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Epilogue meurtrier de Petros Markaris

Présentation de l’éditeur :

Athènes, Katérina, la fille bien-aimée du commissaire Charitos, se fait tabasser par des nervis d’Aube dorée. Puis cinq meurtres se succèdent, tous revendiqués par un groupe qui se fait appeler « les Grecs des années 50 ».
Le commissaire a fort à faire. D’une part il lui faut pourchasser les néo-nazis, les empêcher de perpétrer leurs sinistres exploits et retrouver les agresseurs de sa fille; d’autre part il doit enquêter et remonter la piste embrouillée jusqu’au mystérieux groupe dont le nom évoque les sombres années de la guerre civile, marquées par la répression et la misère.

Mon avis : 

Ce roman est davantage un roman qui nous montre la société grecque qu’un roman policier. Roman légèrement d’anticipation – légèrement – cela ne l’empêche pas de dresser le portrait d’une société grecque où règne le racisme ordinaire et où la corruption est très présente.

Le commissaire Charitos est un humaniste. Ne vous attendez pas à des courses poursuites, des tirs de pistolet échangés. Non. Ne vous attendez pas non plus à ce qu’il laisse faire, à ce que lui ou sa fille retourne leur veste et cesse de se battre pour ce en quoi il croit. Oui, ils prennent des risques, mais ils savent bien que ce n’est rien par rapport à ce que vivent les étrangers qui trouvent refuge en Grèce.

Vivre en Grèce n’est pas facile. J’ai un peu l’impression qu’on oublie un peu, beaucoup, ce qui se passe dans ce pays au regard d’une actualité un peu trop people en ce moment. Pourtant, ce qui se passe dans ce pays pourrait se passer dans d’autres pays d’Europe. Gardons-le à l’esprit.

 

Talgo de Vassilis Alexakis

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Présentation de l’éditeur :

Éléni, une jeune Athénienne, évoque la fin de sa liaison avec Grigoris – un Grec installé à Paris -, leur première rencontre, leurs retrouvailles à Barcelone, puis encore cette rupture dont elle ne parvient pas à guérir. Le veut-elle vraiment ?  » Ma souffrance est le dernier lien qui subsiste entre nous.  » écrit-elle.

Mon avis :

Il est difficile de classer ce roman, ce qui fait son charme. Roman épistolaire ? Jamais Eleni ne fera lire à son ancien amant la longue lettre, très vite transformée en manuscrit, qu’elle lui destine. Roman d’amour ? Il est celui d’une femme qui aime toujours son amant, alors qu’il a choisi la rupture, et pas de la manière la plus élégante qui soit (envoyer une lettre est toujours plus facile qu’un affrontement). Roman sur la Grèce ? Elle est toujours là, bien présente, même si le titre du livre est une allusion au train de nuit qui emmène Eleni vers Barcelone, vers son amant pour quelques jours avec lui. Eleni écrit à l’homme qu’elle aime pour combler le vide de sa vie et revivre leur histoire en l’écrivant. Ni son mari Kostas, ni son fils, ni son art (elle est danseuse) ne parviennent à combler ce vide.

A travers le souvenir de cet amour, et le rêve d’une quatrième partie possible, comme un soulagement puisqu’il signifierait la poursuite de  leur histoire, Eleni raconte son histoire, sa jeunesse, son art et son parcours amoureux, d’un mariage à l’autre. Elle raconte aussi l’histoire de la Grèce, la dictature de la junte militaire, les conséquences pour ceux qui ne la soutiennent pas ouvertement. Elle raconte aussi l’histoire de son amant, qui a choisi une voie plus radicale (comme l’auteur) en quittant son pays pour la France. Il aurait pu revenir en Grèce, y poursuivre sa carrière universitaire. Pour son bien, le bien de ses enfants, de bien de son couple (sa femme, Françoise la bien nommée, n’a jamais appris le grec), le bien de sa carrière, il a choisi de rester en France et de prendre la nationalité française. Il voyage cependant beaucoup : la vie d’universitaire reconnue a ses avantages.

Le triangle amoureux mari/femme/maîtresse est plus complexe ici. Le mari d’Eleni sait, il a la pudeur de ne rien reprocher à sa femme, de souffrir en silence – et si j’ose dire, en privé. Françoise, l’épouse de Gregori, est plus explosive, plus prompte à soupçonner cette jeune danseuse grecque qui téléphone à toute heure du jour et de la nuit. Et Gregori ? Il est le seul, finalement, dont le lecteur n’aura pas les pensées, ni les sentiments en ce qui concerne son histoire. Il a choisi la facilité en prenant une femme amoureuse comme maîtresse, il la choisit encore en rompant (au profit d’une femme plus discrète ? Lui est inapte, par contre, à brouiller les pistes).

Talgo est un roman apaisé sur une histoire d’amour qui n’est plus. Il nous parle aussi de la Grèce, sur le point d’entrer dans la CEE, et de la corruption qui régnait déjà dans le pays.

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Pain, éducation et liberté de Petros Markaris

9782021125436Présentation de l’éditeur :

2014. À Athènes, la survie quotidienne est de plus en plus difficile pour les citoyens appauvris et pour les immigrés harcelés. C’est alors qu’un tueur en série jette son dévolu sur des personnalités d’envergure issues de la génération de Polytechnique qui, après s’être rebellées contre la junte militaire, ont eu une carrière fulgurante. Le criminel reprend le célèbre slogan des insurgés de l’époque pour formuler sa revendication : « Pain, éducation, liberté». Qui se cache derrière ces meurtres ? Un membre de l’extrême droite ou un ancien gauchiste mû par le désir de vengeance ? Le commissaire Charitos, privé de son salaire depuis trois mois, tente avec sa ténacité habituelle de comprendre les mobiles du coupable.

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Mon avis :

Le roman a été écrit en 2012, imaginant une Grèce qui aurait renoncé àl’euro pour retrouver le drachme. Politique fiction ? Oui, mais le drame grec est bien réel, et s’inscrit dans son histoire.

Charitos fête le jour de l’an en famille, une famille qui se veut unie en dépit d’un présent peu réjouissant et d’un futur plus confus encore. Son salaire est suspendu pour trois mois – si tant est que ce qu’il touchait jusque là puisse être considéré comme un salaire digne de ce nom. Sa fille, que son ami Zissis, grand résistant dans le passé et le présent, a convaincu de rester au pays, ne gagne aucun salaire. Son gendre est réduit à la portion congrue alors qu’il est médecin. Pour survivre, rien ne vaut l’union – et la simplicité. De France on imagine mal à quel degré de pauvreté sont parvenus les grecs. Conserver sa dignité est une lutte quotidienne pour ceux qui n’ont plus rien.

La crise n’empêche pas les crimes – et le premier meurtre commis touche directement un ancien révolutionnaire, un de ceux qui a résisté lorsque la junte militaire a pris le pouvoir. Mais qui peut en vouloir à ses héros modernes ? Et bien… des personnes qui savent pertinemment que la crise n’est pas arrivée toute seule en Grèce, et qu’il a bien fallu que cette génération, ceux qui sont sur le point de prendre leur retraite, ait participé à ce qui est aujourd’hui la débâcle grecque.

Ce n’est pas que Charitos enquête mollement, non, il fait ce qu’il peut avec les moyens du bord, laissant sa chère voiture au garage parce que, de toute façon, il manque un peu d’essence pour la faire rouler. Il est stupéfait par le fossé qui s’est crée entre les générations, entre les parents et leurs propres enfants, qui tiennent à réussir par leur propre moyen plutôt que de suivre les traces de leurs pères. Et il semble que, parfois, donner des cours à des détenus alors que l’on est soi-même incarcéré soit le début d’une existence réussie.

Pain, éducation, liberté est le portrait d’une génération désabusé, parce qu’elle a déjà tout perdu avant même que sa vie n’ait commencé.

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Le justicier d’Athènes de Petros Markaris.

9782021118001Présentation de l’éditeur :

La Grèce en 2011 : la crise économique s’aggrave. Les riches vivent bien et ne payent pas leurs impôts, les pauvres, eux, sont partagés entre révolte ou désespoir. Un inconnu ne choisit ni l’un ni l’autre : il agit … en franc tireur. Plusieurs fraudeurs fiscaux reçoivent un courrier signé « Le percepteur national » les enjoignant de payer les sommes dues au fisc, faute de quoi ils seront exécutés. Trois fraudeurs qui n’ont pas obtempéré sont retrouvés morts sur un site archéologique.

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Mon avis :

Vous savez ce qu’est le désespoir, mais avez-vous connu la désespérance ?
C’est ce que vivent les grecs, ou plutôt c’est ainsi qu’ils choisissent de mourir. Face à la crise – pas de travail, pas même de chômage, plus de retraite, plus de biens à vendre puisque personne ne peut acheter ou même louer – certains choisissent de partir dans la dignité, puisqu’ils ne peuvent plus ni aider, ni être aidé. La tragédie grecque contemporaine touche tous les âges.
A l’exact opposé de ces êtres dont la mort appelle la compassion, des hommes, qui avaient su pleinement tirer partie de toutes les failles du système (pour ne pas les nommer tout simplement des niches fiscales) pour mener une vie des plus aisées et des plus protégées, grâce à des appuis très influents. Les contrôles fiscales ne sont pas pour eux, l’administration est, de toute façon, débordée.
Ce roman nous interroge sur la notion même de genre policier. Nous avons bien des crimes, un meurtrier, un mobile, et des enquêteurs auxquels ont fait miroiter un avancement, mais quels sont les véritables crimes ? Laisser mourir les forces vives de la nation, ne pas savoir utiliser les compétences, pourtant nombreuses, dont dispose le pays, laisser pourrir les services indispensables (médecine, police, éducation) à la survie du pays et ne pas avoir su tirer les leçons du passé. En cela, le personnage de Zissis, ami de Charitos, est emblématique, puisqu’il incarne la véritable résistance du pays, et sa mémoire.
Nettoyer la corruption qui mine le pays, régler les dettes – toutes les dettes – renouer avec ce que le passé pouvait avoir de mieux, empêcher les jeunes désespérés de quitter le pays sont les véritables défis à relever.
Ce second volume de la trilogie de la dette est à lire pour tous ceux qui veulent mieux connaitre la Grèce moderne.

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Le che s’est suicidé de Petros Markaris


Présentation de l’éditeur :

Un célèbre homme d’affaires se donne la mort à l’antenne, en direct, d’une balle dans la bouche. C’est un choc terrible pour les Athéniens, mais une aubaine pour le commissaire Charitos, qui en profite pour échapper à une ennuyeuse convalescence. Peu après, un député et un journaliste se suicident à leur tour sous les yeux des téléspectateurs… A quelques semaines des Jeux Olympiques, les autorités paniquent… et Charitos reprend du service.

Mon avis :

Connaissez-vous bien la littérature grecque ? Non ? Moi non plus. Jusqu’à ce que je sorte ce livre de ma PAL, le seul auteur grec que j’avais lu était Homère. Alors un auteur de romans policiers grecs… N’en parlons pas.

Quant à l’histoire de la Grèce contemporaine, elle est encore plus inconnue à mes yeux que ses auteurs et si l’on évoque ce pays de nos jours, on pense à sa « crise », on pense peu à la junte militaire qui a pris le pouvoir dans les années 70 et à la chute de la royauté (à moins d’avoir lu la BD Mafalda de Quino).

Charitos, pourtant, s’en souvient, lui qui a fait ses premières armes en tant que gardien de la Bouboulina, prison dans laquelle les prisonniers politiques, ceux que l’on soupçonnait d’attentats, étaient enfermés et interrogés. Je vous laisse deviner comment ils étaient interrogés, les personnages se montrent pudiques sur ce qu’ils ont vécu, plutôt sur ce qu’ils ont enduré, et dont ils portent encore les marques – pour certains.

Le célèbre homme d’affaire qui s’est suicidé en direct est passé par cette prison, tout comme l’homme politique intègre qui, à son tour, se suicidera de manière spectaculaire devant les caméras. Une dérive de la télé-spectacle ? Certains ne sont pas loin de le penser. Un chantage ? Difficile de trouver un coupable dans un crime dont le meurtrier est aussi la victime. Mais quand deux ouvriers kurdes sont assassinés, l’affaire prend une autre dimension.

La Grèce est (déjà) en crise pendant que se construit le village olympique. Le taux de chômage est important, et comme souvent dans ces cas-là, la solution est radicale : c’est la faute des étrangers qui viennent travailler en Grèce et prennent le travail des honnêtes ouvriers grecs. D’un côté, certains veulent les renvoyer chez eux (refrain connu ici aussi), de l’autre d’autres veulent les intégrer, enseigner leur langue, leur culture dans les écoles primaires. Il n’en faut pas plus non pas pour mettre le feu aux poudres, mais pour donner du grain à moudre aux enquêteurs.

Sauf que l’enquêteur, Charitos, est bien mal en point. Après avoir joué les héros, passé des heures au bloc opératoire, des jours aux soins intensifs, il est maintenant en convalescence, sous la férule de sa femme Adriani qui, pour une fois dans leur vie de couple, a la mainmise sur l’emploi du temps de son mari. Aussi, quand son chef, Guikas, dépassé par l’incompétence olympique du remplaçant de Charitos, lui demande d’enquêter officieusement, il accepte immédiatement.

Et enquêter officieusement, c’est presque aussi facile que d’enquêter officiellement – le passage de l’un à l’autre, quand les bourdes seront trop manifestes, se feront dans la douceur. Il faut dire que Charitos enquête sur des morts, et non sur des malversations financières, des comptes en Suisse ou dans les Balkans. Là, il aurait vraiment du mal à tirer des informations des personnes qu’il interroge ! Comme auxiliaire, il peut compter sur Koula, secrétaire de direction qui aspire à mieux et n’a aucune illusion sur les hommes : Dans les milieux que je fréquente, personnel et professionnel, quand les hommes flairent une femme intelligente, ils prennent leurs jambes à leur cou. Si je veux la jouer brillante, je vais finir vieille fille.Les hommes préfèrent la sécurité que leur procure une courge pour avoir l’esprit tranquille. Il peut aussi compter sur une fidèle trentenaire : sa Fiat. Il peut compter sur elle pour l’emmener aux quatre coins d’Athènes, et je ne vous cache pas que les nombreuses pages consacrées aux travaux, aux embouteillages, aux difficultés de circulation en tout genre sont parfois ennuyeuses, mais nécessaires pour montrer la vie quotidienne en Grèce.

Et le résultat de l’enquête, me direz-vous ? Il est aussi complexe que le problème que Charitos a dû résoudre, et ce n’est pas peu dire.

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