Archive | avril 2019

Hamish Macbeth, tome 1 : Qui prend la mouche de MC Beaton

édition Albin Michel – 252 pages.

Présentation de l’éditeur :

Policier du petit village de Lochdubh situé au beau milieu des Highlands en Écosse, Hamish Macbeth manque totalement d’ambition professionnelle mais il peut cependant compter sur son intuition naturelle pour mener à bien ses enquêtes. Ses qualités lui seront bien utiles quand le corps sans vie de Lady Jane Winters, langue de vipère notoire et participante au stage de pêche à la mouche du village, est retrouvé dans la rivière. Secondé par la délicieuse Priscilla Halburton-Smythe, Hamish s’immerge en eaux troubles pour démasquer l’assassin.

Mon avis :

Tout d’abord, il est difficile de résister à la tentation de dresser un parallèle entre Hamish MacBeth, héros de M.C. Beaton apparu en 1995 et Agatha Raisin, dont traduction de la dix-septième aventure paraîtra bientôt . Je vais donc tacher de vous parler simplement de Hamish. Il est un personnage rare, parce qu’il en faut beaucoup pour lui faire perdre son calme. D’ailleurs, je ne suis même pas sûre qu’il soit capable de perdre son calme, de s’énerver, de cracher des jurons à droite et à gauche, non. Par contre, Il est capable de dire posément ce qu’il pense à quelqu’un, et tant pis si son propos est particulièrement vache. La peur de perdre son poste à cause de son franc-parler ? Il ne connait pas, puisque je ne suis pas sûre que beaucoup de policiers aient envie de s’enterrer au beau milieu des Highlands – par contre, fermer ce petit poste isolé, pourquoi pas ?
Non loin de là, se trouve une école de pêche à la mouche, dont les propriétaires John et Heather accueillent de nouveaux stagiaires. Le moins que l’on puisse dire c’est que l’amour de la pêche réunit des personnes pour le moins disparate, dont une a vite fait de se mettre tout le monde à dos : Lady Janes Winters. J’aimerai bien vous dire que je lui trouve des circonstances atténuantes, c’est faux. Cependant, je dois dire qu’elle tire sa force du fait que tous ou presque ont des choses à cacher – ou plutôt des choses qu’ils n’assument pas, contrairement à Hamish. En lisant ses propos, je n’ai rêvé que d’une chose : que tous se liguent contre elle et l’envoient dans les bruyères de la lande. Ce n’est pas vraiment ce qui va se passer, mais c’est ainsi que va débuter l’enquête, quand le cadavre de lady Jane est retrouvé.
Nous sommes dans les années 90, ou plutôt, nous sommes dans les années Tchatcher. Même au fin fond des Highlands, les différences entre les classes sociales sont très marquées, alors quand s’ajoute en plus un portefeuille bien garnie, il devient impossible, impensable, de nouer une relation, ou d’envisager d’en nouer une à moins d’être rêveur(se). Il est plus facile d’enquêter, ou presque, à condition de rester à l’écoute de ce que l’on ne vous dit pas vraiment.
Dernier point : ne ratez pas les superbes descriptions des Highlands.

Journal d’u louveteau garou – 29 avril 2019

Cher journal,
je ne pouvais recommencer ton écriture que pour te signaler une catastrophe.
Non, pas le fait que le principal soit tombé dans le lac du collège. Là, c’était un accident dû à un saint-Bernard prénommé Sara.
Non, pas le fait que le CPE n’a plus d’ordinateur et que, quand il a une communication à faire, il le fait par haut-parleur. On s’y fait, même si ce n’est pas discret.
Non, pas le fait que la choral du collège a été dissoute parce que, mystérieusement, tous les louveteaux choristes sont devenus subitement muets.
Non, la catastrophe, c’est qu’Enguerrand Pouic, notre Pouic de l’année, a raté dans les grandes largeurs les épreuves du brevet blanc. Alors que ces aînés avaient eu 390 ou 380 sur 400, lui a … 140. Oui, 140 sur 400. Autant dire que l’heure est grave, et je lui conseillerai plutôt de fuir dans la forêt la plus proche afin de n’en plus jamais ressortir, ou alors, de n’en ressortir qu’après avoir trouvé un remède miracle contre la calvitie lupine, ou toute autre invention utile pour la meute ! Non, mais franchement, cela a servi à quoi qu’il ait été martyrisé forcé à lire plusieurs heures par jour, à étudier quotidiennement pendant des années pour en arriver à un tel échec. Tous les espoirs du clan Pouic reposent maintenant sur François Pouic, le sixième de la porté, qui a intérêt à égaler le niveau de ses aînés, et puis quoi encore !!!
Certes, Valère me souffle que je n’ai pas atteint les « hauteurs », les « sommets » gravis par nos aînés. Je n’ai pas démérité non plus. Et, contrairement aux Pouic, je n’ai jamais eu une pression démesurée sur les épaules.
– J’en ai eu moins encore, crut bon d’ajouter Valère.
Des bruits me forcèrent à m’interrompre : Enguerrand Pouic courait après l’un de ses frères aînés et avait bien l’intention de le … et bien oui, de le zigouiller !
Il s’en passe des choses, au pensionnat et au lycée.
@bientôt
Anatole et Valère Sganou, journal à quatre mains.

Le portrait brisé d’Alice Quinn

Présentation de l’éditeur :

En cette année 1888, la brillante ville de Cannes est secouée par un scandale immobilier qui entraîne la faillite de nombreux notables. En cette période tourmentée, la jeune courtisane Lola tente de faire son entrée dans le monde tandis que sa gouvernante, Miss Fletcher, lutte contre l’amour qu’elle éprouve pour elle. Le célèbre écrivain, Guy de Maupassant, traverse une phase difficile : son jeune frère, Hervé, semble sombrer peu à peu dans la folie. C’est alors que survient un drame : la jeune orpheline protégée de Lola, Anna, disparaît tandis que l’homme qui tentait de la séduire, le banquier Henri Cousin, est retrouvé assassiné. Lorsqu’elle refait surface, elle est accusée du meurtre et emprisonnée. Lola, Miss Fletcher et Maupassant se lancent dans une course contre la montre qui les mènera jusqu’au terrifiant asile d’aliénés de l’île de Lérins. Parviendront-ils à sauver Anna de la guillotine ? Qui est la mystérieuse femme au portrait brisé ?

Merci à Netgalley et à Alice Quinn pour leur confiance.

Mon avis :

C’est avec plaisir que j’ai retrouvé Miss Gabriella Fletcher et Lola. Quatre ans ont passé, Anna, leur protégée, grandit, et les deux femmes cherchent à garder stable leur situation financière. Ce n’est pas facile, parce que la crise financière est là, oui, même au cours de ce XIXe siècle finissant, l’on n’était pas à l’abri d’un placement bancaire douteux. Aussi, trouver un protecteur sérieux est difficile, même si les deux jeunes femmes ont su conserver l’amitié de Guy de Maupassant. Lui-même ne va pas très fort, puisqu’il est obligé de prendre en charge son frère Hervé, qui sombre peu à peu dans la folie.
Oui, si la médecine psychiatrique est en danger en France actuellement, à cause d’un manque cruel de moyen, je vous laisse imaginer quelle était la situation en 1888, pour cette branche naissante de la médecine. Pour quelqu’un qui souffrait vraiment, comme Hervé de Maupassant, et d’autres encore que nous croiserons dans ce roman, combien de femmes se sont retrouvées internées parce que leur comportement dérangeait leur famille, leur mari, la bonne société ? Beaucoup. Je citerai Sophie de Bavière, soeur cadette de l’impératrice Sissi.
Ce n’est pas tant un détour que j’ai emprunté qu’un retour vers l’intrigue : Lady Sarah, celle à cause de qui Gabriella a voulu mettre fin à ses jours, revient dans sa vie et lui demande son aide, en tant que détective. Lola a pourtant fort à faire avec Anna, qui grandit, et qui découvre des faits que les deux femmes auraient voulu qu’elle découvre autrement. Préserver Anna, c’était aussi tenter de lui assurer un avenir plus conforme à la norme. Tenter, parce qu’Anna, qui ne sait plus vraiment vers qui se tourner, se retrouve accusée du meurtre d’un banquier.  la préserver ne suffit plus, il faut maintenant la sauver.
La grande force de ce roman historique est que j’ai vraiment eu l’impression d’être plongée dans le Cannes des années 1880, et pour parvenir à un tel effet de réalisme, il faut à la fois s’être beaucoup documenté et avoir suffisamment intégré sa documentation pour qu’elle ne se voit plus. Puis, l’intrigue policière n’est pas négligée au profit de la reconstitution historique. Plus nous progressons dans le récit, plus les événements s’enchaînent avec rapidité, pour tendre vers le dénouement. Il ne faut pas oublier que Gabriella et Lola ont beau être norme, elles vivent dans une société dans laquelle rien ne doit dépasser, tous les moyens sont bons pour préserver les apparences.
Si ce premier tome peut être lu indépendamment du premier, il apporte cependant des réponses à des questions laissés en suspens dans le tome 1 : de quoi plaire à la fois au lecteur qui découvrirait la série, et à ceux qui suivent les aventures de Miss Fletcher.
Un roman policier historique hautement recommandable.

Agatha Raisin enquête, tome 15 : Bal fatal par M.C. Beaton


Présentation de l’éditeur :

Au cours de cette nouvelle enquête, la détective Agatha Raisin est chargée de découvrir qui menace de mort la fille de la riche divorcée Catherine Laggat-Brown. Avec l’aide de son fidèle ami sir Charles Fraith, elle tente de résoudre la première grosse affaire de sa nouvelle agence de détectives.

Mon avis :

Autant vous le dire tout de suite, ce quinzième tome est à mes yeux un des meilleurs de la série. Agatha Raisin a enfin ouvert une agence de détective et celle-ci marche très bien ! Certes, il lui faut parfois effectuer des enquêtes « de routine », comme retrouver un animal perdu ou trouver les preuves d’un adultère, mais globalement, ce nouveau métier l’enchante, elle a engagé du personnel, et parfois, des affaires singulières se présentent, comme ce père qui préfère retrouver sa voiture plutôt que son fils, ou cette femme qui engage Agatha parce que sa fille, bientôt mariée, est menacée de mort. La menace est d’ailleurs mise à exécution, et après cette tentative ratée, il ne reste plus à Agatha qu’à enquêter.

L’action ne manque pas dans ce volume. L’action, et l’introspection : Agatha se remet en cause, et se rend compte à quel point l’amitié est précieuse, au point de vraiment donner du sien pour préserver ses amitiés. Les exemples en seront nombreux dans ce roman, dans lequel elle ne cesse de se démener, pour trouver la vérité. Elle ne cesse aussi d’être menacée : jamais nous n’avons été aussi prêts de perdre Agatha Raisin ! Il faut dire qu’elle a vraiment un don pour se bien entourer, et oublier, parfois, les précautions les plus élémentaires.

Féministe, Agatha Raisin ? Oui, même si elle passe son temps à tomber amoureuse, et ne parvient pas toujours à oublier James.  Pourtant, elle reste indépendante et aide certaines des femmes qu’elle croise à se libérer d’une relation toxique. Oui, il n’est pas toujours facile d’aller porter plainte, oui, un homme qui vous bat un jour peut vous battre à nouveau et ne s’arrêtera pas. Il est des femmes qui laissent les hommes qui partagent leur vie leur imposer leur point de vue – cela leur épargne aussi de réfléchir. Il est aussi des femmes, comme la douce Mrs Bloxby, qui respecte l’opinion de leur mari et agisse cependant comme elle l’entende : Agatha reste son ami, quoi qu’en dise son mari.

Ce quinzième tome montre Agatha en action, Agatha vieillissante, mais aussi sir Charles et son cher Gustav, Roy, ou encore les chats d’Agatha, dont elle prend grand soin.

Bienvenue au Mordret’s Pub, tome 1 de Cloé et Tatiana Duc

Présentation de l’éditeur :
Quels lâches ! Jamais Naola n’aurait pu imaginer que ses parents puissent agir ainsi. Elle ne peut plus rester avec eux. Elle ne peut plus leur faire confiance. Pas après ce qu’il s’est passé, pas après ce qu’ils ont fait.Déçue mais déterminée, la jeune sorcière décide de fuguer et échoue aux Halles Basses, le quartier le plus mal famé de Stuttgart, la capitale de la fédération des Enchanteurs. L’endroit parfait pour se faire oublier. Très vite, Naola se rend compte qu’elle détonne dans ce repère de mercenaires et de vampires.Mais elle n’a pas le choix, si elle veut démarrer une nouvelle vie loin de ses parents, elle doit travailler  ! Il n’y a qu’un micro-détail à régler  : comment dénicher un emploi dans un endroit pareil  ?
Merci à Netgalley et aux éditions HLAB pour ce partenariat.
Mon avis :
Soyons claire, nette et précise : c’est la couverture qui m’a attirée quand j’ai découvert ce livre. Elle est singulière, et le contenu est singulier également
Oui, il est courant, surtout depuis Harry Potter, qu’un roman se situe dans un univers magique. Il l’est moins que les auteurs ne prennent pas des pages et des pages pour nous présenter à quoi ressemble cet univers, alternant description et explication. Oui, Naola vit dans un monde magique, elle connaît le mode d’emploi de ce monde, et y vit parfaitement, ou presque, du coup, c’est au lecteur de se fondre à son tour dans cet univers.
Après tout, Naola a une très grande faculté d’adaptation, pour une adolescente qui a grandi de manière choyée, protégée, et une très grande impulsivité aussi. Après l’événement dont elle a été témoin chez ses parents, elle quitte leur domicile sur ce qui peut sembler un coup de tête et mettra tout en oeuvre pour conserver cette indépendance. Autant dire que ce n’est pas facile.  Elle est un peu coléreuse, cette Naola, elle s’emporte facilement, a le verbe assez haut – quand on travaille pour un vampire, c’est sans doute mieux.
Autre point fort de ce livre : l’ambivalence des personnages. Tout n’est pas tout blanc, tout n’est pas tout noir, et surtout, l’on ne sait pas sur qui s’appuyer, ni ce qu’il va advenir, quelles alliances vont se nouer, ou pas, qui va trahir, ou pas.
Un premier tome très intéressant.

L’expérience de la pluie de Clélie Avit

Présentation de l’éditeur :

Camille et Arthur vivent dans une bulle. Pourquoi cette mère et son fils de 6 ans vivent-ils seuls, dans cette bulle ouatée en évitant tout contact et interaction avec le monde qui les entoure ? Tous les deux atteints du syndrome d’Asperger, leur quotidien est rythmé par un emploi du temps très précis et chaque contact physique, s’il n’est pas anticipé et prévu est une souffrance, parfois à la limite du supportable. Aurélien entre dans leur vie par hasard et fera peu à peu tomber les murs qu’elle a érigés autour d’eux.

Mon avis :

Je remercie les éditions Plon et Netgalley pour ce partenariat.

J’ai voulu lire ce livre parce que le sujet – l’autisme – m’intéressait. Et le problème n’est pas Camille et Arthur, une mère et un fils tous les deux autistes Asperger hypersensoriels, mais le problème est toutes les personnes qui les entourent. Trop, c’est trop : toutes les personnes de leur entourage ont un problème grave ou très grave, et à force, je me suis sentie noyée dans le trop de douleurs, comme si je me retrouvais moi-même hyper sollicitée par chacune de ses histoires qui se juxtaposent, se superposent les unes aux autres. C’était peut-être l’effet recherché, cependant, je n’ai du coup ressenti aucune empathie pour les personnages secondaires comme Eloïse ou Lucile – pour ne pas dire Caroline.

Puis, nous avons l’effet inverse : le pas-assez. Nous n’avons pas suffisamment d’informations pour appréhender le personnage d’Aurélien, ou alors ces informations viennent trop tard, un peu comme pour Lucile. Parfois, nous n’avons même aucune information, j’ai eu l’impression de rester dans un flou artistique concernant les relations entre certains personnages, les non-dits. Or, comme je suis quelqu’un de très terre à terre, j’ai vraiment besoin d’un minimum d’explication pour comprendre certains faits, surtout quand j’ai droit à des commentaires philosophiques et répétitifs.

Je n’ai pas oublié Camille et son fils Arthur. L’un des faits qui m’a étonné n’est pas qu’Arthur ne soit pas scolarisé mais qu’à aucun moment ( ou alors, j’ai mal lu), on ne lui propose un(e) AESH : tous les élèves atteints de troubles du spectre autistique que je connais en ont un(e), et cette présence a grandement favorisé leur scolarité, leur socialisation. Puis, Camille et Arthur sont autistes Asperger et ont strictement les mêmes troubles, ce qui me semble assez rare. Il est intéressant de mettre en avant l’hypersensibilité, cependant ce n’est pas le seul trouble dont ils peuvent être atteints – et j’ai trouvé souvent qu’Arthur avait un langage très mature pour son âge.

Pour résumé, en dépit d’un sujet intéressant, j’ai un peu l’impression d’être passée à côté de ce livre.

Éliott et la bibliothèque fabuleuse par Pascaline Nolot

Présentation de l’éditeur :

Pour échapper à la terrible Charlie de l’école, Éliott se cache à la bibliothèque. Il ouvre un bon livre et s’endort ! À son réveil, la bibliothèque s’est métamorphosée. Une organisation secrète, l’armée des rats mécaniques, pousse des chariots de livres malades dans les travées sous les ordres d’un chat autoritaire. Mais le voilà accusé d’espionnage ! Pour ne pas voir sa mémoire effacée, il accepte d’effectuer des missions aussi dangereuses que palpitantes : archiver le Capharnaüm, sauver des personnages abandonnés par leurs auteurs, chasser le Gloutomot…

Mon avis :

La couverture est vraiment très belle. Très. La bonne nouvelle est que le contenu l’est tout autant.
Eliott est un enfant qui subit le harcèlement. Ah mais non, le harcèlement, il suffit d’en parler à des adultes, et le problème sera résolu. Oui, mais Eliott en a parlé à sa maman, qui est passée par l’explication psychologisante du comportement du harceleur, et trouve donc que son fils exagère les choses, ne comprend pas forcément le comportement de l’autre, etc, etc… Quant à sa gentille institutrice, qui est réellement gentille, elle ne prendrait sans doute pas les choses au sérieux. Et oui, le harceleur est une adorable petite fille, très mignonne, très bien habillée, qui sait très bien se comporter face aux adultes, bref, si elle était accusée, ce n’est pas que les adultes tomberaient de haut, c’est qu’ils ne le croiraient pas une seule seconde. Y aura-t-il une solution ? Oui, nous sommes dans un roman de littérature jeunesse intelligemment construit, et il faut compter sur le fait que l’enfant n’est pas seul, pas le seul à comprendre ce que fait le harceleur, pas le seul à être victime de harcèlement. Rappelons-nous aussi que pour harceler, il ne faut pas non plus se sentir très bien soi-même.
Après ce premier paragraphe, vous devez vous dire que le livre est un peu sinistre. Pas du tout. Eliott a en effet trouvé refuge à la bibliothèque et va découvrir une brigade chargée de la protection des livres et de la littérature. Il se retrouve embauché d’office dans cette brigade, sinon, sa mémoire sera effacée – sa mémoire de l’événement, pas toute sa mémoire, les protecteurs des livres et de la littérature ne sont pas des monstres, simplement des rats débordées, un chat qui n’aime pas trop les humains (il a ses raisons, et elles sont compréhensibles), un fantôme qui ne comprend pas encore qu’il en est un, et un bibliothécaire charmant, Caleb, qui aime bien Eliott parce qu’il aime lire, justement. Il n’est pas si fréquent de trouver un garçon qui aime lire dans les romans – certes, le public visé est un peu jeune pour apprécier les « bad boys », ces garçons qui ont l’air terriblement méchant mais sont en fait terriblement attachants, mais les garçons sont plutôt fans de console de jeux que de lecture.
Le livre pose des questions intéressantes sur les pratiques de lecture et aussi sur les pratiques d’écriture. Il nous invite à penser à la magie des mots, à tout ce qui peut être créer avec eux, aux mots rares, que l’on utilise plus et se trouvent voués à disparaître, aux personnages secondaires qui se retrouvent abandonnés en cours d’intrigue et auxquels ils seraient intéressants, peut-être, un jour, de redonner vie. J’adresse une mention spéciale pour les soins urgents qui sont prodigués au livre en souffrance « mal en point », dont il faut absolument prévenir l’auteur, comme on le ferait d’un parent proche.
Un roman rempli de qualités, dont celle d’aller à contre-pied des clichés.

 

L’odeur de la colle en pot par Adèle Bréau

Présentation de l’éditeur :

Septembre 1991. Caroline a treize ans et intègre son nouveau collège. Avec ses parents et sa sœur Charlotte, ils ont quitté la banlieue pour s’installer à Paris, dans un appartement trop grand où les liens se distendent chaque jour. S’il voulait se rapprocher de ce travail qui le dévore, le père est pourtant de plus en plus absent. Quand il est là, c’est vêtu de ce blouson qu’il ne quitte plus, et de cet air qui semble dire son désir de partir loin. Autour de l’unique téléphone fixe de la maison se chuchotent les secrets d’une famille en plein chaos : le chagrin de la mère, la fuite du père et les tourments adolescents de l’héroïne, qui déroule le fil de cette année si particulière où l’enfance s’éloigne.

Merci à Netgalley et aux éditions Jean-Claude lattès pour ce partenariat.

Mon avis :

Ce roman pourrait être sous-titré : une année presque ordinaire dans la vie d’une collégienne. « Presque », parce que Caroline vivra des bouleversements, certes banals, mais des bouleversements quand même au cours de cette année scolaire. Nous sommes dans les années 90, et nous sentons bien les années 90. Non, contrairement à d’autres auteurs, Adèle Bréau n’a pas cru bon de dresser un catalogue de tout ce qui composait ces années-là, tel un vaste dépliant publicitaire. Elle montre ce qui faisait le quotidien de ses années, et le glisse dans le récit avec naturel – parce que cela l’était, à l’époque, comme il l’était, pour les parents, de cacher certaines choses à leurs enfants. Si le récit nous est entièrement raconté du point de vue de Caroline, nous en savons ainsi autant qu’elle, c’est à dire très peu, sur la vie de couple de ses parents, sur les dissensions qui ont pu régner dans leur couple, les relations avec leur famille également. L’une des familles est fréquentée de manière ritualisée, l’autre est passée complètement à la trappe, de manière quasi-institutionnalisée – et cela ne peut que rejaillir, au plus mauvais moment, tout comme les tourments intimes liés à la conception de leur deuxième enfant. Les liens sont d’ailleurs assez faibles entre Caroline et Charlotte, la petite soeur qui est encore une enfant alors que Caroline est une adolescente, avec ses problèmes d’adolescente et ce que l’on nommerait aujourd’hui de la dysmorphophobie. A l’époque, on ne disait rien, il s’agissait simplement d’une ado qui se trouve trop grosse, avec des parties de son corps trop affirmée, d’autres pas assez pour se plaire à elle-même – le regard des autres, le regard sur son comportement alimentaire nous renseigne sur ce qu’il en est vraiment.
Il est question de la banlieue aussi, pas celle dont on nous parle aujourd’hui, mais celle dont j’entendais parler étant enfant (j’ai le même âge que l’héroïne) : un lieu calme où l’on vivait assez bien. Autre trait des années 90 : l’importance de la carrière du père, qui travaille dur et qui mérite donc que toute la famille déménage pour qu’il puisse se consacrer davantage, et bien, à son travail. Sa famille ? Entre-t-elle vraiment dans l’équation ? Non. Pour la parité, vous repasserez également. Tout ce qui concerne la gestion de la vie quotidienne revient forcément à la femme.
Si parfois, l’on peut se sentir étouffé par les contraintes de l’époque (les joies du téléphone et de ses tarifs, l’absence d’internet), ce n’est aussi que pour mieux voir ce qui a changé par rapport à ces années, ou pour mesurer le chemin qui reste encore à parcourir, dans nos années où tout semble encore possible.
Quant au titre… combien de quadragénaires cherchent encore, et retrouvent l’odeur de la colle en pot de leur adolescence ? Beaucoup.

Les fils de la poussière par Arnaldur Indriðason

Présentation de l’oeuvre :

Paru en 1997, Les Fils de la poussière, premier roman d’Arnaldur Indridason, a ouvert la voie au polar islandais en permettant à ce genre littéraire d’accéder enfin à la reconnaissance et d’acquérir ses lettres de noblesse en Islande.
Le récit s’ouvre sur le suicide de Daniel, quadragénaire interné dans un hôpital psychiatrique de Reykjavík. Au même moment, un vieil enseignant, qui a eu Daniel comme élève dans les années 60, meurt dans un incendie. Le frère de Daniel essaie de découvrir ce qui liait ces deux hommes et comprend graduellement que, dans les années 60, certains enfants ont servi de cobayes dans le cadre d’essais pharmaceutiques et génétiques qui ont déraillé…
L’enquête est menée parallèlement par le frère de Daniel et par une équipe de policiers parmi lesquels apparaît un certain Erlendur, accompagné du jeune Sigurdur Oli et d’Elinborg.

Mon avis :

Plus d’un an que je n’ai pas lu d’auteurs islandais. Trois ans que je n’ai pas lu un roman d’Arnaldur Indridason. Vingt-deux ans depuis l’écriture de ce premier roman.
Après tout, en Islande, les crimes sont rares. La petite délinquance, non. La drogue, les vols, non plus. Mais les crimes…

Nous avons là un crime particulièrement tragique : un professeur nouvellement retraité a été brûlé vif. Il n’avait pas d’enfants, sa soeur aînée est bien plus âgée que lui – sa demi-soeur, en fait, leur père ayant semé des enfants à travers tout le pays. Parallèlement, nous suivons une autre enquête, plus intime, celle de Palmi. Son frère, atteint de schizophrénie depuis son adolescence, vient de se suicider. Il ne prenait plus son traitement, le tout dernier de la liste, ce qui faisait penser à la mère de Daniel et Palmi, et plus tard à Palmi seuls, que les psychiatres successifs qui ont été chargés du cas de Daniel ont davantage expérimenté que soigné. Si les psychiatres français tirent la sonnette d’alarme sur ce qui se passe chez nous, que dire de l’Islande ? Je ne peux que vous recommander, sur le sujet, la lecture de Les anges de l’univers d’Einar Mar Gudmundson, un livre éclairant sur l’évolution de la manière dont on traitait les malades en Islande.
Intéressant aussi que le bilan de l’éducation islandaise – ou plutôt de son système éducatif. Certains regrettent les classes de niveau, parce que l’on pouvait mettre tous les cancres ensemble, ou ceux qui étaient estimés tels, et les oublier consciencieusement. Pour être dans une telle classe, il ne fallait pas nécessairement être très mauvais, ou très violent, non, appartenir à un milieu socialement défavorisé, être l’enfant d’une mère seule ou de parents négligents suffisait largement. Alors, qui va se préoccuper du devenir des onze gamins de cette classe ? Qui ? Ce qu’ils sont devenus est pourtant effrayant.
Dans ce premier volume des aventures d’Erlendur, nous sommes à la fois dans le roman policier pur et dur et aussi dans la dystopie, créant un présent légèrement différent du nôtre. On peut s’interroger sur beaucoup de sujets, notamment sur l’indifférence des pouvoirs publics sur certains sujets, sur les négligences qui peuvent être commises, mais aussi sur les rêves de puissance et de pouvoir que certains peuvent avoir. Si l’argent ne fait pas le bonheur, il permet d’accomplir certains rêves complètement cinglés.
Alors, oui, il y a de l’espoir, un peu, vers le dernier tiers du livre, mais combien de désespérance a-t-il fallu traverser ?
Erlendur est là, et bien là, capable d’une violence qui m’avait semblé assez inusitée chez lui. Il fait équipe avec Sigurdur Oli, Erlinborg est très en retrait. Apparaissent aussi d’autres enquêteurs que je n’ai pas vraiment eu l’impression de revoir après – ou alors, je les ai oubliés.
Allez, je ne resterai pas trois ans sans relire Indridason.

Meurtre à l’hôtel du Bosphore

édition Buchet-Chastel – 320 pages

Présentation de l’éditeur :

L’allemande Kati Hirschel a deux passions : les romans policiers et Istanbul. C’est pourquoi elle a ouvert la première librairie dédiée aux polars dans la ville turque où elle vit.
La venue de sa vieille amie et célèbre actrice Petra Vogel, pour tourner un film, va bientôt lui permettre de tester ses qualités de détective. Car la grande coproduction germano-turque a vite fait de tourner court : Kurt Müller, le réalisateur, est retrouvé assassiné dans sa baignoire de l’hôtel du Bosphore ; Petra Vogel, qui aurait eu une liaison avec lui, fait partie des suspects. Poussée par la curiosité, la libraire décide de suivre ses propres pistes…

Mon avis :

Mais qu’est-ce que tu fais là ? Oui, toi, dans ma bibliothèque, entre Spada de Bogdan Teodorescu et Lune noire de Lauren K Hamilton ? Mystère que je ne suis pas près d’éclaircir, un peu comme le mystère qui nous est raconté dans ce livre.

Un cinéaste allemand a été assassiné dans son bain, dans sa chambre d’hôtel, avec un sèche-cheveux. Aucun indice n’a été relevé, rien, même s’il est un peu étonnant que le meurtrier soit venu avec son propre sèche cheveux, trois rallonges, et que sa présence n’ait pas étonné le cinéaste Kurt Müller sirotant son whisky dans son bain – oui, après une journée épuisante de tournage, il n’avait que cela à faire.

Nous suivons cette histoire du point de vue de Kathy Hirschel, une libraire. Elle est allemande, et vit à Istanbul depuis treize ans. Elle y a passé les sept premières années de sa vie. On ne saura pas vraiment pourquoi elle a choisi de vivre ici, et nous ne saurons que trop tardivement pourquoi elle est née et a grandi dans ce pays : sa mère et son frère vivent toujours en Allemagne, et son frère se targue d’avoir une mentalité d’allemand. Oui, le premier sujet du roman, bien avant l’enquête policière, est là : relever toutes les différences entre les turcs et les allemands, relever surtout les préjugés que les uns entretiennent envers les autres. J’ai vraiment eu l’impression que la majorité du roman tournait là dessus, sans oublier la vie sentimentale (sexuelle ?) de Kathy, ou celle de Fofo, son employé/colocataire absent/meilleur ami invisible. Non, parce que l’enquête… aucun indice, aucune piste. Oui, elle sera résolue, peu avant la fin du livre (p. 268 sur 320, il n’y avait toujours aucune trace de résolution) mais l’intrigue semble vraiment tirée par les cheveux, et c’est dommage, pour moi, de devoir employer une telle expression, parce que le sujet de fond est tellement « de fond », qu’il ressemble à une toile de fond, tellement lointaine qu’on ne la voit quasiment jamais.

Grâce à Kathy, nous explorons différents milieux, celui du cinéma, auquel elle admet ne rien connaître, et dont on ne connaîtra pas tellement plus, finalement, si ce n’est des questions d’argent, et de pouvoir, celui de la mafia turque, que la police ne cesse de vouloir contrer, sans grand effet. J’ai eu aussi une impression de cafouillage, parfois, notamment quand un « gendre » devient un « beau-frère » – ce n’est pas exactement la même chose.

Bref, si vous avez envie de lire un roman policier turc, vous pouvez plutôt découvrir L’assassinat d’Hicabi Bey d’Alper Canigüz, vous passerez un meilleur moment.