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La Montée des périls par Marin de Viry

Présentation de l’éditeur :

Écrivain dubitatif, Paul de Salles arrive à un tournant de son existence où même les satisfactions d’amour-propre ne compensent pas l’ennui qu’il éprouve. Son échappée belle : prendre le tragique du quotidien avec légèreté. Par le plus heureux des hasards, Paul tombe sous le charme d’Erika, piquante, sophistiquée, stoïcienne. Elle travaille sans ardeur pour une « ravissante idiote » qui veut passionnément devenir présidente de la République. Cette confrontation entre un certain « esprit français » et une bêtise tristement contemporaine promet d’être riche en étincelles. Que les lecteurs se rassurent : rien dans ce marivaudage satirique n’appartient au registre de la littérature « probante », comme disait Flaubert. Il n’y a dans La Montée des périls que de l’observation et de l’imagination.

Membre du comité de rédaction de la Revue des Deux Mondes, Marin de Viry est notamment l’auteur de Mémoires d’un snobé (Pierre-Guillaume de Roux, 2012) et de L’Arche de mésalliance, paru aux éditions du Rocher en 2021.

Merci aux éditions Elidia/du Rocher et à netgalley pour leur confiance.

Mon avis :

Ce roman n’est pas vraiment « mon » genre de roman, et ce ne serait probablement pas allée spontanément vers ce livre, tant mes préférences vont plutôt vers le roman policier et la littérature jeunesse. Cependant, je dois dire que j’ai passé un agréable moment en compagnie de ces personnages.

Au début de ma lecture, j’avais crains de me retrouver face à un vaudeville dans les milieux littéraires. Heureusement, il n’en est rien. Paul et Erika parlent beaucoup, certes, mais ce qui est le plus important est qu’ils écoutent réellement ce que l’un dit à l’autre, et même si, parfois, leurs échanges sont assez étonnants, puisque l’un et l’autre manient très bien la langue française et partagent une culture commune (ce n’est pas le cas de tous les personnages qu’ils croiseront). Discuter, échanger, oui, parler pour ne rien dire, brasser du vent, non. Surtout, l’un comme l’autre pense réellement ce qu’ils disent, et ils sont parfois bien les seuls.

Parce qu’il faut bien que je l’écrive : dire la vérité, toute la vérité tout le temps est quasiment impossible dans les milieux dans lesquels ils gravitent. Paul, romancier, travaille à la rubrique « culture » d’un grand journal, et s’il s’entend très bien avec sa rédactrice en chef, elle, lui, et d’autres membres de la rédaction sont lucides : certains voudraient bien les pousser gentiment ou moins gentiment vers la sortie. Les conférences de rédaction prennent alors des allures de grandes manœuvres, et s’en est presque réjouissant. A croire vraiment qu’il est des personnes que la culture dérange. Et bien, oui, il en est. Digression de ma part : l’on n’a même pas attendu le confinement et les professions « non essentielles » pour que la culture soit reléguée loin, très loin des préoccupations de ceux qui nous gouvernent.

Manoeuvrer, encore et toujours, en coulisse, bien entendu, est l’un des meilleurs moyens non d’abattre un adversaire politique, mais de nuire grandement à sa progression. Charlène a des ambitions, conquérir l’investiture pour la mairie de Paris. Elle n’est qu’une personnalité politique de plus, qui pense avant tout à elle-même, aux postes qu’elle souhaite obtenir, et ne se préoccupe de rien d’autres, surtout pas d’obtenir les connaissances, le savoir-faire nécessaires pour exercer ces postes – et quand bien même elle les aurait, il n’est ni certain, ni nécessaire qu’elle les utilise trop/très souvent une fois le poste obtenu. Seulement, il est des personnes dont le manque d’intérêt pour la chose politique, pour le partie politique dont elles font partie se voient un peu trop, tant elles ne semblent pas profiter du travail que toutes les petites mains à leur service effectuent.

La Montée des périls – ou quand histoires privé et politique se croise et s’entrecroisent.

La course du lièvre à travers les champs de Sébastien Japrisot

édition Gallimard – 158 pages

Présentation de l’éditeur : 

« Ils ont trouvé un lit-cage et ils m’ont mis dedans. Ils m’ont attaché les mains, ils m’ont empêché de manger, ils ont creusé ma tombe pour me faire peur.
Mais je ne leur ai pas rendu leurs billes.
Alors, ils m’ont pris avec eux. Ils avaient des fusils et un canif et un camion de pompiers et même une poupée qui parle.
On était sur une île, en Amérique. On avait chacun notre nom. On voulait attaquer un gratte-ciel et tous les policiers du monde étaient contre nous.
Et on essayait de ne pas entendre nos mères qui nous appelaient. »

Mon avis : 

Bon, comment dire ? Je n’ai pas vraiment été séduite par ce livre pour ma seconde rencontre avec Sébastien Japrisot – la première, c’est quand j’avais essayé de lire Un long dimanche de fiançailles à sa parution, et ce n’était pas tout à fait le moment pour moi de lire ce livre. J’ai appris après coup que ce roman était l’adaptation d’un scénario de film, et je dois dire que cela se ressent, dans le découpage de l’action.

Nous partons de Marseille – ville natale de l’auteur – et nous nous retrouvons après en Amérique, avec Tony, qui fuit. Que fuit-il ? Non pas la justice, nous le saurons après, mais il fuit ceux qui estiment que justice n’a pas été rendu à la mesure de leur douleur. Tony, en tentant de se cacher, tombe sur des braqueurs, et s’il a été un temps leur otage parce qu’il en a trop vu, il intègre peu à peu leur bande.

S’il faut retenir des figures marquantes dans ce récit, ce n’est pas tant les personnages masculins, que ce soit Tony, un peu falot, ou Charley, qui ont réussi à retenir mon attention, ce sont Sugar et Pepper, les deux personnages féminins, qui à elles seules parviennent à faire tourner la boutique. On sent qu’elles ont de fortes personnalités, et je regrette qu’elles n’aient pas été davantage présentes. Etre hors-la-loi, ce n’est pas seulement une affaire d’hommes.

La brigade du surnaturel de Floriane Impala

Présentation de l’éditeur :

Quand un inconnu s’introduit dans son appartement, la vie de Claire Desfontaine bascule. D’abord sur le canapé, puis sur le siège en cuir d’une berline années 60 pour un road trip sanglant vers les limbes. Car le bellâtre qui vient de braquer son intimité n’est pas de ceux à qui l’on refuse sa main : envoyé par le Big Boss des Enfers lui-même pour résoudre une affaire de meurtres en série parmi ses ouailles démoniaques, il est bien décidé à faire de Claire, inspectrice de la Brigade de la Magie et du Surnaturel, sa coéquipière.

Mon avis : 

Merci aux éditions VOolume et à Netgalley pour ce partenariat.

Je n’irai pas jusqu’à dire que rien ne va dans la vie professionnelle de Claire Desfontaines, non, parce que cela ressemblerait fort à une formule éculée. Je dirai simplement que la dernière opération de police qu’elle a dirigée s’est soldée par une immense catastrophe, et qu’après, il lui faut vivre avec ce qu’elle a vécu. Quand je dis « après », c’est vraiment juste après, et trouver un inconnu chez vous n’est pas quelque chose de normal, quelle que soit la profession de la personne. Claire a donc un « geste malheureux », et lui tire dessus. Seulement, un problème surgit. Non, pas ce qu’elle fera du cadavre. Disons plutôt que l’inconnu est un démon (si, si, c’est possible) et qu’il est mandaté par le grand patron pour que Claire enquête avec lui. Pour créer un duo de policiers, il est des débuts un peu moins sanglants. 

Leur mission, si Claire l’accepte ? Retrouver qui s’amuse à zigouiller d’honnêtes créatures démoniaques. Ce ne sera pas facile, ce sera rempli de rebondissements, de visites de lieux hautement improbables, de disputes aussi. Ne pas oublier l’encombrant co-équipier de Claire, Keziah, son ex, Luc, qui s’avère être un très bon policier, et toute la famille de Claire, qui rêve de la voir casée, si possible avec ce magnifique beau gosse roux – si les démons étaient laids, leur travail serait bien plus compliqué. 

Je n’ai pas lu ce livre, je l’ai écouté en compagnie de mes chats, comme d’habitude, et je dois dire que ce fut vraiment plaisant et agréable. Stéphanie Moussu, qui nous lit ce roman, est véritablement très douée pour caractériser chacun des personnages (oui, ce récit comporte des changements de narrateur) ce qui fait que j’ai reconnu immédiatement quel personnage avait la parole (mention spéciale pour Luc, l’ex policier qui a fort envie d’en découdre). 

Ce roman est un tome 1 : j’espère sincèrement lire (ou écouter, peu importe), le tome 2. 

 

Château la fugue de Christine Chaumartin

édition des Falaises – 184 pages

Présentation de l’éditeur :

Lorsque à l’occasion d’un reportage sur les vendanges à Chablis, Mathilde entraîne Lucien dans ce qu’elle pense être une escapade gastronomique, elle n’imagine pas dans quel guêpier ils vont se fourrer. Au coeur du vignoble bourguignon, une jeune fille disparaît, des gourous invoquent des druidesses et les esprits de la nature, et les vendanges deviennent plutôt sanglantes.

Mon avis : 

J’ai découvert cette autrice lors du salon du livre de Franqueville-Saint-Pierre, et j’avais commencé par le tome 2 des aventures de Mathilde et Lucien, une soeur et un frère dont les parents aimaient beaucoup Stendhal. J’avais choisi Hareng au sang parce que l’enquête se passait en Normandie. Je chronique ici Château la Fugue, le premier tome de leurs aventures, qui a l’avantage pour moi d’être court (je peine actuellement dès qu’un roman dépasse les 220 pages) : 184 pages. Ce tome nous emmène de Rouen, où vivent le frère et la soeur, à Chablis, dans l’Yonne, pour couvrir les vendanges (note : Christine Chaumartin est originaire de ce département, dans lequel elle a aussi enseigné). Tout aurait pu se passer de manière très ordinaire, un reportage de plus, si ce n’est qu’un cadavre, celui de Corentin Delvau, est découvert sur la parcelle dite de L’homme mort, et qu’une adolescente,Lisa, a disparu. Puisque Mathilde est déjà sur place, il est convenu que c’est elle qui couvrira les deux affaires. le séjour gastronomique et reposant est loin derrière eux.

Lors de cette première enquête, ils feront une belle rencontre, en la personne d’Emile, un retraité qui non seulement leur servira de guide lors de leurs explorations, mais possède également une grande culture picturale : voilà de quoi ravir Lucien, passionné par l’oeuvre de Crivelli. Il faut trouver du positif, parce que, si l’on réfléchit un peu, ce récit aborde des thèmes graves : le burn-out (la victime, Corentin, en avait fait un), l’enfance maltraitée (l’adolescente disparue était placée, et même si sa famille d’accueil est très bien, combien d’épreuves Lisa a-t-elle traversées avant d’arriver à Chablis ?) et le poids persistent des rumeurs, même si le vrai coupable a été identifié (mais le rythme de la justice n’est pas le rythme de la vie quotidienne). Lucien lui-même a beau être un homme charmant, il a souffert de la perte de ses parents, à l’adolescente : il a pris soin de sa soeur cadette, à un âge où les préoccupations sont autres. Il est question aussi (sans transition) des personnes qui savent profiter de la faiblesse ou de la fragilité des autres pour s’en mettre pleins les poches – et tous, à un moment ou à un autre de notre vie, pouvons nous trouver en position de faiblesse. 17

 

Nous en resterons là de Chloé Lambert

Présentation de l’éditeur : 

Margot, 17 ans, souffre depuis plusieurs mois de malaises fréquents et peine à se rendre en classe. Divers médecins ont échoué à la guérir. Jusqu’au jour où elle atterrit chez un psychiatre, le docteur Donnelheur. Face à lui, chaque semaine, pendant quarante-cinq minutes, Margot se heurte au silence des mots qu’elle ne trouve pas. Heureusement, le docteur Donnelheur se révèle être un très bon psy. Libérée de son secret, Margot reprend pied. Donnelheur devient un sauveur, un père, un maître à penser… Cependant, au fil des séances, le sorcier bienveillant et malicieux se mue en recteur insatisfait et colérique. Le sauveur serait-il devenu dangereux ? Jusqu’où les règles du cadre analytique seront-elles enfreintes ? Margot parviendra-t-elle à se libérer du piège qui se referme ? À moins que le sujet d’étude ne soit pas celui que l’on croit…

Merci aux éditions du Rocher/Elidia et à Netgalley pour leur confiance.

Mon avis : 

Douloureux. Prenant. Malsain.

Je ne pensais sincèrement pas lire ce roman quasiment d’une traite. Ce roman devrait parler de l’inceste, de la manière dont la victime se reconstruit, dont la famille fait face, aussi, à la révélation de ce secret. Et ce n’est pas du tout de la manière dont on pourrait s’y attendre. Non, ce roman n’est pas que cela, même si ce serait déjà beaucoup. il traite surtout de l’emprise qu’un psychiatre peut avoir sur sa patiente.

Certes, il va beaucoup aider la jeune femme – dans un premier temps. Avant de l’enfoncer – dans un second temps. Ce docteur, psychiatre et psychanalyste (autant je respecte les premiers, autant j’ai du mal avec les seconds) est très renommé, il est le meilleur, il est donc insoupçonnable, intouchable, inattaquable. Et qui y songerait ? Personne. Pas même la narratrice, qui nous raconte comment, à un moment du récit, elle a dû se reconstruire – malgré lui – comment elle s’est détachée – malgré lui, toujours.

Un roman que je n’ai pu quitter sans un sentiment de malaise, sentiment que j’ai toujours en écrivant cet avis.

Le retour de Janvier de Charlotte Dordor

Présentation de l’éditeur :

Le niveau de la mer est monté. La Rochelle, régulièrement submergée et sous contrôle de l’armée, s’est vidée de la plupart de ses habitants. Janvier Bonnefoi y vit dans la solitude, remontant en barque les rues noyées et ressassant la dispute qui l’a forcé, un an plus tôt, à quitter la ferme familiale en Lozère. Le jour où la ville est évacuée, Janvier décide de rentrer chez lui.

Merci aux éditions Julliard et à Netgalley pour ce partenariat.

Mon avis :

La première question que je me suis posée en lisant ce roman n’est pas : « où sommes-nous ? » mais « quand sommes-nous ? » Nous sommes en France, oui, l’action débute à La Rochelle, ville qui n’est plus celle que nous connaissons, mais qui a subi de plein fouet le réchauffement climatique, ce fameux réchauffement qui n »existeraient pas, ou que l’on n’aurait pas vu venir. Il est là, et bien là dans ces pages.

Ce que j’ai trouvé le plus troublant dans cette lecture, c’est à quel point tout m’a semblé possible. Les paysages que nous connaissons, dévastés. Le rationnement. Les épidémies (ce n’est pas comme si nous étions en train d’en vivre une). L’armée qui prend le contrôle. L’information, muselée, sous prétexte de ne pas démoraliser les français – qui regardent les informations pour se remonter le moral ? Les liens sociaux, dénoués. Les liens familiaux qui résistent tout juste. Et, encore et encore, la peur de l’autre, du migrant ou du voisin, peur de celui qui pourrait s’en prendre à nous, au peu de biens qui nous restent. Le partage ? Comme au bon vieux temps, ça dépend, ça dépasse, et pourtant, certains sont encore capables de gestes de générosité.

J’ai pensé, aussi, parfois, à l’Odyssée, quand Janvier reprend la route pour rentrer chez lui, fugitif, furtif, découvrant des lieux moins touchés que La Rochelle, des lieux où l’on vit presque comme avant. Presque. Il va s’attacher un temps, à une femme, une terre, un lieu. Comme si l’amitié, l’entraide étaient encore possibles, souhaitables – et j’ai vu les « visites » des militaires comme autant de moyen non de soutenir mais de contrôler la population. Et je ne me sens pas pessimiste en écrivant ces mots.

En filigrane, aussi, des attentats menés par des activistes écologiques voulant faire bouger les choses. Je dis « en filigrane » parce que l’on en saura peu – mais il n’était pas nécessaire non plus de trop en savoir, ni pour moi, de trop en dire. Cependant, tout sonne tellement juste, tellement possible, que j’ai trouvé cette oeuvre presque effrayante. Et si nous, et surtout ceux qui nous gouvernent, nous ouvrions les yeux avant qu’il ne soit trop tard ?

L’heure exquise de Dominique Barberis

édition Gallimard – 128 pages

Présentation de l’éditeur :

Un soir d’été en province, de la fermeture de la boucherie du village au coucher des enfants.
Tel est le « motif » sur lequel travaille l’auteur, à la manière de Monet, de Ravel, de Téchiné, une certaine tradition française de la description fine.
Le registre est celui du secret, de l’intime, de l’émotion furtive. De la musique avant toutes choses.  » Tout immobile.
Les hommes assis dans leurs jardins comme les dieux de l’ancienne Grèce. On dirait que plus rien ne nous séparé du cœur de nos désirs.
Le soleil descendu avec un mouvement régulier sur cette campagne rase, avec ses champs bien clôturés, ses merisiers, ses noisetiers serrés, et les haies du bocage sur lesquelles les mûres de saison commençaient déjà à noircir ; le mouvement sur la côte de la Châtaigneraie, de l’éolienne.
Le soleil rejoignant sa base, atteignant son point le plus bas, ce point d’obscure connaissance, d’obscure tangence, se couchant dans nos cœurs plats comme des champs, dans nos cœurs secs et remués comme de la terre.

Mon avis :

Ce livre est paru en 1998. L’aurai-je lu à sa parution ? Non. Je ne me souviens même plus de ce que je lisais cette année-là. Je me souviens simplement que j’étais étudiante en licence de lettres modernes, que j’obtenais mon permis de conduire le 13 janvier, trente ans jour pour jour après mon père et que la France gagnait pour la première fois la coupe du monde de football. Je me souviens de cet enfant du village qui, avant le match, brandissait le drapeau français à bout de bras. Je me souviens aussi que j’écoutais Florent Pagny et que mon cousin Patrick s’est suicidé le 21 mars et est mort le 24 mars. Mon vétérinaire ne parvenait pas à y croire, lui qui l’avait reçu à son cabinet quelques jours plus tôt, parce que lui et sa fiancée avaient recueilli un chien – elle le gardera.

Alors non, je n’aurai pas lu ce livre, et si des années après sa parution, je suis allée jusqu’au bout de ma lecture, je dois dire que je ne l’ai pas apprécié. Je serai pourtant tentée de me lancer dans des circonvolutions littéraires, dire que le style est ceci, cela, qu’il est intéressant de découvrir ce qui se passe dans une journée complète, au temps de ce qui n’était pas encore une canicule estivale. Je pourrai dire que ce récit simple change de ce que l’on peut lire habituellement, que ce n’est pas un « roman de l’été ». Ce ne serait que des effets de style.

Je me suis passablement ennuyée à cette lecture. Je me suis ennuyée face à tout ce que ce récit comportait de conventionnel, et en même temps d’un autre temps. L’on ne trouve plus, en 2023, une file de femmes qui achètent leur viande chez le boucher du village. Elles vont au supermarché, ou se font livrer, voire ne mangent quasiment plus de viande. L’on ne trouve plus, du moins je l’espère, une belle brochette de mère énervée qui, face à l’agitation de leurs enfants respectifs, ne voient qu’une solution : la fessée ! Juste pour passer leurs nerfs, parce qu’elles ne supportent plus l’énervement de leurs enfants, et de mettre cela sur le dos de la chaleur. Elles n’attendent d’ailleurs qu’une chose, que ceux-ci retournent à l’école ! Nous sommes l’été, et pourtant, elles ne prennent pas le temps de se poser, de parler, voire de jouer avec leurs enfants. Non, ces mères-là, qui, comme la mère de la toute jeune héroïne, Bénédicte, n’ont pas la vie qu’elles voulaient, qui font le plus souvent des choses qu’elles n’ont pas envie de faire, veulent donc que leur enfant fasse des choses qui ne lui convienne pas, parce qu’elles en ont décidé ainsi. Répéter que le foie est bon pour la santé ne rendra jamais le foie bon à manger – oui, je donne mon avis, puisqu’un narrateur omniscient précise bien que le fait que l’enfant pleure sur le foie ne nuira pas au bon goût de la viande.

Nous sommes en 1998, et l’on téléphone encore d’une cabine téléphonique, l’on a encore un téléphone fixe dont on se sert, garçons et filles ne jouent pas  ensemble, mais sont bêtement opposés les uns aux autres, les garçons en voulant aux filles. Une autrice que j’aurai découverte, mais que je n’ai pas très envie de relire. J’ajoute qu’en lisant le quatrième de couverture, je me dis que celui qui l’a écrit et moi n’avons pas lu le même livre : je trouve les hommes absents, fuyants de ce récit, pour ne prendre que cet exemple.

Le Mur de l’Atlantique par Olivia Resenterra

Présentation de l’éditeur :

La narratrice, qui vit à Londres, passe une semaine de vacances chez ses parents en Charente-Maritime. Une dernière fois, elle veut se rendre dans la maison, tout juste vendue, de sa grand-mère. Cette ultime visite et ce bref séjour au bord de l’Atlantique la ramènent sur les chemins de l’enfance. Elle tourne les pages des albums photos de famille, se souvient de son grand-père Valentino, immigré italien, maçon et ouvrier agricole ; de la quête d’un vieux fort réputé impénétrable ; de l’estuaire du fleuve tout au bout des marais… Sans oublier cet horizon sauvage : l’île Madame. Le récit, d’une infinie élégance, a le charme d’une balade balnéaire. Les époques se mêlent avec délicatesse, reprennent vie et nous restituent le plus précieux des parfums, celui d’un temps suspendu.

Merci aux éditions du Rocher et à Netgalley pour ce partenariat.

Mon avis : 

Le mur de l’atlantique est un roman calme et contemplatif. Ce roman court prend le temps, à une époque où l’on ne le prend pas vraiment, de poser le cadre, de décrire, de se souvenir aussi. La narratrice est revenue en France pour dire adieu à sa maison d’enfance, celle de sa grand-mère, en Charente-Maritime. Sur les lieux, elle se souvient, des souvenirs heureux, des bonheurs simples avec son frère, dans la maison, dans le jardin, dans ces anciens bâtiments qui vont sans doute être détruits par le nouveau propriétaire, dans des lieux pittoresques, propice à leur imaginaire, comme ils l’avaient été, des années plus tôt, à celui de son père, de son oncle, de ses tantes.

La narratrice retourne dans le passé, par le biais de ces petits morceaux de temps arrêté que sont les photos. Son grand-père, Valentino, sa grand-mère sont venus d’Italie, ayant construit leur vie et leur famille en France. Il est question d’immigration oui, mais aussi de transmission, de ces valeurs que l’on enseigne à ses enfants, par delà le départ du pays natal. Ces retour dans le passé nous rappelle aussi la vie quotidienne de cette population active des années cinquante, active mais oubliée, qui était constituée d’ouvriers, de journaliers. Oui, en dépit de la scolarisation obligatoire, et ce, depuis des décennies, il était encore possible de ne savoir ni lire ni écrire, comme Vincent, ouvrier agricole dormant « au milieu des sacs d’orge et d’avoine. » Les enfants eux-mêmes devaient accomplir leur part de travail à la ferme – futurs successeurs de leurs parents, dans l’esprit des patrons. Oui, l’on parle d’ascenseur social, mais l’on n’oublie que certains n’avaient pas envie de voir d’autres s’élever. Constat pessimiste que je fais en passant, dans ce roman qui nous montre la France de l’après-guerre, les séquelles laissés sur le territoire français par la guerre – les blockhaus, les batteries en béton, vestiges du mur de l’Atlantique qui donne son titre à ce roman.

A découvrir.

 

Zanzibar d’Altaïr Despres

édition Julliard – 240 pages

Présentation de l’éditeur :

Sur la carte, Zanzibar ne ressemblait à rien. Un bout de terre à peine visible, parasite traînant au large des côtes d’une Afrique colossale. C’est pourtant pour cette île qu’elle avait décidé de tout lâcher : son boulot, sa famille, ses potes, sa routine, la vie bien comme il faut qu’on avait souhaitée pour elle et qui l’éteignait. Elle allait se tirer au soleil, se construire une carrière digne de ce nom, sans patron sur le dos pour lui rappeler que le haut de la pyramide, c’est pour les bonshommes. Là-bas, son corps aussi prendrait sa revanche. Son corps poli de jolie jeune femme de la classe moyenne pourrait s’en donner à cœur joie. Elle était prête à boire, à fumer, à danser sur la plage, à suer contre les garçons et à baiser jusqu’à plus soif.
Ce roman raconte une île tropicale d’une beauté franche et sale, théâtre de rencontres exaltées entre des jeunes Européennes qui ont tout plaqué pour tenter leur chance loin de chez elles et des beach boys ambitieux, décidés à saisir les opportunités laissées par un tourisme écrasant. Il nous parle, sans détours, de ces têtes brûlées d’aujourd’hui, de leur désir forcené de réussir.

Merci aux éditions Julliard et à Netgalley pour ce partenariat.

Mon avis :

J’ai trouvé la lecture de ce livre passionnante. Il nous parle d’hommes, de femmes, qui veulent, eh bien qui veulent finalement beaucoup de choses : s’en sortir, prendre soin de leur famille, être amoureux(se), accomplir leurs rêves.

Problèmes : ils n’ont pas tous les mêmes rêves. Nous avons d’un côté des jeunes femmes européennes, qui sont venues en vacances et sont restées, voire même qui ont tout plaqué pour s’installer à Zanzibar. Je pense par exemple à Ethel, qui est un modèle de réussite professionnelle. Sa vie personnelle est un peu moins heureuse, mais elle a tout de même été mariée, a eu un fils qui étudie à l’université. C’est elle qui a demandé le divorce, pour rendre sa liberté à son mari, qui avait quinze ans de moins qu’elle. Et là, le récit nous montre déjà le coeur du problème : la place des femmes, pas seulement à Zanzibar, non, mais dans notre société occidentale. Ethel aura mis du temps à comprendre que son père, si brillant, n’a pu mener sa si brillante carrière que parce que sa mère s’est sacrifiée pour lui, sans trouver cela anormal. S’il avait réellement tenu son rôle de père auprès d’être, peut-être aurait-elle choisi une autre orientation scolaire, ce qui lui aurait évité de finir placardisée à trente ans, parce que les postes à responsabilité ne sont pas données à des femmes. Elle n’est pas la seule à expérimenter cet adage ici.

Ce n’est pas seulement une vie professionnelle décevante que ses femmes ont pu fuir, c’est aussi la volonté de quitter la voie qu’on leur avait tracé depuis le début. C’est le cas de Mathilde, qui se sent bien à Zanzibar, même si elle a eu du mal à prendre le rythme de ce pays. Elle rêve d’avoir un enfant avec l’homme qu’elle aime, mais dont elle ne supporte plus les défauts qui étaient à ses yeux des qualités quand elle s’est mise en couple avec lui.

Je parle des femmes, mais il faudrait aussi parler des hommes, du travail qu’ils fournissent, des efforts qu’ils font pour tenter d’avoir une vie meilleure. Omar, qui a eu aussi la chance d’avoir une mère particulièrement industrieuse, a saisi sa chance, entrepreneur respecté, mari et père comblé. Je pense aussi à ce beach boy dont nous suivons le parcours, Dolce, qui maîtrise parfaitement son métier, sait se rendre indispensable auprès des touristes, se rapprocher des jeunes femmes européennes, qu’il est assez facile de séduire – ne sont-elles pas aussi venues pour cela ? Mais sait-il encore quel est son rêve, lui qui a une petite fille, qui vit en Suède auprès de sa mère ? Oui, il est allé en Europe, mais il y a été confronté au racisme ordinaire. Il a été confronté aussi aux différences de climat – c’est une chose de rêver de voir la neige, s’en est une autre de la supporter.

Un constat amer ? Oui. Même les histoires les plus réussies, si j’ose employer ce terme, cache douleurs, renoncements et déception. Zanzibar est cependant une oeuvre toute en nuance, que j’ai pris plaisir à lire.

 

L’enfant qui de Jeanne Benameur

édition Actes Sud – 112 pages

Présentation de l’éditeur :

Dans l’absence laissée par la disparition inexpliquée de sa mère, un enfant, son père et sa grand-mère partent chacun à la reconquête de leur place et de leur présence au monde.
Dix-sept ans après le choc des Demeurées, Jeanne Benameur, fidèle aux âmes nues, pose avec L’enfant qui, texte talisman, une nouvelle pierre sur le chemin le plus juste vers la liberté.
Porté par la puissance de l’imaginaire, L’enfant qui raconte l’invention de soi, et se déploie, sensuel et concret, en osmose avec le paysage et les élans des corps, pour mieux trouver l’envol.

Mon avis :

Se laisser porter, tout simplement.
Je me suis laissée porter par cette voix, par ces phrases, par cette histoire hors du temps, pas de notre temps.
Trois générations, une grand-mère, qui a vécu le pire, un père, son fils, violent, qui a perdu sa fiancée et dont la femme a disparu, et l’enfant, qui entend la voix de sa mère et la suit par les chemins, en compagnie d’un chien que personne ne voit sauf lui.
L’action se passe tout entière dans le village, que personne ne quitte, sauf la mère de l’enfant, elle qui avait déjà parcouru les chemins – libre.
Il y a ceux qui sont heureux ainsi et ceux qui auraient aimé partir, qui auraient dû, qui hésitent encore.
Il y a la mort qui rôde aussi, symbolisée par cette rivière, eau vive, eau libre, eau tourbillonnante.
J’ai pourtant éprouvé une grande sensation d’apaisement en lisant ce texte si poétique.
A découvrir.