Archive | janvier 2023

Nous en resterons là de Chloé Lambert

Présentation de l’éditeur : 

Margot, 17 ans, souffre depuis plusieurs mois de malaises fréquents et peine à se rendre en classe. Divers médecins ont échoué à la guérir. Jusqu’au jour où elle atterrit chez un psychiatre, le docteur Donnelheur. Face à lui, chaque semaine, pendant quarante-cinq minutes, Margot se heurte au silence des mots qu’elle ne trouve pas. Heureusement, le docteur Donnelheur se révèle être un très bon psy. Libérée de son secret, Margot reprend pied. Donnelheur devient un sauveur, un père, un maître à penser… Cependant, au fil des séances, le sorcier bienveillant et malicieux se mue en recteur insatisfait et colérique. Le sauveur serait-il devenu dangereux ? Jusqu’où les règles du cadre analytique seront-elles enfreintes ? Margot parviendra-t-elle à se libérer du piège qui se referme ? À moins que le sujet d’étude ne soit pas celui que l’on croit…

Merci aux éditions du Rocher/Elidia et à Netgalley pour leur confiance.

Mon avis : 

Douloureux. Prenant. Malsain.

Je ne pensais sincèrement pas lire ce roman quasiment d’une traite. Ce roman devrait parler de l’inceste, de la manière dont la victime se reconstruit, dont la famille fait face, aussi, à la révélation de ce secret. Et ce n’est pas du tout de la manière dont on pourrait s’y attendre. Non, ce roman n’est pas que cela, même si ce serait déjà beaucoup. il traite surtout de l’emprise qu’un psychiatre peut avoir sur sa patiente.

Certes, il va beaucoup aider la jeune femme – dans un premier temps. Avant de l’enfoncer – dans un second temps. Ce docteur, psychiatre et psychanalyste (autant je respecte les premiers, autant j’ai du mal avec les seconds) est très renommé, il est le meilleur, il est donc insoupçonnable, intouchable, inattaquable. Et qui y songerait ? Personne. Pas même la narratrice, qui nous raconte comment, à un moment du récit, elle a dû se reconstruire – malgré lui – comment elle s’est détachée – malgré lui, toujours.

Un roman que je n’ai pu quitter sans un sentiment de malaise, sentiment que j’ai toujours en écrivant cet avis.

Arpenter la nuit de Leila Mottley

édition Albin Michel – 416 pages

Présentation de l’éditeur :

Kiara, dix-sept ans, et son frère aîné Marcus vivotent dans un immeuble d’East Oakland. Livrés à eux-mêmes, ils ont vu leur famille fracturée par la mort et par la prison. Si Marcus rêve de faire carrière dans le rap, sa soeur se démène pour trouver du travail et payer le loyer. Mais les dettes s’accumulent et l’expulsion approche.
Un soir, ce qui commence comme un malentendu avec un inconnu devient aux yeux de Kiara le seul moyen de s’en sortir. Elle décide de vendre son corps, d’arpenter la nuit. Rien ne l’a pourtant préparée à la violence de cet univers, et surtout pas la banale arrestation qui va la précipiter dans un enfer qu’elle n’aurait jamais imaginé.

Mon avis : 

Tout d’abord, je tiens à remercier les éditions Albin Michel qui m’ont permis de découvrir ce livre – je rédige bien tard mon avis.

Black lives matter. Mouvement politique plus que jamais d’actualité. Et la vie des femmes ?

Kiara a 17 ans. Elle vit dans un appartement à Oakland, avec son grand frère Marcus. Il tente de percer dans le rap, comme leur oncle l’a fait avant lui. Lui et ses potes mettent toute son énergie dans son projet. Marcus ne pense qu’à ça, sa soeur devrait comprendre qu’il ne peut pas s’occuper du reste, c’est à dire de toutes les préoccupations de la vie quotidienne : payer le loyer, qui a encore augmenter, remplir le frigo, etc, etc… Oui, l’on a appris aux filles, aux femmes, à prendre soin de leur père, de leur mari, de leurs frères, de leurs fils. Qui leur a dit qu’il fallait aussi qu’elles prennent soin d’elles-mêmes ? Personne. Kiara, qui a tenté à maintes reprises de trouver un travail, se tournera vers ce que l’on nomme « le plus vieux métier du monde ».

Ce n’est qu’une des étapes dans la vie chaotique de Kiara. Oui, elle fera des mauvaises rencontres, et pas forcément celles auxquelles on pense. Police, corrompue, justice, à la ramasse : un très bon avocat sait jouer avec les failles du système, et elles sont particulièrement nombreuses. Ce n’est pas faute, pour Kiara, de se démener, pour son frère, pour les amis de son frère, pour cet enfant qui est quasiment livrée à elle-même, ou pour ce bébé qui a besoin de son père – c’est à dire d’un père qui ne soit pas en prison. Et qui se démène pour elle ? Oui, je sais, je me répète. J’ai eu très souvent l’impression qu’elle était irrémédiablement seule, et j’ai eu souvent l’impression de lire un récit dans lequel l’espoir était absent. Savoir que ce récit est inspiré de faits réels n’est pas non plus la révélation la plus encourageante qui soit.

Bien que nous sommes en Californie, un état que l’on se représente en règle générale comme « ensoleillé », « chaleureux », j’ai trouvé ce récit particulièrement glaçant, comme si, parfois, la narratrice cherchait à tenir à distance ce qui lui arrivait, comme si, parfois, tout cela était « trop », tout en étant en même temps quasiment inévitable. Tragique ? Oui. Et je terminerai par ces mots.

Le retour de Janvier de Charlotte Dordor

Présentation de l’éditeur :

Le niveau de la mer est monté. La Rochelle, régulièrement submergée et sous contrôle de l’armée, s’est vidée de la plupart de ses habitants. Janvier Bonnefoi y vit dans la solitude, remontant en barque les rues noyées et ressassant la dispute qui l’a forcé, un an plus tôt, à quitter la ferme familiale en Lozère. Le jour où la ville est évacuée, Janvier décide de rentrer chez lui.

Merci aux éditions Julliard et à Netgalley pour ce partenariat.

Mon avis :

La première question que je me suis posée en lisant ce roman n’est pas : « où sommes-nous ? » mais « quand sommes-nous ? » Nous sommes en France, oui, l’action débute à La Rochelle, ville qui n’est plus celle que nous connaissons, mais qui a subi de plein fouet le réchauffement climatique, ce fameux réchauffement qui n »existeraient pas, ou que l’on n’aurait pas vu venir. Il est là, et bien là dans ces pages.

Ce que j’ai trouvé le plus troublant dans cette lecture, c’est à quel point tout m’a semblé possible. Les paysages que nous connaissons, dévastés. Le rationnement. Les épidémies (ce n’est pas comme si nous étions en train d’en vivre une). L’armée qui prend le contrôle. L’information, muselée, sous prétexte de ne pas démoraliser les français – qui regardent les informations pour se remonter le moral ? Les liens sociaux, dénoués. Les liens familiaux qui résistent tout juste. Et, encore et encore, la peur de l’autre, du migrant ou du voisin, peur de celui qui pourrait s’en prendre à nous, au peu de biens qui nous restent. Le partage ? Comme au bon vieux temps, ça dépend, ça dépasse, et pourtant, certains sont encore capables de gestes de générosité.

J’ai pensé, aussi, parfois, à l’Odyssée, quand Janvier reprend la route pour rentrer chez lui, fugitif, furtif, découvrant des lieux moins touchés que La Rochelle, des lieux où l’on vit presque comme avant. Presque. Il va s’attacher un temps, à une femme, une terre, un lieu. Comme si l’amitié, l’entraide étaient encore possibles, souhaitables – et j’ai vu les « visites » des militaires comme autant de moyen non de soutenir mais de contrôler la population. Et je ne me sens pas pessimiste en écrivant ces mots.

En filigrane, aussi, des attentats menés par des activistes écologiques voulant faire bouger les choses. Je dis « en filigrane » parce que l’on en saura peu – mais il n’était pas nécessaire non plus de trop en savoir, ni pour moi, de trop en dire. Cependant, tout sonne tellement juste, tellement possible, que j’ai trouvé cette oeuvre presque effrayante. Et si nous, et surtout ceux qui nous gouvernent, nous ouvrions les yeux avant qu’il ne soit trop tard ?

Derrière l’épaule de Françoise Sagan

édition Plon – 234 pages

Présentation de l’éditeur : 

En relisant ses livres, Sagan retrouve le fil de sa vie mouvementée (amis, voyages, maisons, amours…).
Comme si sa biographie se confondait avec la liste de ses romans, l’idée est venue à Françoise Sagan de se promener dans le paysage de son oeuvre. Idée amusante et parfois cruelle qui l’entraîne dans une flânerie mélancolique à travers « profils perdus », « chagrins de passage », « lits défaits » et « bleus à l’âme ».
Au hasard de la lecture, surgissent des moments de temps retrouvé : « le charmant petit monstre » de Cajarc, les années Saint-Germain-des-Prés, ses amours, ses maisons, ses voyages.
Voyages autour d’elle-même, en somme, pages confidentielles traversées de fous rires qui nous rapprochent encore d’un écrivain que nous admirons. Mieux : d’une personne que nous aimons.

Mon avis : 

Le livre se présente presque comme un défi, non pour le lecteur, mais pour l’autrice : revenir sur la genèse, l’écriture et la publication de chacun de ses romans. Oui, dans cet ouvrage, elle ne nous parle ni de ses pièces de théâtre (j’en ai lu une) ni de ses nouvelles. Elle présente chacun des romans en respectant l’ordre chronologique de parution.

Qui n’aurait eu envie, en effet, de se retrouver derrière l’épaule d’un écrivain pour savoir comment il procédait ? Françoise Sagan reconnaît qu’elle ne se souvient pas forcément de tout, qu’elle n’a pas vraiment envie de se relire, elle qui a tant d’autres livres à lire. Dans ses pages, toutes très agréables à lire, elle accorde plus de place à des romans qui ont été des succès qu’à ceux qui en ont eu un moindre, ou ceux qu’elle-même estime peu réussis, comme son troisième roman Les merveilleux nuages.

Il ne s’agit pas pour elle de se jeter des fleurs, ni de s’auto-flageller non plus. Sagan chroniqueuse a la même plume que Sagan romancière. Pudique, elle évoque cependant celui qui fut son compagnon de vie avec une infinie tendresse : son frère Jacques. Elle n’oublie pas non plus ses fantasques amis, comme Jacques Chazot, ou Bernard Franck. Pudique, toujours, quand elle évoque les grandes douleurs de sa vie, qu’elles soient physiques (après son accident de voitures de ) ou morale (la douleur ressentie après la perte d’un ami). Pudique, oui, mais elle n’oublie pas une bonne dose d’auto-dérision : On ne peut pas lire pendant deux mois les romans d’un seul auteur, même si ce sont les vôtres. Surtout si ce sont les vôtres… Elle fut en son temps un véritable phénomène d’édition, phénomène que d’autres maisons d’édition tentèrent de transformer, en lançant de nouvelles Françoise Sagan, enterrant un peu vite la véritable Sagan.

Lucide, aussi : elle sait bien, en terminant ce livre, que le prochain ouvrage qu’elle rédigera sera le dernier, et la vie lui donnera raison.

L’Auvergne de Christian Bouchardy : Deux siècles d’images

Merci aux éditions De Borée et à Netgalley pour ce partenariat.

Présentation de l’éditeur :

Le fruit de patientes recherches, sur place et parmi des documents anciens, qui créent une collection captivante de documents sur le patrimoine et la nature de l’Auvergne. 130 sites parmi les plus prestigieux ; des photographies qui témoignent de l’évolution du patrimoine de l’Auvergne durant les deux derniers siècles.

Mon avis : 

L’Auvergne est une région de France que je ne connais pas du tout. Aussi, lors de l’avant-dernière masse critique Babelio, ai-je eu envie de découvrir ce livre, et par conséquent, cette région.

Que dire ? Que c’est un très beau livre ? Oui, mais ce serait un peu court. Il est déjà très bien conçu, grâce au sommaire qui nous permet de trouver immédiatement le lieu que l’on souhaite connaître, département par département – ou reconnaitre pour ceux qui connaissent cette région. Je pense, pour ma part, à Polignac.

Chaque double page est très bien conçue, et a dû demander un travail méticuleux pour retrouver des images du passé. Il peut s’agir des premières cartes postales du lieu, de photographies nous montrant les moissonneurs du temps jadis, les vieux métiers du bois (sabotiers, charbonnier) ou ces petits métiers oubliés (marchandes de pommes, vachers).

Les images du présent sont toutes très évocatrices des lieux. Il peut s’agir de la nature elle-même, dans toute sa diversité, et des bâtiments, des monuments les plus représentatifs des lieux évoqués – le célèbre viaduc de Garabit.

Parfois la trace laissée par l’homme semble moindre, comme dans la double page qui représente la vallée de Mondailles ou encore Carlat. La nature est souveraine, encore, dans les gorges de la Loire près de Chaudron ou Arlempdes. Je pourrai énumérer d’autres lieux encore, et je passerai à côté de toutes les églises, les collégiales qui furent bâties parfois en des lieux inaccessibles – ou du moins, qui le paraissent à mes yeux. Je pense ici à Saint-Michel d’Aiguilhe ou à la cathédrale Notre-Dame-de-l’-Annonciation.

Un très bel ouvrage à partager.

Pst-scriptum :

– Euh, Sharon ?
– Oui, Ferenc (cousin de Sharon – prénom modifié, forcément) ?
– Tu es déjà allée en Auvergne. Tu ne t’en souviens pas ?
– Non.
– Tu avais deux mois ! Enfin, tu étais depuis deux mois dans le ventre de ta maman. Tu dois quand même garder des souvenirs ?
– Euh, non.
– Tu ne fais vraiment pas d’efforts.

Le Sourire de Jackrabbit de Joe R. Lansdale

édition folio policier – 310 pages.

Présentation de l’éditeur :

À Marvel Creek, petite ville reculée du Texas, racistes et fanatiques font la loi… jusqu’à l’arrivée de Hap et Leonard.
Hap Collins, ouvrier texan idéaliste devenu enquêteur, est heureux : il se marie enfin avec sa compagne Brett, qui dirige l’agence de détectives où il travaille avec son vieil ami, Leonard, noir, gay, républicain et bagarreur. Mais en pleine noce surgit une famille d’intégristes religieux, qui leur demande de retrouver leur fille fraîchement disparue, surnommée Jackrabbit.
Fusillades, bastons et humour sont au rendez-vous dans cette nouvelle aventure de Hap Collins et Leonard Pine, mais le regard que porte Joe R. Lansdale sur la profonde fracture de la société américaine actuelle, et sa culture de la violence, n’a sans doute jamais été aussi tranchant.

Mon avis :

Il y a quelque chose de pourri au Texas, et pas seulement au Texas. Pourtant, ce nouveau tome des aventures de Hap et Leonard avait très bien commencé. Hap s’était marié avec Brett. Vive les mariés ! Tout le monde, absolument tout le monde était content pour eux (même une petite fille qu’ils soupçonnent fortement de plus tenir du vampire que de l’être humain) quand des humains qui étaient assez éloignés de l’humanisme sont venus troublés le repas de mariage parce qu’ils avaient besoin du duo d’enquêteurs pour retrouver leur fille et soeur, surnommée Jackrabbit. Racistes ? Je dirai plutôt qu’ils redéfinissent ce qu’est le racisme, et qu’ils ne sont pas les seuls à penser de manière aussi tordue.

Le pire ? Celui qui est nommé le Professeur. Pourquoi ? Il est intelligent, il manie parfaitement la rhétorique, rassurant ainsi ceux qui l’entendent dans leur convictions crasses. Mais Hap et Leonard connaissent hélas très bien (trop bien) ce genre de discours, et maîtrisent parfaitement l’art de le démonter, tant ils ont l’habitude de l’entendre. Pour citer Leonard : « Ségrégationniste, c’est juste une autre façon d’épeler raciste, dit Léonard . La seule différence entre les deux mots, c’est que le plus long porte une cravate et un costume. » Oui, et même si cela paraît incroyable, il est encore des personnes que l’amitié entre un blanc et un noir dérangent. Alors quand une jeune femme blanche se met en couple avec un homme noir et a un enfant avec lui, ces mêmes personnes sont scandalisées – voire même bien pire.

Hap et Leonard s’impliquent fortement, ne reculent devant rien. Les menacer, chercher à les impressionner ? C’est une très mauvaise idée. Parce qu’il est une personne qui ne peut absolument pas se défendre, au beau milieu de Marvel Creek, cette ville de tordu, c’est bien le bébé de Jackrabbit. Et, pour lui, ils ont bien l’intention d’aller jusqu’au bout, quitte à se faire aider de renfort – je pense au conjoint de Leonard, un chic type.

Je pense aussi, parce que les deux hommes n’oublient personne, à Rex, un chien qui a été maltraité de tout temps par son « maître ». Leonard ne se trompe pas, ce n’est pas le chien qui est responsable, c’est l’homme qui l’a rendu ainsi. « Je suis un libérateur » dit Leonard. Il a bien raison.

 

L’heure exquise de Dominique Barberis

édition Gallimard – 128 pages

Présentation de l’éditeur :

Un soir d’été en province, de la fermeture de la boucherie du village au coucher des enfants.
Tel est le « motif » sur lequel travaille l’auteur, à la manière de Monet, de Ravel, de Téchiné, une certaine tradition française de la description fine.
Le registre est celui du secret, de l’intime, de l’émotion furtive. De la musique avant toutes choses.  » Tout immobile.
Les hommes assis dans leurs jardins comme les dieux de l’ancienne Grèce. On dirait que plus rien ne nous séparé du cœur de nos désirs.
Le soleil descendu avec un mouvement régulier sur cette campagne rase, avec ses champs bien clôturés, ses merisiers, ses noisetiers serrés, et les haies du bocage sur lesquelles les mûres de saison commençaient déjà à noircir ; le mouvement sur la côte de la Châtaigneraie, de l’éolienne.
Le soleil rejoignant sa base, atteignant son point le plus bas, ce point d’obscure connaissance, d’obscure tangence, se couchant dans nos cœurs plats comme des champs, dans nos cœurs secs et remués comme de la terre.

Mon avis :

Ce livre est paru en 1998. L’aurai-je lu à sa parution ? Non. Je ne me souviens même plus de ce que je lisais cette année-là. Je me souviens simplement que j’étais étudiante en licence de lettres modernes, que j’obtenais mon permis de conduire le 13 janvier, trente ans jour pour jour après mon père et que la France gagnait pour la première fois la coupe du monde de football. Je me souviens de cet enfant du village qui, avant le match, brandissait le drapeau français à bout de bras. Je me souviens aussi que j’écoutais Florent Pagny et que mon cousin Patrick s’est suicidé le 21 mars et est mort le 24 mars. Mon vétérinaire ne parvenait pas à y croire, lui qui l’avait reçu à son cabinet quelques jours plus tôt, parce que lui et sa fiancée avaient recueilli un chien – elle le gardera.

Alors non, je n’aurai pas lu ce livre, et si des années après sa parution, je suis allée jusqu’au bout de ma lecture, je dois dire que je ne l’ai pas apprécié. Je serai pourtant tentée de me lancer dans des circonvolutions littéraires, dire que le style est ceci, cela, qu’il est intéressant de découvrir ce qui se passe dans une journée complète, au temps de ce qui n’était pas encore une canicule estivale. Je pourrai dire que ce récit simple change de ce que l’on peut lire habituellement, que ce n’est pas un « roman de l’été ». Ce ne serait que des effets de style.

Je me suis passablement ennuyée à cette lecture. Je me suis ennuyée face à tout ce que ce récit comportait de conventionnel, et en même temps d’un autre temps. L’on ne trouve plus, en 2023, une file de femmes qui achètent leur viande chez le boucher du village. Elles vont au supermarché, ou se font livrer, voire ne mangent quasiment plus de viande. L’on ne trouve plus, du moins je l’espère, une belle brochette de mère énervée qui, face à l’agitation de leurs enfants respectifs, ne voient qu’une solution : la fessée ! Juste pour passer leurs nerfs, parce qu’elles ne supportent plus l’énervement de leurs enfants, et de mettre cela sur le dos de la chaleur. Elles n’attendent d’ailleurs qu’une chose, que ceux-ci retournent à l’école ! Nous sommes l’été, et pourtant, elles ne prennent pas le temps de se poser, de parler, voire de jouer avec leurs enfants. Non, ces mères-là, qui, comme la mère de la toute jeune héroïne, Bénédicte, n’ont pas la vie qu’elles voulaient, qui font le plus souvent des choses qu’elles n’ont pas envie de faire, veulent donc que leur enfant fasse des choses qui ne lui convienne pas, parce qu’elles en ont décidé ainsi. Répéter que le foie est bon pour la santé ne rendra jamais le foie bon à manger – oui, je donne mon avis, puisqu’un narrateur omniscient précise bien que le fait que l’enfant pleure sur le foie ne nuira pas au bon goût de la viande.

Nous sommes en 1998, et l’on téléphone encore d’une cabine téléphonique, l’on a encore un téléphone fixe dont on se sert, garçons et filles ne jouent pas  ensemble, mais sont bêtement opposés les uns aux autres, les garçons en voulant aux filles. Une autrice que j’aurai découverte, mais que je n’ai pas très envie de relire. J’ajoute qu’en lisant le quatrième de couverture, je me dis que celui qui l’a écrit et moi n’avons pas lu le même livre : je trouve les hommes absents, fuyants de ce récit, pour ne prendre que cet exemple.

Le Mur de l’Atlantique par Olivia Resenterra

Présentation de l’éditeur :

La narratrice, qui vit à Londres, passe une semaine de vacances chez ses parents en Charente-Maritime. Une dernière fois, elle veut se rendre dans la maison, tout juste vendue, de sa grand-mère. Cette ultime visite et ce bref séjour au bord de l’Atlantique la ramènent sur les chemins de l’enfance. Elle tourne les pages des albums photos de famille, se souvient de son grand-père Valentino, immigré italien, maçon et ouvrier agricole ; de la quête d’un vieux fort réputé impénétrable ; de l’estuaire du fleuve tout au bout des marais… Sans oublier cet horizon sauvage : l’île Madame. Le récit, d’une infinie élégance, a le charme d’une balade balnéaire. Les époques se mêlent avec délicatesse, reprennent vie et nous restituent le plus précieux des parfums, celui d’un temps suspendu.

Merci aux éditions du Rocher et à Netgalley pour ce partenariat.

Mon avis : 

Le mur de l’atlantique est un roman calme et contemplatif. Ce roman court prend le temps, à une époque où l’on ne le prend pas vraiment, de poser le cadre, de décrire, de se souvenir aussi. La narratrice est revenue en France pour dire adieu à sa maison d’enfance, celle de sa grand-mère, en Charente-Maritime. Sur les lieux, elle se souvient, des souvenirs heureux, des bonheurs simples avec son frère, dans la maison, dans le jardin, dans ces anciens bâtiments qui vont sans doute être détruits par le nouveau propriétaire, dans des lieux pittoresques, propice à leur imaginaire, comme ils l’avaient été, des années plus tôt, à celui de son père, de son oncle, de ses tantes.

La narratrice retourne dans le passé, par le biais de ces petits morceaux de temps arrêté que sont les photos. Son grand-père, Valentino, sa grand-mère sont venus d’Italie, ayant construit leur vie et leur famille en France. Il est question d’immigration oui, mais aussi de transmission, de ces valeurs que l’on enseigne à ses enfants, par delà le départ du pays natal. Ces retour dans le passé nous rappelle aussi la vie quotidienne de cette population active des années cinquante, active mais oubliée, qui était constituée d’ouvriers, de journaliers. Oui, en dépit de la scolarisation obligatoire, et ce, depuis des décennies, il était encore possible de ne savoir ni lire ni écrire, comme Vincent, ouvrier agricole dormant « au milieu des sacs d’orge et d’avoine. » Les enfants eux-mêmes devaient accomplir leur part de travail à la ferme – futurs successeurs de leurs parents, dans l’esprit des patrons. Oui, l’on parle d’ascenseur social, mais l’on n’oublie que certains n’avaient pas envie de voir d’autres s’élever. Constat pessimiste que je fais en passant, dans ce roman qui nous montre la France de l’après-guerre, les séquelles laissés sur le territoire français par la guerre – les blockhaus, les batteries en béton, vestiges du mur de l’Atlantique qui donne son titre à ce roman.

A découvrir.

 

Le mois du polar : le retour !

Bonjour à tous

Le mois du polar revient, du 1er février au 28 février 2023, avec prolongation pour recueillir tous les billets partagés jusqu’au 4 mars.

L’objectif reste, au fil des années, toujours le même : partager autour d’une passion commune, le roman policier sous toutes ses formes.

Toutes les catégories de roman policier, tous les livres qui parlent de roman policier peuvent participer : essai, bande dessinée, manga, littérature jeunesse…

Il n’est pas besoin de participer au challenge annuel pour participer au mois mais, bien sûr, si vous y participez, les lectures compteront aussi pour le challenge.

Il est possible aussi de parler de films, de séries télévisées, de recettes de cuisine. Pour ma part, il faudrait surtout que je me remette à la cuisine.

L’an dernier, je disais que j’espérais participer le plus possible. Je ne pensais pas que, l’année suivante, j’écrirai ce billet avec Odabella sur les genoux, six mois ce jour, née avec ses frères et sa soeur dans un arbre à chat, d’une mère-chatte qui avait déjà une portée de trois mois (les trois « grands » vont bien, je vous remercie, j’ai eu des nouvelles ce matin).

Belette m’a de nouveau offert des logos superbes pour le mois du polar.

Bon mois du polar à tous !

 

De sang sous les collines de Marie-Bernadette Dupuy

Présentation de l’éditeur :

Du sang sous les collines, nouvelle recrue à la gendarmerie d’Angoulême, en Charente (France), Maud Delage doit résoudre un double meurtre avec l’aide d’Irwan et de Xavier, qui ne sont pas indifférents à ses charmes. Les trois nouveaux collègues découvriront une horrible machination dont l’origine se trouve dans une sombre histoire de désir et d’argent. Or, l’enquête conduira Maud et ses acolytes jusque dans les souterrains d’Angoulême, où la jeune policière pourrait très bien être la prochaine victime.

Mon avis :

J’ai été longtemps partagée à la lecture de cette courte enquête. En premier lieu, ce qui m’a rebuté n’est pas l’horreur du crime – les corps de Jean-Louis et Anaïs sont retrouvés deux mois après leur assassinat – mais le fait que l’heure précise de la mort puisse être fixée. De nos jours, je ne pense pas que cela soit possible, alors dans les années 90 finissantes, je le crois encore moins.

J’ai pensé que trop de place était donné aux états d’âme de l’enquêtrice, entourée de deux enquêteurs, Irwan et Xavier, qui ne sont pas seulement des coéquipiers, mais aussi des amoureux potentiels. Eux-mêmes se positionnent ainsi et attendent le choix de Maud.

Puis… l’humanité de Maud transparaît vraiment dans la manière dont elle s’adresse aux proches des victimes, à sa façon d’être réellement attentive à ce qu’ils disent, à ne pas les presser, si nécessaire. Seulement, cette volonté de ne pas déranger, y compris ses collègues, peut être lourde de conséquence – pour elle. Je boucle un peu la boucle par rapport à mon premier bémol, mais enquêter en solo, sans prévenir personne, se jeter quasiment dans la gueule du loup n’est bénéfique pour personne, et surtout pas pour la justice.

Un roman policier plaisant à lire, malgré tout.