans en arrière, les habitudes de vie ne semblent pas avoir changé. Les épidémies, les disettes, les familles nombreuses sont toujours là. Il ne manque guère que les dragons, heureusement disparus.
Dana naît dans une famille ordinaire, elle ne l’est pas. A six ans, elle a un meilleur ami : Kai. Ce n’est pas un problème, me direz-vous, si ce n’est qu’elle est la seule à le voir, la seule à communiquer avec lui. Serait-il un ami imaginaire ? Ce n’est pas aussi simple, une autre personne sentira également sa présence.
Il s’agit du mage qui la recrute comme apprenti alors qu’elle a dix ans. Là, vous pensez immédiatement à l’épouvanteur, si ce n’est que Dana est une fille (elle avait craint le mariage, un temps). Pas vraiment. De l’apprentissage de Dana, nous ne saurons presque rien, de nombreuses ellipses parcourent ce récit qui nous mène de son arrivée à la tour à son avant-dernier examen. L’apprentissage de la magie n’est pas l’essentiel, plutôt le pouvoir qui singularise la jeune fille depuis la naissance, et qui l’a fait choisir par le Maître (ne pas oublier la majuscule).
Il est aussi du seigneur des anneaux dans ce texte, avec la présence d’un elfe et d’une naine. Je n’ai garde d’oublier tous ses loups qui menacent nuit après nuit la tour, et même un loup-garou qui apparaît dans le récit… à moins qu’il n’ait toujours été là.
L’intérêt du roman repose sur la manière dont les ingrédients bien connus sont utilisés et détournés, au point de véritablement surprendre le lecteur. Et si j’ai trouvé cette lecture facile et plaisante, en revanche je ne lirai pas les deux volumes suivants : je préfère rester sur la bonne impression laissée par l’épilogue.

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Enemigo de Jirô Taniuchi

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Présentation de l’éditeur :

Après avoir connu la dictature et la guerre civile, le Nascencio, Etat d’Amérique latine, s’engage sur la voie de la modernisation.Afin de transformer la jungle du sud du pays en terres arables, les autorités font appel à la société japonaise Seshimo. Lorsque Yûji Seshimo, son jeune et brillant président, se rend sur place, il est kidnappé par des mercenaires qui demandent l’arrêt immédiat des travaux… Manœuvre du lobby du blé américain afin de contrer un concurrent potentiel ? Baroud d’honneur des derniers partisans de la dictature ? Opération commando des forces révolutionnaires ? Complot des membres du conseil d’administration de Seshimo hostiles au trop jeune patron ? C’est à Kenichi, le frère de Yûji, qu’il revient de démêler l’écheveau.

Mon avis :

J’ai trouvé ce livre par le plus grand des hasards à la bibliothèque, et je ne le regrette pas du tout.

Ce manga est un manga « de jeunesse » de Taniguchi, il est bien différent de ce qu’il a pu écrire après cela – il n’est pas au commande du scénario. En revanche, il est bien le maître du dessin, parfaitement réussi, comme toujours avec Taniguchi. Œuvre de jeunesse ne signifie en aucune manière œuvre bâclée.

Ce manga est un véritable roman d’aventure, dans un pays d’Amérique du Sud inspiré par des pays bien réels (Brésil ? Colombie ? A vous de choisir). Le gouvernement officiel a fort à faire avec une guérilla qui ne souhaite qu’une chose : le renverser. Et pour cela, tous les moyens sont bons, y compris enlever l’héritier d’un grand groupe industriel résolument pacifiste. Je dis bien « héritier » parce que, même s’il est le numéro deux dans la société, il est bien celui qui devra en reprendre les rênes une fois que son oncle aura passé la main. Qui pour le secourir, alors que les exigences des ravisseurs ne peuvent être  remplies ? Son frère aîné, détective privé à New York.

Il n’est pas un détective à la Nestor Burma, qui attend patiemmenent un nouveau client – voir un nouveau coup sur la tête. Cet ancien militaire – il a fait le Vietnam – est un baroudeur, habitué au combat au corps à corps. Peu de choses l’effraie, et surtout pas le tyrannosaure, je veux dire le dogue que son frère cadet a instauré comme garde du corps de son bureau. Chien et frère aîné sympathisent – tous les deux unis pour sauver Yûji.

Ce manga est rempli d’aventures, de renversement de situation, de trahison aussi et d’amour. Sans l’amour qui l’unit à son frère – même si les deux frères ne se sont pas vus depuis des années – cette intrigue n’aurait pas été possible. Kenichi ne sauve pas son frère parce que c’est son devoir, mais en souvenir de ce lien ténu qui les a uni étant enfant et qu’ils ont gardé, chacun de leurs côtés. C’est aussi simple qu’une photo sur un bureau, moment de bonheur oublié ni pour l’un ni pour l’autre, ou qu’un Little John qui « sent » au sens propre du terme, le lien entre les deux frères.

Enemigo est un manga à recommander à tous ceux qui aiment l’action, mais aussi aux fans de Taniuchi dont je fais partie.

Le péché ou quelque chose d’approchant de Francisco Gonzalez Ledesma

Mon résumé :

Mendez a fait une boulette, une toute petite boulette à ses yeux, suffisamment grosse pour que son supérieur l’envoie en pénitence à Madrid ! Une catastrophe pour ce barcelonais. Heureusement, sa pénitence ne sera pas longue, on aura besoin de Mendez non pour enquêter (certains demandent tout de même de drôle de choses à la police) mais pour étouffer une affaire.

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Mon avis :

Déraciner Mendez ! Quelle idée, franchement. Le récit avait commencé sur le ton de l’humour, et le premier « mort » était décédé de causes naturelles : la manière de cacher sa mort, ou plutôt les circonstances de sa mort l’étaient nettement moins. L’Eglise reste puissante en Espagne – je n’en doutais pas. Mendez effectue tout de même la « mission » qui lui a été confié, et il tombe sur un second cadavre, dont la mort n’est pas naturelle du tout. « Il s’était rendu à Madrid pour ne pas y travailler, comme tout honnête fonctionnaire, et se retrouvait avec deux missions sur les bras.  » Le récit s’assombrit encore, quand son supérieur le met au courant d’un troisième crime, plus complexe, plus terrible : si ce meurtre ne fait aucun doute (merci à la police espagnole qui a posé des micros dans une maison qui pourrait être louée par des membres de l’ETA, merci à la police scientifique qui a fait un bon travail), le corps est introuvable. Les personnes responsables de cette « disparition » (je ne parle pas aussi crument qu’eux ou que Mendez) seront rapidement retrouvées. Mais dans quel état….

Mendez a beau en avoir vu d’autres dans la vie, il est des choses que même lui ne supporte pas, et ce à quoi il est confronté dans ce roman franchit les frontières du supportable. On n’est pas ici dans un thriller américain où les policiers, les légistes, le lecteur aussi regardent les cadavres froidement, en une analyse raisonnée des coups, blessures et autres plaies ayant entraîné la mort avec intention de la donner. Les supplices infligés ont été atroces, les victimes ont souffert, il n’est pas inutile de le préciser, voire de le rappeler. Leur assassin voulait qu’elles souffrent, il a parfaitement réussi. Il peut réussir mieux encore : échapper à la justice. Il y a bien longtemps que Mendez n’y croit plus, à cette justice, et si parfois il a eu recours à des méthodes que la morale et ses supérieurs réprouvent, la torture, très peu pour lui – il n’est pas inutile de compter le nombre de prisonniers qui lui ont échappé malencontreusement sous Franco.

Alors, il y va, seul, usant d’un langage très cru, qui ne plaît pas à tout le monde. Ne confondons pas cette langue, grâce à laquelle il nomme véritablement ce qu’il voit, ce qu’il ressent avec la vulgarité. Il bouscule, en donnant leur véritable nom à des actes que certains auraient facilement qualifié de « généreux », de « charitable ». Les deux fils rouges de ce récit sont la vie du tout premier mort, qui ne satisfaisait pas à la morale bourgeoise, ni à la morale catholique mais se montrait humaniste au quotidien, lui qui se contrefichait des apparences et savait aller bien au-delà et celle du meurtrier pisté par Mendez.

L’inspecteur n’a garde d’envoyer quelques piques envers la société contemporaine, avec des analyses bien senties. Lui se révolte encore parce que plus personne ne le fait. Quant à la jeune génération… elle ne cherche que le divertissement ou le profit. Francisco Gonzalez Ledesma nous offre à nouveau un sombre tableau de l’Espagne contemporaine.

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Un vent du diable d’Arthur Upfield

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Mon résumé :

Trois agressions violentes ont eu lieu. Si les deux premières victimes ont succombé, la troisième est entre la vie et la mort. Chaque agression a eu lieu alors qu’une tempête soufflait sur le bush. Les policiers enquêtent, ne trouvent quasiment rien, si ce n’est la présence d’un tout nouveau trimardeur non loin des lieux du crime. Il n’a malheureusement pas vu grand chose, mais n’en restera pas là. Son nom ? Joe Fisher. Son vrai nom : Bony. Il est en mission incognito pour démasquer le coupable, seuls trois personnes sont au courant de sa véritable identité. Qui pourrait imaginer qu’un métis soit un brillant enquêteur ?

Mon avis :

Certainement pas Lisa, la soeur de Martin, grand propriétaire qui a demandé la présence de Bony pour qu’enfin, la région retrouve la paix. Elle ne considère pas de la même manière Bony et les autres hommes, et ne peut cacher sa surprise quand elle découvre que cet homme qui se tient devant elle est celui dont sa meilleure amie lui a dit tant de bien.

Nous retrouvons ici quasiment les mêmes ingrédients que dans Les vieux garçons de Broken Hill : une communauté isolée, des grands propriétaires avec de grandes propriétés entourées de clôture et une série de meurtres qui troublent le calme de cette belle communauté. Upfield signe une variation sur le même thème, si ce n’est que les victimes ne sont pas des vieux garçons que l’on empoisonne, mais des jeunes gens (jeune homme ou jeune fille, indifféremment) que l’on étrangle alors qu’ils rentrent chez eux, et que leur présence à cet endroit à ce moment est totalement imprévisible.

Rarement le lien entre la vieille Angleterre et l’Australie n’aura été aussi criant dans une enquête policière de Bony : on peut encore venir sur ce tout jeune continent pour y refaire sa vie. En bon gentleman anglais, on peut aussi passer à côté d’indices, que seuls les traqueurs aborigènes parviennent à repérer. Mais parle-t-on aux aborigènes, s’imagine-t-on même qu’ils soient capables de penser ? Pas vraiment non, aussi les méthodes de Bony ne laissent pas de surprendre, lui qui dénichent des indices là où personne n’avait pensé à regarder.

Une telle intrigue, ou plutôt un tel dénouement serait-il possible de nos jours ? Je ne le pense pas. Là encore, je sens clairement la parenté avec l’Angleterre et avec les romans d’Agatha Christie. Et si une telle intrigue avait jailli dans les petites cellules grises de la reine du crime, je pense qu’elle aurait choisi un dénouement totalement différent, ou plutôt un coupable totalement différent. Ou comment des décisions prises un quart de siècle plus tôt influencent et bouleversent le présent, tout en posant une question universelle : jusqu’où peut-on aller par amour ?

Le vent du diable soufflera toujours sur le bush. Il aura désormais des conséquences moins funestes, même si le retour à l’apaisement ne sera pas facile.

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Les vieux garçons de Broken Hill d’Arthur Upfield

Mon résumé :

Il ne fait pas bon être un vieux garçon à Broken Hill : deux d’entre eux ont été empoisonné. Un éminent détective a été envoyé de Sydney. Bilan : à part braquer les témoins, il n’a obtenu aucun résultat. Bony est envoyé sur place. Sa tâche est double : réparer les dégâts causés par son collègue, et trouver le coupable.

Mon avis :

Bony n’a jamais connu d’échec, et il sait très bien que si l’on pardonnerait facilement une seule défaillance à un policier blanc – pour ne pas dire plusieurs défaillances – il n’en serait pas de même pour lui, métis de son état.

A Broken Hill, la mission s’annonce pourtant très difficile, puisque le temps a passé depuis les deux meurtres, les témoins ont des souvenirs très flous, quand ils ne sont pas bloqués par l’angoisse suscité par ce cher Stillman, l’enquêteur-persécuteur. Même si le terme si galvaudé aujourd’hui de « tueur en série » n’est pas utilisé, il est évident pour Bony que le tueur récidivera. Puisqu’il a agi en toute impunité, pourquoi ne recommencerait-il pas ? Il aurait tort de se priver, surtout que son mobile n’est pas connu. Tout comme Hercule Poirot, Bony ne qualifie pas de « fou » un criminel  à la légère. Il affirme l’existence d’un mobile, d’un élément déclencheur, même s’il n’est pas aisé à identifier.

Bony n’est pas un enquêteur ordinaire, il faut le reconnaître, et il hiérarchise ses enquêtes, n’hésitant pas à utiliser les services d’un cambrioleur pour l’aider à arrêter un meurtrier. Il ne s’agit pas de choisir le moindre de deux maux, il faut simplement savoir s’entourer de personnes compétentes et motivées – et Jimmy, qui ne trouve pas la terre assez grande pour fuir Bony, l’est véritablement.

C’est presque une enquête en huis-clos que nous lisons ici. A Broken Hill, ville isolée, presque coupée du monde extérieur, tous se connaissent, même si certains viennent de très loin – on partait encore en Australie pour refaire sa vie si le climat britannique n’était plus vraiment propice. Se réinventer n’est pas si compliqué.

Plus on avance dans le récit, plus les révélations assombrissent le climat pourtant solaire de cette petite ville. Même Bony en fait (un temps) les frais. Un temps seulement. Qui peut résister à la persévérance de Bony et au réseau bienveillant de relations qu’il sait tisser ? Personne.

Mini-swap Wish-list, septième édition partie 2

J’ai participé à la septième édition du mini-swap Wish-list organisé par  Nelcie,

et j’avais eu des petits soucis avec la personne qui devait m’envoyer ce mini-swap à son tour. Qu’à cela ne tienne : magiciennedoz m’avait envoyé un swap de secours, comme vous pouvez le voir dans l’article Mini-swap Wish-List 7e édition.

Mais j’ai eu une nouvelle surprise, cette fois-ci signée melymélo.IMG_4326Et voici l’ensemble, une fois déballé :

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Encore merci à toutes !

 

Le silence des cloîtres d’Alicia Gimenez-Bartlett

cvt_Le-silence-des-cloitres_4818Présentation de l’éditeur :

L’inspectrice Petra Delicado vit désormais avec l’architecte Marcos Artigas (rencontré dans Un vide à la place du cœur), avec lequel elle s’est remariée pour la troisième fois. De son côté, son collègue, l’inspecteur adjoint Garzón a fini par épouser Beatriz.
Tout commence lorsque les sœurs du Sacré-Cœur, qui dispensent des cours d’instruction religieuse à Marina, la jeune fille de Marcos, se font voler dans des circonstances singulières une relique d’une valeur inestimable : la dépouille du bienheureux Asercio, saint du Moyen Age, exposée habituellement dans la chapelle du couvent. Deux hommes auraient été vus par une mendiante le soir du vol. Mais surtout, les sœurs ont trouvé à la place de la momie du saint le cadavre de frère Cristobal, religieux et historien, spécialisé dans la restauration des corps momifiés et qui travaillait sur celui du bienheureux Asercio. Un seul indice, qui obscurcit encore davantage le mystère : un petit carton déposé sur le corps de la victime et ainsi libellé en caractères gothiques : « Cherchez-moi là où je ne peux plus être ».

Circonstance d’écriture :

J’ai acheté ce livre sur une impulsion, à Rouen, tout en empruntant un autre tome de cette série. Il illustre non le mois espagnol, mais plutôt le mois Barcelone, si cela continue ainsi.

Mon avis :

Il ne fait pas bon être policier en Espagne ! Est-il d’ailleurs un pays où il fait bon enquêter ? Je ne crois pas. Il est cependant une lenteur, une pesanteur dans cette enquête qu’Alicia Gimenez-Bartlett a parfaitement su montrer dans son récit. La raison ? Le peu d’importance donnée à la police dans ce pays. Voir l’explosion de Petra : « Vous avez vu comment c’est dans ce pays, Fermin ? Ici, tout est sacré, tout passe avant la loi : le nom et l’honneur, le règlement intérieur d’un couvent, la famille… Quelle vision de la police les Espagnols peuvent-ils avoir ? Qu’est-ce qu’ils croient, les gens, que les enquêtes ne servent qu’à emmerder le monde ? On dirait qu’on est là juste pour décorer, comme un truc luxueux qui ne sert à rien.  »

Mais revenons au tout début du roman. Petra commence une nouvelle vie. Elle est mariée (pour la troisième fois), elle a quatre beaux-enfants et aujourd’hui, elle garde Marina, six ans. Celle-ci a une communication à lui faire : la mère supérieure du couvent où elle suit ses cours de catéchisme veut parler à Pétra de toute urgence. L’inspectrice a beau avoir de l’imagination, elle ne s’attend pas du tout à devoir enquêter sur le meurtre d’un moine et le vol du corps momifié de saint Asercio, relique exposée dans la chapelle, que le moine était chargé de restaurer. L’inspectrice est à deux doigts de perdre le peu de sens des convenances qu’elle a quand elle découvre que le meurtre est connu depuis plusieurs heures et que les religieuses n’ont pas prévenu les forces de l’ordre. Oui, certains pensent encore pouvoir régler les problèmes sans quitter la clôture du couvent.

L’intérêt de ce roman naît de la confrontation entre ce monde du silence et la société contemporaine, représentée non seulement par les enquêteurs, mais aussi par tous les journalistes, les experts, qui vont disserter sur les mobiles supposés des voleurs et tueurs (un second meurtre est commis). Fanatisme religieux ? Désir de vengeance ? Le lecteur en apprend beaucoup sur les conflits liés à l’église et à la religion catholique qui ont eu lieu en Espagne au cours du XXe siècle – et de s’apercevoir que, finalement, il ne sait pas grand-chose à ce sujet, moins en tout cas que les beaux-enfants de Petra. (Note : j’ai appris certains faits révélés ici… dans Le tableau volé de Pieter Aspe – qui a dit que les romans policiers n’étaient pas de la littérature ?). Toutes ces théories, construites par des experts ou par des religieux férus d’histoire, paraissent tirées par les cheveux à Petra, qui est bien forcée de les écouter puisqu’elle ne dispose d’aucune piste sérieuse. Elle doit même parfois les suivre, et n’hésite pas à déléguer à une de ses subordonnées, qu’elle ne peut voir en peinture.

Elle et Garzon, son fidèle adjoint, ont beau être athées, ils se montrent tous les deux respectueux des règles de vie des religieux – dans la mesure où elles n’entravent pas leur enquête. Demander la permission de la révérende mère pour se rendre à la bibliothèque, demander la permission pour que les sœurs se rendent au commissariat pour témoigner (et en reviennent totalement affolées, elles qui vivent en sécurité à l’abri des murs du couvent) est un peu pesant. Ce respect n’empêche pas le franc parlé, que ce soit pour faire progresser l’enquête ou mettre la révérende-mère face à ses contradictions. Une amitié semble être née entre mère Guillermina et Petra, à grand coup de thé éventé, de biscuits secs pas très bons et de cigarettes fumées ensemble, et j’aimerai sincèrement revoir ce personnage dans un prochain tome. Ce n’est pas moi qui décide, vous en conviendrez, mais Guillermina, loin de tout manichéisme, est réellement charismatique.

Ce qui pourrait déplaire aux fans de romans policiers est que l’enquête est indissociable de la vie privée de Petra. Attention ! Il ne s’agit pas, comme une célèbre enquêtrice française, de résoudre une enquête en cuisinant des plats de pâtes en famille, ou encore de se laisser submerger par ses problèmes personnels, familiaux ou sentimentaux au point de négliger son travail et de voir le coupable vous passer sous le nez. Il s’agit de trouver la juste mesure entre vie privée, vie de famille et travail, afin de ne pas crever les abcès qui ont mûri toute la journée au bureau ou sur le terrain à table ou dans la chambre à coucher. Pas facile non plus de garder la juste mesure avec ses beaux-enfants. Ils ont 12 et 6 ans, des mères qu’ils qualifient volontiers « d’hystériques », des mères qui appartiennent à un milieu social supérieur – tellement supérieur qu’elles trouvent inimaginables ce remariage, et le fait que leurs enfants doivent fréquenter une policière ! Faut-il tout leur cacher, pour les préserver ou bien ne pas hésiter à leur montrer la réalité, pas toujours plaisante il est vrai ? Un défi de plus à relever pour Petra.

Ce n’est pas ce roman qui est à découvrir, c’est véritablement cette auteur et ses personnages-phares qui méritent le détour !

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