Archive | février 2018

Les méandres du fou d’Arthur Upfield

Présentation de l’éditeur :

L’inspecteur Napoléon Bonaparte ne résiste jamais à une affaire déconcertante.
C’est là une de ses faiblesses. William Lush a disparu. Alcoolique, violent, il aurait fort bien pu être tué tant il était détesté. Sur la liste des suspects, sa belle-fille… et beaucoup d’autres, éleveurs ou trimardeurs. Mais, pour une fois, Bony ne pourra pas compter sur son fidèle allié, le temps. Car le Darling va lui barrer la route. De mince filet paresseux, le fleuve va gonfler en un énorme torrent dévastateur.

Mon avis : 

Ce qui caractérise Bony c’est sa ténacité. Il est hors de question pour lui de ne pas résoudre une affaire,et peu importe le temps que cela prendra. Seulement, ici, du temps, il n’en a pas vraiment puisqu’une gigantesque inondation menace les domaines sur lesquels il enquête. Un défi ? Oui, parce que ce n’est pas une inondation qui l’empêchera d’enquêter.
Mais revenons à la première scène du livre, saisissante. Une jeune fille, un fusil à la main, attend. Elle attend son beau-père, qui a tellement tabassé sa mère qu’elle l’a retrouvée inconsciente. Sa mère, Mrs Madden qui, par peur du qu’en dira-t-on, refuse de porter plainte, refuse que l’on sache même ce que son second mari lui fait subir. Il finit par revenir, bien sûr, cet homme qui se garde bien que l’on sache quoi que ce soit sur ses débordements, au point qu’il roule toujours très lentement quand il est ivre – comme ce soir. Il menace de rentrer, elle tire à travers la porte, plus un bruit.
Au matin, Lush n’est pas (plus?) là, il a disparu, et sa femme est de plus en plus mal, forçant la jeune fille à dire ce qu’elle ne pouvait pas dire. Si Bony enquête, ce n’est pas tant pour savoir si Lush va bien – ou pas. C’est aussi pour le forcer à rendre compte de ses actes. La donne change quand il est retrouvé…
Plus qu’un roman policier, Le méandre du fou est un livre sur les éleveurs australiens, leur communauté, les origines de chacun, comme Mme Cosgrove, voisine à poigne originaire de l’Angleterre, qui a eu le plus grand mal à se faire au bush et à ses coutumes. Son fils est bien plus à l’aise, ayant laissé de côté ses études pour retourner travailler avec elle, au grand dam de sa mère qui aurait voulu un autre destin pour son fils. Elle a également ses idées sur la manière dont elle doit mener ses hommes, y compris ces trimardeurs que le surplus de travail oblige à embaucher parfois. Hommes libres, ils se déplacent de ferme en ferme où on leur donne un coin pour dormir, un peu de nourriture et du travail. Ces vagabonds du bush ne le sont pas devenus par hasard, et derrière cette liberté se cache souvent des tragédies individuelles.

Le mystère des dragons disparus de Liang Xiong

Mon résumé : 

Dans la famille Tulong, on est tueur de dragon de père en fils, et l’on commence à accompagner à la chasse dès le berceau ou presque ! Mais que se passerait-il si les dragons disparaissaient ?

Mon avis : 

Oui, nous sommes ici face à un album policier. Oui, je vous assure, cela existe. Nous voici face à la famille Tulong, une dynastie de tueur de dragons qui n’hésitent pas à se rendre dans les endroits les plus reculés, les plus bizarres pour déloger et exterminer les dragons. Une tradition familial, vous dis-je, un sacerdoce ! L’humour n’est pas absent… il suffit de voir quels contorsions ils doivent faire pour les trouver, ces dragons !

Et puis bien sûr, un jour, c’est un peu comme la pêche intensive, plus-de-dragon. Les dragons deviennent légendaires, exactement ce qu’ils sont maintenant, me direz-vous. Quelle poisse ! Les plus jeunes membres de la famille Tulong se mettent donc à la recherche des dragons…

J’ai été très sensible aux belles illustrations de cette album, aux coloris poudrés. Les dragons sont particulièrement soignés, et ne ressemblent pas du tout à ce que l’on pourrait s’imaginer. J’ai été sensible aussi au message délivré à la fin de l’album. Une oeuvre à faire découvrir.

 

A la claire fontaine – Agatha Raisin, tome 7 de MC Beaton

Mon résumé : 

Après ses noces ratées avec James, désormais très fuyant, Agatha déprime. Aussi accepte-t-elle un nouveau travail, pour promouvoir l’eau de sources d’Ancombe, petit village voisin. Las ! Un meurtre est commis. Chassez le naturel, il revient au galop : Agatha enquête.

Mon avis : 

Je ne pouvais laisser le mois du polar se terminer sans lire ce livre que j’ai reçu pour mon anniversaire. Agatha est de retour et elle déprime. James l’ignore, et quand il a fini de l’ignorer, il l’ignore toujours. Oui, tout est fini entre James et Agatha, et il tient à ce qu’Agatha le comprenne. Pendant ce temps, des hommes d’affaires londoniens entendent mettre en bouteille l’eau de la fontaine voisine et la commercialiser, déclenchant ainsi un conflit dans le petit village d’Ancombe. L’eau est à tout le monde ! Et même si la source provient d’une propriété privée, c’est bien au coeur du village que les habitants peuvent se procurer l’eau. Ils n’ont pas envie de voir des camions, même très tôt le matin, venir se servir. Ah, ces nouveaux habitants, ils ne comprennent rien aux villages anglais !

Bien sûr, Agatha se sent un peu visée par ces remarques. Sans les nouveaux habitants, les villages finiraient par se dépeupler. Les maisons ne seraient pas restaurées, les commerces mourraient. Peine perdue. Aussi accepte-t-elle de promouvoir cette nouvelle eau minérale, parce qu’elle reste une des meilleures dans le domaine de la publicité et parce qu’elle a bien compris que James ne veut plus la voir. Ce qu’elle n’avait pas prévu, c’est un meurtre. Elle avait encore moins prévu de trouver elle-même le corps, ce qui devient franchement, pour elle, une habitude dont elle ne manquera pas de se faire brocarder.

La police enquête -heureusement. Tout n’est pas tout rose dans ces petits villages, et les gentils membres du conseil municipal d’Ancombe ne manquent pas de s’écharper mutuellement. Ne cherchez pas ! Aucun n’est réellement sympathique, tous ne pensent qu’à leur petite personne, ou bien ressassent des rancœurs anciennes pas vraiment digérées. Il n’en faut pas beaucoup pour que les langues se délient, ce qui ne veut pas dire que le coupable est facilement identifiable ! Même James, finalement, décide d’enquêter à son tour – sans Agatha.

Une petite satire du monde des médias prend place au coeur de l’intrigue – ou comment réussir à attirer des vedettes dans ce trou paumé qu’est Ancombe. Agatha n’a pas dit son dernier mot, même quand le pire survient. A vous de déterminer ce qui peut arriver de pire dans une fête organisée par Agatha.

Il reste bien sûr l’humour, qui fait que ce livre est une lecture agréable. Voici une citation qui m’a particulièrement plu :

« Si un cadavre avait été retrouvé au fond de mon jardin et que je recevais des lettres de menaces, je me ferais beaucoup de soucis, déclara Agatha.
— Ah, mais c’est parce que vous n’êtes pas d’ici. Les gens comme vous ne font jamais vraiment partie de la communauté. Nous autres gens de la campagne, nous sommes si proches de la terre et de la violence de la nature que cela nous endurcit.
— Nous autres citadins, nous sommes si proches de la violence des rues que la vigilance est pour nous une seconde nature », rétorqua Agatha.
Robina fit un geste oratoire, le verre à la main, et regarda Roy en haussant les sourcils. « Elle ne peut pas comprendre glissa-t-elle. »

 

Le sixième passager de Theodor Kallifatides

Mon résumé :

Un avion s’est écrasé non loin de la maison de la commissaire Kristina Vandel, qui était très occupée. Cinq passagers étiaent enregistré, six étaient à bord. Qui était le jeune garçon étranger à bord ? La commissaire n’enquête pas.

Mon  avis :

Hier, je publiai mon avis sur le dernier roman d’Andrea Camilleri que j’ai lu. Aujourd’hui, je publie mon avis sur un roman de Theodor Kallifatides et mon avis n’est pas du tout, mais alors pas du tout du même niveau. C’est pour cette raison que je l’écris « à chaud », pour m’en débarrasser, comme on se débarrasse d’une corvée véritablement ennuyeuse.
Certes, il est des auteurs dont j’ai lu un second roman, parce que j’avais envie de leur donner une seconde chance et parfois, cela s’est traduit par une belle rencontre littéraire. Je prends le cas de Pieter Aspe. Pour cet auteur-ci, il est évident pour moi que je ne lirai pas un autre de ses romans, parce que ses personnages sont tout ce que je déteste, que ce soit en littérature ou dans la vraie vie.
Prenez la commissaire Kristina Vendel, l’enquêtrice : elle m’a fait penser à la supérieure de Dexter dans le tout premier volume, celle qui ne pouvais arrêter un suspect que s’il se plantait devant sa voiture et qu’il le lui demandait. Et bien Kristina Vendel, c’est pire : au début, elle renonce carrément à enquêter, refusant ce que lui demande la légiste, c’est à dire l’ouverture d’une enquête qui autoriserait à pratiquer une autopsie, permettant d’éclaircir certaines points étranges. Les raisons de ce refus sont finement analysés – enfin, finement… En termes familiers, le contraire de la manière de s’exprimer de Kristina, je dirai qu’elle se prend la tête. Je dirai aussi que penser qu’il est mort, que l’on ne peut rien y faire, et qu’il faut le laisser tranquille est choisir une solution de facilité qui me fait bouillir. Avec une commissaire qui refuse qu’on en sache plus sur ce que le jeune mort a subi, les coupables peuvent dormir bien tranquilles. Non, il faut quasiment qu’on lui mette deux nouveaux cadavres extrêmement mutilés pour que là, oui, quand même, elle se décide à enquêter, sans céder à la tentation de relier les morts entre eux – nan, parce que les coïncidences, cela existe, n’est-ce pas ? Sauf que Kristina est une ancienne étudiante en philosophie, elle philosophe beaucoup, elle lit des livres de philosophie et que si elle révisait ses cours, elle saurait que le hasard n’existe pas, qu’il s’agit d’un faisceau de causes si nombreuses que l’on ne parvient pas à les discerner.
Kristina n’est pas le seul personnage à se perdre dans le méandre des analyses variées, chaque personnage féminin, et quelques personnages masculins aussi, y ont droit. Cela ne ralentit pas le rythme de l’enquête, je vous rassure, puisque l’enquête est passée depuis longtemps à la trappe. Alors, oui, à un moment, Kristina nous dit que rien ne la fera reculer sauf que ce ne sont que des paroles, pas des actes comme l’auraient fait d’autres enquêteurs (Voir Montalbano, pas plus tard que dans mon avis posté hier). Pour une enquêtrice, elle n’est pas assez observatrice, ne prend pas assez de précaution, ne communique pas certains faits à son équipe, par orgueil, à mon avis, et le narrateur omniscient d’intervenir une fois, pas vraiment discrètement, pour nous avertir qu’il va se passer quelque chose.
Pour tenter de conclure un peu cruement (j’en suis déjà à 532 mots), j’ai eu envie de secouer tous les personnages féminins, Kristina en tête de file, parce qu’à force de tout analyser, et de se complaire dans certaines situations, elles n’agissent pas. D’ailleurs, le second motif qui pousse la commissaire à ne pas enquêter est de ne pas déranger la vie privée de la procureure, qui s’est sacrifiée pendant des années. Suis-je la seule à être choquée par le fait qu’il vaut mieux préserver ses petits secrets banals plutôt que de rechercher un meurtrier ? Suis-je la seule à trouver agaçant que les femmes se sacrifient et donc souffrent un max par amour dans ce livre, comme si le véritable amour ne pouvait être que douloureux ? Beaucoup de paroles, mais aussi beaucoup de verbiages, où l’important n’est pas tant ce que l’on dit que ce que l’on cache à l’enquêtrice ou à ses proches. C’est une technique policière comme une autre que de renoncer à poser des questions. Ne pas poser de questions est un principe éducatif suédois (du moins, c’est ce qui est écrit dans le livre) cependant il est un peu incompatible avec le métier de commissaire, qui cherche la petite bête sur certains sujets, et n’approfondit pas ce qui concerne ce qu’elle doit faire dans son métier. Voir, par exemple, la page de réflexion qui précède parfois le moindre des appels téléphoniques qu’elle reçoit, ou qu’elle donne.
En conclusion, je dirai que chaque personnage a toujours été seul, que certains ont même volontairement fait le vide autour d’eux pour vivre une histoire d’amour – je n’arrive pas à trouver positif le fait de ne vivre qu’à deux, sans ami, sans autres parents. Et pensons à remercier le coupable qui a eu la gentillesse de se livrer.

La piste de sable d’Andrea Camilleri

Présentation de l’éditeur :

Ce matin, le léger bruit de la mer est annonciateur d’une belle journée. Pourtant, lorsque Montalbano ouvre les volets, le spectacle qui s’offre à lui n’a rien de réjouissant : sous ses yeux, un cheval recroquevillé sur le flanc, immobile. La pauvre bête, battue à coups de barres de fer, gît dans une mare de sang. Le temps de convoquer ses hommes, la carcasse a disparu, ne laissant sur la plage que l’empreinte de l’animal. Une piste de sable insaisissable, voilà sur quoi repose la nouvelle enquête de Montalbano…

Mon avis :

Il est des personnes qu’il faudrait condamner à des travaux d’intérêts généraux costauds – et les possibilités sont nombreuses. Oui, l’enlèvement de chevaux, le tabassage à mort d’un animal ne sont pas quasiment pas sanctionnés – c’est bien dommage.
Contrairement à d’autres romans où la mort d’un animal n’est qu’une péripétie comme une autre, un lieu commun dans le parcours d’un tueur en série, elle est ici au coeur de l’intrigue et ne sera pas laissé de côté, les images sont bien gravés dans l’esprit de celui qui a découvert le cadavre -Salvo. Oui, nous saurons qui a agi ainsi, et pourquoi. Non, je ne spoile pas tant que cela le récit : avez-vous déjà vu Montalbano renoncer à trouver la vérité ? Non : et tant pis pour le questeur, le juge, et autres personnes qui ont d’autres préoccupations.
Cette enquête aurait dû être assez simple, finalement, si ce n’est que des personnages cherchent à faire peur à Montalbano. Ces personnes connaissent très mal le commissaire, parce qu’il lui en faudrait beaucoup pour qu’il renonce à enquêter ou à témoigner. Seulement… ils en font beaucoup, et Salvo ne restera pas, tranquillement, à attendre qu’on l’importune à nouveau – comme le dit le fils d’Adeline, ce ne sont pas des professionnels du cambriolage, personne ne se risquerait à s’attaquer à Montalbano, enfin, aucun voleur honnête.
Montalbano vieillit, il en fait le constat, et le médecin légiste n’est pas tendre avec lui. Je ne dis pas que je rêve d’une enquête dont il serait le héros, je dis simplement que la vie personnel et « ludique » de ce médecin d’une extrême délicatesse langagière est suffisamment mouvementée pour provoquer des scènes épiques entre lui et le commissaire.
Montalbano vieillit (bis) et se souvient de son passé, parce que son présent est parfois compliqué. Lui et Livai se disputent plus qu’ils ne s’entendent, et ses relations avec d’autres femmes sont parfois détonantes. Et je ne fais pas que parler de son amitié amoureuse avec Ingrid, autre personnage au long cours de la série.
Une enquête délicate, et un dénouement à demi-heureux – les morts ne se relèvent pas.

Les cousins de Saintonge d’Alain Gandy

Présentation de l’éditeur :

Combes se mouille. Été 1981. Le détective privé Joseph Combes vient passer ses vacances avec son épouse dans le Marais poitevin. Il s’est pris d’affection pour la région lors d’un précédent séjour (voir Le Nœud d’anguilles), à une époque où il était adjudant-chef de la gendarmerie. Un vieil original, qui se fait appeler Goule-ben-aise, accueille le couple à son arrivée. L’histoire de ce fils de Canadiens français n’est pas banale. Pour fuir le syndicat du crime qui, dans les années trente, a abattu ses parents au Canada, Goule-ben-aise est venu s’installer en Saintonge. Non sans avoir transféré en France la fortune familiale qu’il a conservée dans un endroit secret pour pouvoir financer un jour sa vengeance.

Mon avis :

Répétez après moi : ne partez jamais en vacances quand vous êtes enquêteurs. Pourquoi ? Tout simplement parce que l’on est enquêteur à plein temps et que l’on ne peut s’empêcher d’enquêter même quand on est en repos.
Déjà, prendre des vacances à un endroit où l’on a déjà enquêter, même très longtemps auparavant n’est pas forcément l’idée du siècle, même si je conçois que l’on souhaite revoir une région sous de meilleurs auspices.
Tout allait bien, d’ailleurs, au début… y compris la rencontre avec Goule-ben-aise, l’original du coin. Pris d’amitié pour Joseph, il lui confia alors son passé, et, pour faire cours, son passé s’est présenté à lui sous la forme de deux agents du FBI qui devront s’apercevoir que venir en France était une fausse bonne idée.
Je pense que je n’ai pas été assez attentive à la lecture, parce que je me suis souvent perdue dans la chronologie. Pas tant entre le passé américano-canadien de Goule-ben-aise qu’au moment où se déroule l’intrigue. Je me suis parfois perdu dans la foule des personnages secondaires que j’ai croisés, qu’ils soient français, américains, ou grecs. Il faut dire que leur espérance de vie est inversement proportionnelle à leur prudence qui, vous l’aurez compris, n’est pas bien grande. Il ne peut pas se passer grand chose dans le marais poitevin, on n’est pas dans le Far West ! Quoique… Une fusillade est si vite arrivée, et les femmes savent très bien tirer de nos jours.

Mort étrange sur un bateau remontant le Nil de LC Tyler

Présentation de l’éditeur :

L’Égypte, ses pyramides, ses bateaux de croisière remontant le Nil… C’est dans ce décor d’anthologie que l’auteur de romans policiers Ethelred Tressider décide de placer l’action de son nouveau livre. Son agent, la sarcastique Elsie, l’accompagne pour un « voyage d’études ». Ils embarquent donc sur le Khédive avec une dizaine de personnages, tous plus excentriques et louches les uns que les autres. Et pour leur malheur, la croisière tourne vite au vrai roman policier. A peine arrivés à bord, un passager est retrouvé mort sur le pont. Puis le bateau s’enlise et les hôtes sont pris au piège…

Mon avis :

Si vous avez envie d’une lecture distrayante, drôle, ce livre est fait pour vous ! Par contre, si vous souhaitez lire un solide roman policier très très sérieux, passez votre chemin. Vous voilà prévenu.
Ethelred Tressider est un auteur de seconde zone. Son agent y tient : seconde, pas troisième, il ne faut pas non plus exagérer ! Elle le soigne, son cher petit auteur. La preuve : il doit répondre à de nombreuses interviews. Le problème est surtout la manière dont il y répond. Heureusement qu’Elsie est là pour le remettre dans le droit chemin, parce que sinon, il irait droit à la catastrophe.
D’ailleurs, il y va : il a décidé de faire une croisière sur le Nil. Au début, il devait la faire avec Amanda, sa chère et tendre. Puis, un léger souci est survenu et c’est Elsie qui l’a accompagné. Une croisière avec son agent, de quoi rêver de mieux ? Une menace de mort peut-être ? Rassurez-vous, elle survient très rapidement ! Ethelred est vraiment très chanceux. Oui, parce qu’il y a bien un meurtre, mais ce n’est pas lui qui est tué – c’était pourtant peut-être bien lui qui était visé ! Je vous le dis, être un écrivain, ce n’est pas de tout repos !
Plus que l’enquête, c’est la galerie de personnages qui est intéressante, ainsi que l’alternance entre la narration d’Ethelred, un brin naïf, et celle d’Elsie, qui n’est pas forcément plus futée, il faut bien le reconnaître. Saurons-nous véritablement qui a tué ? Oui et non, d’ailleurs Ethelred le précise, il ne faut pas trop en dire à la fin. Laissons un peu le lecteur se débrouiller.
Mort mystérieuse sur un bateau remontant le Nil est un roman humoristique léger, parfait pour se détendre.

Les morts de la Saint-Jean d’Henning Mankell

Présentation de l’éditeur : 

Nuit de la Saint-Jean. Dans une clairière isolée, trois jeunes gens se livrent à d’étranges jeux de rôle. Bientôt, la fête tourne au drame. La peur s’installe dans la région.
L’inspecteur Wallander est assailli par le doute. Pris dans l’enchaînement des découvertes macabres et des rebondissements, parviendra-t-il à mener à bien cette enquête qui s’annonce particulièrement ardue ?

Mon avis : 

Il pourrait débuter ainsi : rien ne se passe. Oui, une mère s’inquiète pour la disparition de sa fille mais elle est la seule. Astrid, tel est le prénom de la jeune fille, et ses amis sont partis en voyage. La preuve, ils envoient des cartes postales. Non, il ne faut vraiment pas s’en faire, même si Eva a des doutes.
Puis, tout s’accélère. A-t-on trouvé des indices ? Non, mais Sveberg, vieux compagnon de route de Wallander, est retrouvé assassiné chez lui. Il enquêtait en cachette sur ses trois disparitions. Y aurait-il un lien avec son assassinat ? Peut-être, à nouveau. Rien n’est facile dans cette enquête dans laquelle les indices, et donc les preuves manquent.
Wallander n’est pas un policier inoxydable. Il vieillit, sa santé chancelle, et il ne lui est pas facile d’admettre qu’il doit se faire soigner contre le diabète dont il commence à être atteint. Il doute, il doute souvent, notamment parce qu’il découvre qu’il ne savait pas grand chose de Svedberg – on a beau être à la fin du XXe siècle dans ce roman, les moeurs libérés de la Suède semblent n’exister qu’à condition d’être libérés et hétérosexuels. Voir à ce sujet la remarque de Martinsson, tancé vertement par Wallander.
Plus qu’un roman policier, Les morts de la Saint-Jean est un roman sur la société suédoise et son évolution pas forcément positive : Il pensa que la société continuerait à se durcir. De plus en plus de gens exclus, de plus en plus de jeunes qui n’auraient en héritage que la certitude d’être inutiles. Les grilles et les trousseaux de clés seraient l’emblème des années à venir.
Il pensa aussi que le métier de policier n’impliquait au fond qu’une seule chose: résister, combattre ces forces négatives.

Ce qui est dit pour la Suède vaut aussi pour la France, et d’autres pays qui semblent bien aller d’un point de vue économique. Ce que nous montre ce roman est la solitude, inexorable, de certaines personnes plus fragiles que d’autres. Il ne s’agit pas de la solitude volontaire d’ermite, non, mais celles de personnes auxquelles l’on n’a pas tendu la main. Autre signe d’inquiétude : l’émergence de sectes, dont les préceptes peuvent faire sourire, mais qui ne laissent pas de surprendre.
Les morts de la Saint-Jean, un roman qui, comme l’enquête, est lent à démarrer, pour finir en un suspens intense.

Un troupal de chevals d’Ann Schmauch

Présentation de l’éditeur :

Mélisande a un père correcteur qui relit la dernière édition du célèbre dictionnaire Labrousse. Un soir, quatre chevals en colère sonnent à sa porte. Criant à l’injustice, ils exigent son aide pour faire leur entrée dans l’ouvrage avant « chevaux ». Face à ces créatures fantastiques, Mélisande sait que sa tâche ne sera pas facile…

Merci à Netgalley et aux éditions Rageot pour ce partenariat.

Mon avis :

Allo ? Oui, je vous appelle parce que j’ai un troupal de chevals sur ma pelouse et que cela dérange grandement mon canasson personnel. Non, je ne me trompe pas, c’est bien des chevals qui sont devant moi. Et oui, ce n’est pas la même chose ! Et c’est ce que Mélisande va essayer de faire entendre à son père. Autant vous le dire tout de suite : ce n’est pas gagné.
Ce n’est pas gagné non plus pour que le titre trouve son public, parce que les personnes qui lisent et font lire leurs enfants tiennent, tout comme le père de Mélisande, à ce que leur enfant maîtrise la langue française et ses exceptions. Il est donc hors de question pour eux que les jeunes lecteurs fréquentent des chevals.
C’est dommage pourtant parce que ce roman jeunesse, bourré d’humour et de rebondissement, montre finalement que les parents de Mélisande s’intéressent davantage à la forme qu’au fond, et n’écoutent pas ce que leur fille a à leur dire, trop pris qu’ils sont tous les deux par leurs professions respectives. Mélisande est plus élevée par sa nounou Natacha que par ses parents. Oui, elle peut tout dire à Natacha si ce n’est que celle-ci ne parle pas très bien le français, ce qui ne les empêchent pas de communiquer toutes les deux.
Mélisande, finalement, est un peu seule, tout comme les quatre quadrupèdes qui sont venus la trouver et qui en ont assez de cette solitude et d’une certaine forme d’ignorance du monde. Pour vivre heureux, vivons cachés – à condition de pouvoir sortir de temps en temps.
Un troupal de cheval est un roman drôle et enlevé, aux illustrations très réussies. Laissez-vous tenter !

Porteurs de peau de Tony Hillerman

Présentation de l’éditeur : 

Les porteurs-de-peau sont les sorciers, les loups navajo qui décident d’apporter le mal à leurs congénères. Ils rôdent dans les ténèbres de la grande réserve, parfois couverts d’une fourrure d’animal, et possèdent des pouvoirs surnaturels. Trois meurtres sont commis, peut-être quatre. Une nuit, Jim Chee, le policier navajo traditionaliste, est tiré de son sommeil et plongé dans l’angoisse. Alors commence une enquête qui lui fera côtoyer le lieutenant Joe Leaphorn et les marquera tous deux profondément, dans leur esprit comme dans leur chair.

Mon avis :

Jim Chee adopte un chat, ou presque. Depuis quelque temps, une chatte domestique erre près de la caravane de Jim et tend à retourner à la vie sauvage. Elle a maigri, elle a des balafres, bien qu’elle chasse assez régulièrement. Jim Chee, traditionaliste, veut rendre cet animal domestique à la vie sauvage. Dans un tout autre roman, nous aurions une fin différente, que je vous laisse imaginer, selon que l’auteur ait voulu tendre vers le conte ou la fable moralisatrice. Ici, nous avons un récit réaliste, logique : Jim Chee renonce, parce qu’à long terme, un animal domestique n’a aucune chance dans le monde sauvage. A méditer par tout ceux qui abandonnent leur chat en se disant qu’il se débrouillera très bien.

Oui, je me recentre sur Jim Chee : tout a très mal commencé pour lui puisqu’on lui a tiré dessus alors qu’il aurait dû dormir dans sa caravane. « Aurait dû » parce que le chat l’avait réveillé et que, du coup, il n’était pas dans le lit de sa caravane standard. Qui peut lui en vouloir ? Certains ont leur petite idée, qui est simple, pour ne pas dire simpliste : un policier sait forcément qui lui a tiré dessus, il lui suffit d’examiner sa conscience. Et bien non, Jim Chee n’a pas commis de bavure. Quelqu’un (ou plutôt quelqu’une) lui a bien dit sa façon de penser récemment, mais cette personne a été assassinée. Elle aussi. Parce que deux autres meurtres ont été commis. Sont-ils liés entre eux ? Oui? Non ? Pas facile. Joe Leaphorn, le légendaire enquêteur est sur le coup.

Sa vie personnelle n’est pas sereine, puisque sa femme Emma, que je ne crains pas de qualifier d’amour de sa vie, présente les premiers signes de la maladie d’Ahlzeimer. Il mènera son enquête consciencieusement – on peut enquêter et souffrir en même temps, sans que jamais l’oeuvre ne sombre dans le pathos. Il n’apprécie pas vraiment Jim Chee parce qu’il n’apprécie pas la sorcellerie et que Jim est un apprenti chaman. Travailler avec lui ? Oui, mais parce qu’il n’a pas le choix. Il reconnaît cependant les qualités du jeune homme, notamment son sens de l’observation. Combien d’indices sont laissés de côté par ceux qui ne savent pas voir ? D’un autre côté, être observateur peut aussi vous causer des ennuis. Oui, je finis mon avis quasiment à la normande.

J’ai beaucoup aimé ce livre, j’aime beaucoup l’oeuvre de Tony Hillerman. Si vous ne connaissez pas cet auteur, n’hésitez pas à vous laissez tenter.