Archive | avril 2014

Mon chat, la vie et moi de Kwon Yoonjoo

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Présentation de l’éditeur :

Après l’immense succès de Toi, mon chat (Prix 30 Millions d’amis), Kwon Yoonjoo nous offre un nouvel opus de ses drôles d’aventures avec son chat adoré. La magie opère aussitôt : photographies et croquis humoristiques alternent tout au long du livre, décrivant les moments les plus cocasses et les plus tendres de la vie d’un chat … et de son maître !
Avec beaucoup de finesse et un bonne dose d’autodérision, Kwon Yoonjoo démontre une nouvelle fois ses talents, mélangeant les styles pour nous offrir un ouvrage original, attendrissant et plein d’humour.

ob_704755_printempscoreen2014-3Mon avis :

Je n’ai pas lu le premier volume, ce qui ne m’a pas empêché d’emprunter ce tome 2 à la bibliothèque.

L’auteur se met en scène et nous montre sa vie quotidienne, à New York, avec son chat. Elle note déjà que les propriétaires de chats sont bien plus nombreux aux Etats-Unis qu’en Corée, et qu’il n’est pas rare, même dans une ville comme New York, de croiser un chat, deux chats, qui appartiennent aux voisins – comme la charmante Wasabi, ou Mary, doté de quelques kilos en trop (mais pas pour longtemps grâce au traitement de choc que lui afflige le chat du narrateur). Et oui, cette charmante boule de poil n’a pas la sociabilité excentrique de mes félins, et à de rares exceptions près, ne s’entend guère avec ses congénères.

Que faut-il pour vivre avec un chat à New York ? Un balcon, si possible un petit jardin, et surtout, des voisins sympathiques et accommodants. Beaucoup d’amour transparaissent dans la manière dont l’auteur photographie son chat, dans des positions assez acrobatiques parfois.  Les illustrations, très sobres, sont autant de courts récits.

Un livre à recommander à tous les amoureux des chats.

Madame Hemingway de Paula McLain

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Mon résumé :

Que sait-on de la première madame Hemingway ? Pas grand chose. Paula McLain lui donne la parole dans ce journal. Elle a 28 ans quand elle rencontre celui qui deviendra son mari. Il a 21 ans, il a combattu en Europe. Ils se marient, puis embarquent pour Paris.

f-scott-fitzgerald-an-american-icon-1Mon avis :

Livre lu il y a quelques semaines maintenant, et, comme à ma très bonne habitude, je le chronique plus tard.

Je me souviens m’être acharnée à le lire – il n’était pas question que je le rende à la bibliothèque sans l’avoir terminé. Pourtant, ce n’était pas une lecture désagréable, juste un peu pesante parfois.

Hadley Hemingway est la première femme d’Ernest, la moins connue. Mère de son fils aîné, elle et son fils apparaissent dans Paris est une fête. Ses petites-filles Margaux et Marielle furent actrices, Margaux eut un destin tragique. Hadley elle-même n’a pas eu une jeunesse facile. Son père s’est suicidé, sa soeur aînée, adorée, est morte dans ses circonstances tragiques. Hadley a pris soin de sa mère jusqu’à sa mort. Peu après, elle rencontre Ernest Hemingway.

Peut-on parler de coup de foudre ? Oui. En tout cas, cette histoire d’amour ne plaira pas à tout le monde : on se chargera de mettre en garde Hadley, on n’épouse pas ainsi,  quand on est une jeune fille de 28 ans, un jeune homme plus jeune que soi qui a été bourligué ! Elle franchira le pas, pourtant.

La vie ne sera pas facile au côté d’Hemingway. Hadley est une « terrienne », c’est à dire une femme réaliste, qui comprend très vite qu’elle passera avant le désir d’écrire d’Ernest. Elle mettra tout en oeuvre pour l’aider, sans pour autant renoncer à ses désirs. Ernest ne voulait pas d’enfants, elle parviendra tout de même à avoir un petit garçon. Elle fait, grâce à Ernest, de nombreuses rencontres, notamment pendant leurs années à Paris. Fitzgerald et Zelda apparaissent, fugitivement – mais, si j’en crois Paris est une fête, leurs relations seront bien plus développées. Elle l’accompagne à Pampelume, où Ernest l’initie à la tauromachie – dois-je vous rappeler ce que je pense de cet « art » ? Hadley semble parfois « à la traîne » des désirs et des ambitions de son mari.

Elle est choquée, aussi, par la manière dont certains vivent. Trop conservatrice, la douce Hadley ? Non. Elle ne peut comprendre ceux qui se déchirent, se blessent, se trompent, sans penser aux dommages qu’ils causent autour d’eux, y compris sur leurs propres enfants, simple quantité négligeable à leurs yeux. Elle qui n’est pas artiste, qui n’a pas envie de suivre la mode (bien qu’elle se soit fait couper les cheveux, elle trouve très vite que cela ne lui convient pas), peut-elle résister dans cet entourage cosmopolite ? Les belles jeunes femmes, journalistes, écrivains en devenir, gravitent autour du couple. Le talent d’Hemingway commence à être reconnu – lui-même n’épargne personne pour parvenir à ses fins, pourquoi épargnerait-il Hadley ?

Madame Hemingway est un portrait doux et mélancolique de la femme qui fut au côté d’un grand homme à ses débuts, et fut oubliée au profit de compagnes plus flamboyantes.

 

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L’épée de cristal d’AJ Lake

couv15504875Présentation de l’éditeur  :

Emprisonné dans sa montagne, Loki attend son heure. Le démon devient de plus en plus puissant, provoquant guerres, tempêtes et incendies. Seule l’épée de cristal est capable de le tuer ou de briser ses chaînes. Affirmant son emprise sur Elsbeth, l’arme magique entraîne la jeune fille et son ami Edmund dans un dangereux voyage à travers les terres du grand Nord, hantées par les dragons de glace et les esprits des lacs. Perdue au beau milieu des neiges éternelles, jouet de forces supérieures, Elsbeth devra reprendre confiance en elle et écouter son cœur…

Mon avis :

J’ai deux certitudes : j’ai lu ce livre et je l’oublierai très vite. J’ai d’ailleurs du mal à rédiger cette critique !

Il est question d’un looooooooooooongvoyage effectué par deux compagnons pour gagner l’antre d’un méchant démon, avec pour guide une épée magique dont l’âme est celle d’une jeune fille qui s’est sacrifiée pour lui donner vie. Je ne spoile pas, je raconte les premières pages ! En effet, nous avons trois narrations dans ce livre :
– la manière dont l’arme a été conçue puis forgée.
– le voyage d’Elspeth et d’Edmund.
– la quête de Cluaran, un sage dont on découvre peu à peu le lien avec l’épée.

Le procédé est intéressant, encore faudrait-il que les récits le soient ! Beaucoup de morts, beaucoup de sacrifices pour un final qui ne m’a pas donné envie de lire la suite de ce livre.

Petite précision, pour ceux qui seraient tentés de lire ce livre : il y a deux dragons dans cette histoire. Ils semblent jouer tous les deux un rôle important, empêcheur d’accomplir la quête pour l’un, adjuvant pour l’autre.

L’épée de cristal est à réserver aux fans de Fantasy.

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Bjorn le Morphir de Thomas Lavachery

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Présentation de l’éditeur :

La neige est méchante en cet hiver 1065, elle a décidé de s’en prendre aux hommes. Elle envoie ses légions de flocons de la taille d’un roc sur le Fizzland, avec pour mission d’engloutir les villages vikings et tous leurs habitants. Afin d’échapper à la Démone blanche, Bjorn et sa famille se claquemurent dans la salle commune de la maison de son père, Erik, le colosse sans peur. Tous se préparent à supporter un siège qui risque de durer de longs mois. Lors de cette épreuve exceptionnelle, chacun va dévoiler son cœur et son courage. À l’exception de Bjorn. Lui ne se révèle pas, il se métamorphose. Ce jeune garçon timide et craintif, dont le nez coule comme une source, maigre comme un oisillon et pas très doué pour les armes va brusquement se transformer en un combattant redoutable. Par quel miracle ? Bjorn serait-il un morphir ? Lui-même en doute.

mois-belge-logo-folon-redstar-38-gras-blanc-ombre-orange-1-sans-bordMon avis :

Ce livre est dans ma PAL depuis près de deux ans – je l’en ai sorti à l’occasion du mois belge organisé par Anne et Mina.

J’aurai dû le sortir plus tôt, ce roman de littérature jeunesse est vraiment excellent.

L’action se passe chez les Vikings, en l’an de grâce 1065. Certains pratiquent encore les cultes païens. La mère de Bjorn est catholique, prie Jésus et la Vierge Marie, ce que ne conçoit guère le chef Erik, son mari. Björn tente de concilier les deux. Second fils de la famille, après le très costaud et très belliqueux Gunnar, il a douze ans et n’a rien de vraiment remarquable. Il est même plutôt contemplatif.  La maisonnée comporte également deux jeunes filles muettes, une vieille servante, un berger et, cerise sur le gâteau, un demi-Troll à la bonne odeur de demi-Troll.

Seulement, il fait froid, en cet hiver 1065, très froid, et la neige gagne du terrain. En fait, il neige quasiment sans discontinuer depuis des jours et des jours, qui deviennent des semaines. Il n’a jamais autant neigé. Il devient bientôt impossible de sortir de la maison – il est nécessaire de rationner les provisions, les boissons, et de lutter contre la Neige, divinité maléfique qui réclame son dû. Elle a déjà tué, par morte lente, ou par mort brutale (des toits se sont effondrés sous son poids). Erik et les siens luttent, pied à pied.

Ce huis-clos révèle les caractères – faiblesses et qualités de chacun. La lutte est quotidienne, pas seulement contre le froid et la faim, mais contre la folie qui gagne lentement certains. La Neige  est vivante, rusée, et cherche toutes les failles, dans les choses comme dans les êtres. En fait, ce n’est pas une lutte, c’est véritablement un combat perpétuel que mène Bjorn, se révélant lui aussi, sans abaisser la valeur et le courage des siens.

Thomas Lavachery a réussi, avec des éléments simples, à créer un récit fantastique, rempli de péripéties.

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Le chien-chien à sa mémère d’André Baillon

le-chien-chien-a-sa-memere-de-andre-baillon-964307904_MLPrésentation de l’éditeur :

André Baillon est quasi inconnu, franchement oublié. Ses livres semblent voués à l’échec, maudits presque. Et pourtant… Pourtant les curieux qui oseront s’y aventurer seront généreusement récompensés et se souviendront longtemps de la bouleversante humanité de ses personnages. Pourtant, sous une trompeuse désinvolture, le verbe est tranchant, le style est vif. Baillon étonne par sa modernité et son goût de l’absurde. Pourtant ses nouvelles sont des merveilles de tendresse et d’humour à l’efficacité garantie. Mine de rien, l’air de ne pas y toucher, il vise juste, il vise au cœur. Le chien-chien à sa mémère, ma Nounouche, le chat Poulet, Nelly Bottine, vous n’êtes pas près de les oublier.

mois-belge-logo-folon-redstar-38-gras-blanc-ombre-orange-1-sans-bordMon avis :

Le salon du livre de Paris m’a permis de découvrir ce recueil de nouvelles, le mois belge organisé par Anne et Mina est pour moi l’occasion de le lire.

Je n’aime pas ce genre littéraire, et pourtant j’ai beaucoup apprécié ces douze textes, très courts. Ce qui domine est le goût de l’absurde, comme dans Le pot de fleur ou Drame : les personnages se retrouvent dans des situations incroyables et en même temps logiques, tant l’auteur s’est amusé à aller jusqu’au bout des conséquences d’actes en apparence insignifiants.

Ses héros préférés sont les petites gens, ceux que l’on ne voit pas, ceux que l’on ne voit plus, comme la parente pauvre qui prend soin des enfants, ou le soldat perdu dans la grande ville. La première guerre mondiale est là, en Belgique, et elle plane sur la moitié du recueil. Elle parle de l’occupation allemande, des combats, lointains. Elle parle surtout de la vie quotidienne, des privations, de la nécessité de trouver de la nourriture et des moyens pour y parvenir – ventre qui a faim n’a plus de scrupule, et l’on peut bien se salir les mains, au sens propre du terme.

Les animaux tiennent une place important dans ce recueil, comme dans la nouvelle qui lui donne son titre. Certains maîtres perdent la tête pour leurs animaux. D’autres jugent sévèrement ceux qui sont « gaga » de leurs chiens, comme le narrateur de Ma voisine et son chien, sans regarder qu’il est bien plus dépendant de ses félins que la charmante dame ne l’est de Bella :

– Je n’exige pas un certificat de moralité pour placer mes chatons.
– Pas besoin. Tu les gardes.

Dans ce recueil se côtoient l’humour, le tragique, et toujours beaucoup de pudeur. André Baillon est vraiment un auteur à découvrir.

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Des livres et une rolls

Présentation de l’éditeur (extrait) :
Amérique, années 1920. Un brillant jeune homme triomphe en littérature. Il est talentueux, il est beau, il est affable. Il s’appelle Francis Scott Fitzgerald. Les critiques sont charmés. Dans ce choix inédit de ses interviews, il se montre à la fois sérieux et moqueur, espiègle et brillant.  […] « Des livres et une Rolls » ? C’est ce qu’il voudrait s’offrir avec l’argent qu’il va gagner. [….]
f-scott-fitzgerald-an-american-icon-1Mon avis :
Je sens que l’on m’adressera peut-être un petit reproche…. Oui, j’ai choisi ce titre parce qu’il me permettait de valider le challenge Un mot, des titres de cette session (et qu’il était disponible en occasion), tout en validant au passage deux autres challenges. Si je ne suis plus atteinte de challengite aiguë, je tiens à honorer de mon mieux les challenges auxquels je suis inscrite.
J’ai choisi de raccourcir la présentation de l’éditeur, parce qu’elle oriente l’interprétation des textes. Je ne suis pas contre un apparat critique, surtout pour présenter une succession d’interviews, réparties sur seize ans, mais les interprétations orientées et définitives d’entrée de jeu me dérangent.
En tout, dix-sept interviews, plus ou moins longues, sont recueillies dans ce recueil. Certaines sont très courtes (trois pages) d’autres très longues – près de quarante pages. Nous pouvons y lire tout d’abord le « bonheur » du jeune auteur, ses succès, ses livres à venir. Les interviews ne sont pas seulement des questions/réponses, elles sont encadrées par les réflexions de l’auteur, la présentation du contexte – quand ce n’est pas Fitzgerald lui-même qui mène la danse en questionnant Zelda.
En effet, c’est le bonheur que montre Francis Scott dans les premières interviews, avec Zelda, « la personne la plus charmante du monde » et  leur fille Scotty, ou encore « J’ai même épousé l’héroïne de mes histoires ». Puis, peu à peu, cette image s’estompent. Zelda tombe malade, guérit, et Fitzgerald doit faire face à de nombreux soucis, tout en continuant à écrire. La dernière interview, qu’il donne pour ses quarante ans, est particulièrement poignante.
S’il est un principe des interviews qui a traversé le temps, c’est bien de sortir une phrase de son contexte, et de réduire l’article à celle-ci. L’exemple le plus frappant est Francis Scott Fitzgerald déclare : « Toutes les femmes de plus de trente-cinq ans devraient être tués ». D’un autre côté, le contenu de certaines interviews avait de quoi faire bondir n’importe quelle militante féministe telles que « Les femmes américaines sont des sangsues », p. 81 (interview de 1922 au New York Evening World). Faut-il y voir une conséquence de ces petites phrases chocs ? L’une des journalistes se défoule littéralement sur lui, à coup de jeux de mots douteux, et autres accusations – Fitzgerald « pille » les textes de sa femme, pour ses propres écrits, théorie reprise régulièrement par les supporters de Zelda.
Un livre à réserver à ceux qui ont déjà une bonne connaissance de l’oeuvre de Fitzgerald, et veulent en savoir plus sur lui, et sur le journaliste d’avant la seconde guerre mondiale.
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Pièce détachée de Pieter Aspe

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Présentation de l’éditeur :

Quand une enquête du commissaire Van In commence par un simple cambriolage, il faut se méfier… C’est souvent le début d’un savant imbroglio. Et de fait, après le cambriolage d’un homme de théâtre renommé, on découvre un doigt coupé dans le théâtre où va se donner la pièce mise en scène par le compagnon de la cousine d’Hannelore ! Avant de retrouver, après l’incendie d’un centre équestre, un corps auquel manque… un doigt. Seul lien entre ces deux affaires : la plupart des acteurs du drame étaient au même moment au Chili, dans des circonstances troubles. Une nouvelle enquête au cordeau, menée tambour battant par le trio explosif Van In, Hannelore et le brigadier Versavel, sur fond de séquelles de la dictature chilienne…

mois-belge-logo-folon-redstar-38-gras-blanc-ombre-orange-1-sans-bordMon avis :

J’aime lire les enquêtes du commissaire Van In, et c’est tout naturellement, après avoir lu La mort à marée basse, que  j’ai poursuivi avec Pièce détachée.
J’ai moins aimé ce tome, la faute à un mélange des tons pas toujours très heureux. Nous passons de la tragédie la plus pure, avec des détails particulièrement éprouvants à la bouffonnerie la plus complète, quand l’érotisme n’apparaît pas, au détour d’une rencontre. Volonté de distinguer la vie « quotidienne », une sexualité normale, de la cruauté qu’un homme peut exercer sur ses semblables ? Peut-être. Force m’est de constater que la sexualité est au coeur de ce roman. Tandis que la police est à la recherche d’un exhibitionniste, Hannelore, substitut du procureur et compagne ô combien désirable de Van In héberge sa cousine très libérée et son metteur en scène de compagnon, encore plus libéré. Ils ne sont pas les seules personnes dans ce cas. L’une a une liaison avantageuse pour maintenir son centre équestre à flot – pas de bol, il brûle. L’autre a des relations avec un homme de théâtre pour obtenir un rôle dans une pièce contemporaine dénudée. La troisième fait chanter, à son avantage, un homme politique.  Le « charmant metteur en scène » propose même sa maîtresse (à distinguer de sa compagne) à Van In. Où est l’amour dans tout cela ? Il existe, pourtant, mais il est rarement lié à la chair – sauf dans le cas de Van In et Hannelore.

Mutilation, incendie, meurtre, second meurtre, agression, troisième meurtre… L’enquête est particulièrement alambiquée et Van In jette tous ses hommes – et ses femmes – dans la bataille. Les indices sont bien là, mais les fausses pistes s’accumulent, puisque chacun a des secrets à dissimuler. Certains sont des plaies encore vives. D’autres, de petits arrangements mesquins avec leurs consciences. Dire que certains sont prêts à tuer pour les préserver n’est pas une évidence, c’est un lieu commun.

Je terminerai par un dernier regret : Versavel est quasiment absent de l’enquête, lui qui « fait le point » sur sa sexualité. Cela me ferait presque rire que cette conversion subite à l’hétérosexualité. Espérons qu’il reprendra toute la place qu’il mérite dans les oeuvres à venir.

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La mort à marée basse de Pieter Aspe

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Présentation de l’éditeur :

Non loin de Bruges, sur l’immense plage qui sépare les stations balnéaires de Zeebrugge et de Blankenberge, un cadavre est découvert, enterré dans le sable. Seule sa tête dépasse, ou plutôt ce qui a échappé à la voracité des mouettes. Van In est chargé d’enquêter mais il doit le faire en coopération avec un inspecteur de la Police judiciaire. Et cela ne plaît pas vraiment à l’irascible commissaire.
D’autant qu’il ne veut pas lâcher une autre enquête, pour viol, dont la victime est la fille d’un notable de la ville.
Contrefaçon, corruption, chantage sexuel… les turpitudes de la Belgique n’ont pas de secret pour l’incorruptible flic de Bruges aux méthodes peu orthodoxes mais diablement efficaces.

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Mon avis :

J’aime beaucoup les romans de Pieter Aspe, en dépit d’une première rencontre un peu décevante. Ici, nous retrouvons Van In marié à Hannelore, substitut du procureur, et père de jumeaux, Simon et Sarah. Je n’ai garde d’oublier Bob, leur chien: il tient une importance particulière dans le récit et dans le coeur de Van In.

La paternité a-t-elle changé Van In ? Oui et non : s’il fait des efforts, il ne renoncera pas à une soirée « entre potes » autour d’une bière, pour échapper à la corvée de l’aspirateur. Lui qui avait déjà beaucoup d’empathie pour les enfants victimes de la violence et de la cruauté des adultes, quitte à prendre ses distances avec la justice officielle, supporte encore moins l’indifférence de ce notable dont la fille a été violée. Dans la grande bourgeoisie, le silence prévaut, on règle ses affaires en famille, même quand la famille part à vau l’eau – la gouvernante est bien plus préoccupée par le sort de Myriam que son propre père.

Van In n’en oublie pas pour autant d’asticoter Versavel et d’enquêter sur le meurtre sordide qui lui a été confié. En effet, tant qu’il n’y a pas de plaintes pour viol, il ne peut officiellement rien faire pour Myriam (Note : deux personnages portent le même prénom dans ce roman, à une lettre prêt. L’une est une véritable victime, soucieuse des siens, l’autre une simulatrice – ne vous trompez pas !). Il peut en revanche trouver qui a tué de si atroce façon Carlos Minne, qui l’a enterré sur la plage, en se trompant un peu sur les horaires de marée. Bref, qui voulait que l’on découvre son corps. Et ce ne sont pas des choses très jolies-jolies que Van In découvrira sur ce charmant personnage et son entourage.

Les temps ont changé, semble dire Pieter Aspe tout au long de ses livres. L’impunité n’est plus possible en Belgique pour les puissants – même si les traduire en justice demande du temps et de l’acharnement. Cela demande aussi de prendre des risques – et, parfois, d’agir sur un coup de tête parce que madame la substitut lui doit un service. Cela demande aussi d’identifier les véritables victimes – pas toujours celles que l’on croit.

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Un légume de Francis Scott Fitzgerald

francis-scott-fitzgerald-un-legume-ou-le-president-devenu-facteur-livre-893717211_MLPrésentation de l’éditeur :

Marié avec une sotte, l’employé aux chemins de fer Jerry Frost avait deux ambitions dans la vie : devenir facteur ou président des États-Unis. Il sera l’un et l’autre dans des conditions parfaitement rocambolesques. Dans cette comédie satirique, Scott Fitzgerald s’en donne à coeur joie dans l’onirisme et la bouffonnerie, sans pourtant chasser l’émotion. Se déployant dans un décor de guerre conjugale que l’auteur connaît bien, elle anticipe étrangement son destin, si l’on veut bien admettre que Jerry a quitté la maison pour réaliser sous alcool ses rêves de gloire. Mais c’est aussi une parabole sur les pires défauts des présidents américains… quand ils en ont.

f-scott-fitzgerald-an-american-icon-1Mon avis :

Un légume est l’unique pièce de théâtre écrite par Francis Scott Fitzgerald, et cette traduction, aux éditions Grasset, est à ma connaissance la seule édition française disponible.

Il faut dire que cette comédie satirique à de quoi surprendre. Les disdascalies sont très nombreuses, et très longues, elles présentent les personnages comme un auteur les caractériserait dans une nouvelle, laissant finalement peu de place à l’interprétation du spectateur (et du metteur en scène. Quant au second acte, n’est-il pas issu tout droit du cerveau dérangé par l’alcool de contrebande de ce pauvre Jerry Frost ?

Revenons d’abord à notre premier acte. Jerry est un modeste employé des chemins de fer, dont la maison est un enfer. Entre les disputes, sourdes, avec Charlotte, sa femme, son père, Papounet, sourd et un peu sénile, et sa belle-soeur, Doris, prototype de l’ambitieuse jeune fille américaine, il lui est difficile de trouver ne serait-ce qu’un coin tranquille pour lire son journal. Son seul geste d’émancipation est l’achat d’alcool de contrebande, sa préparation à domicile et sa dégustation (d’ailleurs, l’argenterie de madame déguste aussi). Nous étions en pleine prohibition, et les protestations de Charlotte ne sont pas seulement de pures formes. Recevoir un c,o,n,t,r,e,b,a,n,d,i,e,r chez soi (épeler le mot semble lui ôter tout caractère dangereux pour Lewis) n’est pas ce qu’elle attendait de cette soirée.

D’ailleurs, qu’en attendait-elle ? Que reste-t-il de ce couple, qui a atteint la trentaine, quelques années après leur mariage ? Rancune, rancoeur, ambition déçu pour Charlotte, rêve d’une autre vie pour Jerry ? Il la vivra dans son rêve, président fantoche dont le ministre des finances (Papounet, un beau cas de népotisme) vide les caisses, tandis que son conseiller militaire, le général Pushing, lui demande fortement de déclarer la guerre ? Tout est blanc à la maison Blanche, vêtements, arbres, animaux, en une caricature de la toute puissance du président américain – et de l’incommensurable naïveté du personnage.  Toute ressemblance entre la gestion désastreuse de l’Etat dans cette pièce et la réalité est, de plus, à peine une coïncidence.

Je terminerai en posant cette question essentielle : qu’a bien pu faire l’Idaho à Francis Scott Fitzgerald pour qu’il veuille à tout prix se débarrasser de cet état ? Même son représentant attitré est atypique : fils de croque-morts (et fier de l’entreprise familiale), il est le dernier fiancé en date de Doris, et mâche du chewing-gum avec application. Note : l’Idaho est le seul Etat à avoir assez de bon sens pour vouloir destituer le président fantoche. Pour le remplacer par qui ? Le mystère demeure.

Le légume ou l’unique incursion de Fitzgerald au théâtre. Son oeuvre suivante ? Gatsby le magnifique !

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L’empire des lumières de Kim Young-Ha

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Kim Kiyeong, importateur de films étrangers, père de famille sans histoire, voit sa vie basculer à la lecture d’un haïku de Bashô. Les vers du célèbre poète japonais contiennent un message codé qui le replonge dans un lointain passé. Vingt ans plus tôt, Kiyeong quittait clandestinement la Corée du Nord pour infiltrer Séoul ; l’absence de mission a finalement fait de lui un « agent dormant ». Son brusque réveil le place au moment du choix : va-t-il obéir à l’ordre de rentrer en Corée du Nord, ce qui peut-être signe aussi son arrêt de mort ?

Mon avis :

Vingt-quatre heures dans la vie d’un homme. Vingt-quatre heures pour décider de son avenir, de façon irrévocable.

Vingt-quatre heures dans la vie de sa femme, aussi, que tout sentiment semble avoir quitté. L’amour ? Elle n’aime plus son mari depuis longtemps. La peur, le remords, la compassion ? Elle semble ne jamais en avoir éprouvé – voir le froid détachement avec lequel elle pense à l’accident qui a laissé son frère aîné handicapé, ou son incompréhension face à la mélancolie de sa mère. Il lui reste les regrets de la vie qu’elle aurait aimé mener, et son attachement à sa fille unique – vous me direz que ce n’est déjà pas mal.

Son mari, Kim Kyeong, est bien plus tourmenté, et avec lui, c’est toute l’histoire des deux Corées contemporaines que nous découvrons. C’est aussi tous les tourments d’un homme qui a toujours voulu servir son pays. Il repense à ses années de formation, à ceux qui l’ont formé, qu’il voit maintenant d’un oeil neuf. Il retrouve ses réflexes d’agent, mais il n’est plus l’homme qui, embarqué dans un sous-marin, a quitté la Corée du Nord pour infiltrer le Sud et aider au mieux d’autres agents à s’intégrer. Il n’est pas non plus un authentique coréen du Sud. S’il est capable de se fondre dans la masse, de respecter leur code, de capter les modifications du langage, des comportements – et de voir les différences avec le Nord – il n’est jamais pensé comme un coréen du Sud, il est toujours resté extérieur à ce qu’il étudiait. Prêt à retourner d’où il vient ? Il en sait les conséquences, qui n’ont rien à voir avec le MI-6 des James Bond. Il sait aussi les conséquences s’il reste – pour lui, pour les siens.

Mais qui sont les siens ? Sa femme, sa fille, brillante lycéenne ? Ou son père, ses frères, restés au Nord ? Et si la cause de son comportement (un agent sûr de lui n’aurait pas hésité) n’était pas à rechercher des actes qu’il a dû commettre, et surtout, dans un acte, fondateur pour lui, dont il fut le témoin et la victime ?

Beaucoup d’interrogations, parce que le personnage principal n’a cessé de s’interroger, là où d’autres avaient des réponses toutes prêtes, et des solutions radicales, prouvant que l’honneur, la richesse, comptait plus que la vie humaine.

L’empire des Lumières est un roman passionnant, à découvrir pour tous ceux qui aiment la littérature asiatique.

 

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