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Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson

édition Gallimard – 269 pages

Présentation de l’éditeur : 

Assez tôt, j’ai compris que je n’allais pas pouvoir faire grand-chose pour changer le monde. Je me suis alors promis de m’installer quelque temps, seul, dans une cabane. Dans les forêts de Sibérie.
J’ai acquis une isba de bois, loin de tout, sur les bords du lac Baïkal.
Là, pendant six mois, à cinq jours de marche du premier village, perdu dans une nature démesurée, j’ai tâché d’être heureux.
Je crois y être parvenu.
Deux chiens, un poêle à bois, une fenêtre ouverte sur un lac suffisent à la vie.
Et si la liberté consistait à posséder le temps ?
Et si le bonheur revenait à disposer de solitude, d’espace et de silence – toutes choses dont manqueront les générations futures ?
Tant qu’il y aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu.

Mon avis : 

Aujourd’hui je voyage… ou plutôt j’ai voyagé, parce que j’ai morcelé la lecture de ce livre : six mois en Sibérie, un mois lu par jour. J’avais déjà lu deux oeuvres de Sylvain Tesson, celle-ci a mis du temps à sortir de ma PAL, et pourtant, j’avais aimé les deux autres ouvrages que j’avais lus.

Pour cette oeuvre-ci, j’ai longtemps hésité : aimais-je, n’aimais-je pas ? Puis je me suis rappelé un principe simple : prendre l’œuvre telle qu’elle est, et non telle que je voulais qu’elle soit. Le point de départ, c’est un homme qui choisit de passer six mois coupé du monde en Sibérie. Et tant pis pour sa vie privée, qui, à vrai dire, me semblait réduite à la portion congrue. Il part avec de quoi vivre en autonomie, de quoi communiquer avec le monde extérieur, et de quoi lire aussi, tous ces livres qu’en France il n’a pu lire. Il écrira aussi, ce livre, témoin des jours passés. Si, comme le livre que j’ai chroniqué hier, je me pliais à une analyse type « récit de voyages », je dirai que nous avons là un journal type, tenu au jour le jour, et, les rares jours où l’auteur n’écrit pas, il explique pourquoi il n’a pu le faire.

L’on peut se questionner sur le mode de vie de Sylvain Tesson, et sur la quantité astronomique d’alcool qu’il a ingurgitée durant son séjour « mourir en bonne santé » ne l’intéresse pas. L’on peut se dire que, comme dans toute autobiographie, il ne nous cache rien. Plus intéressant (à mes yeux, toujours) sont ses lectures et les analyses qu’il en fait. J’ai apprécié aussi ses réflexions sur le vide, sur la conversation, sur la vie en société, bref, des réflexions, des méditations si l’on veut, sur des sujets extrêmement variés. Parfois, je me dis que son récit est parsemé d’auto-dérision, comme dans la citation suivante : « Je vais enfin savoir si j’ai une vie intérieure. » Je me dis aussi qu’il lui en a fallu du temps, pour vivre ce qu’il a vécu, mais aussi pour le retranscrire, voir, décrire, raconter ce qu’il a vu, vécu, ressenti. Parfois, j’ai aussi eu l’impression qu’il cabotinait un peu – même s’il y a bien plus à faire que je ne pensais au fin fond de la Sibérie. J’ajoute que, lui qui voulait expérimenter la solitude, il dut supporter (subir ?) des visites impromptues – à croire que la Sibérie est un haut lieu touristique !

Une lecture pas désagréable, principalement parce que j’ai vraiment mis de temps, pris mon temps pour la lire.

Les presque soeurs de Cloé Korman

édition Seuil – 255 pages

Présentation de l’éditeur :

Entre 1942 et 1944, des milliers d’enfants juifs, rendus orphelins par la déportation de leurs parents, ont été séquestrés par le gouvernement de Vichy. Maintenus dans un sort indécis, leurs noms transmis aux préfectures, ils étaient à la merci des prochaines rafles.
Parmi eux, un groupe de petites filles. Mireille, Jacqueline, Henriette, Andrée, Jeanne et Rose sont menées de camps d’internement en foyers d’accueil, de Beaune-la-Rolande à Paris. Cloé Korman cherche à savoir qui étaient ces enfants, ces trois cousines de son père qu’elle aurait dû connaître si elles n’avaient été assassinées, et leurs amies.
C’est le récit des traces concrètes de Vichy dans la France d’aujourd’hui. Mais aussi celui du génie de l’enfance, du tremblement des possibles. Des formes de la révolte.

Mon avis :

Livre que je n’aurai jamais lu si je ne l’avais pas reçu. Voilà, c’est dit : je lis très peu de livres sur la seconde guerre mondiale et la déportation, ma propre histoire familiale (trois ans de camp de travail pour mes grands-parents polonais catholiques) me suffit amplement.

Nous avons à faire avec un récit minutieux, qui fait suite à une enquête non moins minutieuse, qui nous emmène dans des lieux marquants de l’histoire de la déportation des juifs en France, des lieux oubliés, des lieux dont on ne parle pas, ou peu. Je pourrai presque dire qu’il nous parle de la vie quotidienne dans les camps de transit, dans les centres de « tri », et l’autrice ne nous cache jamais ce que ces mots recouvrent.
Le récit fait des aller et retour entre le présent, celui de l’enquête de l’autrice, interrompue par le confinement, et le passé, le parcours des trois soeurs, les cousines de son père, et des trois « autres » soeurs, qui elles, ont survécu. Le récit reste toujours fluide, précis sans être froid, émouvant sans jamais sombrer dans le pathos. Il donne à voir les enfants, les adultes, à redonner des noms, des visages, des morceaux de vie, à des êtres qu’allemands et français (l’autrice ne gomme jamais le rôle des français dans ce récit) ont voué à l’extermination.

Il donne aussi la parole à celles qui ont pu survivre, parce que des personnes, autour d’elles, se sont organisées pour faire tout leur possible pour les sauver. Mention spéciale à Andrée, qui aura tout supporté de l’état français, même après la guerre.

Pour moi, ce fut une des rencontres les plus percutentes de cette rentrée littéraire : quelle soit notre situation, il est des sujets qu’il ne faut pas passer sous silence. L’autrice elle-même était enceinte quand elle a retracé le parcours des cousines de son père, et pourtant, elle ne s’est pas arrêtée aux croyances de certains (= ne pas penser à des événements tragiques pendant une grossesse).

Le meilleur que nous ayons couronné par Cédric Meletta

Présentation de l’éditeur  :

Qui était John-Antoine Nau, lauréat en 1903 du premier prix Goncourt ? Un aventurier comme il n’en existe plus, autant chez lui à San Francisco qu’en Martinique. Un poète féru de liberté et ivre d’indépendance. Un romancier-horticulteur qui ne daigne pas aller chercher sa récompense pour Force ennemie, le manuscrit primé publié à compte d’auteur. Anti-Goncourt par excellence, il abhorre les cénacles de littérateurs qui, sans cesse, complotent dans les antichambres. Alors qu’on le sacre, il préfère rester avec ses amis à Saint-Tropez dans le cabanon du peintre Paul Signac, au coeur de la baie des Canoubiers. Personnage absolument romanesque, John-Antoine Nau méritait bien un roman. En écho à l’aveu de Huysmans, président de l’académie : « C’est encore le meilleur que nous ayons couronné ! »

Merci aux éditions du Rocher et à Netgalley pour ce partenariat.

Mon avis : 

J’ai sollicité ce livre par curiosité. Je ne m’intéresse pas vraiment au prix Goncourt, je m’intéresse encore moins aux frères Goncourt, pourtant, je me suis dit que ce serait intéressant de découvrir qui était le premier lauréat de ce prix.

J’ai lu le livre, oui, je l’ai lu de bout en bout, mais je n’ai pas été séduite, ni par la partie contemporaine, ni par la partie historique. En effet, le roman s’ouvre et se clôt avec la célébration du centenaire du prix Goncourt, et cette partie m’a ennuyée, par le style employé mais aussi par le ton, qui frôlait trop souvent le mépris face aux provinciaux, leur manière d’organiser les événements littéraires, leur façon de capitaliser sur la célébrité locale – si tant est que l’on connaisse encore les frères Goncourt de nos jours autrement que par le prix qu’ils ont fondé.

Pour ce qui concerne la partie « historique », je l’ai trouvé très brouillonne. Certes, il y avait sans doute une volonté de montrer que la vie de John-Antoine Nau était en dehors des conventions de son époque, en dehors des conventions littéraires, puisque le texte part dans toutes les directions, comme l’auteur lui-même, avant de finir sous une avalanche d’adjectifs et de phrases nominales. Pour ma part, j’ai eu l’impression de ne rien apprendre sur lui, de ne pas comprendre pourquoi, à certains moments du récit, l’on se focalisait sur un autre personnage et non pas sur lui. J’ai retenu cependant que ce premier lauréat ne voulait pas de ce prix, ne voulait ni des honneurs, ni de l’argent, il voulait juste vivre, et c’est déjà beaucoup.

Cependant, la lecture de ce livre m’a donné envie de découvrir son oeuvre, ce qui est un point positif.

Englebert des collines de Jean Hatzfeld

Présentation de l’éditeur :

« Un matin, j’étais avec Alexis. Nous avons dissimulé deux enfants sous les feuillages et nous avons cherché notre trou de vase. Les tueurs sont venus en chantant. Ils se sont approchés tout près, j’ai senti leur odeur. J’ai chuchoté à Alexis : « Cette fois, nous sommes bientôt morts. » Il m’a répondu : « Ne bouge pas, je vais les feinter. »
Il a hurlé le rire de la hyène. C’était très bien imité. Ils ont reculé de peur de la morsure. Mais en s’écartant de leur chemin, ils ont découvert une cachette de femmes et d’enfants. On a entendu les coups plus que les pleurs parce que les malchanceux choisissaient de mourir en silence. »
Voilà une quinzaine d’années, dans la ville de Nyamata, Jean Hatzfeld a rencontré Englebert Munyambonwa, qui arpentait en haillons la grande rue, s’arrêtant dans tous les cabarets, hélant les passants. Une amitié est née avec ce personnage fantasque, rescapé des brousses de Nyiramatuntu, fils d’éleveurs, grand marcheur aussi érudit qu’alcoolique, accompagné par ses fantômes dans un vagabondage sans fin.

Mon avis : 

Il est difficile de chroniquer ce livre, parce qu’en le lisant, je ne l’ai pas considéré d’un point de vue littéraire, je l’ai considéré par la force du récit, de cette biographie d’un homme qui a survécu, qui tente de vivre avec le souvenir des siens qui ont été massacrés, avec le souvenir de toutes les personnes qui ont été tuées.

J’ai eu du mal à livre ce livre aussi, parce que les faits racontés sont durs,  parce qu’il s’agit d’un témoignage brut, qu’il ne s’agit à aucun moment d’atténuer ou de romancer, il s’agit de montrer, aussi, comment la situation dans le pays s’est dégradée, peu à peu, comment, si l’on faisait partie d’une des deux ethnies, et pas « la bonne », il était difficile de faire des études supérieures, quand bien même les résultats scolaires étaient honorables. Montrer, raconter comment Englebert a traversé cette période, comment il a appris la mort des siens, comment il lui a été impossible de reprendre le poste qu’on lui proposait – celui de son frère massacré. Je ne dis pas qu’il vit, depuis le génocide, je dis qu’il traverse la vie, qu’il absorbe quotidiennement la dose d’alcool qui lui permet de traverser cette journée supplémentaire.

Je ne sais pas si j’aurai le courage de lire une autre oeuvre de cet auteur.

One life de Megan Rapinoe

Présentation de l’éditeur :

Megan Rapinoe est une des athlètes les plus marquantes de la scène sportive mondiale. En parallèle de son succès professionnel sur les terrains de foot, elle est aussi devenue une icône et un modèle pour des millions de personnes en s’exprimant avec courage sur les enjeux sociétaux les plus importants.
Élevée dans une petite ville conservatrice du nord de la Californie, benjamine d’une fratrie de six enfants, Megan Rapinoe a quatre ans lorsqu’elle tape dans son premier ballon. Son talent pour ce sport est une évidence. Si ses parents encouragent son amour pour le foot, ils l’incitent également à s’engager auprès des plus démunis.

Mon avis : 

Tout d’abord, je tiens à remercier le livre de poche et Babelio pour ce partenariat. Si j’ai choisi ce livre, c’est parce que j’avais envie d’en savoir plus sur Megan Rapinoe, moi qui lis fort peu d’autobiographie.

Si Megan Rapinoe n’avait pas le caractère qu’elle a, la sincérité qu’elle a, son autobiographie n’aurait pas lieu d’être. Elle est une grande sportive, elle est aussi une femme de conviction, qui met sa célébrité au service des causes qui lui tiennent à coeur, causes qui ne sont pas « gentilles », pas « charmantes », tout cela pour dire que ses engagements lui ont coûté cher à une période de sa vie. Elle ne le cache pas. Elle ne le regrette pas du tout. Elle déplore que trop peu de sportifs s’engagent. Elle parle aussi de son coming out et là aussi, elle regrette que les sportifs gay, les sportives lesbiennes ne le fassent pas également, parce que cela concerne leur vie privée. Attention ! Elle n' »oute » personne, elle respecte les choix des autres, ce qui ne signifie pas les approuver. Pour ma part, je trouve important que les personnalités homosexuelles aient le courage de le révéler, parce que, si cela peut aider un seul ado mal dans sa peau, un seul ado qui prend mal ce qu’il vit, alors oui, cette démarche est positive.

Megan Rapinoe ne manie pas non plus la langue de bois en ce qui concerne l’argent – ce n’est pas un sujet tabou. Elle est fière de sa réussite, tout en rappelant à quel point il est rare de vivre de sa passion, que peu y arrive. Elle n’oublie pas non plus le rôle que ses parents ont joué, les sacrifices qu’ils ont fait (les entraînements, les matchs…. les enfants ne peuvent pas y aller seuls) et l’impact que cela peut avoir sur la vie de toute une famille. Elle ne passe pas non plus sous silence le parcours chaotique de son frère Bryan, qui était son modèle quand elle était enfant, frère que les structures qui régissent la société américaine n’ont pas aidé à se sortir de sa dépendance. Elle ne cache pas que ses parents ont voté Trump, tout en cherchant à comprendre par quelles mécanismes son père a été amené à voter pour lui. Par ses retours entre le présent et le passé, son portrait se dessine peu à peu.

A lire si vous aimez les destins singuliers.

Il participe au #Challenge Juillet Sororité

Un fauve d’Enguerrand Crépy

Présentation de l’éditeur :

Dix ans qu’il attend ce moment, des mois qu’il se prépare, s’impose un régime draconien, s’entraîne, ne boit plus une goutte d’alcool, ne se drogue plus. Il est à quelques heures d’entrer sur le plateau de tournage, d’incarner Marcel Cerdan sous la direction de Claude Lelouch. Dans le taxi qui le conduit aux Champs-Élysées, l’acteur pourtant à son firmament vacille, doute… Il a peur de ne pas être à la hauteur. Des souvenirs refont surface, le spleen l’envahit. Hanté par ses frustrations, sa paranoïa, sa quête insatiable de reconnaissance, ce fauve en réalité si vulnérable, cet écorché vif, parviendra-t-il à faire taire ses démons ? On a beau connaître la fin, et s’en rapprocher inexorablement – comme dans toute tragédie, l’action ne dépasse pas « une révolution de soleil » –, la fascination reste intacte et l’on continue d’espérer. Un roman haletant qui nous plonge dans les états d’âme de l’indomptable Patrick Dewaere tout en cultivant sa légende et son mystère

Mon avis :

Lu dans le cadre du #challengenetgalley, oui. Apprécié totalement, je n’en suis pas sûre.

J’ai hésité avant de lire ce livre. Ce n’est pas que je n’aime pas l’acteur Patrick Dewaere, c’est que je ne l’ai pas connu, il était déjà mort, mythifié, quand j’ai commencé à m’intéresser au cinéma. Pour moi, il fait partie de ses acteurs imprévisibles, ingérables, complètement cramés par la vie, et des acteurs qui vivent ainsi, il n’y en a plus. Faut-il le déplorer ou au contraire s’en réjouir ? Selon la réponse, on s’intéressera ou non à la biographie de Patrick Dewaere.

La fin est connue, forcément, et l’on sait, comme quand on lit une tragédie grecque, que la fin est déjà écrite. On sait que rien ne pourra l’en empêcher. Je tente une formule facile : Marcel Cerdan devait être le rôle de sa vie, il fut celui de sa mort. J’ai regretté que l’on donne trop de place à l’actrice qui devait jouer avec lui, que l’on donne aussi, après que la tragédie sera consommé, trop de place aux états d’âme du réalisateur.

Bien sûr, je suis peut-être un peu dure, parce que les états d’âme de Patrick Dewaere sont là, et bien là. Lui qui n’avait pas de plan de carrière, lui qui ne gérait rien face à la presse, lui dont la vie sentimentale partait à vau l’eau, délitement progressif, construction d’une vie de couple et de famille, impossible, parce qu’une femme ne pouvait pas le sauver de ses démons, de lui-même. Peut-être parce que sa vie avait été bâti sur un secret, qui fut lui-même mythifié, celui d’une belle et grande histoire d’amour qui lui aurait donné naissance.

Je me suis laissée emporter par le souffle narratif, puissant, par le tourbillon d’émotions ressenties par celui qui peina à être le personnage principal de sa propre vie, passant plus de temps à se détruire qu’à vivre. Et si la lecture de ce livre donne une envie, c’est celle de revoir un de ses films.

Merci à Netgalley et aux éditions du Rocher pour ce partenariat.

 

Sur Tchekov d’Ivan Bounine

les éditions du Rocher – 211 pages.

Présentation de l’éditeur :

Le Tchékov d’Ivan Bounine constitue l’hommage d’un écrivain à un autre écrivain, qu’il admire parmi tous les autres et qui fut, en outre, l’un de ses meilleurs amis. Intime de Tchékhov de 1895 à sa mort en 1904, Ivan Bounine donne dans cet ouvrage un texte tout à fait original qui tient de la biographie, mais également de l’essai littéraire.
On y découvre un Tchékhov méconnu par le public français, aussi bien du point de vue personnel que de celui de la création littéraire. Ainsi Bounine place-t-il très haut le Tchékhov auteur de nouvelles, alors qu’en France ce sont ses écrits pour le théâtre qui fondent sa célébrité.
À la fois intime et pudique, savant et modeste, le Tchékhov de Bounine est un grand livre, en tous points digne de deux des plus grands auteurs russes modernes.

Mon avis :

La biographie n’est pas un genre que j’apprécie énormément, parce qu’il est rare pour moi de trouver une biographie qui soit aussi dotée de qualités littéraires. Parmi les exceptions, je compte Marie-Antoinette de Stefan Zweig – et pour le remarquable travail de recherche aussi. Je ne compte plus les déceptions, je n’ai même pas envie d’en dresser la liste.

Ce livre est une exception, un livre rare, un livre écrit par un très grand écrivain pour rendre hommage à un écrivain qu’il admire profondément, qu’il a eu la chance de connaître, pour lequel il veut aussi rendre justice, parce que beaucoup ne la lui rendent pas, donnent une image fausse de cet homme qui a vécu plusieurs vies, qui n’a pas assez pris soin de la sienne, qui a écrit des pièces de théâtre et des nouvelles, pas assez connues en France. Il faut bien le dire : ce genre littéraire est malheureusement très déprécié en France.

Plus qu’une biographie, il s’agit de partage : se rappeler tous ces moments privilégiés passés avec Tchékhov, fils et frère aimant, mari souffrant (sa femme avait aussi de lourds soucis de santé), écrivain qui ne pensait pas que son oeuvre lui survivrait longtemps. Ecrivain russe, il souffrait de l’état de la littérature de son pays, il était inquiet quand il voyait les différents courants littéraires qui émergeaient et ne lui annonçaient rien de bon, sans doute aussi parce qu’ils étaient le reflet de la société russe.

Ivan Bounine parle des liens qu’il avait tissé avec l’auteur, de leurs correspondances. Il parle aussi de la famille d’Anton Tchékhov, famille dont l’auteur était très proche.

Une oeuvre émouvante.

Albert Camus et la guerre d’Algérie

Présentation de l’éditeur :

L’Algérie restera la grande douleur d’Albert Camus. Petit Blanc d’une Algérie française besogneuse, il ne peut accepter la position officielle de la France et des intellectuels de l’époque, et s’insurge que sa communauté, celle des pieds-noirs, soit, comme le dit Sartre, la victime expiatoire du drame qui se joue devant lui entre 1954 et 1961.
Comment approuver la rébellion algérienne quand celle-ci pourrait « tuer sa mère dans un tramway d’Alger » ? Comment être à la fois un intellectuel engagé qui dénonce la misère en Kabylie dès 1935 et un « fils d’Alger », amoureux de sa terre de naissance et donc bien décidé à ne pas la quitter ?

Merci aux éditions du Rocher et à Netgalley pour ce partenariat.

Mon avis :

Quand je lis certains livres, je me demande toujours s’ils trouveront leur public, même si, bien sûr, je le souhaite.
L’on parle peu, très peu de la guerre d’Algérie – des « événements », disait-on à l’époque, des « événements », disent encore certains (si), pour qui rien ne semble s’être passé, là-bas. Aussi c’est avec intérêt que j’ai lu ce livre, très bien documenté, qui nous parle de ce qui se passait là-bas, de l’autre côté de la Méditerranée, qui nous parle aussi de ce qui se disait, en France, du côté des intellectuels « rive gauche ».

Albert Camus paraît seul – et pourtant. Il a une vie amoureuse que je qualifierai de riche, de complexe. Il était partagé entre plusieurs amours, qui lui inspiraient, pour chacune des femmes qu’il a aimé, des lettres passionnées. Il était partagé entre la France et l’Algérie, lui qui est né, a grandi, a étudié sur la terre algérienne, lui qui craint chaque jour pour sa mère, lui qui sait également la misère qui règne là-bas.

Albert Camus écrit beaucoup, et n’est pas toujours compris par ceux qui sont sûrs de la justesse de leur position, par ceux qui n’ont pas vécu là-bas. La violence et l’horreur des « événements » (oui, je garde le terme) nous sont racontés, et je me demande ce que l’on en savait réellement en France, à l’époque. Mais… il est tant de faits qui paraissaient « normaux » à l’époque, qui peut-être paraissent encore normaux aux yeux de certains, au nom du « la fin justifie les moyens ». En étant aussi elliptique, j’ai l’impression de passer à côté de ce qui s’est joué à cette époque, en Algérie, en France, des tourments, bien réels, vécus par Albert Camus. Et pourtant, ce livre nous parle de lui, de cette époque, de tout ce qui a été vécu, enduré, souffert.

Un livre à découvrir, pour ceux qui veulent en savoir plus sur la vie d’Albert Camus et sur ses liens avec sa terre natale.

Le Secret des Rothschild par Elie de Rothschild

Présentation de l’éditeur :
Elie de Rothschild Jr retrace l’histoire de sa famille depuis ses origines – Mayer Amschel Rothschild est né le 23 février 1744 à Francfort – à nos jours. L’histoire de la famille, riche en épisodes dramatiques, nous fait suivre très étroitement les soubresauts de l’histoire politique et économique mondiale. L’ouvrage montre la façon dont les destins individuels s’articulent aux destinées collectives et analyse l’élaboration du succès de la plus ancienne dynastie du monde des affaires. S’appuyant sur ses recherches historiques et sur la tradition familiale, l’auteur révèle avec force anecdotes les traditions transmises de génération en génération qui ont créé les valeurs familiales, culturelles et éducatives qui sont les siennes.
Merci aux éditions du Rocher et à Netgalley pour ce partenariat.
Mon avis :
Ce n’est pas un livre facile à lire. Oui, commencer un avis ainsi n’est pas forcément fait pour donner envie, et pourtant, je dois dire que la lecture est riche, certes, mais aussi ardue. Il n’est pas toujours facile de trouver son chemin au milieu de tous les membres de cette famille, qui se dispersèrent pas seulement pour accroitre l’influence de la famille, mais pour vivre en des pays où l’on pouvait être juif et vivre (presque) normalement.
Ce que je retiens d’abord n’est pas tant l’histoire de cette famille, sa capacité à gérer l’argent, à l’investir, à ses risques et périls parfois, que l’histoire de l’antisémitisme en Europe. Les lois qui limitaient les droits des personnes de confession juive étaient excessivement nombreuses et complexes, et il a fallu attendre les guerre napoléoniennes pour qu’ils puissent respirer un peu, juste un peu, de l’autre côté du Rhin – et pour fort peu de temps.
Ce qui paraît aussi important est le choix d’une épouse, union entre deux familles où la foi tient une place extrêmement importante et l’éducation donnée aux enfants, filles ou garçons, tous doivent savoir gérer l’argent sans avoir l’air de savoir le gérer. Le « secret » dont il est question dans le titre est aussi le fait de devoir tenir secret bien des choses – afin de pouvoir vivre du mieux possible, en dépit des persécutions. Et si l’on se dit « c’est du passé », je crains malheureusement que l’antisémitisme ne soit pas aussi mort que l’on pourrait l’espérer.
Une oeuvre intéressante et complexe, qui, je l’espère, trouvera son public.

George Sand l’indomptée de Séverine Vidal

Présentation de l’éditeur :

Quand la jeune Aurore arrive chez sa grand-mère au château de Nohant avec ses parents et son petit frère, elle se sent immédiatement chez elle. Malgré les tensions entre sa grand-mère, Marie-Aurore Dupin de Francueil, et sa mère, fille d’un oiseleur, elle profite de la nature et se lie d’amitié avec les enfants du village voisin. Mais quand son père meurt brutalement d’une chute de cheval, les tensions s’exacerbent entre sa mère et sa grand-mère qui veut assurer son éducation. Aurore doit se construire. Son imagination est vive, elle aime écrire et elle rêve d’indépendance. Comment y accéder ?

Merci aux éditions Rageot et à Netgalley pour leur confiance.

Mon avis :

George Sand, l’indomptée, est la preuve que l’on peut écrire une biographie à destination de jeunes lecteurs sans être niaise – et sans que cette biographie soit niaise. J’ai presque envie de dire « jeunes lecteurs sensibles s’abstenir », et certains me répondront certainement que les jeunes « en voient d’autres » à la télévision, dans les jeux video. Ceux qui liront la biographie de George Sand ne sont peut-être pas ceux qui passent dix heures par jour devant leurs ordinateurs. Il est des faits, dans la jeunesse d’Aurore, qui sont douloureux, des faits (la mort de son petit frère, celle de son père) auxquels des adolescents ont pu être confrontés. Je préfère toujours prévenir. Et peut-être certains ont arrêté de lire mon avis à ses mots  – mais écrire une biographie ne signifie pas non plus passer des faits essentiels, fondateurs, sous silence.

J’ai aimé la richesse de cette biographie. Richesse des faits racontés, richesse de la langue, de la description, qui font d’Aurore une enfant, une adolescente, une jeune adulte, une jeune mariée et mère vivante. Ce livre retrace également une époque, celle de l’épopée napoléonienne, celle qui vit la restauration, puis la révolution de 1830, avant de voir à nouveau un roi sur le trône, une époque où les femmes étaient des mineures pour toujours, et où il fallait bien du courage, de la force pour parvenir à s’émanciper.

Une belle oeuvre.