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La mariée était en noir de William Irish

édition Folio – 269 pages

Présentation de l’éditeur : 

Durant la petite fête organisée pour célébrer ses fiançailles, Kenneth Bliss chute du dix-septième étage et s’écrase sur le pavé new-yorkais. Tous les participants s’interrogent pour savoir ce qu’a pu devenir la jeune blonde vêtue de noir qui bavardait avec la victime peu avant le drame. Le plus acharné à la retrouver reste l’inspecteur Wanger qui la soupçonne d’avoir poussé Kenneth. Mais les mois passent et la femme mystérieuse demeure introuvable. Jusqu’au jour où Wanger flaire de nouveau sa piste lorsqu’on retrouve un certain Mitchell, pensionné de l’armée, empoisonné au cyanure dans sa chambre. Le témoignage de la maîtresse de la victime semble corroborer ses soupçons, même si elle déclare avoir croisé une grande rousse qui avait un accent étranger. Pourtant, l’inspecteur n’est pas au bout de sa quête et il faudra encore que deux meurtres soient commis pour lui permettre d’entrevoir enfin une parcelle de vérité dans cette affaire.

Mon avis : 

Ce roman, publié en 1940 mais dont la traduction française « complète » n’aura lieu qu’en 2001, est le premier roman de William Irish. Je trouve important de le préciser tant il est surprenant, dénouement y compris. Il y aurait des choses à dire, à redire sur ce dénouement, mais le révéler, ce serait gâcher la lecture pour ceux qui se lanceraient dans la découverte de ce polar. 

Kenneth Bliss tombe de son balcon le jour de ses fiançailles – du dix-septième étage, cela ne pardonne pas. Quelques temps plus tard, Mitchell est assassiné, avec du cyanure placé dans une de ses boissons favorites. Puis, c’est au tour d’un brave père de famille de mourir au cours d’une partie de cache-cache effectué avec son fils. Si certains voient trois affaires distinctes, ce n’est pas le cas de l’inspecteur Lew Wanger. Lui, qui a déjà pensé que le premier décès n’était ni un accident ni un suicide, est persuadé que les trois affaires sont liées par la mystérieuse femme qui était à chaque fois sur les lieux et qui, à chaque fois, n’a pas pu être retrouvée. Elle s’est aussi bien gardée de se présenter comme témoin, comme elle aurait pu le faire si la mort de Kenneth Bliss avait été purement accidentelle. 

Il faut de la patience, il faut de l’acharnement pour découvrir l’identité de la coupable et plus encore pour découvrir pourquoi elle a agi ainsi. Elle a toujours veillée, de manière fort étonnante parfois, à ce qu’aucune innocente ne se retrouve incriminée. Cherchez la femme, déjà, à l’époque, la femme la plus proche, pas une autre, parce que c’est forcément elle la responsable. Pour d’autres, la femme est totalement invisible, juste une compagne, et encore. Rester invisible jusqu’au bout, c’est ce qu’a réussi à accomplir la mystérieuse meurtrière. 

Et si vous ne l’avez pas déjà vu, je ne peux que vous conseiller de regarder le film de François Truffaut. 

Sur ses traces de Robert Dugoni

Mon avis :

Robert Dugoni est un romancier dont je n’avais que modérément apprécié le premier roman. J’ai retenté de le lire, j’ai préféré les tomes suivants, et je dois dire que la lecture de ce tome 8 confirme tout le bien que je pense désormais de cet auteur.

Il a su faire évoluer son héroïne Tracy : elle est en couple, elle a une petite fille, elle sait profiter de sa famille, quand elle rentre du travail, de sa famille, de ses chiens avec qui elle se promène, bref, elle mène une vie ordinaire. Et pourtant, toujours elle pense à sa soeur Sarah, à sa famille qui a été détruite par la mort de sa soeur. Elle suit une thérapie, aussi, parce qu’il lui faut vivre à la fois avec son passé et avec les affaires présentes, sans que cela ne déborde.

Elle doit aussi faire avec un chef toujours aussi prompt à lui mettre des bâtons dans les routes. La licencier après son congé maternité ? Impossible. Mais la remplacer par une autre femme issue d’une minorité et la mettre au placard, au sens propre du terme, c’est possible, et c’est très difficile à attaquer, d’autant plus que Tracy apprécie beaucoup l’enquêtrice qui l’a remplacée, et qui n’y est strictement pour rien dans les magouilles sexistes de leur chef. Elle accepte donc de s’occuper des cold cases, qui n’en sont pas, elle est bien placée pour le savoir, des affaires anciennes pour les familles des victimes. Elle donne aussi un coup de main à la A-Team au sujet d’une disparition, tout en sachant, et là aussi, elle est bien placée pour le savoir, que plus le temps passe, plus il est difficile de retrouver le ou la disparu(e) vivant(e).

Je serai presque tentée de passer en accéléré, pour vous dire que, ce qui domine pour moi dans cette histoire, c’est l’espoir, l’espoir qu’un jour, une affaire non classée devienne une affaire classée – ce qui ne veut pas forcément dire une affaire jugée. Savoir est important, pour la famille, pour les survivants, pour tous ceux qui ont besoin de savoir ce que l’être aimé est devenu. Même s’il est mort ? Oui. Malgré la douleur, oui. Et s’il est des personnes qui souffrent parce qu’un proche a disparu, il est des disparus dont personne ne se préoccupe – tant qu’une personne pense à vous, l’espoir, même ténu, existe.

Nous ne suivons pas que le point de vue de Tracy, nous suivrons d’autres personnages, sans trop savoir au début pourquoi, puis nous comprendrons peu à peu leur rôle dans le récit. Nous découvrirons aussi un thème essentiel de ce roman (de l’oeuvre de Dugoni ?) : le lien parents/enfants. Les parents doivent prendre soin de leurs enfants. C’est ce que font Dan et Tracy, c’est ce que font les coéquipiers de Tracy, qui ne cessent de s’interroger sur ce qu’ils ont fait, pas fait, raté dans l’éducation de leurs enfants, c’est ce que font d’autres parents. Pas tous. Il en est qui négligent leurs enfants, parce que tout est bien ainsi, ne faisons rien ou presque rien pour les aider à grandir harmonieusement. Il en est qui, au milieu de leur conflit d’adultes, ne voient pas, ne font pas attention, au mal qu’ils font à leurs enfants. Jusqu’au désastre.

Un roman que j’ai vraiment beaucoup apprécié : j’en ai lu plus de la moitié au cours d’une nuit d’insomnie.

Les filles mortes ne sont pas aussi jolies de Elizabeth Little

Présentation de l’éditeur :

Au départ, elle n’a rien d’une enquêtrice. Timide, un brin asociale, elle s’efforce d’éviter les ennuis. Marissa Dahl est surtout une étonnante monteuse de films. Engagée sur un long métrage dont le tournage a lieu sur Kickout Island, elle fait la connaissance du metteur en scène Tony Rees, réputé pour son comportement tyrannique. Très vite, elle comprend que quelque chose ne tourne pas rond : une atmosphère de secrets et de paranoïa, des acteurs persécutés… Le film reconstitue une histoire vraie, celle du meurtre non élucidé, vingt ans plus tôt, de Caitlyn Kelly. Pourquoi un tel projet ? Marissa n’en sait pas assez. Elle veut en savoir plus, bientôt elle en saura trop. Alors, il sera trop tard pour revenir en arrière.

Mon avis :

Mais qu’est-ce que c’est que ce livre ? Qu’est-ce que c’est que ce milieu ? Qu’est-ce que c’est que cette héroïne ? Par moment, j’avais envie de secouer tout ce beau monde et de leur dire : « mais ce n’est que du cinéma, stop ! Sortez de là, vivez votre vie, rendez-vous compte que d’autres ont une vie, et que vous êtes en train de saccager la vôtre ». Marissa est une monteuse de film, elle est aussi la narratrice de ce roman. Elle est particulièrement brillante et ne le sait pas. Elle est un personnage en dehors de la norme, de notre norme, cherchant sans cesse à comprendre les autres, à analyser la moindre de leur réaction. Rares sont ceux, par contre, qui se donnent la peine de la comprendre, d’accepter ses différences, qui forment son identité. Nous sommes tous différents, ne l’oublions pas, Marissa refuse de se plier à ce que l’on attend d’elle, même pour vivre une relation amoureuse normale – ou, pour mieux dire, ordinaire.

Pour une fois, elle n’est pas monteuse du film d’Amy, sa meilleure amie, mais de Tony Rees, le prototype même du cinéaste pervers. Ce n’est pas un raccourci, c’est une réalité. Maltraiter psychologiquement ses actrices, sa compagne y compris, ne lui pose aucun problème tant qu’il obtient ce qu’il veut, c’est à dire tant qu’il a tourné la scène qu’il veut. L’on peut se demander pourquoi ses femmes, mais aussi pourquoi tous les techniciens qui ont tourné avec lui n’ont pas pris leurs jambes à leur cou. Ah oui, c’est le meilleur. Il reçoit des prix. Les actrices qui tournent avec lui reçoivent des prix. L’art demande des sacrifices, non ? Non. Il serait tant qu’on le comprenne et que l’on cesse de magnifier ceux qui sont prêts à tout et n’importe quoi pour tirer « le meilleur » de leurs actrices. C’est simplement leur dire : « je ne te fais pas suffisamment confiance pour que tu fasses bien ton métier d’actrices sans que je te tyrannise ». Tony prouvera assez, tout au long de ce récit, à quel point il peut aller bien trop loin.

Des gardes-fous ? Non, personne pour s’opposer à lui, et tant pis si l’on court à la catastrophe. Tant pis si personne ne se pose LA bonne question : pourquoi est-il obsédé par ce meurtre qui a eu lieu vingt ans plus tôt ? Marissa, elle, « voit », elle est la monteuse, celle qui peut faire dire aux images, grâce au montage, ce que le réalisateur veut qu’elles disent vraiment. J’ai aimé passer du temps en sa compagnie, à entendre sa voix, si décalée par rapport aux autres. Elle n’est pas naïve, Marissa, c’est simplement qu’elle manque de confiance en elle (entre autres), c’est simplement qu’elle voit ce que les autres ne voient pas, qu’elle fait attention aux autres, vraiment, à ce que les autres ne veulent ni dire, ni montrer. Parce qu’elle est seule, encore, à ne pas tomber dans les clichés, les a-priori, à faire attention, aux autres, vraiment, elle peut aller plus loin que ceux qui sont retenus par leurs préjugés.

Il est pourtant des personnages sympathiques, dans ce roman, des personnages qui n’ont pas envie de respecter les règles idiotes, tordues, fixées par Tony, des personnages, aussi, parfois, que cela amuse de mener l’enquête – parce qu’il serait tant que la vérité éclate, aussi, parce qu’il serait bon qu’il n’y ait pas encore un mort, dans l’indifférence presque générale.

A découvrir si vous aimez les romans policiers atypiques.

Identités croisées d’Harlan Coben

Présentation de l’éditeur :

Wilde, « l’homme des bois », découvert enfant abandonné dans la forêt, va-t-il enfin percer le mystère de ses origines ? Sur une banque de données où il a déposé son ADN, il reçoit de la part d’un supposé cousin un étrange message aux allures d’appel à l’aide. Wilde découvre qu’il s’agit d’une star de la télé-réalité, portée disparue depuis plusieurs semaines. Suspense, complot et rebondissements au rendez-vous !

Mon avis : 

Tout d’abord, je tiens à remercier les éditions Lizzie et Be polar pour ce partenariat.

J’aime écouter des livres audio, c’est un plaisir que j’ai découvert pendant les précédentes vacances scolaires. C’est d’autant plus agréable quand le lecteur, en l’occurrence Thierry Blanc a une belle voix et se montre particulièrement expressif. En revanche, cela faisait longtemps que je ne m’étais pas plongé dans l’univers d’Harlan Coben, et j’ai eu plaisir à retrouver cet auteur. Certes, j’ai découvert que Wilde, le personnage principal, était déjà le héros d’un précédent opus, que j’ai désormais envie de lire. Cependant, cela ne m’a pas géné pour l’écoute de ce titre, ni pour suivre l’intrigue.

Wilde est un homme des bois, au sens propre du terme. Il a été trouvé étant enfant dans une forêt, son histoire a fait la une des médias, mais personne ne s’est manifesté, personne n’a dit : « c’est mon enfant ». Il a grandi, il a été adopté, il est le parrain du fils de son meilleur ami, décédé depuis de longues années déjà, ce qui ne veut pas dire que Wilde ne pense pas à lui. Il vit sa vie, et, souvent, néglige de prendre contact avec les siens. A-t-il cédé aux sirènes du progrès ? Un peu : il a déposé son ADN sur une banque de données, au cas où. Il retrouve alors deux membres de sa famille ou, du moins (pour ne pas trop en dévoiler) deux personnes qui ont un lien ADN avec lui. Et si j’avais trouvé l’intrigue un peu longue à démarrer, le temps que le personnage principal (re)trouve ses marques, ce n’est pas le cas après qu’il a « retrouvé » un cousin et qu’il se retrouve plongé dans un monde qu’il ne connait pas, celui de la télé-réalité.

Je n’ai pas vraiment l’impression qu’Harlan Coben apprécie ce monde non plus. Je ne crois pas non plus qu’il apprécie ceux qui se repaissent de ces spectacles, parce que ce sont des spectacles, qui me font parfois penser aux jeux du cirque. Les spectateurs ne sont pas là pour se divertir, ils sont là pour se réjouir des coups du sort qui accablent les gagnants. J’ai toujours du mal à comprendre comment l’on accepte de dévoiler ainsi son intimité. Je me suis sentie nettement plus proche du taiseux Wilde, qui est bien obligé de se plonger dans cette « boue » pour mettre de l’ordre, ou du moins essayer, dans tout ce gâchis.

A découvrir pour les fans de polar américain.

 

 

Une scandaleuse supercherie de Lynn Messina

 

Présentation de l’éditeur :
Beatrice Hyde-Clare, détective malgré elle au temps de la Régence anglaise, se retrouve à enquêter sur un nouveau meurtre… au côté du duc de Kesgrave ! Miss Beatrice Hyde-Clare est bien décidée à ne plus jamais se mêler de ce qui ne la regarde pas. Donc, quand un dandy s’écroule raide mort à ses pieds, elle ne ressent aucune envie d’enquêter. Vraiment aucune. Sauf que l’arme du crime lui est étrangement familière… Voilà Bea en route pour le British Museum pour confirmer ses soupçons ! Et, surprise : le duc de Kesgrave apparaît comme par magie à ses côtés.

Mon avis :

La vie de Beatrice a un peu changé depuis le début du tome 1. Il faut dire que résoudre un crime est tout sauf anodin. Il faut dire aussi que Beatrice s’est inventé une belle histoire d’amour contrariée et impossible pour… eh bien pour avoir un peu la paix, et c’est tout le contraire qui se produit. Son oncle et sa tante se rendent compte qu’ils ne la connaissent pas aussi bien qu’ils le pensaient. Beatrice se rend compte aussi qu’ils peuvent être incroyablement maladroits et ne pas savoir comment se comporter face au deuil et à la douleur de quelqu’un – Beatrice est adulte, quasiment vieille fille, et sa lucidité envers ses parents n’empêche pas l’indulgence et, il faut bien le dire, un peu de tendresse.

Seulement… elle n’a pas l’intention de maintenir la mascarade plus longtemps, elle va donc se débarrasser de cet amoureux imaginaire et encombrant. Ce n’est pas facile, surtout quand on ne peut pas sortir de chez soi seule : il est bon de rappeler que cela ne se faisait pas à cette époque. Même sortir accompagnée d’une seule et unique bonne pouvait être mal vu ! Le danger est partout ! Phrase intemporelle s’il en est, surtout que Beatrice, au cours de cette très brève sortie, va voir un homme s’effondrer à ses pieds, mort, poignardé, le tout dans les locaux du journal où elle venait de passer l’annonce du décès de son cher et tendre.

Beatrice a presque envie d’enquêter, ou, du moins, de lever les doutes sur un fait : elle pense avoir déjà vu le poignard de la victime au British museum (et pourtant, sa tante pourra en témoigner, les musées ne sont pas la tasse de thé de Beatrice). Comme si sa vie n’était pas déjà assez compliquée, voilà qu’elle tombe sur le duc de Kesgrave au musée ! Pire : il va l’entraîner, à l’insu de son plein gré sur la piste du meurtrier d’un homme qui avait tellement d’ennemi que les suspects ne manquent pas ! Dire que cela va aussi changer la vie de Beatrice est une évidence – jusqu’au dénouement. Beatrice prend confiance en elle, parvient à parler avec d’autres personnes, à faire preuve d’esprit aussi. Faire son entrée dans le monde ? Déjà fait depuis sept ans, mais il n’est jamais trop tard pour bien faire. Surtout en compagnie du duc de Kesgrave.

Le tome 3 sort dans quinze jours, je serai au rendez-vous.

 

Rusty Puppy de Joe R. Lansdale

édition Folio – 336 pages

Présentation de l’éditeur :

Hap Collins, plouc autoproclamé, et Leonard Pine, noir, gay et républicain vétéran du Vietnam, ne sont pas les plus malins des détectives. Et ils ont une fâcheuse tendance à se mettre dans l’embarras.
Quand les deux compères se penchent sur le cas d’un jeune Noir assassiné par la police, ils mettent le doigt dans un engrenage qui les mènera jusqu’à un réseau de combats clandestins. Au cours de leur enquête, Hap et Leonard se retrouveront confrontés à des flics corrompus, des tueurs à gages sans scrupule et même à une vampire naine assoiffée de vengeance (à moins qu’il s’agisse simplement d’une gamine au caractère exécrable).
Ce n’est pas la première fois qu’ils subissent menaces, intimidations et agressions, mais que faire quand vos ennemis sont les représentants de la loi en personne ?

Mon avis : 

J’ai passé une bonne partie de l’après-midi à ruminer, à cause de soucis d’ordre personnel, vraiment personnel. J’aurai û faire un billet pour en parler, mais come je ne suis pas la seule à être en cause dans l’histoire, comme les aitres personnes n’ont pas l’habitude de s’épancher en ligne (et c’est une bonne résolution) alors je n’en parle pas. Je me suis donc dit : « mais je n’ai pas chroniqué Rusty puppy ». C’est donc l’occasion de le faire.

Hap et Leonard enquêtent sur la mort d’un jeune noir, assassiné par la police selon un témoin. Sauf que le témoin ne veut pas vraiment témoigner, qu’il est le seul à dire que c’est un meurtre, que personne ne comprend ce qui a pu se passer, quand on n’est pas à deux doigts de se dire qu’il ne s’est rien passé, si ce n’est un mort de plus. Ce que sait en revanche la mère de la victime, c’est que son fils n’est pas son premier enfant à être persécuté par la police – sa fille a été victime d’arrestations arbitraires. Nous sommes au Texas, la police peut faire à peu près tout ce qu’elle veut contre la population noir, pauvre, qui tente de vivre du mieux qu’elle peut, pour ne pas dire survivre. Pour faire court, ils sont traités comme des chiens maltraités. Il faut parfois s’adapter très tôt, comme cette gamine que croisent Hap et Leonard, et qui leur fait penser à une vampire naine de quatre cents ans – si ce n’est qu’elle se nourrit principalement de frites et de hamburgers, comme les deux détectives l’apprendront, et leur porte-monnaie avec eux.

Ce qui ne change pas, si vous aimez cette série, c’est l’amitié qui unit les deux hommes. Ce qui ne change pas non plus, c’est leur humour – sauf s’il s’agit de biscuits à la vanille honteusement pillés. Ce qui ne change toujours pas, c’est leur capacité à se mettre dans des situations impossibles et à prendre beaucoup de risques pour que justice soit faite. Tout sauf facile.

Vous rendrez-vous vous aussi au Texas avec Hap et Leonard ? .

29e participation – Texas.

Le corbillard zébré de Ross MacDonald

Présentation de l’éditeur :

Harriet Blackwell a vingt-quatre ans.
Elle est bien faite, mais elle a hérité de son père un visage ingrat. Par contre, elle a hérité de sa tante un demi-million de dollars, dont elle entrera en possession le jour de ses vingt-cinq ans…
Pour l’instant, elle revient du Mexique où elle s’est entichée d’un peintre au passé douteux. Elle est folle de lui, elle veut l’épouser.
Le colonel Blackwell lui, n’est pas aveuglé par le charme ténébreux de ce coureur de dot.
Il connaît bien sa fille, et veut faire son bonheur malgré elle. C’est pourquoi il va charger Lew Archer d’enquêter sur ce Burke Damis.
Burke Damis, dont la trousse de toilette porte les initiales B.C…. Burke Damis, qui franchit les frontières sous le nom de Ralph Quincy Simpson… Oui, décidément, le colonel n’a peut-être pas tort de s’inquiéter pour l’avenir de sa fille. D’autant plus que celle-ci a disparu avec son prétendant.

Mon avis :

Je n’avais pas lu de romans de Lew Archer depuis longtemps, et je suis contente d’avoir lu celui-ci pendant mes vacances (et d’avoir ainsi pu rédiger un avis en avance).

Archer se retrouve à nouveau à enquêter sur une affaire de famille. Il est engagé par le colonel Blackwell, un homme inquiet pour sa fille unique, Harriet, qui est tombée amoureuse d’un peintre désargenté – peintre et riche allant rarement de pair. C’est un artiste ! Il semble assez doué, du moins, c’est ce qui se murmure dans les milieux artistiques. Quant à Archer, il se dit qu’il y a « quelque chose » dans ses oeuvres, qu’elles provoquent des émotions, des réactions, reste à savoir si elles sont positives ou négatives. Il doit cependant faire des recherches sur le passé de ce peintre, dans l’objectif de dissuader Harriet de l’épouser. Et oui, d’habitude, le colonel réussit à faire rompre sa fille très facilement. Là, le jeune homme, et Harriet avec lui, se montrent très résistants aux assauts du colonel . Les problèmes arrivent vite, les cadavres aussi.

Père abusif, le colonel ? Oui. Il reproduit le schéma dont il a lui-même été victime, et personne, ni sa première femme, qui a préféré prendre les jambes à son cou, ni sa seconde femme, qu’il a épousé récemment, ne sont parvenues à le défaire de ce schéma, qu’il a lui-même imposé à sa fille, l’élevant comme le garçon qu’elle n’était pas. Famille dysfonctionnelle ? Oui, ce n’est pas la première qu’Archer a croisé sur sa route, ce n’est pas la dernière non plus qu’il croisera dans ce roman – où il sera toujours question de familles qui respectent le schéma traditionnel et qui ne fonctionne. Il est aussi des familles qui ne se créent pas, parce que l’un des deux estime qu’il ne peut pas, ou plutôt qu’il ne doit pas avoir d’enfants, ce qui n’est pas du tout la même chose. Se créer parfois des familles de substitution, l’on s’occupe d’un enfant dont les parents n’ont pas assez de temps pour s’occuper, sans que ceux-ci ne s’offusquent que d’autres prennent soin de leur progéniture. Et pourquoi s’en offusqueraient-ils ? Les deux parties sont contentes – sauf peut-être les enfants, dont on n’entend pas beaucoup les voix.

Mon avis donne l’impression que ce livre n’est pas qu’un roman policier, et c’est le cas. Archer et la police enquêtent, parce que les morts et les disparitions sont bien réels, parce qu’il est impossible de laisser impuni des morts qui sont tout sauf accidentelles, à moins d’avoir une imagination débordante. Archer se déplace énormément pour enquêter, à une époque où il faut se rendre sur place, pour avoir les renseignements, où les preuves matérielles sont importantes, à condition de ne pas leur faire dire n’importe quoi ?

Jusqu’où peut-on aller non pour préserver sa famille, mais pour préserver l’idée que l’on se fait d’une famille ? Très loin.

27e lecture – Californie

 

1275 de Jim Thompson

Présentation de l’éditeur :

Shérif de Pottsville, village de 1 275 âmes, Nick Corey a tout pour être heureux : un logement de fonction, une maîtresse et surtout un travail qui ne l’accable pas trop car il évite de se mêler des affaires des autres. Bien sûr, cette routine ne va pas sans quelques ennuis : son mandat arrive à terme et son concurrent a de fortes chances d’emporter les prochaines élections. Et puis, même les petits maquereaux du coin en viennent à lui manquer de respect. Aussi Corey trouve-t-il qu’il est grand temps de faire le ménage, à commencer par tous ceux-là.

Mon avis :

La vie est dure, mais alors duuuuuuuuuuuuuuuuuuuuure quand on est le shérif de Pottsville, village de 1275 âmes et 1280 habitants. Je vous laisse deviner d’où vient cette différence. En plus, les élections approchent. Que faire, que faire ? Je vous le dis, Corey a bien des soucis ! Encore, je ne vous parle que de ses soucis professionnels, parce que ses soucis personnels sont tout aussi copieux, abondants, nombreux, pénibles, entre sa femme, son beau-frère, ses maitresses. Oui, Corey a des soucis, mais il faut dire qu’il ne semble pas très futé.

Semble seulement, et c’est du travail pour passer pour être abruti à ce point sans l’être, pour avoir l’air de se laisser manipuler alors qu’en fait, c’est lui qui manipule autour de lui, et qui agit dans un seul et unique intérêt : le sien ! Être lui, c’est du plein temps, parce que personne, absolument personne ne se doute de sa rouerie, pas même ses proches, dont sa harpie d’épouse et son abruti de beau-frère, trop occupés à se plaindre, à vivre leur vie pour se rendre compte de qui est véritablement Nick Corey.

Horrible, cette histoire ? Oui, franchement. Ce voyage au fin fond de l’Amérique blanche bien comme il faut serait totalement désespérant n’était le style de l’auteur, qui confère à son personnage principal et narrateur un bagout, un allant, un sens de la narration et du retournement de situation absolument hors-pair.

Oui, je sais, certains lecteurs seront choqués/horrifiés non par l’histoire, cela, je le comprendrai parfaitement, parce que, dès que le lecteur s’arrête et réfléchit un peu, il mesure toute l’horreur de la situation, puisque personne ne semble capable de mettre un terme aux agissements de Corey. Non, certains lecteurs seront choqués parce que je recommande une lecture violente, dur, totalement immorale. Oui, il est encore des personnes qui pensent que la littérature doit être rose bonbon, bleu ciel, feel good…. et je n’ai rien contre. Mais j’aime aussi et surtout les romans noirs, très noirs.

 

Insoluble par Patterson James & Ellis David

Présentation de l’éditeur :

Depuis l’assassinat de sa sœur (Invisible, L’Archipel, 2016), Emmy Dockery, analyste au FBI, ne cesse d’identifier des crimes impunis là où ses collègues concluent à des morts accidentelles. À travers le pays, des sans-abri ou les personnes qui leur viennent en aide meurent sans que personne ne s’émeuve. Sauf Emmy, persuadée qu’un tueur est aux manettes. Un homme qui, selon son enquête, se déplace en fauteuil roulant. Pendant ce temps, Citizen David défraie la chronique. Ce justicier fait sauter le siège d’entreprises qu’il estime manquer d’éthique. Ne laissant aucun mort derrière lui, il s’attire les faveurs du public. Jusqu’au jour où il fait exploser, à Chicago, un centre d’accueil pour SDF. Bilan : près de deux cents morts. Parallèlement, l’ex-agent Harrison Bookman est chargé par une huile du FBI de surveiller Emmy, son ancienne petite amie, suspectée d’être la taupe qui livre des informations confidentielles à la presse au sujet de Citizen David. Mais quelqu’un d’autre surveille Emmy. L’observe, l’épie… Et attend le moment opportun pour frapper !

Mon avis (rédigé le 4 août) : 

Je ne suis pas embarrassée pour écrire cet avis, non, j’ai plutôt l’impression que je vais vous parler davantage des Etats-Unis que du roman en écrivant cet avis. En effet, j’ai lu ce livre en me disant que l’Amérique va mal, très mal. Je sais bien que c’est un roman, seulement un roman policier est aussi le reflet de la société qui l’a produit. Et cette société n’est pas en forme.

Prenons Emmy, par exemple. Elle a frôlé, frôle et frôlera sans doute encore la porte du FBI. Pourquoi ? Parce que cette analyste consciencieuse voit des crimes là où d’autres voient des morts accidentelles. Serait-elle à ce point obnubilé par son métier qu’elle verrait des crimes partout ? Elle a déjà prouvé qu’il y avait des crimes partout, des crimes insoupçonnés, faciles à dissimuler, notamment dans ce cas : la mort de SDF, cela inquiète qui ? Personne. Sauf Emmy. Il est même des personnes, qui sont pourtant des personnes « positives » dans ce roman, qui se rendent compte qu’elles sont pleines de préjugés envers les SDF. Point positif : au moins, elles s’en rendent compte. Mais quel cheminement pour en arriver là !

James Patterson et David Ellis ont beaucoup d’imagination, et c’est tant mieux aussi. Cela ne les empêche pas de construire une enquête solide et malheureusement possible, crédible, eu égard à des essais que j’ai lus. Oui, l’armée américaine apprend à ses soldats à tuer, froidement, sans état d’âme, et pour des personnes ayant déjà des troubles psychologiques, cela peut avoir de lourdes conséquences. Restent à déterminer si ses conséquences sont lourdes pour eux, s’ils se font mal à eux-mêmes (voir le pourcentage de vétérans américains qui sont devenus SDF, justement) ou s’ils font mal aux autres, sans état d’âme, parce que tuer, c’est facile (voir Dernier jour sur terre de David Vann).

Il y aura peut-être des lecteurs pour se dire qu’une telle intrigue n’est pas possible. Elle l’est, malheureusement. Et même si elle ne pouvait pas l’être, les deux auteurs mènent leur récit de telle manière que j’y ai cru, que j’ai été du côté d’Emmy, qui a risqué sa vie, déjà, qui en a gardé ses séquelles, et qui se questionne aussi sur ses choix. Elle ne peut pas rester sans rien faire, même si cela compromet sa relation avec son fiancé. Lui a quitté le FBI – presque quitté, parce qu’il reprend du service presque malgré lui, et comprendra, au fur et à mesure de l’enquête, pourquoi c’est à lui qu’on a fait appel.

En effet, pendant qu’Emmy enquête officieusement sur un tueur de SDF, elle doit aussi enquêter officiellement sur un poseur de bombes, Citizen David, qui veut tirer la sonnette d’alarme sur certaines pratiques discriminantes. Pour ce faire, il a choisi la méthode forte – poser des bombes – tout en faisant en sorte de ne pas faire de victime. Jusqu’à ce que…. Oui, l’enquête sera menée à bien – quoi, je spoile ? quand on lit un roman policier, cela fait partie du contrat : connaître l’identité du « coupable » – mais cela ne sera facile pour personne, parce que, pour une fois, ce n’est pas un tueur qui est pourchassé, mais quelqu’un qui ne supporte plus cette société américaine et ses inégalités. Et je rappelle que comprendre pourquoi une personne agit d’une certaine manière ne signifie ni la justifier, ni l’excuser.

Un roman prenant.

La longue marche des navajos d’Anne Hillerman

Présentation de l’éditeur :

Suite des aventures des trois policiers Navajos, Joe Leaphorn, Jim Chee et Bernadette Manuelito.
Bien que retraité de la police, le Légendaire Lieutenant Leaphorn n’a jamais été aussi occupé. Mrs Pinto, conservatrice du musée des traditions navajo, lui demande d’enquêter sur la disparition d’un biil, une robe traditionnelle du peuple navajo. Or la dernière personne à avoir eu connaissance de l’existence de cet objet meurt dans d’étranges circonstances; quant à Leaphorn, il reçoit des menaces anonymes.
De son côté la policière Bernadette Manuelito découvre un cadavre qui va bientôt attirer l’attention du FBI, tandis que son mari et collègue Jim Chee est sur une affaire de cambriolage. Trois enquêtes apparemment déconnectées qui vont trouver des points de convergence.

Mon avis :

J’ai terminé la lecture de ce livre hier. J’ai beaucoup aimé ce livre, même si j’ai mis du temps pour le terminer. Anne Hillerman poursuit l’oeuvre de son père, et tant pis à ce qui ne serait pas content. Je pense sincèrement que les fans le sont.

Dans ce tome, c’est le grand retour de Joe Leaphorn. Dans le premier tome écrit par Anne Hillerman, il était grièvement blessé. S’il est remis, physiquement, il peine encore à s’exprimer en anglais – pas de souci, par contre, pour sa langue natale. Alors oui, il suit des séances de rééducation, oui, il fait des efforts, mais cela lui complique quand même sa vie professionnelle : Leaphorn est devenu détective privé et il ne cesse de mener des enquêtes. L’enquête qui lui est proposée pouvait paraître sans risques : une robe traditionnelle a disparu, envolée du colis dans lequel elle se trouvait. Seulement, Leaphorn reçoit des menaces, et Tiffany, le bras droit de Mrs Pinto, la conservatrice du musée, est victime d’un malaise et meurt peu après. De mort naturelle ? Il est bien des moyens de tuer, ou d’accélérer la mort.

Bernadette, de son côté, trouve un cadavre en faisant son jogging. C’était déjà en soi assez étrange, cela le devient encore plus quand le FBI débarque avec toute la discrétion dont il est capable. Pour Jim Chee, les jours à venir s’annonçaient presque plus reposants, même si enquêter sur une série de cambriolage (ce sont principalement des bijoux anciens qui sont volés) ne l’est pas forcément. Seulement, d’autres événements, plus dramatiques encore surviennent.

Les trois enquêteurs ne restent pas seuls dans leur coin, c’est aussi ce qui est intéressant. Ils échangent entre eux, ils ont des convictions, quitte à se mettre le FBI à dos parce que Bernadette n’apprécie pas que l’on brusque une jeune femme en détresse.

Je me suis questionnée sur le féminisme de ce roman – si, si, je me pose souvent la question, même si j’en suis à me demander quelle lecture fait que je m’interroge systématiquement là-dessus. J’entends presque les critiques que certaines féministes radicales pourraient faire et qui m’agacent. Bernie et sa soeur s’occupent de leur mère, parce qu’elles se montrent respectueuses de leurs aînés, tout comme Jim Chee, qui fait attention à ne pas froisser les croyances de chacun. Nous sommes en territoire navajo, le passé, leur douleur, mais aussi leur capacité à faire face malgré tout ce qui leur est arrivé, est important à prendre en compte. Il est des familles qui restent unies vaille que vaille en dépit des difficultés et des douleurs. Il ne s’agit pas tant d’aller de l’avant, d’être autonome, il s’agit d’assumer ce que l’on a fait, ce que l’on a raté aussi. Et si j’ai parlé au début de ce paragraphe de féminisme, si j’ai parlé de respect des anciens, c’est parce que certains n’ont vraiment rien compris. L’on peut faire tous les discours que l’on veut, ce sont les actes qui comptent, et aussi sa capacité à se débarrasser de ses préjugés.

Anne Hillerman a écrit six enquêtes, seules trois sont traduites en français (celui-ci l’a été par Pierre Bondil). A quand la traduction des autres titres ?