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Le cuisinier de l’Alcyon

Présentation de l’éditeur : 

Tandis que sur la terre ferme, Montalbano est aux prises avec la révolte d’ouvriers dont le chantier naval ferme pour cause d’incurie d’un jeune héritier jouisseur, au large de Vigàta croise une splendide goélette. Y embarquent des femmes magnifiques dont le commissaire aura l’occasion de faire la connaissance, et aussi de plus inquiétants personnages. Mais le commissaire commence à peine à enquêter sur les activités du voilier qu’il est démis de ses fonctions et traîné dans la boue. Surgit un étrange et sympathique agent du FBI sicilo-américain. Avec son aide, et celle de son fidèle Fazio ainsi que de l’inénarrable Catarella, le commissaire démis devra agir sous couverture pour réussir un des plus gros coups de sa carrière aux dépens de trafiquants internationaux. Pour cela, il devra manier la mitraillette, et également affronter un défi inédit. Familier des bonnes tables, mais pas des cuisines, il lui faudra se mettre aux fourneaux.

Mon avis : 

Merci aux editions fleuve noir et à Netgalley pour ce partenariat.

Je commencerai par la fin, une fois n’est pas coutume : si quelqu’un se plaint de certains développements de l’intrigue en se disant « ce n’est pas possible », je les renvoie à la postface signé Andrea Camilleri dans lequel il explique son choix de construction d’intrigue. Maintenant, de mon côté, je serai claire : j’aime les romans d’Andrea Camilleri, j’aime Salvo Montalbano, et peu importe le sujet de son enquête, je veux lire tous les romans qui le mettent en scène.

Montalbano doit faire avec – avec des ouvriers en grève parce que leur nouveau patron préfère ses intérêts à ceux de son entreprise. Il n’est malheureusement pas le seul, totalement déconnecté de la réalité, sauf la sienne, celle qui lui permet d’avoir la vie la plus agréable possible. Il se questionne cependant, sur certains faits, la présence d’un bateau bien tapageur. Seulement voilà : Montalbano est victime d’une campagne de calomnie, on cherche à le mettre prématurément à la retraite, il est même remplacé dans son propre commissariat.

Il ne prend pas le temps de se lamenter, ce n’est pas son genre, il prend cependant le temps de faire semblant de se lamenter. Pourquoi ? Parce qu’il se retrouve dans une enquête plus complexe qu’il n’y parait, parce que, plutôt que de parler de cuisinier de l’Alcyon, ce roman m’évoque plutôt une partie d’échec dans lequel Montalbano essaie de ne pas être qu’un pion, mais d’être plus que cela : pas facile quand nombreux sont ceux qui vous manipulent ou qui essaient de le faire. Il est aussi des personnes qui pensent être chevronnées, et qui se font avoir, eh bien comme des bleus. Ce sont des choses qui arrivent sur la mer Méditerranée.

Oui, c’est une enquête de Montalbano pas tout à fait comme les autres, et cela empêche-t-il le plaisir de lecture ? Non !

A la lumière de la nuit d’Ilaria Tuti

édition Robert laffont – 220 pages

Présentation de l’éditeur :

Atteinte d’une maladie rare et condamnée à l’obscurité, Chiara, huit ans, fait des rêves aussi étranges qu’effrayants : dans la forêt qui jouxte sa maison, elle voit un arbre couvert de mystérieuses inscriptions au pied duquel repose un cœur d’enfant.
Chiara est convaincue que son rêve fait écho à des événements réels. Terrifiés, ses parents contactent la police, lançant la commissaire Battiglia sur les traces d’un passé tourmenté.
Dans cette région d’Italie où la terre est brûlante, seuls peuvent enquêter ceux qui survivent à la lumière de la nuit…

Mon avis :

J’ai découvert cette autrice grâce au blog de Belette, j’ai emprunté ce livre à la bibliothèque le 30 août, je l’ai lu dans la foulée, et j’ai programmé ma chronique pour le 4 septembre.

Je pense sincèrement qu’Ilaria Tuti est une nouvelle voix (pour moi) du polar qui est singulière et nous apporte de beaux personnages d’enquêteurs en la personne de Teresa Battiglia et Marini. Singulière et italienne : s’il est un autre auteur que j’aurai bien vu avec un tel sujet, c’est Andrea Camilleri (ou, pour un autre pays, Arnaldur Indridason ou Gunnar Staalesen). Pourquoi ? Parce qu’il est question d’enfance en danger, d’enfant tourmenté. Ici, il s’agit de Chiara, atteinte d’une maladie rare, qui l’empêche de vivre à la lumière du jour. Elle fait des cauchemars récurrents, réalistes, au point que sa mère contacte la commissaire Battista et que celle-ci, au lieu de l’envoyer promener (ou de l’adresser à un psy) se rend chez la famille avec son adjoint Marini, son futur successeur pour elle (Teresa a soixante ans, elle est donc plus près de la retraite que de la prise de fonction). Ce n’est pas qu’elle croit aux rêves et à leur interprétation, c’est qu’elle croit que le subconscient peut dire quelque chose à travers les rêves, restituer quelque chose que l’on aurait dit devant un enfant et dont il n’aurait pas perçu toutes les conséquences. Alors Battiglia et Marini enquêtent, de manière officieuse, certes, mais ils enquêtent, Teresa n’hésitant pas à mettre les points sur les i à certaines personnes trop curieuses, parce que le danger cerne la famille Leban, ostracisée par les autres familles, certes, mais victimes aussi d’actes de malveillances. Il en faut beaucoup pour intimider Teresa, vraiment beaucoup, il lui en faut encore plus pour la faire reculer, et tant pis si elle doit prendre des chemins détournés. Elle sait qu’elle doit lutter contre le mal, non pas de manière philosophique ou métaphysique, non, le mal, celui qui blesse les chairs, qui mutile, tue, et prospère si on ne l’arrête pas. Il suffit de trois mots pour qu’il continue son œuvre : avidité, indifférence, inattention. Oui, les deux derniers sont d’une effrayante banalité.

Teresa ira jusqu’au bout pour mener à bien son enquête, avec, toujours, pour la guider, la lumière. Etant donné les éléments matériels qui ont permis à son enquête de débuter, l’on peut se dire que ce n’était vraiment pas gagné.

 

 

 

 

 

 

 

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Le jardin des monstres de Lorenza Pieri

Merci aux éditions Préludes et à Netgalley pour m’avoir permis de lire ce livre en avant-première.

Mon avis :

J’ai eu un peu de mal à entrer dans ce livre, parce que je ne m’attendais pas à ce qu’il contenait. Le jardin des monstres, c’est celui de Niki de Saint-Phalle, celui qu’elle a crée. Il est composé de statues, elle vit même dans l’une d’entre elles, l’Impératrice. Ce sont les lames du Tarot qui ont guidé cette création, et je dois dire qu’une certaine connaissance des lames de Tarot peut être utile pour mieux suivre le récit. Chaque chapitre porte le nom d’une des lames, comme une référence à un personnage en particulier.

Le sujet de ce roman ? Il ne s’agit pas uniquement de l’art, même s’il a permis à Niki de survivre, de ne pas sombrer dans cette folie qu’on lui avait pourtant diagnostiqué. Je me suis dit que les médecins qui auraient dû la soigner étaient vraiment d’une rare incompétence : on ne dira jamais assez à quel point les préjugés peuvent causer des désastres. L’art, tel qu’elle l’a pratiqué, lui a permis, bien plus qu’une thérapie, d’expulser sa colère, sa douleur de vivre, de survivre. Elle apparaît ici, aux yeux d’Annamaria, comme un être lumineux, simple aussi : tout ce qu’elle dit est à prendre au sens propre, sans volonté de manipuler l’autre.

Annamaria, c’est la fille de Sauro et de Miriam. Elle a un frère aîné, une cousine aussi, Giovanna, qu’elle verra peu avant l’adolescence. Elle ne sait pas pourquoi ses parents se sont éloignés des siens, l’amour a ses raisons que l’on ne confie pas à ses enfants. Elle ne se considère pas comme, jolie, elle est une élève moyenne. Pendant les vacances, les week-end, ses parents trouvent normal qu’elle s’occupe des chevaux ou qu’elle serve leurs clients : c’est une fille. Ils n’ont pas les mêmes exigences avec son frère. Une fille doit aider. C’est ainsi qu’elle rencontre Lisa, fille d’un homme politique. Elle est fascinée par elle, qui a tout ce qu’elle n’a pas : la beauté, la grâce, la culture. L’heure n’est pas encore aux désenchantements, cette heure viendra pourtant, et plus vite que prévu.

Le rapport à la beauté, à l’art, la difficulté à se construire, de prendre confiance en soi quand on n’a pas grandi en recevant l’attention dont on avait besoin sont au cœur de ce roman. Comment s’en sortir aussi, quand on n’a pas toutes les cartes en main, quand on a toujours été le serviteur et non le maitre, quand on a accepté qu’une virilité toxique empoisonne le moindre rapport humain ? L’amour, l’expression d’un sentiment amoureux sincère semble impossible, rares sont les personnes dont on peut croire qu’elles vont s’en sortir. Annamaria peut-être ? Peut-être. Après tout ce qu’elle a enduré, elle mérite de s’ouvrir enfin au monde.

Les dix mille mulets de Salvatore Maira

Présentation de l’éditeur :

Sicile, 1949. Le jeune éleveur de bétail Peppino Maiorana vient d’obtenir un marché mirifique : fournir dix mille mulets à la Grèce pour solder la dette de guerre de l’Italie. Une entreprise qui paraît impossible à réaliser, d’autant que Peppino doit faire face à deux obstacles majeurs : sa famille et la mafia. Mais il continue obstinément, zigzaguant entre les doutes et les menaces, convaincu qu’il tient là l’occasion de sa vie. Peppino trouvera un allié inattendu dans un singulier commissaire de police, Giulio Saitta, tout en ombres et lumières, marqué par un deuil qui nourrit son désir de vengeance. En face de la mer naît peu à peu, dans le port de Messine, une ville provisoire où se croisent paysans, marchands, mineurs, espions, prostituées, toute une foule de personnages désespérés, drôles, touchants, solitaires, qui essaient avec beaucoup d’imagination et sans trop de scrupules de se réinventer une existence sur les décombres de la guerre. Subversion néofasciste rampante, meurtres impunis, guérilla mafieuse, règlements de compte…

Cette épopée tragi-comique, qui mêle des faits et des personnages historiques à de multiples intrigues romanesques, toutes imbriquées, dresse un portrait sans concession de l’histoire politique et sociale de la Sicile de l’époque.

Mon avis :

Tout d’abord, je tiens à remercier les éditions du Rocher et Netgalley pour ce partenariat.

Je tiens à prévenir tout de suite : ce roman est un pavé. Il m’a fallu beaucoup de temps pour le lire parce que Les dix mille mulets n’est pas que l’histoire de Peppino Maiorana, il est l’histoire de la Sicile toute entière, la Sicile de l’après-guerre, qui peine à se relever de tout ce qu’elle a enduré, ou plutôt, la Sicile de l’après-fascisme. Il est dur de lire tout ce qui s’est déroulé pendant ces années-là. Je ne pensais pas que la Sicile (et l’Italie) avait autant souffert, avait autant subi – et qu’il restait encore, à l’aube des années 50, des personnes qui souhaitent avant tout protéger les anciens fascistes, voire même les porter à nouveau au pouvoir.

Les destins individuels se croisent et s’entrecroisent, comme autant de romans individuels qui nous montrent tout ce que l’amour, le désir, la violence, le désir de vengeance peuvent provoquer. Tous manifestent l’envie de s’en sortir, voire de changer de vie, et sont prêts à tout pour cela. Il est impossible d’imaginer, vu de France, l’extrême pauvreté que connaissent les siciliens – comme ils ne peuvent non plus imaginer, croire, que l’on peut vivre ailleurs, autrement.

Le poids de la religion est immense dans la vie quotidienne, elle jette l’opprobre sur les travailleurs, et j’ai ainsi l’impression de parler comme un militant, un de ceux qui veut que les choses s’améliorent, qui finit assassiner, son meurtre impuni. J’ai eu l’impression que rien ne pouvait changer réellement dans ces nombreux parcours de vie – mails il est tout de même des exceptions, rares, je le reconnais, des êtres qui parviennent à survivre, à s’en sortir, à tourner la page, aussi.

Il ne faut pas oublier, non plus, la Grêce, qui n’en finit pas de penser ses plaies elle aussi.

Les Dix mille mulets est un roman à découvrir pour ceux qui veulent en savoir plus sur la Seconde guerre mondiale.

L’autre bout du fil d’Andrea Camilleri

Comment nous dire adieu de Marcello Fois

Présentation de l’éditeur :

Alors que la neige tombe sur Bolzano et ses environs, Michele, un enfant de onze ans, disparaît sans laisser de traces. Le commissaire Sergio Striggio est chargé de l’enquête. Installé depuis quelques années dans le Nord de l’Italie pour vivre librement son amour avec Leo, il s’apprête à révéler son homosexualité à son père, ancien policier. Mais celui-ci lui annonce qu’il est atteint d’une maladie incurable. Soudain le passé assaille père et fils, avec tous ses fantômes, s’insinuant dans l’enquête en cours et s’y reflétant étrangement. Après l’avoir affronté et défait, Striggio, il en est convaincu, pourra accompagner son père dans son dernier voyage.

Mon avis :

– Sharon, mais qu’est-ce que tu fais ?
– Cela ne se voit pas, non ? Je secoue le commissaire Striggio !
– Mais enfin, il est en train de perdre son père !
– Raison de plus ! La mort d’un être cher va très mal avec des tirades ampoulées, des affectations, des poses, pour ne pas dire des postures narcissiques.

Je vous assure, à la lecture de ce roman, il y a de quoi être énervée. D’abord, ce roman ne choisit pas son camp, c’est un peu ennuyeux. Roman psychologique, roman policier ? Oui, un roman policier peut se doubler d’un roman psychologique sans aucun problème. Dans Comment nous dire adieu, il est question de psychologie raffinée. Oui, le commissaire réfléchit sur chaque geste, chaque posture du quotidien, chaque échange verbal ou non verbal avec son compagnon. Il se souvient de son enfance, de la douleur de perdre sa mère, mais surtout, de la recherche de savoir ce qu’elle verrait pour la dernière fois avant de quitter ce monde, ce qu’elle éprouverait en le quittant. Apprenant que son père est atteint d’une maladie incurable, il se demande comment appréhender ses moments, lui qui estime avoir toujours déçu son père. Surtout, il ne sait pas comment lui dire, ni même s’il doit lui dire qu’il est homosexuel. Vaste sujet, tellement vaste qu’il en oublie son enquête. Et c’est là que j’ai envie de le secouer.

Non, parce que se retrouver au milieu du livre et se dire que l’on a oublié un fait extrêmement important – et que toute l’équipe l’a oublié aussi, c’est rageant. Que le propre compagnon du commissaire ait tu lui aussi un fait important, par solidarité, me donne envie de lui coller des baffes. J’ai l’impression que tous ont oublié que la vie d’un enfant était en jeu.

Le meilleur policier ? Le père du commissaire. C’est grâce à lui que l’enquête se dénouera, ce qui est quand même un comble – grâce à lui, à sa formidable mémoire des cas qu’il a traités, et à une bonne dose de hasard. Non mais franchement, depuis quand on se fit au hasard pour retrouver un enfant, je vous le demande ? Le meilleur moyen de planter une enquête, oui !

Puis, comme souvent, je déplore le rôle perverti de la parole. Alors oui, comme nous l’annonce la quatrième de couverture, les non-dits sont importants. C’est même sur eux que repose réellement l’intrigue ! Tout ce qui n’a pas été dit, tout ce que l’on n’a pas osé dire, et qui aurait empêché que l’on sombre dans un bordel sans nom. Je ne parle même pas des mensonges, mensonges par omission, ou mensonges par action. Ces menteurs, ces menteuses, assument-ils les conséquences de ce qu’ils ont dit ? Même pas ou pas vraiment, c’est au choix.

Bref, une déception italienne, et c’est suffisamment rare pour être dit.

Les mains vides de Valerio Varesi

édition Agullo noir – 265 pages

Présentation de l’éditeur :

Dans la chaleur humide et gluante du mois d’août à Parme, Francesco Galluzzo, un marchand du centre, a été battu à mort. Le commissaire Soneri, chargé de l’enquête, écarte rapidement le motif du vol pour se concentrer sur un usurier, Gerlanda, qui tire toutes sortes de ficelles dans l’ombre depuis des années. La vérité a mille visages, et Soneri, malgré sa répugnance pour les méthodes de l’usurier, comprend bien vite que Gerlanda et consorts ne sont que les vestiges d’un monde qui disparaît. Une nouvelle pieuvre déguisée en sociétés irréprochables a décidé de dévorer sa chère ville de Parme, et rien ne semble pouvoir l’arrêter. Pas même l’acharnement désespéré du commissaire..

Mon avis :

Nous sommes ici dans un roman d’atmosphère plutôt que dans un roman policier traditionnel. Certes, toutes les cases sont cochées, nous avons un meurtre, un vol peut-être, et une équipe de policiers, menée par le commissaire Soneri, qui doit trouver l’identité du ou des coupables. Mais ce n’est pas ce qui est le plus important. Le tome précédent nous ramenait dans le passé du commissaire, et nous montrait le poids que la corruption pouvait avoir sur un village ordinaire. Ici, nous sommes à Parme, à l’heure de la mondialisation, et la corruption se fait à grande échelle. L’Italie a eu beau organiser l’opération « mains propres », tout n’a pas été éradiqué, il faudrait être bien naïf pour le croire. Et si le commissaire se retrouve « les mains vides », c’est parce qu’il n’a pas les moyens de lutter contre cette pieuvre moderne.

Qui a tué Francesco Galluzzo ? J’ai presque envie de dire qu’à part le commissaire, tout le monde s’en moque, surtout sa famille. Pour sa soeur, son beau-frère, et ses frères, il était la brebis galeuse de la famille. Non seulement il ne parvenait pas à engendrer des bénéfices, pour ne pas dire qu’il était couvert de dettes, mais il avait le très mauvais goût de préférer les hommes aux femmes, faute impardonnable aux yeux des siens – qui détournaient les yeux, d’ailleurs, plutôt que de les fermer.

Qui a vraiment tué Galluzzo ? Est-il mort à cause de Gerlanda, usurier bien connu de la ville, à qui toute personne ne pouvant contacter une banque a eu recours ? Il est presque sympathique – presque, il ne faut pas exagérer – tant il représente une certaine forme d’escroquerie à l’ancienne. Lui aussi sera pris dans le tourbillon de l’enquête – son temps appartient au passé. Galluzzo est-il mort parce que sa famille en avait assez de ses frasques ? L’amour est une denrée rare dans cette famille, qui fait passer le profit avant tout – même les mariages sont avant tout des mariages d’intérêt. L’amour est une denrée rare dans ce roman, où même les personnages qui s’aiment semblent terriblement distants.

Oui, c’est un quatrième volume assez désabusé que nous avons entre les mains. Le commissaire est comme étouffé par la chaleur qui ralentit la vie en ce mois d’août, et la pluie, le froid, les bourrasques de vent qui le saisissent dans les dernières pages n’y changeront rien : la justice n’est pas réellement passée.

Borgo Vecchio de Giosué Calaciura

tous les livres sur Babelio.com

Présentation de l’éditeur :

Mimmo et Cristofaro sont amis à la vie à la mort, camarades de classe et complices d’école buissonnière. Cristofaro qui, chaque soir, pleure la bière de son père. Mimmo qui aime Celeste, captive du balcon quand Carmela, sa mère, s’agenouille sur le lit pour prier la Vierge tandis que les hommes du quartier se plient au-dessus d’elle. Tous rêvent d’avoir pour père Totò le pickpocket, coureur insaisissable et héros du Borgo Vecchio, qui, s’il détrousse sans vergogne les dames du centre-ville, garde son pistolet dans sa chaussette pour résister plus aisément à la tentation de s’en servir. Un pistolet que Mimmo voudrait bien utiliser contre le père de Cristofaro, pour sauver son ami d’une mort certaine.

Mon avis :

Tout d’abord, je tiens à remercier les éditions Noir sur Blanc et Babelio pour ce partenariat.
Cette lecture, c’est l’histoire pour moi d’un échec, comme si une vitre s’était placée entre le texte et moi. Je suis restée totalement extérieure à ce texte. Ce n’est pas que je ne me suis pas attachée à certains personnages, c’est que l’inespoir m’a submergée. Non seulement la misère est partout, mais la solidarité n’est nulle part, ou si peu. Je me suis perdue dans le quartier, où la misère est partout, où le moindre geste d’amour d’une mère envers son enfant, c’est à dire de Carmela envers Céleste peut être, ailleurs, finalement considéré comme étant encore une forme de la maltraitance. Amour de cette prostituée superbe pour son enfant, sans aucune espérance pour son avenir. Dans quelques directions que l’on se tourne dans le quartier de Borgo Vecchio, à Palerme, il n’est que violence et sa corolaire, la douleur. Parce que la violence a des conséquences et je suis presque tentée de dire « forcément ».
D’ailleurs, au cours de cette écriture, je me suis demandée si le terme « tableau » ne convenait presque pas mieux que roman, tant l’auteur nous dépeint véritablement la vie de ce quartier, dans une langue qui crée un contraste fort avec ce qu’elle nous narre. En effet, cette écriture est toute en poésie, en lyrisme, en harmonie, tout au contraire de Borgo Vecchio. L’oeuvre est courte, oui, mais c’est largement suffisant pour utiliser toute la palette de la douleur et de la misère. Un roman où l’on parle peu, où l’on devrait parler, dire, pour empêcher certains faits, mais où l’on se tait, l’on garde pour soi, parce que l’on reste entre soi.
Borgo Vecchio, une oeuvre désespérée.

Les histoires (presque) vraies de Mathilda par Susanna Mattiangeli et Rita Petruccioli

Présentation de l’éditeur:

Dans son carnet, Mathilda écrit tout ce qui lui passe par la tête et transforme son quotidien en histoires, toutes plus farfelues les unes que les autres. Son modèle absolu est anglaise et romancière, et évidemment, elle est prête à tout pour la rencontrer ! Un roman pétillant et richement illustré à la fantaisie débordante.

Mon avis :

Drôle, drôle, drôle.
J’aimerai que tout le monde soit aussi inventif que Mathilda. Oui, ces histoires sont presque vraies, mais attention, il ne s’agit pas de mentir, il s’agit de romancer une réalité des plus ordinaires, et sublimer ainsi des exercices aussi ordinaires qu’effectuer une division au tableau ou faire une séance de calcul.
Mathilda se veut romancière, elle a déjà une héroïne préférée, CatWoman, qui sauve le monde et visite des époques historiques variées – et les autrices sont bien documentées. J’aime les situations qui nous montrent un livre dans un livre, qui prouvent que l’écriture est doublement créative, et qu’une fois le livre refermé, d’autres histoires sont encore possibles. La jeune héroïne est capable de se projeter dans l’avenir, de savoir ce qu’elle veut dans la vie, que ce soit plus tard, mais aussi maintenant. Les illustrations sont parfaitement intégrées dans le récit, à la hauteur de l’originalité de l’histoire, de la créativité de Mathilda. Celle-ci est parfois un peu trop directe (ah ! sa lettre à son autrice favorite) ce qui prouve aussi sa détermination.
Un livre à conseiller à tous les jeunes lecteurs.

 

Roma de Mirko Zilahy

Présentation de l’éditeur :

Pluie sur Rome, torrents de boue le long du Tibre. Loin des monuments qui font sa renommée, au milieu d’un terrain vague, la ville dévoile au petit jour un corps atrocement mutilé… Un crime aussi barbare, seul le commissaire Mancini peut l’élucider. Cependant, ce profiler formé aux méthodes de Quantico n’a plus la tête aux assassinats : endeuillé par la mort de sa femme, Mancini a sombré dans l’alcool et supporte de moins en moins le monde extérieur. De plus, il a déjà un dossier en cours : la disparition inquiétante d’un oncologue réputé, celui-là même qui avait tenté en vain de sauver son épouse. Mais bientôt apparaissent d’autres corps suppliciés. Mancini n’a plus le choix. Épaulé par une équipe d’élite basée dans un ancien bunker, le flic brisé se laisse happer par une enquête qui le rapproche inexorablement de ses fantômes.

Mon avis :

J’avais hésité à lire ce livre, parce que j’avais peur qu’il soit trop noir, trop sombre. Je l’ai donc commencé à la bibliothèque, afin de décider si oui ou non je l’emprunterai. J’en ai lu presque le quart, je suis reparti avec le livre sous le bras.

Noir, il l’est, sombre, tragique. Quand un premier cadavre est retrouvé, c’est le commissaire Mancini qui est chargé de l’affaire. Il ne veut pas de cette affaire, il en a une autre plus importante à ses yeux : l’oncologue qui suivait sa femme, qui n’a pas pu sauver sa femme, a disparu. S’il n’a pu sauver Marisa, Mancini n’oublie pas qu’il a fait tout ce qu’il a pu, et surtout, qu’il pourrait encore soigner, soulager, bien d’autres patients. Il ne croit pas à la thèse de la disparition volontaire, avec une maîtresse que la femme de ménage n’a jamais vu, et pour laquelle il n’a fait aucune dépense. Autant dire que le commissaire Mancini veut absolument se concentrer sur ce cas. il est le seul policier à avoir été formé à Quantico ? Et alors ? Pendant son séjour en Virginie, sa femme est morte, il n’a pu revenir à temps, les médecins et elle-même le lui avait assuré. Une deuxième victime est ensuite retrouvée, puis une troisième : cette fois-ci, c’est bien sur la piste d’un tueur en série que les enquêteurs, la juge, et le préfet (surtout le préfet) se lancent.

J’aimerai vous dire que nous sommes face à un tueur en série ordinaire. Et bien non. Nous ne sommes pas en tout cas face à une caricature, le tueur en série parfait, qui n’a aucune émotion, aucun problème financier, et tout son temps, ainsi que des capacités physiques hors-normes, pour tuer. Nous sommes face à monsieur-tout-le-monde, un homme ordinaire, je l’ai dit, que personne ne remarque. Un homme qui cible ses victimes, et qui essaie de faire comprendre pourquoi il tue. Bizarrement, il n’a pas tant besoin que cela de déshumaniser certaines de ses victimes, elles en manquaient, pour certaines, déjà cruellement, et leur manque d’empathie de leur vivant fait bien plus peur que le traitement qu’elles ont subi. Ne me faites pas dire qu’elles l’ont mérité, cela n’a rien à voir. Je dis simplement que l’on risque bien plus de rencontrer, dans la vie (même si, fort heureusement, cela ne m’est jamais arrivé), une personne comme la toute première victime. Quant à la psy (si vous lisez le livre, vous comprendrez à laquelle je fais référence), j’espère sincèrement qu’aucune ne s’est jamais exprimée ainsi face à une patiente en immense souffrance.

Le roman nous plonge dans Rome, mais aussi au coeur de la société italienne et de sa frange réactionnaire. Entre les religieux qui se portent au secours des femmes voulant avorter et sauvent ainsi des vies (sic) et les médecins qui se disent objecteurs de conscience et refusent de pratiquer des avortements, on est mal barré ! Oui, je suis un peu cru, mais les personnages les plus sympathiques de ce récit expriment, fort heureusement, une bien plus grande largeur d’esprit. Société qui, ne l’oublions pas, est aussi celle du spectacle – voir le charmant comportement du non moins charmant préfet, qui tirerait bien la couverture à lui là où d’autres se contentent de bosser, de prendre des risques, de trouver des indices là où certaines ne penseraient pas à chercher. Le point positif est que les enquêteurs ont un passé, qui les caractérise fortement, qui les rend attachant et explique aussi ce qu’ils sont, leurs réactions face à l’enquête – leur lucidité aussi, comme celle de Mancini.

Roma est un premier roman. Cela ne se voit pas.