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Hamlet de Shakespeare

Mon avis :

Pendant le confinement, un journaliste a dit que plutôt que de regarder Netflix, il fallait mieux relire Hamlet. Cela signifie donc que ce journaliste (Guillaume Durand, pour le nommer) estime que tout le monde a lu Hamlet – et que, vraiment, sa lecture peut remonter le moral, distraire, pendant un confinement.

Pour ma part, ce doit être la troisième fois que je lis Hamlet. La première, c’était en 1995 pour le bac. La seconde fois, je ne sais plus, mais je sais que je ne l’ai pas relu quand j’ai vu Hamlet au théâtre. Cette mise en scène, je l’ai trouvé grotesque, avec une Gertrude ivre et un Claudius qui change le papier toilette dans les… toilettes lors d’une scène (c’était à la Comédie-Française pour les curieux). Bref, voici ma troisième lecture de l’oeuvre et un court avis, qui n’aura rien d’une analyse littéraire.

Peu de personnages féminins, si ce n’est Gertrude, la reine mère d’Hamlet, et Ophélie. Pauvre Ophélie ! Son frère parti étudier, elle reste avec son père qui lui donne quelques conseils : repousser Hamlet, même si celui-ci se dit amoureux d’elle, parce qu’il ne pourra jamais l’épouser. Sauf que, quand Hamlet commence à simuler la folie, Polonius, père d’Ophélie, se transforme en maquereau (l’allusion dans les répliques d’Hamlet sont claires) et tente de jeter Ophélie dans les bras d’Hamlet, pour prouver que les causes de la folie du jeune homme sont le dépit amoureux. Elle ne trouvera que le mépris d’Hamlet, et n’entendra qu’un autre conseil : entrer au couvent. Après l’assassinat de son père par Hamlet (il ne pensait pas tuer Polonius, mais pensait que Claudius les espionnait, lui et sa mère. Eh bien non : laissons un courtisan faire le sale travail), Ophélie sombre dans la folie, la véritable folie, et meurt. Accident ? Suicide ? Peut-on véritablement se suicider quand on n’a plus sa raison ? Son frère Laërte n’aura pu la sauver, ni se sauver lui-même.

Hamlet, c’est le triomphe de la mort. Seuls Horatio et Fortinbras survivront, c’est peu de personnages. La mort est là, dès les premières scènes, avec le fantôme d’Hamlet (le père) qui appelle son fils à la vengeance, vengeance qu’il ne pourra accomplir. C’est la scène première de l’acte V (mon sujet au bac de lettres en 1995, nouvelle épreuve spécialement créée pour les terminales L) dans laquelle les fossoyeurs exhument les ossements de Yorick, le bouffon dont il ne reste rien, si ce n’est le souvenir qu’en a Hamlet.

Hamlet, c’est aussi le théâtre dans le théâtre, avec cette troupe de comédien qui met en scène ce que le roi ne veut surtout pas voir, ne veut pas savoir. Certaines répliques seraient aussi des allusions aux conflits qui existaient entre différentes troupes de théâtre à l’époque de Shakespeare.

Et Hamlet, le personnage ? Rien ne serait arrivé si le roi l’avait laissé retourner à ses études ! Pourquoi le garder près de lui ? Pour mieux le surveiller ? Pour être sûr que le plus proche du trône ne fomente pas une rébellion contre lui ? Peut-être. Hamlet et sa folie, c’est aussi son incapacité à se venger, sa capacité à trouver toujours des prétextes pour reculer sa vengeance, avant de la mettre en scène : je pense à nouveau à la pièce de théâtre mais surtout au dénouement lui-même.

Ai-je aimé relire Hamlet ? Non, pas vraiment, pas cette oeuvre-ci en tout cas. Mon oeuvre préférée de Shakespeare reste La nuit des rois.

Athalie de Jean Racine

édition Folio – 191 pages.

Présentation de l’éditeur :

Miraculeusement sauvé du massacre où les siens ont péri, le jeune Joas est secrètement recueilli puis élevé par le grand prêtre Joad et par sa femme. Pour qu’il accède au trône de Juda qui lui était promis, il lui faut échapper à l’infidèle reine Athalie, sa grand-mère, qui, après le songe où elle s’est vue soudainement menacée, cherche à le faire périr.
Commandée, comme Esther, par Mme de Maintenon qui voulait édifier les jeunes pensionnaires de sa maison de Saint-Cyr par des sujets de piété, Athalie est, en 1691, la seconde pièce que Racine tire de l’Ecriture sainte.

Mon avis :

Lire ou relire dans mon cas une œuvre datant de plus de trois siècles, c’est surtout ne pas oublier dans quel contexte cette œuvre a été écrite – ou commandée, dans ce cas. Oui, c’était une époque où Madame de Maintenon et le roi de France pouvaient commander une tragédie à l’un des plus brillants auteurs de son siècle, devenu son historiographe, pour les pensionnaires de la maison de Saint-Cyr, leurs protégées.

Comme la majorité des tragédies de Jean Racine, Athalie porte le nom de son personnage principal – et j’aurai aimé savoir quelle jeune fille a joué ce rôle, et ce qu’elle est devenue. Athalie n’est pas le personnage qui apparaît en premier, pourtant, c’est d’elle dont on parle constamment, elle que l’on craint, elle dont on sait l’inhumanité, puisqu’elle n’a pas hésité, par vengeance, par soif de pouvoir, à tuer ses petits enfants. Seul Joas a pu être sauvé et caché, élevé au temple par Joad, le grand prêtre et par Josabet, sa femme, soeur du dernier roi. Joad, élevé sous le nom d’Eliacin, a désormais huit ans, et il est temps pour Joas de révéler son identité, pour restaurer sa place sur le trône, et pour faire cesser les persécutions contre les juifs.

Athalie est un personnage monstrueux, hors-norme, et pourtant, Jean Racine la dépeint fragilisée, pleine de doute, comme si, enfin, l’horreur de ses actes lui apparaissait – ce qui n’est pas possible. Nul remords n’étreint le coeur d’Athalie, simplement la peur de ne pas avoir écarté tout danger, et l’horrible souvenir de la mort de Jézabel, sa mère. L’on oublie, ou l’on a oublié, la beauté des vers de Racine, ceux qui sont passés à la postérité « Pour réparer des ans l’irréparable outrage », et ceux qui sont moins connus, comme cette tirade sur les flatteurs qui abusent des rois :

« Hélas ! vous ignorez le charme empoisonneur.
De l’absolu pouvoir vous ignorez l’ivresse,
Et des lâches flatteurs la voix enchanteresse.
Bientôt ils vous diront que les plus saintes lois,
Maîtresses du vil peuple, obéissent aux rois,
Qu’un roi n’a d’autre frein que sa volonté même,
Qu’il doit immoler tout à sa grandeur suprême,
Qu’aux larmes, au travail le peuple est condamné
Et d’un sceptre de fer veut être gouverné,
Que s’il n’est opprimé, tôt ou tard il opprime.  »

Oeuvre pleine de lyrisme et de souffrance, Athalie comporte des choeurs sublimes, rarement joués il est vrai. Est-ce une raison pour passer à côté de cette tragédie ? Non.

Pour clôturer l’article, un extrait :

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Les plaideurs de Jean Racine

 

Mon avis :

Attention, attention !
Il n’est pas de bon ton d’aimer les plaideurs.
Il n’est pas bien de dire que l’on a ri en le lisant.
Il est bon de dire que Racine ne savait pas écrire de comédies, contrairement à Corneille ou à Molière.
J’adore les plaideurs.
Cette pièce m’a toujours fait beaucoup rire.
Et pourtant, cette comédie qui se passe en Basse-Normandie est tout sauf drôle.
Elle nous parle de la corruption qui sévit dans le bel univers de la justice au temps de Louis XIV.
Elle nous montre des familles prêtes à se ruiner pour un procès.
Elle nous montre des monomaniaques prêts à tout pour assouvir leur passion : plaider.
Passion ou névrose, d’ailleurs ? L’on est plus proche de la deuxième dénomination, même si, à l’époque, cette notion n’existe pas encore. L’un quitte sa maison à l’aube, est surveillé étroitement par ses domestiques pour ne pas aller juger, l’autre fait de même, pour plaider. Et, au milieu de ses obsessions, l’on trouve une comtesse, que ses proches ont interdite de procès, un peu comme l’on interdirait un joueur de casino de nos jours.
Bien sûr, l’on a un couple d’amoureux, Léandre, fils de Dandin, et Isabelle, fille de chicanneau, qui ont appris à maîtriser le langage juridique grâce aux obsessions de leur père respectif, et qui sauront tirer leur épingle du jeu.
Ne l’oublions pas : toute pièce de théâtre mérite une bonne mise en scène, et de bons acteurs. La scène ne souffre pas la médiocrité, et c’est de rythme, d’énergie qu’a besoin cette oeuvre.

Il ne faut jurer de rien d’Alfred de Musset

Mon avis :

– Mais mon oncle, qu’est-ce que je vous ai fait ?
– Tu m’as fait des lettres de change.

Simple, clair, net et précis. Van Buck en a assez de voir son neveu Valentin faire n’importe quoi et d’éponger ses dettes régulièrement. Par conséquent, Van Buck veut que son neveu se marie alors que lui ne l’est pas mais menace son neveu de le faire si celui-ci ne se marie pas. Logique.
Mais, comme on dit, chat échaudé craint l’eau froide. Non, Valentin n’a jamais été marié, mais il a eu l’occasion d’avoir des liaisons avec une femme mariée, et ne veut surtout pas se retrouver dans la position du malheureux mari trompé. Par conséquent, il veut tester sa fiancée et invente pour cela une mise en scène extravagante, avec la complicité de son oncle.
Oui, il est des jeunes gens qui ont trop vécu, trop lu de romans et de pièces de théâtre, des jeunes gens qui veulent que leur vie soit pleine de rebondissements et de mots poétiques, ne supportant pas qu’une jeune fille dise les mots « foulure » ou « bouillon », ce qui correspond à des réalités que le jeune homme se refuse à écouter. Oui, Cécile, qui prend des leçons de danse qui l’ennuie, qui vit avec une mère tête en l’air mais ayant toute confiance en sa fille, Cécile a reçu l’éducation d’une parfaite jeune fille, future maîtresse de maison sachant recevoir comme il se doit ses invités, s’occuper du ménage et de la couture. Elle est pleine de bon sens, Cécile, bon sens qui fait terriblement défaut à Valentin. Il serait presque à plaindre, lui qui ne se souvient pas des personnes qu’il a croisés, lui qui n’a jamais manqué de rien, par la grâce de son oncle, même si celui-ci se mord les doigts que son frère se soit uni à quarante ans et ait produit ce rejeton (et sa mère, dans tout cela ?). Oui, Valentin finira pris à son propre piège, dans un dénouement bien plus heureux que celui d’On ne badine pas avec l’amour ou d’Un caprice et intégrera une famille qui, si elle vit de ses rentes, sait faire bon usage de son temps et de son argent.

L’ours de Tchekhov

Mon avis :

Cette courte pièce ne plaira pas à tout le monde. Et pourtant, je la trouve fort drôle. D’un côté, nous avons Eléna Ivanovna Popova, jeune veuve. Elle a choisi de vivre recluse, de s’enterrer dans sa propriété champêtre, pour être fidèle à la mémoire de son mari, qui lui a été infidèle tout le long de leur mariage. De l’autre, nous avons le sanguin, le colérique Grigori Stépanovitch Smirnov, propriétaire terrain qui a une lourde échéance le lendemain et fait le tour de ses débiteurs en espérant un remboursement de l’argent qui lui est dû. Autant dire que cela n’a guère marché. Eléna Popava, ou plutôt son mari, est la dernière personne à qui il rend visite et…. ça chauffe. Smirnov a une certaine expérience avec les femmes et il en a gagné une misogynie galopante et parfois réjouissante. Je cite : « N’étant pas une femme, j’ai l’habitude de m’exprimer avec franchise« .

Ah, si j’oubliai un personnage. Non, pas le mari décédé, non, pas les multiples conquêtes de Smirnov, non, pas Toby, le cheval préféré du mari d’Eléna qui, du coup, a double ration d’avoine. J’oubliai Louka, le vieux domestique, qui aimerait bien qu’Eléna vive autrement, qui est très effrayé par Smirnov et n’ose pas s’opposer à lui, qui manque même de faire un sérieux malaise quand la situation s’envenime. En effet, le ton monte au point qu’Eléna provoque Smirnov en duel, avec les pistolets de feu son mari, dont elle ne s’est jamais servie. On peut faire confiance à Smirnov pour son équité : « Pas de différence entre les sexes ! Je la tuerai pas principe« , dit-il. Et comment tout cela se terminera-t-il ? « Sur le terrain », dit Elena. Il ne sera pas besoin d’aller aussi loin.

 

Antigone de Jean Anouilh

tous les livres sur Babelio.com

Mon avis :

Antigone est une pièce de théâtre qui, de nos jours, est étudiée par beaucoup d’élèves de 3e. Le seul souci, pour moi, est le découpage que subit l’oeuvre. Il est mieux, dans la mesure du possible de voir la tragédie, de saisir ainsi son mouvement, plutôt que d’en analyser des scènes jugées plus importantes que d’autres. A ce sujet, les manuels s’arrêtent souvent à la confrontation Antigone/Créon – et encore, en extraits – oubliant le dénouement, et Créon, s’en allant présider le conseil, comme si de rien n’était.

Avant Anouilh, Cocteau avait repris le mythe d’Antigone, dans une version très différente, plus proche de celle de Sophocle. Le contexte historique n’était pas le même. Ecrire cette version d’Antigone était un acte de résistance, quoi que certains puissent dire, quoi que certains puissent penser – pour ma part, je ne pense pas que Jean Anouilh était du côté de Créon !

A cause d’Antigone, ils ne sont plus tranquilles. Qui, « ils » ? Les Thébains, Créon, les princes étrangers alliés à Polynice, tout le monde en fait, tout ceux qui vivaient bien tranquilles dans la France occupée, et vivaient de petits trafics, s’entendant assez bien avec l’occupant. Et il a fallu que quelqu’un résiste, que quelqu’un s’oppose en transgressant les lois de Créon. S’il ne dit pas, comme un célèbre monarque :  « l’Etat, c’est moi », la loi, c’est lui, c’est tellement lui qu’il ne peut modifier celle qu’il a faite passer. Il a besoin de « faire un exemple »  avec Antigone, avec Polynice. Être roi est un métier, qu’il faut bien que quelqu’un fasse, selon lui. Gouverner justifie tout, tant que l’ordre règne. Il n’est pas un père pour ses sujets, il n’est même plus un père pour son propre fils, tant la fonction a effacé tout le reste.

Mais je parle de Créon, et j’oublie Antigone. C’est sur elle et sur l’actrice qui l’interprête que repose tout la pièce. Elle est au début définie par la négative. Elle, la noiraude, est aimée d’Hémon, alors que la belle Ismène n’a pas su le séduire. Elle est maigre – donc pas tout à fait apte à faire de beaux enfants. Ce trait nous renvoie à tout un pan de croyance médicale et de littérature (cf : La joie de vivre d’Emile Zola). Créon fait ce qu’il croit être bon, Antigone fait ce qu’elle peut – et c’est déjà beaucoup.

Antigone me fait penser à l’Alouette, autre personnage de Jean Anouilh qui vit à une période  charnière. Elle aussi aurait aimé vivre. Mais, pas plus qu’on imagine Jeanne mariée, avec des enfants, on ne peut imaginer Antigone mener une vie ordinaire, avec Hémon devenu aussi « sage » que son père ? Non, je ne le crois pas. Antigone, c’est aussi le refus d’une certaine idée du bonheur, faite de (fausse) quiétude et de concessions.

Antigone, ou une oeuvre toujours d’actualité.

 

Un légume de Francis Scott Fitzgerald

francis-scott-fitzgerald-un-legume-ou-le-president-devenu-facteur-livre-893717211_MLPrésentation de l’éditeur :

Marié avec une sotte, l’employé aux chemins de fer Jerry Frost avait deux ambitions dans la vie : devenir facteur ou président des États-Unis. Il sera l’un et l’autre dans des conditions parfaitement rocambolesques. Dans cette comédie satirique, Scott Fitzgerald s’en donne à coeur joie dans l’onirisme et la bouffonnerie, sans pourtant chasser l’émotion. Se déployant dans un décor de guerre conjugale que l’auteur connaît bien, elle anticipe étrangement son destin, si l’on veut bien admettre que Jerry a quitté la maison pour réaliser sous alcool ses rêves de gloire. Mais c’est aussi une parabole sur les pires défauts des présidents américains… quand ils en ont.

f-scott-fitzgerald-an-american-icon-1Mon avis :

Un légume est l’unique pièce de théâtre écrite par Francis Scott Fitzgerald, et cette traduction, aux éditions Grasset, est à ma connaissance la seule édition française disponible.

Il faut dire que cette comédie satirique à de quoi surprendre. Les disdascalies sont très nombreuses, et très longues, elles présentent les personnages comme un auteur les caractériserait dans une nouvelle, laissant finalement peu de place à l’interprétation du spectateur (et du metteur en scène. Quant au second acte, n’est-il pas issu tout droit du cerveau dérangé par l’alcool de contrebande de ce pauvre Jerry Frost ?

Revenons d’abord à notre premier acte. Jerry est un modeste employé des chemins de fer, dont la maison est un enfer. Entre les disputes, sourdes, avec Charlotte, sa femme, son père, Papounet, sourd et un peu sénile, et sa belle-soeur, Doris, prototype de l’ambitieuse jeune fille américaine, il lui est difficile de trouver ne serait-ce qu’un coin tranquille pour lire son journal. Son seul geste d’émancipation est l’achat d’alcool de contrebande, sa préparation à domicile et sa dégustation (d’ailleurs, l’argenterie de madame déguste aussi). Nous étions en pleine prohibition, et les protestations de Charlotte ne sont pas seulement de pures formes. Recevoir un c,o,n,t,r,e,b,a,n,d,i,e,r chez soi (épeler le mot semble lui ôter tout caractère dangereux pour Lewis) n’est pas ce qu’elle attendait de cette soirée.

D’ailleurs, qu’en attendait-elle ? Que reste-t-il de ce couple, qui a atteint la trentaine, quelques années après leur mariage ? Rancune, rancoeur, ambition déçu pour Charlotte, rêve d’une autre vie pour Jerry ? Il la vivra dans son rêve, président fantoche dont le ministre des finances (Papounet, un beau cas de népotisme) vide les caisses, tandis que son conseiller militaire, le général Pushing, lui demande fortement de déclarer la guerre ? Tout est blanc à la maison Blanche, vêtements, arbres, animaux, en une caricature de la toute puissance du président américain – et de l’incommensurable naïveté du personnage.  Toute ressemblance entre la gestion désastreuse de l’Etat dans cette pièce et la réalité est, de plus, à peine une coïncidence.

Je terminerai en posant cette question essentielle : qu’a bien pu faire l’Idaho à Francis Scott Fitzgerald pour qu’il veuille à tout prix se débarrasser de cet état ? Même son représentant attitré est atypique : fils de croque-morts (et fier de l’entreprise familiale), il est le dernier fiancé en date de Doris, et mâche du chewing-gum avec application. Note : l’Idaho est le seul Etat à avoir assez de bon sens pour vouloir destituer le président fantoche. Pour le remplacer par qui ? Le mystère demeure.

Le légume ou l’unique incursion de Fitzgerald au théâtre. Son oeuvre suivante ? Gatsby le magnifique !

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Georges Dandin de Molière

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Georges Dandin se lamente. Il a beau avoir réalisé son ambition, c’est à dire être anobli par son mariage, il ne décolère pas : sa femme, née de Sotenville, le méprise. Pire, il est sûr qu’elle le trompe ! Comment le prouver à ses beaux-parents ?

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Mon avis :

George Dandin n’est pas la pièce la plus connue de Molière. Et pourtant, elle devrait être remise au goût du jour car elle figure en bonne place du programme de l’éducation nationale. Elle présente quelques atouts pour séduire… les élèves : elle est écrite en trois actes et en prose.

Elle reprend des thèmes chers à Molière : le mariage et la condition des femmes. Elle parle aussi des « roturiers » qui aspirent à l’anoblissement, thème qu’il reprendra dans Le Bourgeois Gentilhomme. Si monsieur Jourdain reste sympathique, ce n’est pas le cas de Georges Dandin. Je ne parviens à aucun moment à le plaindre, en dépit de ses humiliations successives. Il a conclu son mariage avec ses beaux-parents, sans même tisser des liens avec sa promise : si l’amour n’était pas de mise à l’époque, entretenir des goûts communs, un peu de tendresse et de galanterie était normal, Georges semble ne pas le savoir, lui a changé d’état par son mariage. Même, sa violence est effrayante, lui qui veut réduire en compote le visage d’Angélique. Seule la condition de sa femme le retient. Quel homme que ce George Dandin.

Le seul mariage qui sera conclu (passage obligé dans une comédie) aura lieu entre deux serviteurs, Claudine et Lubin – pauvre Dandin, qui n’a que Colin, pas très doué, pour le servir. Angélique a su s’attacher les soins de sa suivante, toujours prête à l’aider , et à mener Lubin par le bout du nez. Dandin, lui, est toujours seul, comme le prouvent ses nombreux monologues. Il n’envisage plus comme seul recours que le suicide. Nous sommes dans une comédie, et nous savons, comme le savaient les spectateurs de l’époque, qu’il ne peut mettre pas cette menace à exécution. Il se ressaisira – et tout recommencera, comme le prouve la construction répétitive de chacun des actes.

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Les fourberies de Scapin de Molière

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Mon résumé :

Catastrophe ! Le seigneur Argante revient dans l’intention de marier son fils Octave à la fille du seigneur Géronte. Hélas, Octave est déjà marié – en secret. Comment fera-t-il accepter sa décision à son père ? Heureusement, Scapin veille.

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Mon avis :

Qui ne connaît pas Les fourberies de Scapin ? Ou plutôt, qui n’a pas étudié en classe cette farce en trois actes et en prose ?

Scapin est le personnage le plus important de l’oeuvre, et pourtant, comme souvent chez Molière, il n’est pas présent dans la toute première scène. Non, nous avons un couple – les Fourberies est une comédie de couple – valet/maître, Sylvestre, meilleur ami de Scapin, et Octave, meilleur ami du maître de Scapin. Le spectateur découvre tout de suite l’ampleur de la catastrophe  – désespoir d’Octave et laconisme de Sylvestre. C’est au milieu de cette « cruelle conjoncture » que Scapin apparaît – sûr de lui, sans peur : il a déjà eu maille à partir avec la justice, les autres le regardent désormais avec un mélange de crainte et d’admiration. Aucun n’irait jusque là, même pour l’être aimée. Bien sûr, il n’est pas exclu que Scapin fanfaronne un peu, cependant l’ensemble de ses fourberies prouve assez qu’il ne craint rien.

Il dynamite même l’ensemble, inventant des stratagèmes pour obtenir de l’argent des pères, transformant le timide Sylvestre en fier spadassin, jouant plusieurs rôles lui-même si nécessaire, improvisant quand il ne peut émouvoir Géronte, plus avare que père. Vindicatif, il fera souffrir Léandre – moralement – et Géronte – physiquement. Il ne faut pas menacer Scapin, il s’en tire toujours, même quand il est forcé d’avouer ses fourberies à son maître, incapable de reconnaître dans le loup-garou qui l’a agressé son propre serviteur, même quand sa vie ne tient qu’à un fil. Il en faut beaucoup pour abattre Scapin.

A contrario, il n’en faut pas beaucoup pour émouvoir les deux jeunes premières, agaçante au possible. Hyacinthe pleure autant que Zerbinette rit. N’était ce détail – de taille – normal, dans une farce, les caractères doivent être outrés – elles seraient strictement identiques, pauvres jeunes filles bien décidées à se faire épouser – les jeunes hommes sont si versatiles. Léandre est colérique, Octave est peureux : ces jeunes gens sont faits pour s’entendre. Ce n’est que justice s’ils se marient – et si Scapin se révèle le véritable triomphateur de cette oeuvre.

 

 

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Le malade imaginaire de Molière

Je commencerai par un peu de musique, cet Air de Scaramond, extrait du premier intermède du malade imaginaire.

Mon résumé :

Argan est un excellent client pour monsieur Purgon et pour son apothicaire, monsieur Fleurant. Il a même décidé de marier sa fille aînée, Angélique, avec le neveu de monsieur Purgon, Thomas Diafoirus, futur médecin. Ni Angélique, ni Belline, seconde femme d’Argan, ne sont de cet avis. Qui l’emportera ?

Mon avis :

Le malade imaginaire est l’une des oeuvres que je préfère. Je le préfère cependant dans toute sa splendeur, avec la musique de Marc-Antoine Charpentier, comme je l’ai découvert à l’âge de 13 ans, à la télévision. 3h 26 de spectacle en tout, que j’ai le plaisir de regarder à nouveau sur Youtube. J’ai eu également la joie de le voir sur scène, à la comédie française, dans une version très drôle. Aussi, j’ai beaucoup de mal à supporter des versions médiocres (ou amputée de quelques scènes…).

Argan est un malade débordant d’énergie. Ayons une pensée émue pour toutes les séries télévisées dans lesquelles le malade se prélasse dans son lit. Argan entre, sort, tempête, il est de toutes les scènes ou presque – toutes celles qui sont importantes. Ne débute-t-il pas par un long monologue, énumération de ses dépenses chez son apothicaire favori ?  Il est un hypocondriaque, mais il joue bien d’autres rôles. Amoureux de sa seconde femme, il se laisse mener par le bout du nez. Père à demi indigne, il est prêt à déshériter ses filles en faveur de sa femme, mais songe tout de même à établir l’aînée avec un riche futur médecin. Bien entendu, c’est pour lui qu’il veut ce mari, pas pour elle – et ce n’était pas si choquant à l’époque. Il menace sa plus jeune fille du fouet pour obtenir ce qu’elle veut, à savoir le compte-rendu de son espionnage méthodique de sa soeur. DE ce point de vue, rien n’a changé en trois cents ans.

Heureusement pour elle dans cette oeuvre, Angélique est capable de tenir tête à son père. Heureusement, elle a Toinette, une servante aussi habile que Scapin, qui n’hésite ni à se déguiser, ni à faire appel à son amant pour aider les amoureux. Cléante lui aussi se déguisera pour voir sa belle, et se montre nettement moins empoté que d’autres amants de comédie. « Je me ferai médecin » n’hésite-t-il pas à promettre à Argan, qui gardera jusqu’au bout son obsession. L’hypocondrie n’était pas encore reconnu comme maladie, comment aurait-il pu en guérir, même avec le soutien de son frère et de ses filles ?

Pour terminer cet article, l’ouverture du malade imaginaire de Marc-Antoine Charpentier.

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