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Bullet train de Kotaro Isaka

Présentation de l’éditeur :

Ils sont cinq tueurs à bord du Shinkansen… Qui arrivera à destination ?

En gare de Tokyo, Kimura s’apprête à monter dans le Shinkansen, le train à grande vitesse japonais, avec une arme à feu cachée dans son sac. Sa cible ? Un collégien qui a poussé son fils de 6 ans du haut d’un toit, le laissant entre la vie et la mort. Mais Kimura ignore qu’il est loin d’être le seul passager armé. Parmi les voyageurs se trouvent aussi Citron et Mandarine, les hommes de main d’un gangster qui doivent lui ramener son fils, victime d’un kidnapping – ainsi que la valise contenant la rançon. Et puis Nanao, un assassin malchanceux chargé de récupérer ladite valise. Une situation explosive, en particulier quand tout ce petit monde est voué à se croiser dans les compartiments du bullet train…

Mon avis : 

Merci aux éditions Presse de la cité et à Netgalley pour ce partenariat.

Après avoir vu le film et avoir beaucoup ri en le voyant, j’ai eu envie de découvrir le roman. Il est différent, bien entendu, mais j’ai aussi beaucoup ri en le lisant les aventures de Nanao. Il partait pourtant pour une mission simple : récupérer une valise. Elle était tellement simple qu’elle l’inquiétait franchement, cette mission, surtout que le plan mis au point (je récupère la valise et je descends du train, simple, efficace, concis) ne se déroule vraiment pas sans accro. L’on pouvait s’en douter en découvrant l’impression palmarès de catastrophe qui ont jalonné la carrière de Nanao et les raisons qui ont présidé à sa vocation de tueur à gages. Et c’est beaucoup moins simplistes que ce que l’on pourrait penser. D’ailleurs, en terminant ce livre, je me suis demandé s’il était vraiment aussi malchanceux qu’il voulait bien le croire, Nanao.

A croire aussi qu’un congrès de tueurs, tous plus sanguinaires les uns que les autres se tient dans ce train – j’ai du mal à classer Nanao dans cette catégorie. Entre gens de même profession, l’on se reconnait, il faut bien le reconnaître, et Nanao n’est pas forcément ravi de se retrouver face à Citron et Mandarine, pas plus que de croiser d’autres personnes dont il se serait bien passé.

J’ai pensé à Agatha Christie en lisant ce roman. Oui, comme la reine du crime anglaise, Kotaro Isaka peut nous présenter un personnage d’adolescent qui est loin d’être innocent, qui prend plaisir à manipuler autrui – et si vous avez vu le film, mais pas encore lu le livre, je puis vous dire que le personnage est infiniment plus complexe dans le roman que dans le film, ne serait-ce que par l’étendu du mal qu’il a déjà fait, et par tout celui qu’il prévoit de faire encore. Ce personnage pourra vous sembler incroyable, et pourtant : pour qu’il existe, il suffit que personne n’ose s’opposer à lui, et que tous croient un adolescent incapable de tant de manipulations. Pourtant, ce n’est pas un « beau » méchant à mes yeux, il a beaucoup trop confiance en lui, en ses capacités à manipuler les autres, à anticiper. Mieux qu’un jeune méchant ? Un méchant expérimenté, qui n’a pas eu que la méchanceté dans la vie. Oui, l’on peut être un tueur et avoir d’autres occupation dans la vie que tuer.

Et puis, comment ne pas penser au Train bleu, au crime de l’Orient-Expression, au train de 16 h 50, tous ces romans qui mettent en scène des meurtres dans un train ? La différence est que, dans Bullet train, le but n’est pas tant d’élucider les meurtres qui produiront, mais de survivre. La police ? Disons qu’elle arrivera après, bien après – difficile de signaler un meurtre dans un train lancé à grande vitesse.

 

28e participation – Japon.

Tant que le café est encore chaud par Toshikazu Kawaguchi


Présentation de l’éditeur :

Chez Funiculi Funicula, le café change le cœur des hommes. À Tokyo se trouve un petit établissement au sujet duquel circulent mille légendes. On raconte notamment qu’en y dégustant un délicieux café, on peut retourner dans le passé. Mais ce voyage comporte des règles : il ne changera pas le présent et dure tant que le café est encore chaud. Quatre femmes vont vivre cette singulière expérience et comprendre que le présent importe davantage que le passé et ses regrets. Comme le café, il faut en savourer chaque gorgée.

Mon avis :

Merci à Netgalley et à Audiolib pour ce partenariat.

Ce n’est pas la première fois que « j’écoute » un livre, cependant, je ne pensais pas apprécier autant cette lecture et ce roman. J’ai vraiment trouvé la lecture de Philippe Spiteri parfaite. J’avais vraiment hâte de me replonger dans cette lecture d’un genre particulier – pour moi, qui n’en ait pas du tout l’habitude.

L’action se passe entièrement dans un café sur lequel circulent des légendes : dans ce café, l’on pourrait voyager dans le temps. Voyager, mais pas changer le passé. Les conditions pour effectuer ce voyage sont tellement drastiques que peu de personnes les acceptent, donc peu de personnes effectuent ce voyage. Au cours des chapitres, nous suivrons quatre personnes qui ont choisi un moment particulier, qu’elles souhaitent « revivre », même si elles savent que rien ne pourra changer. Il est avant tout question d’amour, de personnes qu’elles aiment (je garde le présent, parce que l’amour survit au temps), de regrets aussi, les regrets avec lesquels elles vivent, les regrets qu’elles ne pensaient pas avoir, et le fait qu’il faut qu’elles vivent avec, envers et contre tous, parfois. Oui, je sais, je reste floue, parce que je ne veux pas gâcher le plaisir que vous pourrez prendre à lire, ou à écouter ce livre. J’ai vraiment été très sensible à ces récits, et si j’ai retenu quelque chose de cette lecture, c’est qu’il ne faut pas hésiter à parler, à dire ce que l’on a envie de dire, ce que l’on a besoin de dire et aussi à écouter ce que l’autre a à dire – avant qu’il ne soit trop tard.

La maison des secrets, tome 1 de Jacqueline West

Merci aux éditions du seuil et à Netgalley pour ce partenariat.

Présentation de l’éditeur :

Olive, 11 ans, emménage dans la vieille maison de Lindon Street et constate rapidement d’étranges phénomènes…
Des chats rôdent et parlent entre eux. Les murs, couverts de tableaux, semblent l’observer. Une paire de lunettes, trouvée par hasard, va lui permettre de faire une découverte extraordinaire : elle peut voyager à l’intérieur des peintures. Et les aventures ne font que commencer !

Mon avis : 

Au fur et à mesure que je lisais ce livre, j’ai pensé à Coraline de Neil Gaiman, et j’étais presque à deux doigts de jouer aux jeux des sept différences. Comme Coraline, Olive, onze ans, aménage dans une nouvelle maison, si ce n’est que ce n’est pas son premier déménagement. Olive suit ses parents, de brillants scientifiques qui déménagent au gré de leurs affectations. Ils regardent tous les deux leur fille unique avec étonnement : ces deux scientifiques ont mis au monde une enfant qui n’a aucun sens des mathématiques. Mr et Mrs Dunwoody vivent dans leur monde, rempli de chiffre, de nombre et de problèmes à résoudre, des artistes des mathématiques en quelques sortes.

Comme Coraline, Olive explore seule la maison et rencontre bientôt un chat qui parle, Horatio, puis un second et enfin un troisième. Tous les trois gardent une partie de la maison, et ne peuvent pas trop en dire à Olive. Pourquoi ? Olive le découvrira au fur et à mesure, à ses dépends ai-je envie de dire. Elle ne peut rien dire à ses parents sur les secrets qui hantent la maison, et eux-mêmes sont bien trop occupés pour explorer totalement la maison qu’ils viennent d’acquérir ni même pour en changer la décoration. Les voisins eux, savent bien des choses, soit qu’ils les aient observés, soit qu’ils se souviennent de toutes les légendes qui couraient sur ce lieu, et le peu qu’Olive apprend ne fait qu’attiser sa curiosité.

Nous sautons à pieds joints dans le fantastique et nous savons qu’une fin heureuse n’est pas forcément envisageable. Ce qui nous est raconté sur la vie des personnes qui ont habité cette maison (oui, il faut bien à un moment du récit que les secrets soient révélés) est proprement effrayant si on prend le temps de réfléchir à ce qu’ils ont vécu, à ce qu’ils n’ont pas vécu, aux sorts aussi qui leur ont été réservés, par des proches ou des moins proches. Non, je ne dirai pas que cette saga n’est pas à mettre entre toutes les mains (elle comporte cinq tomes), je dis simplement qu’il est bon qu’un jeune lecteur puisse échanger autour de ce livre, que je trouve assez effrayant – ce qui n’est pas une raison pour le déconseiller ! Les enfants aiment avoir peur, il ne faut pas l’oublier. Il ne faut pas oublier non plus la qualité de ce livre, qui est bien écrit, bien traduit, livre dont l’intrigue tient la route, chaque révélation prenant place et faisant sens dans l’ensemble de récit.

Merci aux éditions du Seuil et à Netgalley pour ce partenariat.

De rouages et de sang, tome 1 : Les disparus d’Arkantras

Présentation de l’éditeur :

Plongez dans les bas-fonds d’Arkantras, où le danger se cache à chaque coin de rue…
Depuis quelque temps, une menace plane sur les bas quartiers d’Arkantras… Le bruit court qu’une créature avide de chair humaine enlèverait les enfants à la nuit tombée pour les dévorer. Que diable, Rowena, jeune orpheline passionnée de mécanique, se moque bien de ces histoires à dormir debout ! Jusqu’au jour où son ami, Œil-de-Pirate, disparaît lui aussi dans d’étranges circonstances… Résolus à le retrouver, Rowena et son fidèle chat à la patte mécanique, Monsieur Gratouille, s’enfoncent dans les profondeurs d’Arkantras. De son côté, Eugène Bassompière, un journaliste issu de la bonne société, se voit chargé d’enquêter sur ces disparitions. Sur les traces du monstre, les destins d’Eugène et Rowena vont s’entremêler. Que se passe-t-il réellement dans la ville ? Et si la vérité s’avérait pire que tout ce qu’ils pouvaient imaginer ?
​Plongez dans les bas-fonds d’Arkantras, où le danger se cache à chaque coin de rue…

Mon avis :

Merci aux éditions Scrineo et à Netgalley pour ce partenariat.

J’espère que ce livre est le dernier qui appartient à la série « je l’ai lu, mais à une époque où j’avais du mal à rédiger mes chroniques ». Ce serait bien !

Rowena et Eugène sont deux personnages que rien ne destinait à se rencontrer, et que le destin va réunir. Rowena est orpheline, et elle a bien l’intention de ne pas se retrouver enfermer à nouveau dans un orphelinat. Son compagnon, c’est monsieur Gratouille, ex-chaton orphelin qu’elle a sauvé et à qui elle a confectionné une patte mécanique. Elle vit de débrouilles, rémunère ceux qui l’aident à dissimuler ses activités – dans les bas-fonds de la société, la police n’est pas là pour aider les indigents. Eugène Bassompière, lui, vient plutôt de haut, de très haut. Il a voulu dénoncer ce qui se passait dans la bonne société, et il est redescendu assez bas. Il n’a en tout cas plus qu’un ami, qui lui vient en aide de temps en temps. Il lui faut se refaire, prouver qu’il est un journaliste digne de ce nom. Pour cela, il doit enquêter sur une affaire de disparitions qui a lieu dans les bas-fonds, affaire qui concerne les amis de Rowena : plusieurs enfants ou de tout jeunes adolescents ne sont pas rentrés chez eux après une journée de travail.

Voir la police ne rien faire peut sembler étonnant, l’on peut se dire : « nous sommes dans un univers steampunk ». Et pourtant… je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec des affaires bien réelles, dans lesquelles la police ne s’est absolument pas donné la peine de lever le petit doigt (voir Les oiseaux chanteurs de Christy Lefteri pas si loin de nous dans le temps et dans l’espace). Il est aussi question d’un monstre qui enlèverait ses enfants. Mais qu’est-ce qu’un monstre, exactement ? Un être fantastique et terrible ? Un être dont l’apparence et/ou le comportement l’écarte des normes de la société ? Pour l’apparence, cela fait des années que je me tue à répéter qu’il ne faut surtout pas se fier à elle, qu’il faut toujours aller au-delà. Pour le comportement, malheureusement, l’on n’est jamais déçu, même si l’apparence de celui ou celle qui se comporte monstrueusement peut être tout à fait ordinaire, insoupçonnable. J’ai vraiment été bluffée par certaines péripéties, que je n’ai absolument pas vu venir. Le courage de Rowena, l’honnêteté d’Eugène sont des qualités rares que peu sont en mesure d’apprécier dans ce récit. Il faut dire que nous trouverons des personnes tellement retorses que l’on peut bien se demander comment l’on peut en venir à raisonner ainsi.

Le tome 2 devrait paraître en août, je ne manquerai pas de le lire.

 

 

La saison du soleil de Shintaro Ishihara

Présentation de l’éditeur :

Riches et désœuvrés, des adolescents flânent sur les plages, portant lunettes noires et chemises hawaïennes ; des lycéens passent leurs journées à boire, à naviguer, à courir les filles, et leurs nuits à se bagarrer, s’adonnant sans discontinuer à la violence, au sexe, à l’alcool, au vol.
Des jeunes en quête d’eux-mêmes dans un égoïsme forcené, en révolte contre l’autorité, les générations
précédentes et la société dans son ensemble, où ils ne trouvent pas leur place.
Lauréat du prestigieux prix Akutagawa en 1955, véritable culte au Japon, vendu à plus de 2,6 millions d’exemplaires, La Saison
du soleil est l’œuvre de référence de la génération d’aprèsguerre qui s’est reconnue dans les portraits dressés par Shintarō Ishihara, âgé de seulement 23 ans à l’époque.

Mon avis :

Il est des lectures qui ont comme un goût d’échec. Je n’avais pas lu d’oeuvres japonaises (hors manga) depuis un certain temps. J’aime la collection Vintage des éditions Belfond, je me suis donc laissée tenter par ce partenariat.

Ce fut une erreur. Non seulement je n’ai pas accroché à la lecture de ces nouvelles, mais j’ai été assez horrifiée par la peinture de la société nippone qui nous était présentée et qui, s’il faut en croire les lecteurs de l’époque, représente fidèlement cette société d’après-guerre.

Les personnages sont extrêmement violents. L’amour ? Ils ne connaissent pas, ils piétinent les femmes au sens propre comme au sens figuré. Ce qui peut leur arrivé, à elles, à leurs amis, à cause d’eux ? Ils n’en ont strictement rien à faire. La seule personne qui compte à leurs yeux, c’est eux-même. Leur plaisir, l’argent facile, l’alcool. Les amitiés ? Pas vraiment durable. Les femmes ? Jetables. J’ai l’impression en écrivant ces mots d’être encore au-dessous de l’égoïsme, du cynisme de cette génération.

Je ne peux pas dire « à lire », je ne peux même pas dire que je recommande ce recueil de nouvelles, tant sa lecture est finalement éprouvante.

Les pissenlits de Yasunari Kawabata

Présentation de l’éditeur :

Ineko souffre d’une étrange maladie : des moments de cécité partielle qui l’empêchent de voir tel objet, telle partie de son corps ou de celui de son amant Hisano. Sur le chemin du retour de l’hôpital psychiatrique où ils viennent de la faire enfermer, dans un paysage étincelant de pissenlits en fleur, la mère de la jeune fille et Hisano poursuivent une conversation étrange : une ronde parolière semée de réminiscences, de questionnements saugrenus, de réflexions surréalistes. Inédit en France, ce roman inachevé dévoile une nouvelle facette de la virtuosité littéraire de Kawabata. On y retrouve le goût de l’ellipse et de l’ambiguïté inhérents à son univers, sur lequel plane ici encore le thème obsédant du désir et de la mort.

Mon avis :

Ce livre est ma première lecture d’un roman de Yasunari Kawabata et probablement la dernière. J’ai déjà tenté une lecture d’un autre roman, j’ai échoué lamentablement avant de le rendre à la bibliothèque. Celui-ci retournera à la bibliothèque aussi.

Je commence à écrire cet avis après avoir lu 90 pages sur 200, 90 pages lues rapidement parce qu’il ne se passait pas grand chose. Nous savons que Ineko souffre d’une maladie mentale : parfois, elle ne voit plus le corps des autres. Non, il ne s’agit as d’un problème de vue, mais d’un problème psychique, et sur les conseils du médecin, la mère d’Ineko l’a faite internée. En effet, Ineko n’est pas un cas isolé, et l’exemple donné par le médecin a de quoi effrayer : ne voyant plus le cou de son nouveau-né, une jeune femme l’a serré jusqu’à l’étrangler. Pour protéger la jeune femme, autant que pour protéger son entourage, elle a donc été internée. Etrange établissement que celui-ci, où l’on laisse le patient nouvellement arrivé sonner la cloche de trois heures, pour lui permette de retrouver le contact avec la vie « normale ». Par conséquent, elle sonne, elle sonne et Hisano, son amant, de l’entendre et de demander à la mère d’Ineko de retourner chercher sa fille. Oui, il a signé pour l’internement, mais il est profondément contre. « Mais » : Ineko comme sa mère refusent l’usage de cette conjonction de coordination, pour elle, le principe même de s’opposer à quelque chose, de modérer sa pensée est donc impossible. Inquiétant ? Oui. Jusqu’à présent, les 90 pages sont un dialogue qui parle de thèmes forts, de thèmes qui expliquent peut-être en partie le déséquilibre mentale d’Ineko, sans que je perçoive autre chose qu’un certain malaise. Pourquoi se confie-t-elle ainsi, sur des événements aussi intimes, la jalousie qu’elle éprouvait envers son mari, sa mort accidentelle sous les yeux de sa fille, qui accompagnait son père pour rassurer sa mère ? N’oublions pas non plus la guerre, les conséquences sur son mari, qui a dû continuer son métier de militaire bien qu’il ait été amputé d’une jambe.

Je poursuis l’écriture de cet avis alors que je suis presque à la fin, et le constat est le même, il ne se passe toujours rien. La mère se rappelle d’un épisode qui date du lycée, la première fois où Ineko n’a pas « vu » quelques chose, il s’agissait alors d’une balle lors d’un match de ping pong, et la scène nous est longuement détaillée, jusqu’à ce que nous revenions dans le temps présent. Il est désormais neuf heures, six heures et 222 pages ont passé depuis le début du roman, et cette sensation de ne pas progresser se poursuit. La mère et l’amant se disputent, de manière assez feutrée. Il est toujours insupportable pour l’un de l’avoir fait interner, l’autre se muant presque en accusatrice. Regrette-t-elle les confidences qu’elle lui a faites quelques heures plus tôt ? Alors que la nuit tombe, seule dans sa chambre, mais troublée par la présence toute proche du jeune homme, elle se remémore ses relations avec son mari, ce militaire très dur qui aimait la littérature européenne et se sentait désormais, avec la défaite, exclu de la vie, ce militaire pour qui une femme devait tout faire pour son mari. Et Ineko, à son tour, de se souvenir, pour oublier, un temps, les réalités de l’hôpital psychiatrique où la jeune femme qu’il aime, et qui a été durablement traumatisée par la mort de son père, est internée.

La fin ? Je ne saurai jamais où ce livre devait nous mener, non que je n’ai pas terminé ma lecture, mais l’auteur n’a pas terminé son écriture.

 

N’oublie pas les fleurs de Genki Kawamura

édition Fleuve – 304 pages

Présentation de l’éditeur :

Le soir du 31 décembre, Izumi rend visite à sa mère Yuriko pour les fêtes de fin d’année, mais cette dernière est absente. Il la retrouve finalement perchée sur la balançoire d’un parc voisin, où elle semble perdue. Cet événement n’est que le premier signe de la maladie qui la ronge : quelques mois plus tard, il apprend qu’elle est atteinte d’Alzheimer.
À mesure que les souvenirs de Yuriko s’estompent, ceux de l’enfance d’Izumi ressurgissent. En prenant soin de sa mère – au moment où lui-même s’apprête à devenir père – Izumi tente de comprendre ce qui l’a éloigné d’elle au fil du temps, s’interroge sur le sens de leur relation. Pour retrouver l’essentiel de ce qui leur reste à présent.

Mon avis :

N’oubliez pas l’eau des fleurs est une oeuvre tendre et distancié, qui nous parle du souvenir mais aussi de la filiation. Izumi est un homme qui a réussi dans la vie. Il est marié, lui et sa femme, qui se sont rencontrés dans le cadre du travail, ont une très bonne situation professionnelle. Leur métier les fait évoluer dans le monde de la musique, ils s’occupent d’artistes, les découvrent parfois, les aident à s’épanouir, ce qui n’est pas forcément facile. Le monde de la musique est une jungle comme une autre, il faut parfois oser faire des coups d’éclats.

Le travail est si prenant qu’il n’a pas le temps de voir sa mère souvent. Du moins, c’est le prétexte qu’il se donne, il sait bien qu’il le pourrait, s’il le voulait. Il a ses raisons, nous le découvrirons au fil du récit, pour avoir mis une certaine distance entre lui et sa mère, même si elle tient à lui, même s’il l’aime. Du coup, il n’a pas pu voir les indices qui indiquaient le début de cette longue descente vers la mort qu’est la maladie d’Alhzeimer. Mais qui peut dire avec certitude : « je les ai bien vus ? » Il est toujours facile de parler après coup, quand la maladie est là.

Izumi va faire de son mieux, toujours. Faire de son mieux, c’est penser avant tout au bien-être de sa mère, face à l’évolution imprévisible d’une maladie dévorante. Il pèse chaque choix qu’il fait pour elle, ne cherchant jamais la solution la plus facile, mais celle qui conviendra le mieux à sa mère. Il veut croire, il veut espérer – mais la réalité le rattrape, la maladie gagne du terrain. Il est bon de rappeler que oui, on ne sait jamais comment la maladie évoluera. On connaît seulement la fin.

Beaucoup de pudeur, de retenu dans ce livre, pas de scènes ou de révélations fracassantes, non, simplement maintenir les liens qu’une mère et son enfant ont pu tisser le plus longtemps possible.

Merci aux éditions Fleuve et à Netgalley pour ce partenariat.

 

Le chat qui venait du ciel de Takashi Hiraide

Présentation de l’éditeur :

Quand le narrateur et sa femme emménagent un jour dans le pavillon indépendant d’une ancienne demeure japonaise, ils ne savent pas encore que leur vie va s’en trouver transformée. Car cette demeure est entourée d’un immense et splendide jardin, et au coeur de ce jardin, il y a un chat. Sa beauté et son mystère semblent l’incarnation même de l’âme du jardin, gagné peu à peu l’abandon, foisonnant d’oiseaux et d’insectes. Tout le charme infini de ce livre tient dans la relation que le couple va tisser avec ce chat qui se fond dans la végétation exubérante pour surgir inopinément, grimpe avec une rapidité fulgurante au sommet des pins gigantesques, frappe à la vitre pour se réconcilier après une brouille.

Mon avis :

C’est un livre relativement court (130 pages) avec lequel pourtant j’ai eu du mal. L’une des premières raisons est qu’il m’a fait penser à Jardin de printemps de Tomoka Shibasaki un roman qui met aussi en scène une maison qui va peut-être être démolie, avec des locataires qui cherchent un autre logement, ce qui est tout sauf facile avec la hausse exponentielle du prix des maisons (acheter ? impossible) et de celui des loyers. Là aussi, nous avons un « roman d’atmosphère » avec des descriptions particulièrement précises du jardin, des arbres, des plantes, des insectes aussi. Il s’agit aussi d’un premier roman et, à ma connaissance, aucune autre oeuvre de ces deux auteurs n’a été traduite en français.
Il est pourtant des différences. Le narrateur est aussi l’auteur, nous sommes dans une oeuvre autobiographique qui nous conte sa rencontre avec un chat bien particulier, un chat différent des autres, auquel lui et sa femme s’attacheront. Problème : ce chat n’est pas le leur, ils ne peuvent donc pas l’emmener quand ils déménageront. Aussi retardent-ils le plus possible le moment où ils devront partir, profitant des petits moments de bonheur qu’il leur offre, de cette dispute, aussi, et de ce moment de réconciliation.
Puis vient non le déménagement (il surviendra plus tard) mais la mort du chat, et la douleur qui s’ensuivit, douleur d’autant plus forte qu’elle est sujette à l’incompréhension (pourquoi Chibi s’est-il rendu à cet endroit ce jour-là, lui qui n’y allait jamais ?) et au fait d’une séparation d’avec les voisins, qui découvrent la vie secrète de leur chat.
Douleur, deuil, et écriture aussi – le narrateur nous conte comment il a commencé à écrire son oeuvre, et à la faire paraître en feuilleton. Deuil et ouverture à un autre chat, peut-être : je découvre ainsi que les chats « sauvages » semblent assez répandus au Japon, et que souvent, les chatons ne « passent pas l’hiver ». C’est pour moi un constat assez désolant, même s’ils se trouvent des personnes charitables pour les nourrir, ou tenter de les adopter (certaines locations précisent en effet ni animaux… ni enfants).
Un roman auquel je n’ai pas été aussi sensible que je l’aurai pensé.

Jardin de printemps de Tomoka Shibasaki

éditions Philippe Picquier – 144 pages.

Présentation de l’éditeur :

Jardin de printemps, c’est d’abord un livre de photographies, celles d’une maison bleue avec son jardin au cœur de Tokyo, instantanés de la vie d’un couple heureux il y a une vingtaine d’années. Les saisons passent, les locataires aussi. Ils se rencontrent, se croisent. D’un balcon ou sur un chemin, ils sont comme aimantés par cette maison endormie. Dans ce roman amical et rêveur, tout est en léger décalage, au bord de chavirer, seuls les lieux semblent à même de révéler ce qui flotte à la surface de notre cœur. L’immeuble où habite Tarô, promis à la démolition et qui se vide peu à peu, la vieille demeure de style occidental, paradis perdu qui un jour reprend vie, réactive la possibilité du bonheur. Qui n’a jamais rêvé de pénétrer dans une belle maison abandonnée pour en percer le secret ?

Mon avis :

Pour commencer, j’ai un souci : je ne peux pas dire que j’ai aimé ce livre, je ne peux pas dire que je ne l’ai pas aimé non plus. Je me demande simplement ce que l’autrice a voulu écrire, où elle a voulu en venir.

Nous rencontrons des personnages, qui vivent dans des appartements, qui se vident peu à peu : l’immeuble semble voué à la destruction, lui qui a déjà cinquante ans. Tarô semble être le personnage principal, et pourtant, nous le verrons de façon très extérieur dans les dernières pages, pendant lesquelles nous aurons le point de vue de sa sœur aînée. nous découvrons à travers ses yeux l’univers de son frère, ce qui l’a passionné jusqu’ici et… ce n’est pas forcément emballant.

Nous avons l’histoire d’une maison, dont les photos constituent un livre nommé Jardin de printemps – ou l’art du livre dans un livre. Nous avons Nishi, une jeune femme tellement passionnée par ce livre, par cette maison, qu’elle souhaite l’explorer et qu’elle en aura la possibilité, en sympathisant avec ses actuels locataires.  Le père de Nishi voulait qu’elle soit une sportive de haut niveau, il a pris soin d’elle et n’a pas arrêté quand il s’est avéré que sa santé ne lui permettait pas d’être sportive de haut niveau – elle a cependant gardé le goût de l’effort et une grande précision. Mangaka, elle n’hésite pas à aller au bout des choses, quitte à payer largement de sa personne.

Et Tarô ? Il paraît presque fade – pour ne pas dire qu’il l’est réellement. Il est un ancien coiffeur – il a abandonné le métier quand il a divorcé, son beau-père était aussi son patron. Il n’observe pas ses voisins, non, il se contente de les voir, de les regarder quand il les croise, sans chercher à véritablement les connaître, encore moins à percer un quelconque secret, pas même celui de la maison voisine qui fascine pourtant Nisci. Il n’y aura pas de véritables rebondissements dans ce roman, sauf peut-être à l’avant-dernière page – et encore, nous n’en saurons pas plus, nous saurons simplement que le jardin a été largement nettoyé, et que tout a changé à l’intérieur de la maison.

Jardin de printemps semble avant tout un roman d’atmosphère, mais laquelle ? Le temps qui passe, le sens à donner à sa vie que certains ne trouvent pas vraiment, les liens familiaux ou amoureux qui sont distendus, la place que prend le travail dans la vie… Et cette maison qui semble cacher un mystère, dont le lecteur attend la révélation jusqu’à la fin laissera le lecteur, un peu, sur sa faim.

Seven days, tomes 1 et 2 de Rihito Takarai et Tachibana Venio

Présentation de l’éditeur :

Tu veux sortir avec moi, Seryô ?
Lundi matin devant le portail du lycée, Yuzuru Shino, élève de terminale, s’adresse à Tôji Seryô de deux ans son cadet. Ce dernier est réputé pour accepter de sortir avec la fille qui lui demande, en début de semaine, mais qui stoppe toujours la relation le week-end venu. C’est donc un peu par jeu et par provocation que Shino lui fait cette proposition, marquant le début d’une troublante semaine pour les deux garçons…

Mon avis :

J’ai découvert ce manga voici quelques années, au salon du livre de Paris (en 2012, sauf erreur de ma part). Je ne connaissais strictement rien aux mangas à l’époque, je ne suis pas forcément devenue une experte aujourd’hui, cependant je cherchais des mangas appartenant à des catégories différentes, et là, nous en sommes venus à parler des yaois, ces fameuses romances à destination des lectrices qui mettent en scène deux jeunes hommes. Je me souviens que le libraire m’avait dit que ce genre allait du « tout mignon » (il avait pris Seven days comme exemple) au plus trash (là, il parlait de Cut, que je vous recommande cependant).

Seven days, c’est un yaoi à mettre quasiment entre toutes les mains. C’est l’histoire de deux lycéens, Tôji Seryô d’un côté, Yuzuru Shino de l’autre. Ils sont tous les deux membres du club de tir à l’arc, l’un, Shino, étant beaucoup plus assidu que l’autre. Seryô a une particularité : il a vécu une grande histoire d’amour, dont il ne se remet pas vraiment. Depuis, il essaie de retomber amoureux, sincèrement. Aussi, chaque semaine, il sort avec une nouvelle jeune fille, se comporte avec elle pendant une semaine comme l’amoureux parfait, parfaitement respectueux des désirs de la jeune fille, ne cherchant jamais à profiter d’elle, ne faisant jamais un geste déplacé. Les jeunes filles savent à quoi s’attendre, elles ne sont pas les victimes d’un manipulateur, elles savent qu’elles passeront une belle semaine et que cela n’ira pas plus loin, mais alors, vraiment pas : il ne garde pas de contact. Shino, donc, tente sa chance : oui, c’est un garçon, mais après tout, pourquoi pas ? Seryô se comporte alors avec lui comme l’amoureux parfait, il reprend même l’entraînement de tir à l’arc avec lui, l’attend s’il termine après lui, passe des moments avec lui, et finalement, se questionne : que signifie réellement sortir avec quelqu’un ?

Cela signifie…. être avec lui, passer du temps avec lui, l’attendre aussi s’il finit plus tard que vous, et espérer qu’il vous attende aussi de son côté. C’est aussi, paradoxalement, souffrir quand il n’est pas là, quand il ne vous regarde pas, ne se rend pas compte de ce qui compte pour vous. C’est être avec quelqu’un qui fait battre votre coeur, pour des motifs rationnels, et pour d’autres qui le sont moins. Shino et Seryô (surtout lui) sortent ensemble avant même d’éprouver des sentiments amoureux, et expérimentent le fait de tomber amoureux, justement. Du coup, tout est dans le regard, dans l’attention, et il faut attendre un certain temps –  une semaine, justement – avant le premier baiser. Je me dis que, pour les adolescents qui liraient ces mangas, cela montre aussi que rien n’est figé, l’adolescence permet aussi de se chercher, et de se trouver. Le récit est bienveillant (même si le terme n’était pas en vogue en 2009), et si ceux qui entourent Shino et Seryô les voient davantage comme des amis que comme des petits amis, l’épilogue nous montre bien que leurs relations est désormais sans ambiguïtés pour leur entourage.

Une citation pour terminer : « La cible est le miroir du coeur de l’archer ».