édition Alma – 476 pages.
Présentation de l’éditeur :
Le Grand Meaulnes à l’heure des squats, de l’ecstasy et des musiques ? Un défi que Pierre Chazal relève avec brio. Comme dans Marcus il raconte une histoire d’amour et d’amitié sur fond de crise et d’errances urbaines. Automne 2011. Il pleut sur Paris et sur les coeurs. Balthasar, 26 ans, fils d’une psychanalyste, a l’alcool triste et traîne son spleen dans la ville. Il vient de rompre avec Mélanie. De pizzas en bars, enchaînant fumettes et canettes, Balt ne se sent bien que dans ses musiques et dans le monde de la nuit. Il y cherche aussi la trace de son frère aîné tant admiré, Stan, qu’on a placé en centre de psychiatrie et de désintoxication après une bagarre au sortir d’un concert. Et Stan vient de s’enfuir, parti on ne sait où.
J’ai lu ce livre dans le cadre de la Voie des indépendants, organisé par Libfly, auquel j’adresse un grand merci, ainsi qu’aux éditions Alma.
Mon avis :
J’ai terminé ce livre depuis une dizaine de jours, et la difficulté pour moi est de ne pas me laisser envahir par ce qui m’a déplu dans ce roman, mais de retenir le positif.
Ce roman est très bien écrit, bien construit, c’est un vrai plaisir de se laisser entraîner par les mots, la musique des phrases. Ou comment travailler un texte sans que cela se ressente. J’ai aimé aussi ce narrateur compagnon et sa tendresse pour Balthazar. Pour ceux qui me connaissent, la première scène de Little Stan ne passe pas : tirer sur des pigeons parce que son frère est interné me fait tout de suite prendre mes distances avec le héros. Plus facile de passer sa violence sur ceux qui ne répliqueront pas que d’affronter la réalité.
Peut-être des lecteurs plus jeunes que moi se reconnaîtront-ils dans ce jeune homme (il a moins de trente ans) qui n’a pas construit sa vie. Pas de travail fixe, pas de logement, mais un attachement très fort au souvenir de son père, entre Paris et Province. La vision que le narrateur a de ces deux mondes est cruellement juste.
Je pense qu’il faut accepter, en lisant ce livre, de croire aux invraisemblances de l’intrigue (voir la partie rue de Rennes) et d’accepter que l’on ne saura pas tout, et surtout pas ce qui a conduit Stan à être interné (une bagarre qui a mal tourné) ou les circonstances de la mort de leur père. Je pense aussi que ce roman est essentiellement masculin. Là encore, des petites choses m’ont dérangée dans la vision de la femme. J’ai eu l’impression que la femme n’existe que par rapport à l’homme qui est son compagnon, et qu’elle doit avoir la souplesse nécessaire pour se mettre à son service – ainsi de la toute jeune compagne « femme en devenir », qui le suit et n’impose pas son point de vue. Aussi, les propos de la mère du héros tranche par sa véhémence et sa justesse, elle qui a eu tant de mal à faire accepter son nouvel amour à ses fils. Il s’agit bien d’amour, et non de peur de la solitude :
« – Non, Stan, bien sûr. Vous ne me demandez rien. Je vous ai torchés, je vous ai soignés, je vous ai mis à l’école. Maintenant, je peux crever, tout le monde s’en fout. Le monde merveilleux des femmes de cinquante berges : lâchez la grappe à vos gosses, allez pleurer votre mari au cimetière, avec un peu de chance Dieu se rappellera de vous et…
– Ça va, arrête ton refrain. Tu l’as déjà chanté tout à l’heure.
– C’est le principe des refrains, mon fils. On a besoin de les répéter. Jusqu’à ce que par miracle ça rentre dans la tête des gens.«
De même, ceux du professeur qui tente de secouer ses jeunes lycéens :
« mon travail n’est pas, mon travail n’est plus,de former des bons petits soldats, qui obéiront aux ordres. Mon travail, aujourd’hui, est de former des résistants. Des résistants qui un jour, peut-être, auront à prendre les armes. Et devront rappeler à ceux pour qui la lecture n’est rien, à qui l’histoire n’apprend rien, pour qui penser, même, n’est rien, qu’on ne naît pas homme mais qu’on le devient. Et ces gens-là, croyez-moi, vous en rencontrerez beaucoup et ils ne s’excuseront de rien. Et vous non plus, vous ne devrez pas vous excuser. Parce que s’excuser de savoir, jeunes gens, c’est s’excuser d’être un homme. »
Construire, redonner de l’énergie, aller de l’avant tout en s’appuyant sur ce qu’on a vécu, tels sont les souhaits du narrateur pour Balthazar et Sarah. C’est tout le mal que je peux leur souhaiter.