Présentation de l’éditeur :
Marié avec une sotte, l’employé aux chemins de fer Jerry Frost avait deux ambitions dans la vie : devenir facteur ou président des États-Unis. Il sera l’un et l’autre dans des conditions parfaitement rocambolesques. Dans cette comédie satirique, Scott Fitzgerald s’en donne à coeur joie dans l’onirisme et la bouffonnerie, sans pourtant chasser l’émotion. Se déployant dans un décor de guerre conjugale que l’auteur connaît bien, elle anticipe étrangement son destin, si l’on veut bien admettre que Jerry a quitté la maison pour réaliser sous alcool ses rêves de gloire. Mais c’est aussi une parabole sur les pires défauts des présidents américains… quand ils en ont.
Mon avis :
Un légume est l’unique pièce de théâtre écrite par Francis Scott Fitzgerald, et cette traduction, aux éditions Grasset, est à ma connaissance la seule édition française disponible.
Il faut dire que cette comédie satirique à de quoi surprendre. Les disdascalies sont très nombreuses, et très longues, elles présentent les personnages comme un auteur les caractériserait dans une nouvelle, laissant finalement peu de place à l’interprétation du spectateur (et du metteur en scène. Quant au second acte, n’est-il pas issu tout droit du cerveau dérangé par l’alcool de contrebande de ce pauvre Jerry Frost ?
Revenons d’abord à notre premier acte. Jerry est un modeste employé des chemins de fer, dont la maison est un enfer. Entre les disputes, sourdes, avec Charlotte, sa femme, son père, Papounet, sourd et un peu sénile, et sa belle-soeur, Doris, prototype de l’ambitieuse jeune fille américaine, il lui est difficile de trouver ne serait-ce qu’un coin tranquille pour lire son journal. Son seul geste d’émancipation est l’achat d’alcool de contrebande, sa préparation à domicile et sa dégustation (d’ailleurs, l’argenterie de madame déguste aussi). Nous étions en pleine prohibition, et les protestations de Charlotte ne sont pas seulement de pures formes. Recevoir un c,o,n,t,r,e,b,a,n,d,i,e,r chez soi (épeler le mot semble lui ôter tout caractère dangereux pour Lewis) n’est pas ce qu’elle attendait de cette soirée.
D’ailleurs, qu’en attendait-elle ? Que reste-t-il de ce couple, qui a atteint la trentaine, quelques années après leur mariage ? Rancune, rancoeur, ambition déçu pour Charlotte, rêve d’une autre vie pour Jerry ? Il la vivra dans son rêve, président fantoche dont le ministre des finances (Papounet, un beau cas de népotisme) vide les caisses, tandis que son conseiller militaire, le général Pushing, lui demande fortement de déclarer la guerre ? Tout est blanc à la maison Blanche, vêtements, arbres, animaux, en une caricature de la toute puissance du président américain – et de l’incommensurable naïveté du personnage. Toute ressemblance entre la gestion désastreuse de l’Etat dans cette pièce et la réalité est, de plus, à peine une coïncidence.
Je terminerai en posant cette question essentielle : qu’a bien pu faire l’Idaho à Francis Scott Fitzgerald pour qu’il veuille à tout prix se débarrasser de cet état ? Même son représentant attitré est atypique : fils de croque-morts (et fier de l’entreprise familiale), il est le dernier fiancé en date de Doris, et mâche du chewing-gum avec application. Note : l’Idaho est le seul Etat à avoir assez de bon sens pour vouloir destituer le président fantoche. Pour le remplacer par qui ? Le mystère demeure.
Le légume ou l’unique incursion de Fitzgerald au théâtre. Son oeuvre suivante ? Gatsby le magnifique !