Archive | mai 2017

Des morts bien pires de Francisco Gonzalez Ledesma

Présentation de l’éditeur :

Une jeune fille venue d’Ukraine fuit à travers les rues de Barcelone, traquée par un tueur. L’ultime affaire du vieil inspecteur Mendez, le héros fétiche de Ledesma, qui enquête dans une ville crépusculaire, ravagée par la spéculation foncière et la prostitution industrialisée. Une ville où le coeur de Mendez a des souvenirs que la tête oublie .

Mon avis :

Avec ce livre, je dis adieu à l’inspecteur Mendez : son auteur nous a quittés voici deux ans, et j’ai lu toutes les aventures mettant en scène cet anti-héros. Surtout, il met en scène la ville de Barcelone et ses transformations, laissant de côté l’ancien monde et les petites gens, laissant la place à la spéculation et à une faune bien peu fréquentable.

N’oublions pas la mondialisation. C’est beau, le commerce. Pas de petits profits, la loi de l’offre et la demande domine, et quand on demande des femmes dociles et jetables, il est des personnes pour en importer, en tirer des bénéfices et ne pas avoir de scrupules. Les pertes existent aussi dans ce domaine, les dommages collatéraux aussi : une jeune fille, témoin involontaire, est assassinée elle aussi. Son père sombre dans la dépression. Mendez, lui, a les mêmes ordres que d’habitude :  ne pas enquêter, ne pas faire de vague.

Comme si ses chefs ne le connaissaient pas ! Mendez n’a jamais rien possédé, il n’a donc rien à perdre, si ce n’est son honneur, dont il a une conception très particulière. Oui, Mendez se retrouve toujours au bon endroit, pour enquêter, au bon endroit pour empêcher certaines personnes de commettre leurs forfaits. Quant à avoir un rapport négatif de plus, il en a la saine habitude.

Mendez, c’est le contraire des policiers de romans produits au kilomètre. Ce qui lui importe, c’est de prêter sa voix aux victimes, à toutes les victimes, y compris les siennes. On laisse trop la parole au coupable, pour ne pas dire au bourreau. Ils fascinent même certains. Rendons-leur leur vraie dimension, leur juste place.

Mendez écoute, entend, celles et ceux qui n’intéressent personne, ancienne prostituée, proches des victimes. A lui, les chiens perdus qu’il n’oublie pas de nourrir – dans tous les sens du terme.

Il est une lueur d’espoir qui apparaît – fine et ténue. Cependant, il faut déployer vraiment beaucoup d’énergie pour la saisir et la faire briller plus fort.

Buenos aires noir

Présentation de l’éditeur :

Après Marseille Noir et Bruxelles Noir en 2015, la collection « Asphalte Noir » se penche sur le cas de Buenos Aires. Ernesto Mallo et treize auteurs portègnes nous montrent le côté obscur et méconnu de la capitale argentine, des cités dortoirs aux quartiers chics, des repaires de la jeunesse aux villas miserias (bidonvilles).

Mon avis :

Je ne suis pas très fan du genre nouvelle. Cependant, pour le mois espagnol, j’ai tenté le coup avec la lecture de ce recueil entièrement consacré à Buenos Aires. Techniquement, il comporte trois parties : Amour, Infidélités et Crimes imparfaits. Les deux premières parties contiennent trois nouvelles chacune, la dernière sept. Je dois dire que la première nouvelle m’a un peu rebuté, elle n’est pas la meilleure du recueil, elle m’a semblé même plutôt banale. Heureusement, les deux autres nouvelles de la première partie sont bien meilleure, surtout « Trois pièces avec patio », qui évoquent la dictature, les disparus, et les efforts que doivent accomplir leurs proches pour tenter de les retrouver et, qui sait ? de les sauver.

Pour la deuxième partie, c’est « Orange, c’est joli comme couleur » que je retiens. Cette nouvelle a des accents Hitchcockiens, et pas seulement. L’héroïne et sa détermination, si habillement campée en quelques pages, font tout le prix de cet écrit.

J’ai eu plus de mal à trouver, dans la troisième partie, une nouvelle qui me séduise complètement. Il manquait toujours quelque chose pour me plaire, comme le dénouement de « La part du lion », un peu trop prévisible à mon goût. Une exception, cependant : « ça brûle », qui exploite parfaitement la thématique induite par le titre, du plus futile au plus tragique. Ces sept nouvelles nous donnent une vision très noire de l’Argentine, entre corruption, prostitution presque institutionnalisée, trafic, racisme ordinaire, absence de justice et solitude. Note : pour obtenir de l’aide, il faut aussi en demander, et s’adresser à la bonne personne.

Un recueil de nouvelles qui donne envie de découvrir d’autres oeuvres de ces auteurs.

Le rêve de Ryosuke de Durian Sukegawa

Merci à Babelio et aux éditions Albin Michel pour ce partenariat.

Présentation de l’éditeur :

Après Les Délices de Tokyo, porté à l’écran par Naomi Kawase, Durian Sukegawa signe un second roman tout aussi poétique, lumineux et original. Le jeune Ryôsuke manque de confiance en lui, un mal-être qui puise son origine dans la mort prématurée de son père. Après une tentative de suicide, il part sur ses traces et s’installe sur l’île où celui-ci a passé ses dernières années. Une île réputée pour ses chèvres sauvages où il va tenter de réaliser le rêve paternel : confectionner du fromage. Mais son projet se heurte aux tabous locaux et suscite la colère des habitants de l’île… Jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour réaliser nos désirs ? A travers les épreuves de Ryôsuke, Durian Sukegawa évoque la difficulté à trouver sa voie, soulignant le prix de la vie, humaine comme animale.

Mon avis : 

J’avais beaucoup aimé Les délices de Tokyo, aussi ai-je été ravie de pouvoir découvrir le nouveau roman de Durian Sukegawa. Je dois dire que j’ai trouvé la tonalité très différente. Autant le premier m’a semblé lumineux, ancré dans le réel, parfois méconnu du Japon, autant le second m’a semblé à la fois réaliste et fantastique. Réaliste, parce qu’il nous montre une jeunesse japonaise en perte de repère : Ryosuke est le héros du roman, mais ces deux « collègues » (je ne vois pas comment nommer autrement les deux jeunes qui l’accompagnent) semblent tout aussi perdus que lui, entre famille dysfonctionnelle et drame personnel. Fantastique, parce que l’île sur lequel ils se rendent n’existe pas, est coupée du reste du Japon, isolée. Et c’est là que nous basculons à nouveau dans le réalisme, avec la difficulté à conserver les habitants, les jeunes surtout, à faire venir des forces vives. Le problème n’est pas tant que les nouveaux venus restent ou non, mais qu’ils parviennent à s’entendre avec celui qui fait office de seigneur sur cette île, comme en une survivance médiévale.
Ryosuke est à la recherche de réponse sur son propre passé, sur l’événement qui a fait basculer la vie de sa famille. Il poursuit aussi, d’une certaine façon, l’oeuvre de son père, se colletant à la tâche là où d’autres ont lâché prise – de façon définitive.
Très vite se pose aussi pour lui la question du prix de la vie animale – et du pouvoir que l’homme a sur l’animal. Que dire alors quand la survie de l’homme est en jeu.
Le rêve de Ryosuke – un livre tout sauf facile.

Le fusil de chasse de Yasushi Inoue

Un mois au Japon en compagnie de Lou et Hilde

Présentation de l’éditeur :

Trois lettres, adressées au même homme par trois femmes différentes, forment la texture tragique de ce récit singulier. Au départ, une banale histoire d’adultère. À l’arrivée, l’une des plus belles histoires d’amour de la littérature contemporaine.
Avec une formidable économie de moyens, dans une langue subtilement dépouillée, Yasushi Inoué donne la version éternelle du couple maudit.

Mon avis :

Il est des romans épistolaires réussis (Les liaisons dangereuses), il est des romans épistolaires ratés, datés. Il en est d’autres, comme Le fusil de chasse, dont on oublie complètement qu’il est constitué de lettres.
Nous avons un narrateur, auteur, poète, qui écrit un poème sur (ou plutôt contre) la chasse, poème qui est publié sans faire de vagues – la réception d’un texte, on n’y pense pas toujours. Si, enfin, une lettre, d’un homme qu’avait croisé le narrateur, qui lui avait même inspiré ce texte, et qui s’est reconnu. Les trois lettres qui constituent le coeur de l’ouvrage, c’est lui qui les lui envoie. La première est de la fille d’une lointaine cousine. La seconde est de sa femme. La dernière est de sa lointaine cousine par alliance.
Dans ces lettres, c’est tout ce qui n’a pas été dit qui est exprimée. Trois points de vue féminin – une jeune fille à l’aube de sa vie amoureuse, sa mère et une femme, jeune encore, qui a été trahie au tout début de sa vie d’épouse.  La première et la dernière se rejoignent, finalement, en victimes collatérale de la passion de leur mère pour l’une, de son époux pour l’autre, et si l’on ne sait comment l’une mènera sa vie, on sait comment l’autre a tout mis en oeuvre pour faire souffrir son mari. Mais souffre-t-on réellement quand on n’aime pas ? N’a-t-elle pas blessé qu’elle-même ?
L’on ne peut que se douter de la raison qui a empêcher ces deux êtres de vivre leur amour au grand jour – leur passion aurait-elle eu une telle force si elle n’avait pas été cachée, donc coupable ? Il est des faits qui peuvent aussi surprendre, comme l’adultère qui aurait dû être pardonné par Shaïko , alors même qu’un enfant était né de cette relation (et ne devait vivre que peu de temps, ce qui semble d’attrister personne).
Mais l’on ne peut restreindre une oeuvre si courte et si parfaite à l’examen d’événement. Le ressenti de chaque personnage, la manière dont il a appréhendé ce qui est survenu, la poésie et la délicatesse de l’écriture sont tout aussi importants. C’est un livre que j’ai eu envie de relire aussitôt, et c’est suffisamment rare pour moi pour être signalé.

Asie2

 

La veuve noire de Daniel Silva

Résumé :
Une mission de Gabriel Allon

Dans le quartier du Marais, à Paris, Hannah Weinberg, directrice du Centre pour la recherche sur l’antisémitisme en France, meurt dans un attentat à la bombe revendiqué par Daesh. L’espion israélien Gabriel Allon est alors sollicité pour retrouver Saladin, énigmatique leader terroriste, et prévenir de futurs carnages. Pour mener à bien sa mission, infiltrer un espion au sein de Daesh semble la meilleure option. Gabriel réquisitionne alors Natalie, une jeune femme juive, brillante, exerçant comme médecin dans un hôpital de Jérusalem. Elle devra incarner une Palestinienne avide de vengeance et intégrer les rangs de l’ennemi. Elle commence alors un entraînement pour devenir une autre : Leila…

Merci à Netgalley et aux éditions Harper Collins pour ce partenariat.

Mon avis :

Un auteur et une série que je découvre. Et nous en sommes déjà au tome 16 !  Je sens que je n’essaierai pas de rattraper mon retard, même si j’ai beaucoup aimé ce livre.
L’intrigue est bien sûr imaginaire, mais elle colle, malheureusement, à l’actualité. Les attentats sont devenus notre crainte quotidienne, et nous découvrons à quel point il est facile de recruter des candidats au massacre et à la mort. Le processus est finement analysé – j’ai envie de dire « hélas ».
Il est plus difficile de trouver des candidats pour une infiltration en bonne et due forme. En effet, le but est qu’ils reviennent vivants, en presque bonne santé physique, sinon leur infiltration n’aura servi à rien. Pour la santé et la stabilité mentales, par contre, elle est beaucoup plus difficile à conserver. Comment faire quand on doit être, en permanence, quelqu’un d’autres, oui, comme un comédien, mais surtout, un comédien qui n’a droit qu’à une seule prise, sinon, le rideau tombe définitivement.
C’est ce que vivra Natalie. Nous suivons pas à pas les étapes de sa transformation, depuis son recrutement jusqu’à l’accomplissement de sa mission. Elle est une jeune médecin presque ordinaire, avec une vie privée presque inexistante. Elle est repérée et après, il lui est laissé toute liberté d’accepter – ou pas. De continuer, ou pas. Choisie, parce que protéger les siens, au sens large du terme, lui tient à cœur. J’ai presque envie d’ajouter cette devise bien connue « protéger et servir ». Au bout de la route, beaucoup d’agents trouvent la mort. Parce qu’il est toujours tragique de constater qu’il est plus facile de perpétrer un attentat quand on n’a rien à perdre que de le prévenir.
Les agents ne sont ni invincibles ni « glamour ». Ils ont des failles, des douleurs, des vies privées compliquées – et une quasi-impossibilité à décrocher, parce qu’à une menace succède toujours une autre menace.
J’ai eu beaucoup de mal à décrocher de cette lecture, j’ai vraiment voulu savoir comment cette intrigue se terminera. Certaines scènes sont très réalistes, sans verser dans la complaisance. Ce livre montre aussi comment il est facile de basculer, à un moment ou à un autre. En bref, une vraie réussite.

PS : je lis beaucoup de livres depuis quelques temps qui se déroulent en Israël. Hasard du monde de l’édition 2016-2017 ?

Les rumeurs d’Issar de Marie Caillet

Présentation de l’éditeur :

Dis-moi quel est ton signe, et je te dirai quel est ton pouvoir… « Dans les royaumes d’Issar, la magie habite tous les Hommes. Pour autant, elle ne les traite pas de la même façon. Parfois, elle en choisit un. » Les Gardiens, comme tous les humains, ont la capacité de contrôler un des quatre éléments. Mais la magie dont ils sont dotés est trop puissante. Ils n’y survivent qu’en mettant au monde une créature magique, un Ange à la beauté sans failles chargé de les protéger… Ensemble, ils forment ce qu’on appelle un Ange-Gardien. Rare, puissant et appelé à intégrer le corps d’élite du Palais.

Merci à Netgalley et aux éditions Hachette pour ce partenariat.

Précision :

Mon avis est personnel, bien sûr, et d’autres personnes peuvent avoir un avis différent, et un style différent. Sharon fait du Sharon, c’est à prendre ou à laisser.

Mon avis :

Chère Marie Caillet,
j’espère sincèrement que vous allez écrire la suite de ce roman et que l’histoire d’Edjan, Kez et Shaëll ne s’arrêtera pas là.
Merci d’avance,
NR.
La lecture de ce premier tome m’a emballé et m’a fait beaucoup de bien, d’ailleurs, j’ai même relu certains passage tant j’avais pris plaisir à cette lecture. Vient le difficile moment d’expliquer pourquoi j’ai tant aimé ce livre.
Je pense que cela tient à la rencontre avec des personnages. Nous découvrons Edjan et Kez en pleine mésentente. Ils tiennent tous les deux une boutique de réparation de tapis volant, et les affaires ne marchent pas fort parce qu’Edjan passe son temps à réparer le travail de Kez, qui ne semble pas très doué pour cela. Nous comprendrons plus tard pour quelle raison. J’ai une tendresse particulière pour Kez, notamment pour son portrait physique absolument irrésistible. Il m’a rappelé quelqu’un… de ma connaissance. Si je vous dis son nom, vous comprendrez tout de suite pourquoi !
C’est au cours d’une opération de réparation qu’ils rencontrent Shaëll. A peine plus âgée qu’eux, elle est haute voleuse, particulièrement douée. Elle leur propose, non, je ne dirai pas une association, disons plutôt un espèce de partenariat, qui fera qu’Edjan et Kez partiront avec elle (et le voyage en tapis volant de Kez est vraiment irrésistible).
Shaëll n’a pas volé n’importe quoi, elle a volé les talismans qui sont distribués par le palais tous les ans aux adolescents qui atteignent leur seize ans – Edjan a eu le sien l’an dernier. Ne pas recevoir son talisman, en être privé, est une des pires choses qui puissent survenir dans cet univers où la magie est partout, entre ange et démon. Surtout, un nouvel ange gardien pourrait naître et sans la remise du talisman, impossible. Mais un ange gardien est né, et c’est là que nous découvrons Chanis, une jeune servante des plus ordinaires qui donnent naissance, bien malgré elle, à son ange. On ne choisit pas son signe, on ne choisit pas son destin, on ne choisit pas d’être lié au Palais, même si l’on intègre son corps d’élite.
Ne pas pouvoir choisir son destin, un thème fréquemment développé dans la littérature fantasy, et, bien sûr, les meilleurs livres qui traitent de ce sujet sont ceux qui montrent que l’on peut se rebeller contre l’adversité, prendre son destin en main, même si parfois le hasard donne un coup de pouce. A voir ce que l’on en fait après. Nous en avons plusieurs exemples ici, avec Shaëll, avec Edjan – et pas seulement avec eux.
J’aime aussi les livres qui montrent des figures féminines fortes. Shaëll est indépendante, capable de se débrouiller seule, de mener sa carrière seule : elle n’attend pas que les autres viennent la tirer d’un mauvais pas, même si parfois, il est fort utile de recevoir de l’aide. Ma remarque pourrait aussi s’appliquer à Sibritt, reine, à la tête de sa propre garde, ayant su la créer et la diriger en ayant gagné davantage : leur respect. Adan, le roi, semble ne pas être à la hauteur de sa flamboyante reine. Il ne s’agit pas de son âge, non, plutôt de son manque de charisme et d’une certaine forme de lâcheté. Je sais que j’en dis déjà beaucoup mais je vous assure qu’il en reste beaucoup à découvrir sur ces intrigues.
Je terminerai en parlant du mouchard, personnage énigmatique qui semble tout savoir sur presque tout, un personnage qui ne manque pas de gouailles, comme le montrent ses Rumeurs qui ponctuent le récit.
Je ne demande pas grand chose pour le tome 2, simplement prendre autant de plaisir à le lire que le tome 1.

Le souffle de la pierre d’Irlande, tome 2 : l’air d’Eric Simard

édition Magnard – 174 pages.

Présentation de l’éditeur : 

Il y a moins d’un an, je vivais paisiblement en Bretagne. Je menais une vie normale dans un collège normal. Mais l’Irlande a murmuré à mon âme de troublants secrets. À peine arrivé sur l’île, je suis tombé amoureux de Fiona, une jeune aveugle qui détenait les clés de mon mystère. Aujourd’hui, je dois coûte que coûte retrouver mes pouvoirs et conquérir l’air afin de protéger l’Émeraude des guerriers légendaires.

Mon avis : 

Ce second tome prend place cinq mois après la fin du premier. William et ses parents sont partis en Nouvelle-Zélande, personne ne sait en revanche, et surtout par Georg, l’associé malhonnête de son père, que ce dernier est vivant. Initié par Fiona, William ressent une sensation étrange venue d’Irlande, il comprend que quelque chose de grave se passe et demande à y aller. Franchement, vous enverriez votre fils de douze ans seul en Irlande sous prétexte que Georg ne doit pas savoir que vous êtes vivant ou parce que vous courriez des risques ? Pour ma part, non, mais les parents de William me semblent tout de même manquer un peu de maturité ou de lucidité. Moralité : dans certains romans de littérature jeunesse, les parents sont bien encombrants, c’est pour cette raison que Tintin ou Fantômette n’en ont pas.

Arrivé sur place, William apprend l’affreuse vérité : Sean est décédé. Maladie ? Ou alors, serait-ce une intervention de Georg et de ses associés ? William revoit les oiseaux du refuge, en liberté depuis la mort de Sean. Il revoit surtout l’aigle de Kylemore, qui a un comportement étrange à son sujet. L’oiseau semble le protéger. Est-ce possible ?

J’ai un peu moins aimé ce second tome, plus niais que le précédent. William fait parfois preuve d’une grande maturité, mais il se comporte aussi comme un ado boudeur parce qu’il est éconduit par la jeune fille qu’il aime. Certes, Fiona n’est pas une jeune fille comme une autre, aussi William devrait comprendre qu’elle ne peut réagir comme une ado ordinaire.

Les péripéties sont un peu attendues. Aussi l’irruption du fantastique est-elle la bienvenue parce qu’elle apporte, au deux tiers du roman, une autre dimension à l’oeuvre. J’ai aimé la présence de Sean, la manière dont il restait présent malgré tout. J’ai aimé aussi Bran, qui m’a rappelé Urgente de Longuemare (en version mâle et plus grande). Le dénouement du roman nous amène ailleurs. J’ai très envie de lire la suite, tout en sachant que les tomes 4 et 5 sont indisponibles à la bibli.

 

Les jours de l’arc en ciel d’Antonio Skarmeta


Edition Grasset – 256 pages.

Présentation de l’éditeur :
« Mercredi, ils ont arrêté le professeur Santos. Rien d’exceptionnel par les temps qui courent.
Sauf que le professeur Santos est mon père. Et, chose étrange, lorsque les deux hommes ont emmené papa, tous les garçons de la classe ont tourné les yeux vers moi. Je suis sûr qu’ils pensaient que j’avais peur. Ou que j’aurais dû bondir sur ces hommes pour les empêcher d’emmener mon père. Mais, avec le professeur Santos, nous avions prévu cette situation. Nous lui avions même donné le nom d’une figure de syllogisme. Nous l’appelions la situation « Baroco » : s’ils venaient arrêter papa sous les yeux de témoins pour l’emprisonner, cela signifiait qu’ils ne pouvaient pas le faire disparaître comme les autres… »

Mon avis :

Chili. Déjà 15 ans de dictature. Pinochet organise alors un plébiscite et il autorise le parti adverse à diffuser un spot publicitaire pour dire « non », non à huit ans de plus avec Pinochet au pouvoir. Non à huit années de plus de détenu-disparu ou de disparu tout court, de média aux ordres du pouvoir. Il faut dire que le monde regarde, que des correspondants étrangers sont présents, alors il faut bien faire croire à la démocratie, non ?

S’il est un mot qui convient pour désigner les chiliens, c’est « résignation ». Aller voter pour le non ? Et s’ils leur arrivaient quelque chose dans le bureau de vote, ou après ? Que risquent réellement ceux qui s’opposeront à la dictature ? Oui, je ne peux m’empêcher d’ajouter qu’en France nous ne risquons rien en allant voter, et que nous oublions que d’autres n’ont pas la chance – de voter tout court. Puis, si l’on ne fait pas trop de vague, pourquoi ne pas laisser le pays en l’état ? A force de ne plus connaître que la dictature, à force d’oubli, on n’a plus le courage de vouloir vivre autre chose. Seuls les proches des disparus semblent déterminés.

Des personnages forts émergent de ce roman. Nico, d’abord, le narrateur, dont le père a été arrêté en pleine classe devant ses élèves. Une chance : sa disparition ne peut être niée. Nico était paré à cette éventualité, son père et lui avaient mis au  point plusieurs stratégies, plusieurs contacts au cas où – et c’est arrivé. Patricia est son amie, son amoureuse. Pour elle, l’avenir n’est pas au Chili, mais ailleurs, elle a hâte de partir. Son père est un grand publicitaire, le plus grand peut-être du pays, c’est pour cette raison qu’il est sans travail, trop doué, trop opposé à ce qui se passe au Chili. C’est pourtant à don Adrian Bettini que l’on propose deux campagnes, celle pour le oui, d’abord, puis celle pour le non, que tous ou presque lui demandent de refuser, que lui-même n’a pas vraiment envie d’accepter, la seule qui le pousse à le faire, c’est sa femme :

– J’admets que ton argument est bon. Malgré tout, il y aurait encore une autre raison de ne pas accepter.
– Dis-moi ?
– Pinochet a bombardé le pays de publicité pendant quinze ans, et à moi, on ne m’octroie que quinze minutes à la télé. C’est le combat de David contre Goliath.
– Adrian ?
– Oui ?
– Qui a gagné ?
– Qui a gagné quoi ?
– La bataille de David contre Goliath.

Nous connaissons la fin, pas ceux qui ont vécu cet événement. La vie ne s’arrête pas au Chili, la mort non plus, les surveillances tout sauf discrètes, les enlèvements, les tortures. Créer un spot de quinze minutes pour promouvoir le « non », toucher les indécis ou les peureux n’est pas simple. Ce qui distingue le camp du oui du camp du non ? Les certitudes. Adrian Bettini ne sait pas s’il parviendra à ses fins, il ne saura qu’après la diffusion du spot – et encore. Le camp du oui est sûr jusqu’au bout, et presque au-delà. Et ce sont des destins qui se jouent.

C’était le couronnement de toute sa vie.
Que quelqu’un d’autre s’occupe de l’avenir. Lui, lui seul voulait maintenant savourer le présent.

Un beau roman rempli d’espoir et de douleurs.

Histoire d’un escargot qui découvrit l’importance de la lenteur

Présentation de l’éditeur :

Les escargots qui habitent sous l’acanthe touffue, dans la prairie qu’ils appellent le Pays de la Dent-de-Lion, mènent une vie paisible, lente et silencieuse ; ils sont à l’abri des autres animaux et entre eux s’appellent simplement « escargot ». L’un d’eux pourtant trouve injuste de n’avoir pas de nom et surtout il voudrait connaître les raisons de la lenteur. Malgré la désapprobation de ses camarades il entreprend un voyage qui lui fera rencontrer un hibou mélancolique, une tortue pleine de sagesse, des fourmis très organisées, et gagner un nom à lui.

Mon avis  : 

Cette histoire est un joli conte philosophique, pour enfants mais aussi pour l, es plus grands. Tout comme Luis Sepulveda a écrit cette histoire pour ses petits-enfants et la leur a sans doute racontée directement, il me semble nécessaire pour moi d’accompagner la lecture de ce conte, pas aussi simple qu’il n’en a l’air.
Le personnage principal ? Un escargot. Un escargot qui n’a pas de nom, comme tous les escargots, et qui voudrait bien en avoir un. Il voudrait aussi apprendre de nombreuses choses, ce qui en soit n’est pas un mal mais dérange les escargots si sédentaires, si confits dans leurs rituels quotidiens. Toute ressemblance avec certains être humains ne voulant surtout pas changer leurs habitudes n’est absolument pas fortuite. Le personnage principal, lui, va oser. Il fera des rencontres, il affrontera des dangers, et il devra aussi aider les siens à affronter des dangers.
Conte ? Récit initiatique ? Un peu tout cela à la fois.  Les épreuves sont nombreuses, et tous ne peuvent y survivre – les escargots sont fragiles, ne l’oublions pas. Il est peut-être aussi, dans ce livre, question des hommes qui avancent, qui construisent, qui détruisent aussi sans se préoccuper de la nature, sans s’occuper des plus petits. Peut-être. Sûrement.
Histoire d’un escargot qui découvrit l’importance de la lenteur – un conte à partager.