Présentation de l’éditeur :
Que signifie envoyer un flic en infiltration ? apparemment, c’est simple : il s’agit d’espionner de l’intérieur une organisation criminelle que la police n’arrive pas à démanteler. le flic infiltré devra donc s’y faire admettre, gagner la confiance des responsables, comprendre tous les rouages de l’entreprise… un rôle dangereux, qui exige non seulement des nerfs d’acier, mais surtout de respecter toutes sortes de précautions. au séminaire de Fieldfare house, Esther Davidson écoute avec intérêt l’expérience de collègues infiltrés, ce qui doit l’aider à planifier ses propres opérations. Iles est absent de ce séminaire car, justement, une infiltration relevant de sa responsabilité s’est mal terminée. s’il avait été là, peut-être aurait-il pu convaincre Esther de renoncer à ses plans ? Iles est un flic parfois douteux, parfois violent, mais en général efficace et compétent. ici, c’est son absence qui se fera cruellement sentir.
Mon avis :
Pas un avis sur Babelio, mais une moyenne faite avec quatre notes, que j’aimerai bien voir expliciter, parce que si je devais noter ce livre (je déteste noter des livres, je suis déjà contre les notes au collège, alors pour les livres, n’en parlons pas), je lui mettrai au-dessus de la moyenne.
Il n’est pas un roman policier comme les autres, il est le roman policier des coulisses. Non, nous ne suivrons pas le policier en mission d’infiltration, nous ne serons pas derrière lui, pas à pas, nous ne tremblerions pas derrière lui quand il sera à deux doigts d’être découvert, nous ne nous réjouirons pas quand il fera des découvertes significatives pour l’enquête qu’il sert. Nous ne partagerons pas ses sentiments, sa fierté, sa solitude, sa volonté d’en mettre un bon coup pour faire progresser cette enquête qui dure depuis huit ans. Huit ans sans que jamais la police, qui a mobilisé bon an mal an une dizaine d’hommes, ne parvienne à trouver la moindre preuve contre cette entreprise criminelle, qui n’est pas jugée criminelle puisqu’en vingt ans d’existence, elle semble ne jamais être sortie des clous. Non, nous ne lirons rien de toutes ses étapes imposées, davantage par le cinéma que par la littérature policière.
Nous nous dirons simplement : « la police, quelle bande de couillon ». Oui, c’est abrupte.
Esther Davidson est adjointe de la police, et elle a envie d’infiltrer un de ses hommes. Le séminaire de la police à laquelle elle assiste la convainc : oui, c’est possible, c’est faisable, et les témoignages de l’agent A et de l’agent B la confortent dans cette décision, qu’elle avait fortement envie de prendre. Puis, elle a elle-même été une agent infiltrée, elle sait donc ce que cela fait d’être ainsi sur le terrain, seule d’être quelqu’un d’autre, et d’être quelqu’un qui permet à l’enquête d’avancer de manière significative. Elle a sans doute oublié qu’elle a dû être exfiltrée en urgence, contre l’avis de son supérieur, qui s’est retrouvé à vendre des saucisses sur les marchés, parce qu’elle avait raison, elle avait vraiment été découverte.
Elle oublie aussi une absence, celle d’Iles, policier charismatique s’il en est. L’infiltration, il sait ce que c’est : il a infiltré un agent et des années après tout le monde s’en souvient, tout le monde, surtout lui : son agent a été massacré, les deux coupables supposés acquittés, puis retrouvés mystérieusement massacrés. Cet agent infiltré, il pense à lui sans arrêt, et si Esther l’avait écouté ne serait-ce qu’une seule fois, elle aurait renoncé. S’il était venu au séminaire, il l’aurait peut-être fait reculer, sauf qu’il a pensé que son absence en dirait bien plus que sa présence. A-t-il eu tort ? Il était en tout cas attendu par les deux ex-agents infiltrés, qui pensaient riposter vaillamment à ses questions. Comment riposter à une absence ?
Iles est également absent, quasiment absent de l’intrigue. Ses rares apparitions n’en sont que plus cinglantes. En effet, le livre devient un livre de procès, du coupable possible, des résumés de la juge – j’ai découvert cette pratique anglaise – et du fait que la justice semble ne pas pouvoir passer – tout simplement parce qu’il manque encore et toujours ses fameuses preuves, et que la police a manqué de prendre des précautions.
Oui, s’il n’y avait pas mort d’hommes et de femmes aussi, voir la déconfiture de la police, la manière dont l’agent infiltré a été manipulé serait presque risible. Ce n’est plus (ce n’est pas ?) une mission d’infiltration, c’est une lutte pour imposer l’agent que l’on a choisi, au détriment de celle choisie par le responsable de l’infiltration. Parce que c’est un homme, et que c’est moins risqué. Parce qu’il est célibataire, elle est fiancée, et tant pis si Esther enjolive un peu la réalité : c’est elle qui paiera les pots cassés si la mission foire. C’est elle qui vivra avec, effectivement.
Esther. J’ai eu franchement du mal avec elle, non d’un point de vue professionnel, mais d’un point de vue personnel. Comment peut-elle vivre avec un mari comme le sien ? Merci de ne pas me dire qu’elle l’aime au point d’en oublier ce qu’il lui fait subir. Pour qualifier leur relation, j’hésite entre « elle est toxique », ou « elle est sado-masochiste ». Elle est sans doute un mélange des deux. Leurs dialogues sont d’ailleurs un chef d’oeuvre – ou comment fait-elle tout pour choisir les mots qui ne vont surtout pas mettre le feu aux poudres, un art de la communication trop souvent réservé aux femmes maltraitées.
De nombreuses enquêtes d’Iles restent à traduire… J’aimerai bien lire la suite en VF, nous avons de très bons traducteurs en France (ce volume est traduit par Danièle Bondil), parce que l’absence d’Iles se prolonge – cette enquête date de 2008, dix autres ont été publiées depuis.
