Présentation de l’éditeur :
Elle a 17 ans, le bac en poche, l’université l’attend, la liberté aussi dans sa chambre d’étudiante loin de ses parents. Le roman commence dans la chambre de l’homme, la chambre, où elle va devenir une femme amoureuse, épanouie. Avec lui, elle va grandir. Elle va aussi exorciser les démons de l’enfance qui jusqu’à présent l’empêchaient de devenir une femme.
Mon avis :
Je commencerai par un regret : ce livre est trop court, et j’aurai vraiment aimé en savoir plus sur l’itinéraire de la jeune narratrice.
Nous sommes au début des années 70, et nous sommes bien loin des clichés que certains véhiculent. Non, mai 68 n’a bien tout révolutionné, il reste encore bien du chemin à parcourir. Les étudiants font peur, et l’on préfère les parquer loin de la ville pour « qu’ils puissent étudier tranquillement ». Ah, ils ont bien, là-haut, pour étudier, loin des rumeurs de la ville, sans transports en commun, sans presque toutes les commodités dont ils ont besoin, justement. Une même situation, deux points de vue ? Non, pas vraiment – il en a fallu des décennies, dans certaines villes, pour que les étudiants regagnent le coeur de la cité, démonstration par l’absurde qu’ils faisaient véritablement peur. Serait-ce aussi un signe que la jeunesse actuelle est incapable de se révolter ? A voir.
Mais revenons à notre roman . La majorité est encore à 21 ans, et les parents de l’héroïne peuvent lui couper les vivres s’ils le souhaitent. Ou plutôt, le père peut lui couper les vivres : l’autorité parentale s’est substitué à la puissance paternelle en 1970, mais il faut encore du temps, dans la pratique, pour que ce changement entre dans les moeurs. Il faudrait pour cela qu’on ose s’opposer au père : ni la mère, ni la soeur aînée ne le tentent. Crainte des conséquences ? Là où la cadette ne compte que sur elle-même pour réussir, l’aînée attend plutôt un mari qui lui assurera son indépendance (sans voir, bien sûr, à quel point elle sera dépendante).
Ce que j’ai aimé aussi, dans cet éveil, cette libération, c’est que son amoureux lui permettra de sortir de sa coquille, de devenir indépendante, mais qu’elle ne le prendra pas ni pour un tuteur, ni pour un mentor. Elle saura aussi s’affranchir de lui, comprendre qu’ils ont vécu une belle histoire et poursuivre son chemin sans avoir besoin, à chaque décision, de son approbation. Il lui fait découvrir certains auteurs, mais elle n’est pas non plus une parfaite ignorante, elle a son propre vécu, ses propres connaissances, des goûts littéraires bien affirmés.
Et c’est là que le bas blesse, entre ses deux amoureux que tout semble avoir réuni : leur passé. Si, pour Judith, la vie d’Alain, baigné dès son plus jeune âge dans la culture, paraît idéale, il n’en reste pas moins qu’il a lui aussi des faits, dans son passé qui l’empêche d’être pleinement heureux. Nous n’en saurons pas plus, tout comme nous ne saurons pas complètement les causes des cauchemars récurrents de Judith, nous les devinerons seulement. Après tout, il n’était pas nécessaire d’en dire plus puisque certains détails, certaines remarques acerbes de Béa, soeur aînée de Judith, permettent de comprendre.
Pas assez pour faire une femme, encore un beau roman signé Jeanne Bénameur.

