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L’homme des deux tribus d’Arthur Upfield

Présentation de l’éditeur :

Au sud de l’Australie s’étend une immense plaine désertique, inhospitalière baptisée Nullarbor (« pas d’arbre »). C’est dans ce décor hostile que Napoléon Bonaparte, inspecteur de la Police de Brisbane, part à la recherche de Myra Thomas, une jeune femme portée disparue depuis plusieurs semaines. Selon une légende aborigène, Ganda, un esprit malin, enlève les jeunes femmes pour les dévorer. Et nombreux sont ceux qui pensent que le vieux Ganda vient de commettre un nouveau forfait. Homme de terrain et d’endurance, Napoléon Bonaparte, va emprunter toutes les pistes pour percer ce nouveau mystère.

Mon avis : 

Cherchez l’erreur :ce tome est la vingt-et-unième enquête de l’inspecteur Napoléon Bonaparte dit Bony, et c’est le premier qui a été traduit en français aux éditions 10/18. Il est alors peu étonnant que Bony soit précédé par sa réputation dans cette enquête ! J’ajoute que le vrai premier tome The Lure of the Bush n’a jamais été traduit en français.

Au sud de l’Australie, Myra Thomas a disparu. Elle venait d’être acquittée du meurtre de son conjoint. Elle a pris un train et n’est jamais arrivée à destination. Disparition volontaire ? Enlèvement ? Serait-elle liée à une affaire d’espionnage ? Tous les enquêteurs ont pour l’instant échoué à retrouver sa piste. Pour enquêter, Bony se fera passer (la police locale est au courant) pour le neveu d’un prospecteur récemment décédé : il est métisse, cela jouera pour sa couverture. Ce sera l’occasion pour lui, et pour nous, de parcourir le bush, de découvrir ses étendues solitaires, sa dangerosité aussi.

L’enquête bascule dans une direction à laquelle l’on ne pouvait pas s’attendre, et la deuxième partie du récit posera des questions qui sont toujours d’actualité. Comment réinsérer les criminels dans la société, après qu’ils ont purgé leur peine ? Comment concilier la justice et la politique ? Et, avant toute chose, comment juger équitablement ? A la lecture de certains crimes, je me dis, au grand dam de la famille de la victime, que des circonstances atténuantes auraient pu être retenues – et c’est sans doute ce qui explique la clémence de la peine.

Finalement, ce sont deux nouvelles enquêtes qui s’offrent à Bony, dans un huis-clos étonnant, enquêtes qui sont passés sous les radars de la police. Inquiétant ? Un peu. C’est cependant la preuve que l’on pouvait, à l’époque, disparaître, sans que beaucoup s’en soucient. Bony, et tout ceux qui l’entourent, devront faire peur de courage – physique – et de fermeté morale. Pas toujours évident.

L’homme des deux tribus – un roman policier qui sort de l’ordinaire.

Celle qui parle aux corbeaux de Melissa Lucashenko

Présentation de l’éditeur : 

Toute sa vie, Kerry Salter a cherché à éviter deux choses : sa ville natale et la prison. Mais son grand-père se meurt et la police du Queensland la soupçonne de complicité dans un cambriolage. La jeune aborigène remonte donc sur sa Harley, direction Durrongo, sa rue principale, son pub, son ennui, ses sauvages normaux blancs… et sa famille fantasque. Car, entre sa mère qui tire les cartes dans les foires, son frère, sorte de koala géant alcoolique, et son neveu mal dans sa peau qui se rêve en baleine, Kerry aura fort à faire. D’autant que le maire entreprend de construire une prison sur la terre sacrée des Salter : la magnifique île d’Ava où leur ancêtre, pourchassée par les Blancs, s’est réfugiée pour y accoucher. La guerre entre l’édile corrompu et la famille Salter sera féroce.

Mon avis : 

J’ai aimé lire ce livre, je le conseille fortement, mais c’est sans doute parce que j’ai aimé le lire que je n’ai pas envie de le décortiquer.

Il se dégage une force et une puissance intenses de ce récit.

Brutal ? Rude ? Oui ! Parce que ce qui a été vécu par les générations d’aborigènes est rude et brutal, que ce soit les grands-parents (Pop), les parents (Pretty Mary) ou les enfants. Comme si cela ne suffisait pas, de jeunes enfants sont encore victimes de violence, comme Brandon, adopté par Black Superman (un des fils), toujours susceptible d’être enlevé à ses parents adoptifs si son comportement ne devient pas rapidement celui qu’on attend d’un enfant.

L’une des forces de ce récit est que le personnage principal est tout sauf sympathique de prime amour. Kerry n’a pas vu sa famille depuis un an, elle est plus ou moins en fuite, sa compagne est en prison et vient de rompre avec elle. Kerry semble tenir à deux choses : le fait d’être aborigène et de ne pas sortir avec quelqu’un qui ne l’est pas, et être lesbienne. Une forme de protection ? Peut-être. Ken, son frère aîné, lutte contre de multiples démons. Black Superman est celui qui a réussi – même s’il a morflé aussi parce qu’il est gay. Reste Donna, la sœur disparue depuis vingt ans, et depuis vingt ans, Pretty Mary, leur mère, se demande dans quel coin de terre repose sa fille – ou bien si elle respire encore.

Kerry, disons bien les choses, ne voit pas tout, ne comprend pas tout, et pour elle, quand la parole se libérera enfin, ce sera comme si tout ce qu’elle avait vu, et pas forcément bien interprété, trouvait enfin son véritable sens. Rude, encore une fois.

A vous de voir si vous souhaitez découvrir ce roman.

Pour qu’il neige de Jessica Au

Présentation de l’éditeur  :

Une jeune femme raconte son voyage à Tokyo avec sa mère. Au rythme du séjour et des balades sous la pluie automnale, des dîners en tête-à-tête et des musées, le lecteur explore par petites touches ce qui lie ces deux femmes immergées dans un pays à la fois étranger et familier pour elles – en raison des origines hongkongaise de la famille. Alors que la narratrice cherche, à travers ce voyage, à recréer une intimité perdue au début de l’âge adulte, chaque discussion semble pourtant être une occasion manquée de se retrouver…
Mais cette déambulation japonaise est également une plongée dans les pensées de la narratrice, où l’on croise sa sœur devenue mère, son fiancé, une professeure qui a changé son rapport à la littérature ou encore un oncle vendeur d’oiseaux. La mémoire se perd pourtant, et les souvenirs brumeux sont autant des repentirs que la narratrice recouvre délicatement de couleurs et de vernis. Sans doute le prix à payer pour ne pas tout perdre et préserver quelque chose du passé.

Mon avis :

Merci aux éditions Grasset et à Netgalley pour ce partenariat.

J’ai été attirée par ce livre, j’ai vraiment eu envie de le lire, et je n’ai pas apprécié cette lecture. Ce n’est pas que ce n’était pas le moment, ce n’est pas que ce livre n’était pas pour moi, c’est que je me suis demandée quel avait été la visée de l’autrice en écrivant ce roman, qui est peut-être en partie autobiographique.

L’action se passe au Japon, et pourtant, je ne me suis pas vraiment sentie au Japon. Certaines actions, notamment la randonnée que la narratrice effectue à la fin du livre, auraient pu se passer n’importe où, tant les descriptions m’ont semblé impersonnelles. Ce n’est pas que ce récit manque de description, non, c’est plutôt que certaines ne m’ont pas intéressée du tout, comme les très nombreuses précisions sur la manière dont la narratrice avait choisi de s’habiller tout au long de ce voyage. Je ne suis même pas sûre que je puisse parler du soin apporté à sa tenue dans ce cas de figure, j’ai plutôt eu l’impression de lire les habituelles pauses descriptives que les romanciers contemporains trouvent utiles de mettre dans leur récit, masquant ainsi qu’ils n’ont pas tant de choses que cela à nous raconter.

Alors oui, nous explorerons beaucoup, comme nous le précise le quatrième de couverture « les pensées de la narratrice ». Forcément, puisque le récit nous est contée par une narratrice à la première personne, en focalisation interne. L’héroïne pense beaucoup, à beaucoup de choses, notamment à ce qu’elle ressent à chaque fois qu’elle voit une oeuvre d’art, qu’elle lit un ouvrage appartenant à la littérature patrimoniale. Se questionnant ainsi constamment, elle s’attend à ce que sa mère en face autant, réagisse à chacune des oeuvres qu’elles voient ensemble, et il n’en est rien. J’ai souvent eu l’impression, même si ce n’est pas dit clairement, que les rapports étaient en quelque sorte inversés, même si ce n’est pas dit clairement, et que la narratrice devenait en quelque sorte la mère de sa mère dans ce récit, ayant envers elle les mêmes exigences, les mêmes comportements que certains adultes envers des enfants.

Alors oui, aussi, nous aurons des digressions, sur les études de la narratrice, sur des aventures vécues avec Laurie, son compagnon, le seul personnage de ce récit qui est nommé. Encore un trait partagé par plusieurs auteurs contemporains, celui de ne pas nommer les personnages autrement que par leur fonction ou par les liens qui les unissent. Pour favoriser l’identification ? Pour en faire des fonctions, non des êtres ? Pour les définir uniquement à travers le prisme du regard de la narratrice ? J’ajoute aussi que le fait d’avoir choisi de ne pas découper la narration en chapitre peut aussi troubler un peu le lecteur, d’autant plus que les récits enchâssés sont tout de même assez nombreux. Je pense notamment au récit romanesque de la vie de l’oncle de la narratrice, récit qui est peut-être lui-même une invention au coeur de l’invention.

J’ai aussi retrouvé un thème qui m’intéresse, celui du désir ou du non-désir d’enfant. Autant les raisons pour lesquelles la mère de la narratrice encourage celle-ci à avoir des enfants est assez classique, autant les raisons pour lesquelles celle-ci pense finalement à ne pas en avoir m’ont semblé assez inédites.

L’appel du cacatoès noir de John Danalis

Présentation de l’éditeur :

John Danalis a grandi avec un crâne aborigène dans son salon. C’est seulement à 40 ans qu’il comprend l’horreur de la situation. Emporté par l’élan de sa prise de conscience, John décide de tout mettre en oeuvre pour restituer Mary – puisque c’est ainsi que le crâne a été affectueusement renommé – à son peuple. Pour cela, il va devoir déconstruire ses préjugés d’homme blanc sur la culture aborigène et se plonger dans l’histoire ancienne de l’Australie. Commence alors une quête qui va entrainer des rencontres extraordinaires et une profonde révolution dans la manière dont John et sa famille envisagent la vie et leur rapport aux autres.

Merci à Babelio et aux éditions Marchialy pour ce partenariat.

Mon avis :
« De quelle justification as-tu besoin ? Il n’est pas à vous. Ce que ta famille a fait est mal » […] « Tu pourrais parler de la dignité des morts – regarde la quantité d’efforts que vous autres blancs déployez pour retrouver et rapatrier les soldats tombés sur les différents champs de bataille. C’est pareil« .
J’ai voulu commencer ma chronique en présentant cet état d’esprit : on fait tout ce qui est possible pour rapatrier dans son pays d’origine les restes des soldats morts au combat loin de chez eux. On laisse les restes des aborigènes dans des caisses, dans des musées. Au mieux. Je vous laisse imaginer le pire.
Le pire, il est peut-être ici, finalement. John Danalis a grandi avec un crâne aborigène sur l’une des étagères du salon familial sans que cela ne dérange un seul des membres de sa famille. Pourquoi cela les auraient-ils questionné ? C’était un souvenir, un parmi d’autres, ramené par le père, vétérinaire, lors d’une de ses tournées dans le bush. Il a fallu attendre ce que je qualifierai de « crise de la quarantaine », de « remise en question » pour qu’un jour, John formule à haute voix, pendant un cours (il a repris ses études pour devenir enseignant) ce fait et, tout en parlant, tout en se confrontant au regard des autres, prenne enfin conscience de l’énormité de ce fait. Le récit autobiographique qui commence alors nous montrera comment il va restituer le crâne à son peuple.
Ce n’est bien sûr pas si simple. John Danalis découvre alors ce que lui et des milliers (des millions ?) d’australiens ignorent : l’existence de nombreuses tribus aborigènes, leur organisation, leurs différents territoires, ou plutôt, territoires qu’ils devraient avoir si les terres leur appartenaient. C’est tout un ensemble de préjugés que John doit combattre en lui-même, et les clichés ont la vie dure. John doit se battre contre l’administration, aussi : à quoi bon rendre un crâne à son peuple ? « Pourquoi s’en soucier ? » comme le demande un journaliste. Il doit également, avant toute chose, demander à son père son accord pour rendre ce crâne – et ce n’était pas forcément pour ce quadragénaire la partie la plus facile.
L’écriture de ce livre apparaît alors comme un moyen de partager, de faire voyager Mary (nom que les Danalis avaient donné au crâne, et tant pis s’il s’est avéré que c’était celui d’un homme) grâce aux mots.
 

Les soeurs Van Apfel ont disparu par Felicity McLean

Présentation de l’éditeur :

Été 1992, dans une lointaine banlieue de Sydney, en lisière du bush. Un été caniculaire durant lequel une puanteur infecte se dégage du lit de la rivière. Un été que Tikka, onze ans et deux mois, n’a jamais oublié : celui où les soeurs Van Apfel ont disparu.

Les trois filles du pasteur — Hannah, l’aînée, Cordelia, la fantasque, somnambule à ses heures, et la petite Ruth avec son bec-de-lièvre — profitent de l’entracte du spectacle de l’école pour se faire la belle et s’évanouir dans la nature. Le corps de la plus jeune sera retrouvé coincé entre deux rochers…

Vingt ans plus tard, Tikka retourne chez ses parents pour prendre soin de sa grande soeur, malade. Un séjour qui sera l’occasion d’affronter avec elle les fantômes qui les hantent. Leurs amies se sont-elles enfuies pour échapper au joug de leur père ou ont-elles été victimes d’un prédateur ? Y a-t-il la moindre chance pour qu’Hannah et Cordelia soient aujourd’hui toujours en vie ?

Entre désir de liberté et rêves étouffés, un texte qui capture avec justesse, humour et intensité l’essence même de l’adolescence. Et s’il y est question du spleen des soeurs Van Apfel, ce roman résonne aussi des rires de ses héroïnes et se dévore comme un page-turner.

Mon avis :

C’est un livre prenant, qui m’a questionné. Et ce qui est dit au quatrième de couverture est exact : nous sommes bien face à un page turner.
L’action commence dans le Maryland, à Baltimore. C’est là que vit Tikka, que tout le monde appelle par son diminutif, visiblement. Elle est technicienne de laboratoire, sa vie est ponctuée par les expériences qu’elle prépare et qu’elle analyse. Un autre fait ponctue sa vie : elle cherche, toujours, partout, le visage de Cordie, son amie d’enfance, disparue vingt ans plus tôt, en Australie. Oui, trois soeurs ont disparu, filles d’un pasteur rigide, dans un coin de la banlieue de Sydney, mais Tikka se focalise sur celle qui était son amie, plutôt que sur son aînée, Hannah, qui elle était proche de Laura, soeur aînée de Tikka – les aînées avec les aînées, les cadettes avec les cadettes. Reste Ruth, la dernière, loin en âge de ses aînées, et avec aucune amie qui puisse lui correspondre. personne ne s’inquiète plus de savoir ce qu’il est advenu de Ruth : son corps a été retrouvé une dizaine de jours après sa disparition.
Laura. C’est pour elle que Tikka rentre précipitamment en Australie. Laura, infirmière, atteinte d’un cancer, et qui ne sait que trop ce que cela signifie, ou plutôt, quelle est la virulence de la forme de cancer dont elle est atteinte. Le retour et le séjour dans son pays natal est aussi l’occasion pour Tikka de se souvenir, et de confronter ce dont elle se souvient avec les souvenirs de Laura – elle a trois ans de plus, et a su davantage de faits que sa soeur. Plus âgée, elle recueillait les confidences d’Hannah, et, en bonne grande soeur, se moquait gentiment de la petite, et la tenait à l’écart de certains faits importants.
Avec le recul, le lecteur peut presque se dire que tous les faits importants ont été mis de côté, parce que les adultes ne mesuraient pas ce qui se passait réellement dans cette famille si pieuse, parce les enfants n’allaient pas trahir leurs camarades. Une sorte de pacte du silence qui fait que… non, pas qu’elles n’ont pas été retrouvées, même si effectivement, Hannah et Cordélia n’ont pas été retrouvées, plutôt qu’elles soient parties. Au fur et à mesure de la lecture, nous saurons le pourquoi de ce départ, nous saurons même un peu de comment, mais nous n’en saurons pas plus que Tikka ou Laura – pas de narrateur omniscient pour nous donner le fin mot de l’histoire, mais des zones d’ombre qui resteront. Pourtant, les recherches ont été intenses, les enquêteurs, nombreux, les interrogations aussi. Les non-dits ont-ils joué un rôle dans cette issue ? Peut-être.
Tikka et Laura ont gardé l’espoir, cependant – je ne sais pas si je l’aurai gardé. Ni l’une ni l’autre n’est parvenue, au début du récit, à se pardonner non ce qu’elles ont fait, mais ce qu’elles n’ont pas fait. En lisant, j’ai pensé à Virgin suicides de Jeffrey Eugenides, pour l’impossibilité de changer quoi que ce soit, pour l’ambiance étouffante dans laquelle les soeurs Van Apfel étaient élevées. Il est des moments de joie, parfois, bien trop rares face à la folie religieuse du père, à l’immobilisme de la mère, qui apparaissent à la lecture comme des menaces permanentes, bien ressenties par les soeurs. Cordélia défiait ses parents – et en payait le prix, souvent. J’ai pensé aussi à Pique-nique à Hanging Rock de Joan Lindsay – pour le fait que des jeunes filles aient disparu et qu’une seule soit revenue, vivante dans un des livres, morte dans celui-ci. Dans ce livre, l’accent est moins mis sur le bush, la facilité avec laquelle on peut se perdre dedans, peut-être aussi parce que l’action se passe en 1992 et que les méthodes de recherche ont largement évolué.
Que reste-t-il à la fin du livre, après ce qui peut être ressenti comme un immense gâchis ? L’espoir, et le pardon à soi-même.

Lune de Tasmanie de Tamara McKinley

Présentation de l’éditeur :

1905. À la mort de son mari, Christy décide, à bientôt 65 ans, de se rendre en pèlerinage sur l’île de Skye, en Écosse, terre rude où elle a passé les quinze premières années de sa vie. Avant que ses parents ne soient contraints à l’exil et s’installent en Tasmanie, au sud de l’Australie. Accompagnée de sa fille Anne et de sa petite-fille Kathryn, Christy embarque pour un long voyage vers le passé, où de douloureux souvenirs referont surface. Un retour aux sources qui bouleversera à jamais la vie des siens… Avec cette saga mettant en scène une femme courageuse, Tamara McKinley signe un roman dans la lignée de ses grands succès, sans doute l’un de ses plus personnels.

Merci aux éditions de l’Archipel et à Netgalley pour ce partenariat, obtenu pendant le confinement, et chrorniqué pour le jour de sa parution.

Mon avis :

C’est un livre que j’ai téléchargé au tout début du confinement, et que je n’aurai jamais eu l’idée de lire sans cela. Autant il m’est arrivé de lire des romances et de les apprécier, autant là, j’ai coincé, et eu beaucoup de mal à avancer. Pourquoi ?

Tout d’abord, je n’ai pas aimé la personnalité des héroïnes, Anne, en premier lieu. Elle est totalement insupportable, et on peut légitimement se demander comment quiconque, y compris sa mère, sa fille et son mari peut encore la supporter. Je ne suis même pas certaine qu’elle-même sache pourquoi elle est devenue ainsi. Ah, si : elle a surpris le fameux « secret » de sa mère, et elle ne parvient pas à lui pardonner. Je suggère fortement une thérapie familiale. Le voyage en Ecosse, d’ailleurs, en prend fortement le chemin, Anne comprenant enfin ce qu’a été la jeunesse de sa mère, nous révélant un pan de l’histoire de l’Ecosse particulièrement douloureux, et une vague de migration qui vers le Canada, qui vers l’Australie, une histoire particulièrement violente, d’autant plus que cette violence, exercée par les forts, par les autorités sur les faibles, les pauvres, ceux qui n’avaient ni les moyens, ni l’énergie de se défendre (se révolter était impossible) était autorisée, légitimée. Ce ne sont pas toujours des pages faciles à lire, et le contraste n’est pas si grand avec ce qui se passe au fin fond des mines australiennes, où la violence côtoie la fièvre de l’or – et ne parlons même pas de la justice expéditive.

J’en oublie presque Christy, l’héroïne, qui raconte à sa fille et à sa petite-fille ce qu’elle a vécue, revenant sur les lieux où elle a souffert, où les siens ont été blessés, ou sont morts. J’ai trouvé bizarre, pour ne pas dire convenu, qu’Anne ne découvre que certains événements de la vie de sa mère qu’à ce moment – tout comme le fort symbole contenu dans le châle de sa mère. De même, l’antagonisme entre sa fille et elle, les disputes redondantes provoquées par Anne gène à mes yeux la bonne progression du récit, tout comme les allusions à l’âge de Christy, qui nous est rappelé très souvent.

Pour moi, les personnages les plus intéressants ont été les hommes : Harold, le mari d’Anne, à la patience exemplaire, à la persévérance sans faille, Charles, ami fidèle jusqu’au bout, Grégor, qui se montre un guide tout au long du périple en Ecosse absolument inébranlable. A croire que les femmes ne sont capables que de débordements nerveux. J’ai aimé aussi que l’on suive deux actions, qui se déroulent simultanément, dans deux espaces différents. Je regrette la fadeur de Kathryn, la petit-fille dont j’attendais plus, souvent reléguée au fait d’être la témoin passive des disputes entre sa mère et sa grand-mère, ou d’être l’auditrice émue et attentive du récit de sa grand-mère. J’ai trouvé aussi que quelques péripéties étaient un peu convenues, retardant à mes yeux le bon déroulement de l’action (à nouveau, ai-je envie de dire). J’aurai aussi aimé que certains personnages prennent plus de place dans l’intrigue, que l’on voit un peu plus par leurs yeux. Bref, vous l’aurez compris, je n’ai pas été la lectrice la plus conquise par ce roman, qui part d’une île pour en retrouver une autre.

La mort n’est qu’un début par Ambelin Kwaymullina, Ezekiel Kwaymullina

édition Rageot – 256 pages

Présentation de l’éditeur :

Beth est morte. Et depuis, son père, policier, est le seul qui puisse encore la voir et l’entendre… mais il est submergé par son deuil. Pour l’aider à refaire surface, Beth l’encourage à s’investir dans une nouvelle enquête : suite à l’incendie d’un orphelinat, un cadavre a été retrouvé et deux hommes ont disparu. Qui sait, ce mystère pourra peut-être détourner son père de sa tristesse ? Intriguée, Beth se lance elle aussi dans l’enquête. Elle fait bientôt la connaissance d’Isobel, une fille étrange qui parle par énigmes…

Merci à Netgalley et aux éditions Rageot pour leur confiance.

Mon avis : 

Il est des romans de littérature jeunesse qui font peur. Certains s’arrêteront au titre, et ne voudront pas aller plus loin, d’autres regarderont la couverture, s’arrêteront là, parce qu’elle est à la fois simple – un papillon bicolore – et complexe – prenez le temps d’analyse chaque détail de ce papillon. Rarement couverture et titre auront été autant en adéquation avec le contenu du livre, sa riche, sa symbolique.

Beth est morte, oui, et depuis sa mort, elle ne quitte pas son père Michael Judge qui ne se remet pas de la mort accidentelle de sa fille unique. Oui, c’était un accident, un véritable accident, personne n’est coupable, et Viv, soeur de la mère de Beth, la conductrice de la voiture qui s’est fait percuter, aurait mille fois préférer être morte à la place de sa nièce. Si Viv et les siens vivent le deuil, n’hésitent pas à exprimer tous leurs sentiments, y compris l’amour qu’ils éprouvent pour Beth et le souvenir des moments, heureux, le père de Beth est uniquement le-père-de-Beth : il est enfermé dans son deuil.

Ce n’est pas parce que Beth est partie ailleurs qu’on doit arrêter de l’aimer ou qu’elle a arrêté de nous aimer. C’est normal d’être triste, mais on ne peut pas aimer quelqu’un uniquement avec des larmes. Il faut des rires aussi.

Rachel, sa chef, essaie de le remettre sur pieds. Judge est policier, il doit se remettre au travail. On compte sur lui ! Aussi, quoi de mieux qu’une affaire simple, un incendie dans un foyer pour jeunes en difficultés. Il y a eu un mort, c’est triste, c’est malheureux, mais c’est un accident, n’est-ce pas ? Quant à l’unique témoin, ancienne droguée, le chef de la police locale ne l’écoute pas vraiment, Derek Bell, à moins qu’il n’ait peur de ce qu’elle pourrait dire.

Beth aurait rêvé d’être policière, elle ne le sera jamais et en prend douloureusement conscience. cependant, elle aide son père dans son enquête, se rendant dans des lieux où il ne peut pas aller, espérant sincèrement que cette enquête lui permettra d’être à nouveau l’homme qu’il était avant sa mort – ou d’être un homme qui a accepté la mort de sa fille, tout en restant son père. Auprès de la jeune policière que Derek Bell lui a adjugé comme adjointe, il découvre le passé de cette ville, des faits douteux sur la création de ce « lieu d’asile » qui a brûlé, et qui sonne bizarrement à son oreille. Note-t-il certaines aberrations parce qu’il est extérieur à la communauté, et ne s’en laisse pas conter ? Peut-être. Lui même a grandi dans une petite ville, et sait à quel point les préjugés peuvent être tenaces – dans les deux sens du terme.

En effet, ce roman, les personnages de Beth, d’Isobel Capture et les femmes de sa famille, de Sarah aussi, nous plonge dans le destin du peuple aborigène, de ce qu’il a enduré de la part du gouvernement australien, de ce qu’il endure encore. Est-ce parce que Sarah était aborigène qu’aucune enquête sérieuse n’a été menée à sa disparition ? Est-ce parce qu’Isobel descend d’une longue lignée de femmes qui sont devenues fortes qu’elle parvient à survivre et à raconter ce qu’elle a vécu ? Raconter – le mot n’a jamais été aussi juste, puisque c’est sous la forme d’un conte qu’elle narre ce qu’elle a vécu, au point que son récit peut être interprété de différentes manières, ce que Judge ne manque pas de faire dans un premier temps – avant de comprendre enfin, et de protéger Beth, même au-delà de la mort. Il est des choses qu’une adolescente ou même qu’un être humain ne devrait pas avoir à connaître, et j’aime qu’un livre de littérature jeunesse ose aborder des thèmes forts (la mort, le deuil mais aussi l’existence de personne qui n’ont que faire de la vie humaine) tout en ne sombrant pas dans l’accumulation de détails sanglants. Il permet aussi de rappeler qu’un conte, une légende, peut ne pas être racontée de la même manière d’une personne à l’autre, et qu’elle permet de transmettre la mémoire de son peuple, tout en le confrontant à ses tragédies actuelles.

Un écrivain mord la poussière d’Arthur Upfield

Edition 10/18 – 288 pages

Présentation de l’éditeur :

Pour sa vingt-cinquième enquête, l’inspecteur Napoléon Bonaparte s’immerge dans un monde qui lui est peu familier, celui des écrivains. Dogmes, rivalités, exclusions… loin de se contenter de pointes assassines, la littérature fera un mort, et Bony dévoilera des talents qu’on ne lui imaginait pas, d’où il ressort que le flair aborigène mène à tout. Arthur Upfield se venge ici d’un milieu littéraire australien qui n’accueille pas volontiers en son sein des auteurs de romans policiers. Féroce et instructif.

Mon avis :

C’est la première fois que je suis déçue par une enquête de l’inspecteur Bony. Je n’ai pas vraiment aimé la façon dont le personnage est construit, cette fois-ci. En effet, il paraît très sûr de lui (ce qui est plutôt bien), à la limite de la prétention, préférant aller enquêter incognito pendant ses vacances plutôt que de partir en vacances avec sa femme. Autre temps, autres mœurs  ? Peut-être, peut-être pas, combien d’enquêteurs dans les polars se préoccupent de leur conjointe ? Puis, l’enquête m’a semblé être un prétexte pour décrire le milieu littéraire australien, presque pour régler ses comptes avec lui, entre romans qui plaisent au plus grand nombre et véritable littérature – celle que personne ne lit mais que tout le monde encense !

Bony, qui se fait passer pour l’occasion pour un journaliste et romancier sud-africain, rencontre donc différents écrivains, journalistes, afin d’élucider la mort de Mervyn Blake, un vrai écrivain, vous vous en serez doutés, qui règne d’une main de maître sur la littérature australienne, et surtout, sur ce que l’on veut bien dire d’elle. Le défunt méprisait bien sûr tous ceux qui avaient la faveur du public, notamment le mystérieux I.R. Watts, qui rencontre un succès international, au contraire de Blake, dont les œuvres ne sont diffusées ni en Angleterre, ni aux USA. Blake avait pourtant autour de lui une belle coterie d’auteurs et de critiques littéraires, prêts à tout sacrifier pour la cause de la littéraire – la vraie, dois-je le répéter.

Oui, l’enquête avance, forcément, entre l’agent Simes qui est d’une aide précieuse à Bony, et son supérieur qui intervient peu, puisque pour lui, mener une enquête était inutile, tant pis pour les preuves et les témoignages puisqu’il était sûr d’avoir raison. Je n’ai d’ailleurs franchement pas apprécié le moment de leur confrontation, trouvant que Bony se montrait un peu trop suffisant, pour ne pas dire humiliant à son égard, et il n’est jamais bon d’humilier sciemment son ennemi, cela ne fait honneur à personne. Non, s’il est un personnage qui sort vraiment du lot dans ce livre, c’est Mlle Pinkney. Certains l’apprécient peu parce qu’elle est étrange, sort du lot, un peu bizarre, et parle net. Il faut dire que son fiancé est mort tragiquement, lui qui était un des meilleurs bucherons d’Australie – ce n’est pas elle qui le dit, Mlle Pinkney est brut de décoffrage, pas orgueilleuse – et que son frère avait un sacré caractère, et des manières toute aussi directes. Par conséquent, Mlle Pinkney est d’une rare débrouillardise, et parfois, n’envoie pas dire ce qu’elle a à dire, surtout si quelqu’un lance des cailloux à son chat, Mr Pickwick.

Alors, je ne vous donnerai pas le nom du coupable, je vous dirai simplement qu’il existait d’autres moyens que tuer M. Blake pour résoudre les problèmes que celui-ci posait. Le tout est de savoir de quelle manière l’on souhaite vraiment mener sa vie. Je concluerai en disant simplement qu’un bonheur qui dépend de la mort de quelqu’un n’en est pas vraiment un – il faut de temps en temps rappeler des évidences.

 

 

Le garçon et l’univers de Trent Dalton

Présentation de l’éditeur :

Darra, banlieue de Brisbane, 1985. Eli, bientôt 13 ans, grandit entre une mère toxico, un grand frère mutique et, en guise de baby-sitter, l’un des anciens prisonniers les plus célèbres d’Australie : Arthur « Slim » Halliday. Mais Eli ne connaît rien d’autre et, en l’absence de son père biologique, peut compter sur les « good bad men » qui l’entourent : son beau-père Lyle, qui a plongé sa mère dans la drogue mais tente maintenant de l’en sortir ; Slim, que sa longue expérience en cellule d’isolement a rendu philosophe ; Gus, son frère, qui communique en écrivant dans l’air et semble avoir des talents de devin. Un jour, Eli découvre dans le pavillon familial une pièce secrète qui contient de la drogue et un mystérieux téléphone rouge : il suit Lyle et comprend que celui-ci travaille pour un gang de trafiquants local. Furieux et fasciné à la fois, Eli demande à travailler pour lui…

Merci à Netgalley et aux éditions Harper Collins pour ce partenariat.

Mon avis :

Ce fut une lecture difficile, une lecture que j’ai eu du mal à commencer, une lecture que j’ai eu du mal à poursuivre, une lecture que j’ai largement fractionnée, un peu comme l’écriture de cet avis. Comme souvent, j’ai l’impression d’être la seule à ne pas avoir apprécié pleinement la lecture de cette histoire. Tant pis.

Elle est dure à lire, non par le style, mais par ce qui nous est raconté. Eli s’est constitué un monde, dans l’Australie des années 80, parce que l’univers dans lequel il a grandi est plus que dysfonctionnel : que sa baby-sitter attitré soit le prisonnier (et l’évadé) le plus célèbre du pays est peut-être l’élément le plus normal de sa vie, c’est dire le reste. Son frère aîné ne parle plus depuis l’âge de six ans, sa mère est une ex-droguée, son beau-père, son ancrage, sa seconde référence masculine après Slim est un trafiquant de drogue. Quant à son père biologique, on saura plus avant dans le récit pourquoi il a disparu du paysage familial, et comment il a dû réapparaître, bien malgré lui.

Guerre des gangs, trafics de drogue, lutte de pouvoir entre les différents trafiquants, violence et cruauté en tout genre – la violence conjugale fait partie du quotidien ; la violence à l’école aussi. Il n’est pas tant question de vivre, ni même de survivre, que de louvoyer entre les uns et les autres en s’en tirant sans trop de dommages, ou, au contraire, en faisant en sorte d’en provoquer le plus possible – mais là, c’est l’histoire du dernier tiers du livre.

Les adultes ? Ils sont là, oui, mais ils se laissent tant submergés par leurs propres problèmes qu’ils ne parviennent pas toujours à prendre soin de leur progéniture, tel Robert Bell et ses crises d’angoisse. Ou, au contraire, il y parvient vraiment de son mieux. A cet égard, la scène qui oppose Robert Bell et la conseillère d’orientation « bien comme il faut » venue lui rendre visite à domicile parce qu’elle s’inquiète pour les frères Bell est l’une de mes préférées. Quelle charmante femme est-elle, elle qui menace Robert de prévenir les services sociaux à cause des dessins d’Auguste, et de quelques confidences d’Eli, et ne voit absolument pas l’univers dans lequel évoluent les deux garçons, la tendresse, bien réelle, de leur père, et surtout, les conséquences qu’aurait leur placement, ce que Robert Bell lui démontre de façon magistrale.

Le temps passe, et le roman prend son temps, à moins que ce ne soit le temps qui ne passe différemment, qui fait évoluer les gens – ou pas – qui les fait dissimuler ce qu’ils sont vraiment, à moins que le passé ne finisse par les rattraper, que les apparences ne volent en éclats, comme un bocal en verre.

Il restera des questions sans réponse, ou plutôt une, le traitement du corps atteint de handicap. L’un des personnages principaux du livre cherche à l’améliorer, c’est à dire à le rendre, en apparence, le plus proche possible d’un corps non atteint de handicap – parce qu’il rejette la différence ? D’autres vivent tellement avec, que finalement, rares sont ceux qui s’en aperçoivent. L’être humain est un tout, l’être humain est un univers à lui seul.

Les fleurs sauvages d’Holly Ringland

Présentation de l’éditeur :

Lorsqu’une tragédie change à jamais sa vie, la jeune Alice Hart, âgée de neuf ans, part vivre chez sa grand-mère qu’elle ne connaît pas. Quittant le bord de l’océan où elle a grandi, elle trouve refuge dans la ferme horticole de June, où celle-ci cultive des fleurs sauvages d’Australie. Au fil du temps, Alice oublie les démons du passé et apprend à perpétuer la tradition familiale en utilisant le langage des fleurs pour remplacer les mots lorsqu’ils se font trop douloureux. Mais l’histoire des Hart est hantée par de nombreux secrets que June cache à sa petite-fille. Une sorte de fatalité semble accabler les femmes de leur famille, aussi June préfère-t-elle tenir Alice à l’abri de la vérité, quitte à la tenir à distance de l’amour. Une fois adulte, révoltée par ce silence et trahie par celles qui lui sont le plus chères, Alice se rend compte qu’il y a des histoires que les fleurs seules ne peuvent raconter. Si elle veut être libre, elle doit partir et inventer l’histoire la plus importante de toutes : la sienne…

Merci aux éditions Fayard/Mazarine et à Netgalley pour ce partenariat.

Mon avis : 

J’ai failli ne pas rédiger cet avis, mais l’honnêteté me pousse à le faire : recevoir un partenariat, lire le livre, et ne pas rédiger l’avais me paraîtrait un peu trop facile. La version courte de cet avis est que je n’ai pas aimé, alors que tout le monde a aimé, voire a eu un coup de coeur pour ce roman. Ce ne fut pas mon cas.

Certes, les points positifs sont nombreux : le livre est bien écrit, bien construit, bien traduit. Un trio gagnant. Sauf que je n’ai pas été touchée par l’intrigue, au-delà de la première partie, celle qui nous montre Alice, enfant, orpheline. C’est un livre bien écrit qui finalement, parle peu. Oui, le langage des fleurs est présent. Oui, June, la grand-mère d’Alice, est la gardienne des traditions familiales et aime profondément sa petite-fille. A sa manière. Parce qu’elle ne va pas tenir les promesses qu’elle lui a faites, celles de lui parler, enfin, quand Alice  parlera à nouveau. Elle écrit à la place, pour le jour où le courage sera là. Oui, June aime Alice, et fait tout pour la protéger, quitte à prendre des décisions « pour son bien » qui changent définitivement le cour de sa vie, et pas seulement la sienne. June, Alice : comme June n’a jamais parlé réellement à Alice, plus tard, Alice sera incapable de lui parler à nouveau.

Dans ce roman, les femmes sont omniprésentes. Des mères en souffrance. Des femmes maltraitées. Les hommes ? Ils sont violents, maltraitants, ou bien sont relégués bien malgré eux au second plan. Oui, les femmes sont solidaires, mais, quand elles transmettent à leur fille, fille biologique ou fille de coeur, leur savoir-faire, elles échouent, à mes yeux, à lui transmettre de quoi se défendre, de quoi avoir suffisamment confiance en elles pour savoir que le problème de la violence conjugale ne vient pas d’elles.

Il est aussi question, un peu, des aborigènes, comme un contre-champ. Il est questions des femmes aborigènes, de ce qu’elles ont subi, ou, pour la jeune génération, de la culture qu’elles tentent de préserver malgré tout. Rien n’est facile.

Peut-être le dénouement du livre marque-t-il enfin une sérénité, un apaisement possible : pour que les choses avancent, il faut que les femmes osent enfin parler.