Archive | mars 2016

Le pays des contes, tome 1 de Chris Colfer

Une lecture commune organisée par Ichmagbücher sur le forum

Mon avis :

La réécriture des contes a le vent en poupe en ce moment. Nombreux sont les auteurs qui veulent écrire la « vraie » version des contes de fées, ou nous raconter ce qui se passe après la célèbre formule « ils vécurent heureux et ils eurent beaucoup d’enfants ».

Ici, la démarche est un peu différente : dans les premiers chapitres, la charmante professeur des jumeaux Alex et Conner n’a  de cesse de rappeler qu’il existe une version originelle des contes, dénaturées par des réécritures ou des adaptations télévisées (j’ai quelques noms en tête moi aussi). Et oui, les héros de ce livre sont des jumeaux, un garçon, une fille, un garçon qui s’endort en classe, une fille qui participe très activement en cours – pour ne pas dire qu’elle est la seule élève à animer le cours de littérature. Différents et unis face à la tragédie qu’ils ont vécu – leur père est mort un an plus tôt, leur mère fait ce qu’elle peut pour que la famille surnage d’un point de vue financier et affectif, la grand-mère aide du mieux qu’elle peut les siens – et face aux aventures qu’ils vivent dans ce fameux « pays des contes ».

Point positif : le pays ainsi crée et ses différents royaumes ne manquent pas de cohérence. Même le prince charmant reçoit une explication plutôt amusante ! Les héroïnes des contes classiques sont toutes bien présentes : être femme ne signifie pas être faible. Et si leur avenir n’est pas aussi sombre que celui inventé par d’autres auteurs, elles n’en vivent pas moins des difficultés bien réelles, et, pour certaines, presque ordinaires. Les « méchants » ont leur place également, l’une surtout, comme si elle était la seule à être véritablement charismatique (ou bien les autres méchants feront leur réapparition dans les tomes suivants, qui sait ?). Rendre ces personnages-là plus humains, moins manichéens semble une tendance dans la littérature jeunesse. Chercher à comprendre ce que l’on ne s’explique pas, trouver des circonstances atténuantes, c’est un peu le travers que reprochait au début du livre – et l’intrigue d’avoir justement ce même travers.

Et je touche là au point négatif : je n’ai pas été véritablement surprise par la lecture de ce roman. Elle fut agréable, sans plus, entre deux lectures bien plus ardues. Un roman sympathique mais pas inoubliable à mes yeux.

Landfall d’Ellen Urbani


Présentation de l’éditeur :

Un matin de septembre 2005, Rose, à peine âgée de dix-huit ans, s’apprête à rejoindre La Nouvelle-Orléans avec sa mère. Les deux femmes vont porter secours aux sinistrés de l’ouragan Katrina. Mais sur la route, leur voiture quitte la chaussée et percute une jeune fille. Cette inconnue, morte dans l’accident, seule et sans le moindre papier d’identité,, ne tarde pas à obséder la rescapée. D’autant que dans sa poche on retrouve une page d’annuaire avec les coordonnées de la famille de Rose. Celle-ci n’a alors d’autre choix que de retracer pas à pas le parcours de la victime, à travers une ville en ruine après le passage de l’ouragan.

Mon avis :

Tout d’abord, je tiens à remercier les éditions Gallmeister et Lea Touchbook, l’organisatrice du challenge Gallmeister, qui m’ont permis de recevoir les épreuves non corrigées de ce livre. Quelle claque !

J’ai eu beaucoup de mal à rédiger cet avis. Cela aurait peut-être été plus facile si le roman n’avait pas été aussi réussi. Dire que ce livre est un premier roman me paraît presque superflu, tant celui-ci est maîtrisé, tant les mots utilisés sont forts, justes, tant la construction du roman ne laisse place à aucune mièvrerie, aucun épanchement. Aussi, je vais essayer de revenir sur ce qui m’a marqué, intéressé, plutôt que de rédiger une critique plus traditionnelle (et beaucoup d’autres excellentes critiques ont été écrites avant la mienne).

Bien sûr, il y a Katrina, Katrina et ses conséquences, telles qu’on ne les a pas soupçonnés de France, telles que je ne l’avais pas encore lu dans d’autres romans. Une autre vision de l’Amérique, où rien ne semble avoir véritablement changé en un siècle, en dépit de discours bienveillant. La stupeur que les faits qui sont racontés soient encore possibles de nos jours. « Laissons-les se noyer » ou encore « Pas le genre de personnes que l’on veut chez nous » : ces deux phrases, approuvées par les « bons » citoyens, trouvent des résonances très actuelles chez moi. La couleur de peau des héros est un détail sans importance, m’avait soutenu une blogueuse un jour. J’aimerai que cela soit vrai. Ce serait formidable si c’était vrai. A la lecture de Landfall, peut-on vraiment le croire ?

Cependant, le thème qui a le plus retenu mon attention est celui des relations mère/fille, et celui de la transmission – ou de l’absence de transmission. Comment transmettre ce qu’on n’a pas reçu ? Comment combler un manque en en créant d’autres ? Même si les systèmes éducatifs de Gertrude et de Cilla sont très différents, pour ne pas dire complètement opposés, les deux mères ont en commun leur amour pour leur fille. Bien sûr, la situation semble plus difficile pour Rosy, qui a dû devenir très tôt la mère de sa mère. Rosy, jeune femme morte dont nous entendons la voix, dont le chemin nous est retracé. Rosy n’est pas la seule morte dont nous entendons la voix. Gertrude aussi, apparaît, certes, assez peu en proportion du parcours de Rosy, mais suffisamment pour nous éclairer sur son propre cheminement, ce qui l’a conduit à éduquer sa fille comme elle l’a fait.

Rosy et Rose, prénoms jumeaux, pour destins croisées, l’une faisant à l’envers le chemin de l’autre, mettant ses pas dans les siens, avec les mêmes chaussures, Dorothy moderne avec son propre ouragan, qui rencontrera elle aussi des personnes (rares) prêtes à l’aider.

Enfin, je terminerai par la fin, l’ultime page du roman – que je ne dévoilerai pas. Il est difficile de trouver la première phrase d’un roman. Il est tout aussi difficile de trouver la dernière phrase d’un récit, celle avec laquelle nous disons au revoir aux personnages qui nous ont émus. Et cette dernière phrase ne fait pas exception à la tonalité du roman, juste et sensible.

Landfall – à lire, à faire découvrir autour de soi.

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Pour les gourmandises de Syl… une omelette

J’aime beaucoup le lapin blanc d’Alice au pays des merveilles, parce que, comme lui, je suis souvent en retard. Voici donc une recette d’une simplicité extrême pour l’ingrédient qui a été choisi cette semaine : l’oeuf. Il s’agit d’une omelette aux deux fromages.

Ingrédients (par personne) :

2 oeufs (ou six, si vous êtes comme une personne que je connais bien).
Un peu de gruyère râpé.
Une part de camembert (la recette est familiale et normande).
Une cuillerée à soupe de lait.

Comment faire ?

Cassez les oeufs et battez-les soigneusement.
Ajoutez le lait, un peu de gruyère râpé et une portion de camembert préalablement coupée en morceaux.
Versez le tout dans une poêle et faites cuire l’omelette selon votre goût.
Servez !

IMG_20160328_165524Ps : pour faire une omelette encore plus normande (et pas vraiment légère) vous pouvez aussi ajouter du Neufchâtel.Vous pouvez aussi faire revenir des oignons hachés et les ajouter avant la cuisson de l’omelette.

Les recettes des autres participantes :

Syl: Îles flottantes et ses esquifs meringués.
Marion – La tomate-Mozzarella revisitée en œuf cocotte
Sandrion – Oeuf poché dans son petit pain
Louise – Oeufs lapins et œufs farcis au crabe et à la crème d’herbes
Asphodèle – Oeufs en photos !
Nahe – Frittata aux artichauts, aux oignons rouges et aux champignons
Hilde – Scotch egg pour Pâques
L’Or – Extrait du livre « Mille jours en Toscane » de Marlena de Blasi
Nathalie – Oeufs pochés à l’arménienne

La revanche du petit juge de Mimmo Gangemi

Présentation de l’éditeur (presque pas retouchée) :

La Calabre, de nos jours. Giorgio Maremmi, substitut du procureur, est assassiné peu après qu’un prévenu l’a menacé de mort en plein prétoire. Son ami et collègue Alberto Lenzi, dit « le petit juge », est bien décidé à retrouver son assassin, sans se fier aux apparences. Il reçoit l’aide inattendue de Don Mico Rota, emprisonné à vie, mais bien décidé à finir ses jours chez lui. Don Mico n’apprécie pas qu’on ait tué un juge qui ne faisait que son métier. Il n’apprécie pas non plus qu’on ait contesté son autorité et marché sur les plates-bandes de la la ‘Ndrangheta.

Mon avis :

Le quatrième de couverture compare ce roman aux ouvrages d’Andrea Camilleri. Je suis bien d’accord, non seulement pour le style, mais aussi pour l’humanisme des personnages.
Prenez Alberto Lenzi, le petit juge qui donne son nom au roman. Il est « petit » au tout début du roman. Il mène une vie des plus agréables avec sa dernière conquête en date. Pas question de s’attacher, ou de vivre ensemble, oh non ! Simplement, ils se rencontrent, régulièrement, pour le plaisir, et rien d’autres. Il est divorcé, ne voit pas son fils très souvent, et n’en souffre pas. Il voit ses amis, joue aux cartes avec eux. Les affaires ? Pas la peine de trop se fatiguer. Il est juge mais…ne fait pas de zèle ni de vague. Il n’est pas mauvais, ni corrompu, non, il ne s’investit pas dans son métier.
Seulement, un jour, un événement bouleverse tout : l’assassinat de son meilleur ami. Son tort ? Faire son métier de juge, et c’est tout. Alberto n’est même pas chargé de l’affaire, pas véritablement. Il va cependant tout mettre en œuvre pour trouver qui a tué son ami, et qui en a donné l’ordre. Une affaire pour révéler qui il est vraiment, pas aux autres, non, à lui-même, et à son fils aussi. Cette enquête, qui ressort tout ce qui peut y avoir de pourri dans le monde contemporain, est aussi pour Alberto l’occasion de faire un examen de conscience. Il n’est ni l’homme idéal, ni un père acceptable, ni même un juge potable. Il n’est guère qu’en amitié qu’il n’a pas failli, et ce n’est pas maintenant qu’il va commencer.
Il faut dire aussi que Giorgio Maremmi n’est que le premier sur une liste de victimes qui s’allonge peu à peu. Nous pourrions même nous croire dans des temps pas si anciens, où les repentances succédaient aux règlements de compte. Les codes du milieu sont respectés, ils le sont tellement que même les vieux de la vieille sentent que cela fait beaucoup, cela fait trop. On pourrait tromper des membres de base de l’organisation, des petits juges. On peut difficilement tromper un vieux renard rusé, et un juge bien décidé à ce que la lumière soit faite, que la justice soit rendue.
Le rythme de ce roman est particulièrement prenant, donnant la parole à beaucoup de personnages sans que jamais l’on ne se perde dans l’intrigue. Tel un choeur antique et goguenard, les sociétaires du cercle culturel Vincenzo Spato et leurs interventions ponctuent l’action quasiment jusqu’à sa conclusion. Et si le « petit juge » a une vie privée, elle ne parasite jamais le récit.Le juge est un homme comme les autres. Et c’est ce qui le fait devenir un juge bien plus pugnace que les autres – jusqu’au final.
Mimmo Gangemi : un nouveau nom à retenir dans la littérature policière italienne.

Joyeux anniversaire Annunziata !

Annunziata a aujourd’hui six ans, et elle a fêté son anniversaire en famille.

De gauche à droite et de haut en bas, Annunziata, Paprika (son frère de lait, roux et blanc), Chablis (son mari, blanc), Framboise (rousse), Violette Désirée (tricolore), coincée entre Framboise et sa soeur jumelle Tamara, qui nous regarde bien en face, Venise, Alias Sérafina et Vitamine (noire et blanche).

Bonne soirée à tous !

Journal d’un louveteau garou – XXIV

Cher journal

c’est un comble ! Nous n’avons presque rien fait, presque rien, et nous sommes condamnés à une punition injuste et douloureuse. Je peux à peine taper sur les touches. Notre principal manque d’humour !

Il faut dire que nous nous ennuyions un peu – juste un peu. Les examens blancs venaient de se passer, aucune excursion n’était prévue, bref, l’en-nui. Du coup, Paul a eu une idée – pour une fois que ce n’est pas une idée de mon petit frère qui nous met dans la moise, cela se fête. En effet, notre principal est un peu fébrile depuis qu’il sait qu’il va être papa – et nous, de nous demander qui est l’heureuse louve élue.  Nous guettons depuis la cigogne.
– Moi, j’aime pas les cigognes, précisa Mathieu.
– Moi non plus, répondit Paul.
– A bas les cigognes ! m’écriai-je !
Et c’est ainsi que nous avons éventré, pendu par les pieds et étranglé une cigogne en peluche avec l’écriteau « A bas les cigognes ». Je ne sais pas pourquoi, mais nous avons immédiatement été identifié. Et si nous n’avons pu rencontrer la louve de coeur de notre principal, nous avons rencontré sa soeur.
– J’ai mal à l’épaule, dit Mathieu.
Je commence à en avoir assez des personnes qui interrompent mon journal ! Bref, nous l’avons rencontrée et… elle est particulièrement bélliqueuse. Elle a voulu se jeter sur nous et nous briser les os.
– Hepzibah, laisse, dit le principal. J’ai une bien meilleure idée.
J’aurai préféré qu’elle nous brisa un os ou deux – nous, les loups-garous, nous cicatrisons vite. Non, notre châtiment est pire : depuis, moi, Mathieu et Paul brodons les sachets qui contiendront les dragés pour le baptême des triplés. Un motif simple mais… pas si facile que cela. Surtout quand on n’a jamais rien brodé de sa vie ! J’en ai encore les coussinets qui me brûlent. Je garde courage : plus que deux cent soixante sachets à broder.
Je te laisse : j’y retourne.
Anatole Sganou, 4e Bleu.

 

La filière d’Arradon de Chaix d’Est-Ange.

Présentation de l’éditeur :

Le lieutenant Alban, de la Brigade criminelle de Vannes, n’est pas gâté. Son supérieur, le divisionnaire Cazaubon, vient de partir pour le Japon, lui laissant sur les bras différentes vilaines affaires.
C’est le moment choisi par Marie Lafiite pour demander de l’aide ; un clochard lui a remis un sac plein de drigue au port de Saint-Goustan, alors qu’elle promenait le chien de ses amis Vogelweith, des médecins luxembourgeois installés à Auray.
Petit à petit, toute la brigade s’investit dans l’enquête, qui conduit à Vannes, Auray et Arradon, où l’on assomme à tour de bras dans de grandes propriétés isolées, et jusqu’à Luxembourg où habite le sulfureux docteur Hatzfeld.

Mon avis :

Certains y verront peut-être un point négatif, mais j’ai vraiment trouvé ce roman plaisant à lire, grâce à des personnages haut en couleurs. Prenez le lieutenant Alban, qui supplée son supérieur, parti faire un stage pile poil au bon moment, c’est à dire au moment où les enquêtes qu’ils ont sur les bras se complexifient. Il aurait vraiment aimé un peu plus de calme pour mener à bien sa vie privée légèrement mouvementée, ou, du moins, plus de sérénité pour résoudre toutes les affaires qu’il a sur les bras. En effet, contrairement à certains romans – et aux séries télévisées auxquelles il est fait référence – Alban a plusieurs enquêtes en cours et ne peut se permettre de s’égarer dans des digressions inutiles.

Avec Marie Lafitte, il va être servi ! L’histoire qu’elle leur livre est tellement biscornue que c’est un coup à douter de sa santé mentale – ce dont le policier ne se prive pas, d’ailleurs. Si encore elle se contentait de narrer ses aventures, même pas ! Il faut qu’elle poursuivre ses investigations, qu’elle suive ses intuitions de son côté – et elle a même trouvé un policier (non, pas Alban) tout prêt à la suivre dans ses aventures. Un coup à devenir dingue pour de bon – mais au moins, ce n’est pas le lieutenant qui se les prend, les coups. Marie compense sa petite taille et sa minceur par sa capacité à occuper le terrain, et pas qu’un peu.

Dans cette petite ville paisible de Bretagne, il se passe des choses fort peu légales – et sans doute parce que nous sommes dans un petit coin bien tranquille, elles peuvent se faire presque en toute discrétion. La drogue, la violence, la capacité à abuser de personnes vulnérables n’est pas l’apanage des grandes villes.

La filière d’Arradon est un roman qui vaut surtout pour la galerie de personnages savoureux que l’on rencontre, pour leurs aventures assez rocambolesques plus que pour l’intrigue policière en elle-même. Mais après tout, pourquoi pas ? Qui a dit que les polars devaient être dénués d’humour ?

La fille dragon, tome 4 :les jumeaux de Kuma de Licia Troisi

Présentation de l’éditeur :

Accompagnée par l’étrange professeur Schlafen et ses compagnons, Sofia part pour Édimbourg. L’un des fruits Eltaninn va naître dans la capitale écossaise et Sofia doit le trouver avant ses ennemis… mais ce n’est pas l’unique mission qui attend Sophia en Écosse. Elle devra sauver des jumeaux qui possèdent l’esprit de Kuma, un vaillant guerrier dragon ! Dans la bataille pour le fruit, Sophia comprend que le monstrueux Nidhoggr a brisé le sceau qui le retennait prisonnier pour aussitôt prendre possession d’un corps humain. Si la fille dragon ne parvient pas à l’arrêter, le monde est condamné…

Mon avis :

Dans ce quatrième et avant-dernier tome de la sage, tous les dragonniers sont réunis. Tous ? Oui, tous, même si certains n’ont pas été faciles à réunir, et si d’autres ont une fâcheuse tendance à prendre la poudre d’escampette.

L’action se passe en Ecosse – région où je ne m’attendais pas vraiment à voir les dragonniers, mais pourquoi pas ? Ils sont bien partis en Allemagne pour le tome 3 ! Ils font surtout une découverte stupéfiante : on peut abriter l’esprit d’un dragon, avoir des pouvoirs effrayants, et une maman qui veille sur vous malgré tout. Et oui, les deux derniers dragonniers ont une famille biologique aimante, pas seulement la famille qui s’est constituée au fil des tomes de cette saga.

Les personnages restent fidèles à eux-mêmes, bien que Sofia assume de mieux en mieux son rôle de leader et sache prendre tous les risques nécessaires. Heureusement qu’elle a le professeur et de bons infirmiers. Il est aussi question de pardon, le pardon que l’on accorde aux autres, mais aussi le pardon que l’on s’accorde à soi-même, quand on a pris des décisions dont les conséquences sont bien plus lourdes que celles qui étaient prévisibles. Je ne parle même pas du fait d’être obligé de blesser ou de tuer son ennemi : la saga de la fille dragon implique des combats, des blessures, des morts, et qu’ils soient du présent ou du passé, leur poids pèse sur les dragonniers.

Je veux cependant revenir sur un point qui m’a dérangé. Oui, ces personnages sont hors-normes, et s’ils n’en tirent pas de fierté (non, ce n’est pas cela qui me gêne), c’est qu’ils éprouvent de la honte d’être différents. Sommes-nous bien en 2014 (année de publication du roman ) ? Ne pas être dans la norme, est-ce si monstrueux ? Je préfère les ouvrages qui montrent qu’il est possible d’accepter d’être différent.

Noyade en eau douce de Ross MacDonald

Mon avis :

Pour ma troisième lecture d’un roman de Ross MacDonald mettant en scène Lew Archer, je dois dire que je crois avoir trouvé (il était temps, me direz-vous) ce qui constitue le centre de ses intrigue : la famille, la sacro-sainte famille américaine. Dysfonctionnelle et maltraitante dans Trouver une victime, décomposée dans Cible mouvante, elle est ici l’endroit où se focalisent toutes les haines, le non-refuge pour les enfants.

Il ne faut que quelques pages pour que tout s’effrite. Maud Slocum, encore jeune, encore belle, demande à Lew Archer d’enquêter sur la personne qui a envoyé une lettre anonyme à son mari. Et oui, elle lit son courrier, et vice-versa. La confiance règne – ou pas. Lew ne comprend pas très bien pourquoi une simple lettre anonyme peut la bouleverser à ce point, ou plutôt, il ne le comprend que trop bien. Aussi, accepte-t-il d’enquêter pour Maude, de manière discrète, et de rencontrer les membres de sa famille. Et quelle famille ! Son mari est un dillettante qui se veut brillant, et n’assume pas ses penchants homosexuels – étant donné l’époque, il est déjà courageux de trouver un auteur qui ose en parler. Sa mère, Olivia Slocum, n’a pas vu son fils grandir – il n’a pas mûri non plus – et a tout fait pour le maintenir dans sa dépendance. Et Cathy, la petite-fille, n’a grandi qu’en entendant les disputes de ses parents, haïssant sa mère, idolâtrant son père, rêvant de fuir avec le chauffeur, qui la fait rêver avec son passé de héros dans l’armée. Une famille qui donne envie de fuir en courant – et je ne dis pas que Lew baisse les bras, non, je dis simplement que la mort d’Olivia, noyée dans la piscine, n’est pas vraiment ce qui facilite son enquête.

Suicide ? Certainement pas. Accident ? Peut-être. Meurtre ? Sûrement. Le chef de la police est bien décidé à attraper, emprisonner, juger le coupable – il en est un qui a le profil idéal, et non, ce n’est pas Lew Archer. Tout pourrait donc se résoudre le mieux du monde, si d’autres intérêts n’entraient en jeu. Qui a l’argent a le pouvoir, et la mort d’Olivia Slocum a redistribué les cartes. Ce qui avait commencé comme une histoire très banale se métamorphose en un parcours sanglant, violent, qui ne laisse personne indemne, pas même Lew Archer. Il faut bien du courage pour quitter sa cage pas vraiment dorée. Il faut bien du courage – au bon moment. Il faut bien de l’amour aussi – pour l’autre, et ce qu’il est réellement. Le soleil de Californie ne suffit pas pour être heureux.

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Cassandra de Todd Robinson

Mon résumé :

Boo et Junior sont videurs dans une boite de nuit de Boston. Ils sont amis depuis l’enfance, depuis l’orphelinat pour être précis. Ils sont très bons dans leur métiers, tellement bon qu’un jour, ils sont contactés par le procureur de la ville. Leur mission ? Retrouver sa fille unique, fugueuse de 14 ans. C’est à la fois plus facile et bien plus difficile que cela n’en a l’air.

Préambule :

Aujourd’hui, nous sommes le 17 mars. J’ai choisi décrire cette article quelques jours plus tôt, parce que présenter cet article le 17 mars (jour où je savais très bien que je serai trop prise par le travail pour écrire) était important pour moi, comme ce jour est important depuis 17 ans. Pas de musique cette année, mais un livre qui est un vrai coup de coeur.

Mon avis :

J’ai adoré ce roman. Il y a aura des personnes pour ne pas l’aimer. Je sais pourquoi : le langage particulièrement expressif des deux personnages principaux. Les amateurs de  littérature « belle », et aseptisée seront choqués et passeront leur chemin. Je pourrais prétendre qu’utiliser ce langage était nécessaire – un peu comme font les actrices qui s’excusent d’avoir tourné des scènes olé-olé. Ce serait très hypocrite. Non, utiliser un langage aussi percutant n’était pas nécessaire, c’était indispensable pour toucher la vérité de ces deux personnages, Boo et Junior, pour les nommer comme ils ont choisi de s’appeler.
Et là, bim ! Je pourrais utiliser le terme « bromance », terme un brin crétin pour désigner une amitié amoureuse entre deux hommes. Ce serait non seulement impropre pour désigner le lien qui unit ses deux survivants qui n’en ont pas fini de survivre à ce qui leur arrive, ce serait risible, et même dangereux pour peu que vous vous approchiez trop prêt de Junior. Comment cela, il n’existe que dans les pages du livre ? Todd Robinson a réussi à le rendre bien vivant, lui et Boo, le narrateur – comme Boo Radley. On peut utiliser un langage très imagé et avoir des lettres.
Leur mission était de retrouver discrètement Cassandra, fille unique du procureur de la ville, 14 ans, qui a fugué. Elle avait pourtant (presque) tout pour être heureuse, cette petite, sauf l’gattention de son père. Ce que vont découvrir les deux hommes est vraiment très éloigné de ce à quoi ils s’attendaient. Et comme Boo n’aime pas laisser une affaire non terminée, il ira jusqu’au bout – sans que le lecteur puisse avoir la moindre idée quand débute leur enquête de ce que ce « bout » puisse signifier.
Ce qui en prend un coup, comme souvent dans la littérature américaine contemporaine, c’est l’image de la famille modèle américaine. Le procureur ne cherche pas (seulement) sa fille parce qu’il a peur pour elle – sinon, il y a belle lurette qu’il aurait utilisé d’autres moyens pour la retrouver, non – il la cherche parce qu’il est en pleine campagne électorale et ce n’est vraiment pas le moment que son adolescente de fille fasse quelque chose qui pourrait lui nuire. Je ne parle même pas d’autres familles qui, en principe, se veulent particulièrement strictes sur certains sujets, tout en l’étant nettement moins sur d’autres, – je veux parler des familles d’origine irlandaise.dont les dieux lares sont les Kennedy. Ce qui ne change guère, par contre, c’est que les problèmes se règlent dans le cercle de famille – élargi. Il est certains membres que Boo se serait bien passé de rencontrer, et Junior encore plus.
Cassandra est une oeuvre forte, un premier roman noir particulièrement réussi. Bravo, monsieur Robinson.