Archive | février 2017

La trilogie Jim Chee, tome 1 : le peuple des ténèbres

Mon avis :

Après une premier lecture d’un roman de Tony Hillerman, j’ai profité des vacances pour découvrir la trilogie Jim Chee, trois livres (logique pour une trilogie) centrés autour de Jim Chee, notamment de son début de carrière. « Plus traditionnel  et moins sûr de lui » selon Tony Hillerman lui-même que Joe Leaphorn, Jim Chee doit faire un choix : entrer au FBI ou dans la police tribale. Pour l’instant, il doit surtout enquêter sur un mystérieux cambriolage, ou plutôt ne pas enquêter sur lui : même dans les réserves indiennes, les querelles de juridiction compliquent bien la vie des valeureux enquêteurs. Le shérif LAWrence Sena (il tient à ce que « Law » soit mis en avant) déconseille fortement à Jim de se mêler de l’affaire. Note : Sena gagne à être connu.

Chee avait déjà reçu un contre-ordre, il en reçoit un autre quand le mari de sa future-ex-cliente lui affirme que c’est sa femme qui a volé le coffret, et qu’elle sait donc où il est  caché. Le croyez-vous ? Non, et Jim Chee non plus. Comme deux négations s’annulent, Jim Chee enquête, et c’est le début d’ennuis assez conséquents, et d’une enquête qui plonge ses ramifications dans le passé, passé qui est encore bien présent pour certains. Ce n’est pas le shérif Sena qui dira le contraire.

Dans une grande phrase bien littéraire, je pourrai vous dire que ce livre nous en apprend beaucoup sur les Navajos. Je préfère vous dire qu’elle nous permet de découvrir un enquêteur qui connaît et respecte la culture et les croyances des Navajos – et l’on comprend très bien quels résultats catastrophiques entraîneraient un enquêteur maladroit et cartésien. A cet égard, Mary, l’institutrice qui se lie d’amitié avec Jim (et plus si dangers communs à affronter), représente l’archétype de la jeune femme blanche autant attirée par la culture indienne que par le bel indien qui lui permettra d’en savoir plus sur elle. Et si elle est (parfois) mise à l’écart par Jim, elle a suffisamment de présence d’esprit pour ne pas s’en formaliser et respecter le rythme, les précautions des interlocuteurs de Jim. Lui-même admet ne pas comprendre certaines pratiques des Blancs – il ne l’admettra pas à haute voix devant Mary.

Si le récit se focalise sur Jim, certains chapitres sont centrés sur le tueur. N’étaient ses actes, il paraîtrait presque touchant par sa quête personnelle obsessionnelle, les manques ressentis dans son enfance. Une bribe d’explication pour ce qu’il est devenu ? Peut-être, mais ce n’est en aucun cas une excuse. D’ailleurs, il est bien des manières de tuer, et Jim, dans sa quête de l’assassin, distingue bien les crimes indiens des crimes des blancs – les mobiles ne sont pas les mêmes.

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Casal Ventoso de Fredrik Ekelund

Présentation du roman :

Dans la tranquille ville suédoise de Malmö, un riche homme d’affaires est assassiné à la hache. Son ex-femme est éplorée, et les flics à pied d’œuvre. Monica Gren et Hjalmar filent le parfait amour, pourtant des lettres anonymes viennent rappeler à ce dernier les années 70, lorsqu’il était le guitariste des Why Men.

Mon avis :

Mon problème est simple, au moment où je rédige cet avis : je me souviens davantage des éléments négatifs que des éléments positifs. Je cherche d’ailleurs les éléments positifs, si ce n’est une peinture désespérante de la société suédoise, de sa jeunesse qui, dépourvu de repère, voulant être cool, part à la dérive et sombre dans la drogue. Ont-ils un espoir de s’en sortir ? Non : en dépit des cures de désintoxication, c’est la mort qui est au bout du chemin, à plus ou moins brève échéance. Est également pointé du doigt ce que d’aucun juge comme le laxisme de pays étrangers et l’incapacité de la police à mettre fin au trafic de drogue. Les personnages voyagent beaucoup pour leur enquête, ce qui leur montre d’autres aspects du trafic de drogue, de la misère humaine.
Maintenant, le négatif : la fin du roman est trop abrupte, comme si l’auteur avait voulu moraliser son intrigue in extremis.
Puis, les lettres qui sont envoyées à l’enquêteur… Je comprends leur utilité pour l’intrigue, relier le présent au passé d’Hjalmar, mais je comprends mal leur utilité pour la construction de la personnalité de l’épistolier. La « spontanéité » de ses actes cadrent mal avec ses lettres fleuves, remplies de références musicales.
Ensuite, j’ai trouvé lassant tout ce qui avait trait au couple Monica/Hjalmar. Je n’ai rien contre les quinquagénaires qui refont leur vie, je n’aime guère suivre leurs amours comme celles de deux ados, et découvrir la jalousie de Monica, qui n’a pas vraiment sa place dans une enquête. Hjalmar a un passé, trois enfants, deux beaux enfants, quinze ans de vie commune avec son ex, et Monica « se prend la tête » parce qu’il a revu son ex pour protéger leurs enfants – pas très professionnel, surtout quand des vies sont en jeu. Elle est également prête à faire une scène au moindre retard – un comble pour la conjointe d’un policier.
Casal Ventoso, ou une vision noire de la société suédoise, un peu parasité par l’histoire d’amour des deux personnages principaux.

Le prophète du temps d’Arthur Upfield

Mon résumé :

On a besoin de l’aide de l’inspecteur Bony. Ben Wickham, météorologiste de renom, est mort. Delirium termens, dit le médecin. Assassinat, disent ses amis. Bony enquête.

Note : le bandeau dit « la dernière enquête de Napoléon Bonaparte ». Cependant, d’après Wikipedia, il en reste encore six.

Mon avis :

Bony a une définition bien à lui des vacances. Alors que, pour la plupart des enquêtes, le crime vient aux enquêteurs qui n’avaient rien demandé, là, c’est Bony qui vient au crime, qui n’avait rien demandé.
Est-ce vraiment un crime? Ce n’est pas que certains en doutent, c’est qu’il n’est qu’une seule personne, le vieil ami de Ben Wickham, pour croire à un meurtre puisqu’il s’y connait assez bien en méfaits en tout genre de l’alcool. Le médecin ? Il a signé le certificat de décès sans ciller – il est sur le testament de la victime. La police locale ? Elle menace le vieil ami, qu’elle soupçonne de vivre aux crochets du météorologiste décédé, de le placer dans un asile pour vieillards. Oui, il est des policiers vraiment brillants qui se fient aux apparences et ne voient pas plus loin que le bout de leur insigne.
Très vite, Bony dérange, et pas qu’un peu. Ces adversaires ne sont même pas discrets, disons même qu’ils étaient attendus. Plus complexe encore, Bony est rappelé au beau milieu de ses vacances, de manière très officielle – bien plus qu’il n’en a l’habitude quand il sort des sentiers battus. Qui peut-il déranger à ce point ?
L’intrigue est peut-être un peu plus confuse que d’habitude. Nous sommes dans les années 50, deux guerres mondiales sont passées par là. La guerre froide est loin, géographiquement. Elle peut cependant s’inviter dans la brousse, puisque certains ont refait leur vie en Australie. Et si le pays a changé, entre broussards, on se comprends toujours.
Féministe, Arthur Upfield ? En tout cas, c’est un plaisir de retrouver Alice, et ses méthodes d’interrogatoires hors norme.A méditer, même si certains pourraient crier à la torture morale.
Allez, venez disputer une partie de pèche avec l’inspecteur Bony !

Links de Natsuki Kizu

Présentation de l’éditeur :

8 hommes, 4 couples… certains se connaissent depuis plusieurs années, d’autres depuis seulement quelques jours. Chacun à son histoire, mais tous se retrouvent dans le fait qu’une simple rencontre a bouleversé le cours de leur existence. Links est l’histoire de ces 4 couples réunis par le destin. Une destinée qui leur a accordé la possibilité de vivre une histoire qu’ils n’auraient pu imaginer avant et (re)trouver, peut-être, un sentiment qui reste unique à chacun.

Merci à Livraddict et aux éditions Taifu Comics pour ce partenariat.

Mon avis :

Ce manga est un yaoï, et pourtant, il est très différent de tout ceux que j’ai lus jusqu’à présent. Ce qui m’a frappé d’abord est le graphisme, d’une grande finesse, que ce soit dans la conception des décors ou dans le portrait des personnages. Bref, ce yaoï possède de vraies compositions picturales qui méritent qu’on s’y attarde.
Il en est de même pour l’intrigue, ou plutôt pour les quatre fils narratifs subtilement reliés entre eux – si le lecteur lit distraitement ce manga, il se retrouvera perdu. Au contraire, il faut prendre le temps de le lire, ne pas hésiter à revenir en arrière pour saisir comment ces quatre couples sont unis les uns aux autres.
Bien sûr, avant de s’intéresser à cela, il faut aussi regarder chacun de ses couples. Aucune histoire n’est une bluette comme on peut en lire habituellement, il n’est pas non plus de scènes véritablement osées ou choquantes, mis à part à l’extrême fin du manga. Non, ce sont les personnalités de ces hommes, leurs difficultés à aimer, à accepter d’être aimés qui les singularisent. C’est aussi leur passé qui rend leur présent si compliqué : l’un a perdu son amant, l’autre son frère, et il leur faut apprendre à vivre avec cette absence.
Si tous les personnages sont gays, tous ne l’ont pas toujours été – preuve que la sexualité peut variée, dans les mangas comme dans la vie. Cependant, les personnages féminins restent absents de ce récit.
Tout n’est pas sombre dans ce manga : Kameda et Ogikawa ont sympathisé (et bien plus puisqu’affinités) grâce à un chat, et certains faits (la constitution d’un arbre à chats) ne manquent pas d’humour. C’est sans doute pour cette raison que ce couple est celui qui m’a le plus intéressé.
Links – un one-shot bien nommé qui sort des sentiers battus.

Agatha Raisin, tome 4 : randonnée mortelle

Mon résumé :

Après six mois passés à Londres, à avoir exercé un métier qui ne lui convient plus, Agatha n’aspire qu’à une chose : retrouver son cher village. Elle découvre que James, son ami, participe à un club de randonnée : Agatha veut aussitôt s’inscrire. Après tout, tout est calme, non ? Non. Figurez-vous qu’un corps va être retrouvé, et qu’Agatha, bien sûr, va enquêter.

Mon avis :

On ne le dira jamais assez : le militantisme est dangereux pour la santé. Non, la randonnée, là, je suis formelle, il n’y a quasiment pas de problème. Je connais même un couple qui s’est formé en pratiquant cette activité et qui dure toujours, une bonne dizaine d’années plus tard ! Non, je ne parlais pas de James et Agatha, même si, il semble bien que dans ce tome… mais n’anticipons pas !

La victime semble une maîtresse femme, une femme qui s’investit dans une cause. C’est magnifique ! Sauf que… Jessica est prête à s’investir dès qu’elle peut être mise en valeur, dès qu’elle peut prendre un commandement quelconque – et l’ascendant sur pas mal de personnes. Là, son dernier cheval de bataille consiste à trouver tous les droits de passage oubliés et les revendiquer. Gare à ceux qui s’opposeraient à ce qu’elle traverse leur propriété ! Pas la peine de tenter de négocier, de trouver un arrangement acceptable, pas la peine non plus de rester poli : elle passera ! Rien n’entravera sa liberté – et sa capacité à mettre un bordel qui n’a rien de joyeux. Jessica joue un combat non pas perdu d’avance – il est des personnes, comme elle, qui aime se battre pour tout et n’importe quoi tant qu’elle se batte – mais désuète : le droit d’être propriétaire ne dérange pas grand monde, et vociférer contre les affreux propriétaires terriens rappellent d’autres temps.

Et c’est avec des méthodes pas très modernes que Jessica a été tuée : à coups de pelle. Moralité : il faut toujours ranger ses outils, on ne sait pas ce que certains peuvent faire avec. Le principal suspect est Sir Charles, l’affreux nobliau avec lequel elle était en conflit. Oui, elle seule : les autres randonneurs avaient apprécié la proposition du baronnet, sa politesse, et ne voyaient franchement pas pourquoi ils ne l’auraient pas accepté (pour une fois que quelqu’un leur répondait, cela se fête).

Agatha enquête, et elle enquête cette fois-ci elle enquête à la demande d’une proche d’une des suspectes. Que ne ferait-on pour aider une amie, assouvir sa passion pour les enquêtes et être près de James ? Et bien on ferait ce que ferait Agatha et cela donne des scènes absolument succulentes.

Je n’ai garde non plus d’oublier le personnage de Gustav, majordome entièrement dévoué à son maître, et tant pis si les invités ne l’apprécient pas : sir Charles et sa tante avant tout.

Randonnée mortelle : une enquête tout sauf ennuyeuse.

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Piste noire d’Antonio Manzini

Présentation de l’éditeur (extrait) :

Muté à Champoluc dans le val d’Aoste, Rocco Schiavone vit son départ en province comme un exil. A son corps défendant, il doit quitter sa paire de Clarks adorée pour porter de répugnants après-ski et considère ses nouveaux collègues comme des ploucs. Peu après son arrivée, on trouve le cadavre d’un homme sur une piste de ski, écrasé sous une dameuse. Accident ou meurtre ? Quand le médecin légiste découvre un foulard dans la gorge de la victime, le doute n’est plus permis.

Mon avis :

C’est tout de même ennuyeux de se dire que j’aurai beau faire, beau dire, certaines personnes se refuseront à lire ce livre, voire le reposeront dès qu’elles liront les premières paroles du sous-préfet Rocco Schiavone : « Qui me les brise ? » Tout un programme, et le reste est à l’avenant. Vous êtes prévenu, et si cela vous arrête, c’est vraiment dommage.
Non, le sous-préfet n’est pas content d’enquêter. Non, il n’est pas content d’arpenter les pistes de ski, ou même une seule. Il n’aime pas la neige, il n’aime pas le froid, il n’aime pas la région dans laquelle il est obligé de vivre depuis quatre mois, par rapport à certaines choses qu’il a faites dans le passé, et qu’il ne regrette pas. Pas sympa du tout avec les autres (à de très rares exceptions près), le sous-préfet l’est encore moins avec lui-même : « Non, je suis le pire des fils de pute […] Et je dois me faire face chaque jour. […] Un jour ou l’autre, je paierai mon dû. Mais je n’ai pas de cadavres innocents sur la conscience.  »
Cependant, quoi qu’il dise, quoi qu’il fasse, il enquête tout de même, parce qu’il est hors de question que le malheureux qui a été retrouvé assassiné façon puzzle voit sa mort restée impunie. Il a la chance d’être entouré par une grande bande de policiers incompétents (ou comment saloper une scène de crime en deux temps trois mouvements), un légiste qui prend son métier à coeur, un préfet très occupé par une autre affaire et, tout de même, un ex-futur policier qui n’a pas vraiment envie de faire carrière, vu la faiblesse de son salaire. Il emploie aussi des méthodes dignes d’un film d’action, pas vraiment compatibles avec son métier, mais elles sont véritablement efficaces. Ce ne sont pas les coupables qui diront le contraire.
Attachant par l’ampleur et la démesure de ses défauts comme de ses qualités, Rocco Schiavone est aussi le héros de Froid comme la mort : je l’ai déjà réservé à la bibliothèque.

Agatha Raisin, tome 3 : pas de pot pour la jardinière

Présentation de l’éditeur :

De retour dans les Cotswolds après de longues vacances, Agatha Raisin découvre que son voisin James Lacey, objet de tous ses fantasmes, est tombé sous le charme d’une nouvelle venue au village. Aussi élégante qu’amusante, Mary Fortune est une jardinière hors pair, et la journée portes ouvertes approchent.

Mon avis :

« J’ai fait trois fois le tour du monde ». Ah, pardon, je m’égare, je suis en train de reprendre les Cloches de Corneville, grand succès de l’opérette. Il n’empêche : Agatha revient d’un long voyage et… bof. Elle se surprend à aimer de plus en plus le petit village où elle vit depuis sa retraite dorée.
En son absence, miracle : pas un meurtre. Peut-être justement parce qu’Agatha n’était pas là, aurait lancé une toute nouvelle habitante du village, Mary. Elle semble pourtant charmante, tout le monde l’apprécie, y compris James Lacey, pour lequel Agatha soupire toujours en secret. Cependant, Agatha a changé – et oui. Elle sympathise avec Mary – ne peuvent-elles être toutes les deux amies avec James ? Ne peuvent-elles pas être toutes les deux amies ? Après tout, Mary et Agatha sont toutes les deux des étrangères dans ce village !
Agatha s’est de plus trouvée un nouveau dada – non, elle ne s’est pas mise à l’équitation. Elle se lance dans le jardinage, discipline dans laquelle elle est aussi douée que la cuisine. Le fait que Mary et James jardinent tout deux n’est pas du tout en lien avec cette décision, non.
Bref, tout va bien, absolument tout. Agatha retrouve ses chats, ses amis, reprend le rythme de la vie au village, se met même au régime, et … quelqu’un saccage les uns après les autres les jardins des participants au concours – non, parce qu’il y a un concours, sinon, à quoi bon jardiner ? (Note : à quand un concours mêlant cuisine et jardinage, avec l’obligation de cuisiner des produits de son potager ? La police enquête, et Agatha ronge son frein, parce que, franchement, elle n’est pas très efficace. Surtout, le pire survient bientôt : un meurtre est commis et c’est Agatha, accompagnée de James, qui a découvert le corps, placé de manière à humilier la personne assassinée. Qui a pu commettre ce meurtre ?
Agatha a beau être sous le choc, elle ne va pas rester sans rien faire, même si presque tout le monde lui dit de ne pas le faire et que James constate que… Agatha est devenue raisonnable. Enfin presque.
Lire ce roman est agréable, pas tant pour l’aspect policier mais pour la peinture de la vie dans un petit village anglais, village que les londoniens en visite peuvent critiquer vertement pour leur moeurs, eux qui les accusent de consanguinité et de sorcellerie, eux qui trouvent leurs meurtres plus civilisés. Mais bien sûr.
Ce qui est certain est l’attachement d’Agatha pour son village, et l’attachement que certains villageois ont pour elle. Qu’en sera-t-il dans le tome suivant, alors qu’Agatha s’apprête à passer six mois à Londres ? Vous le saurez…. demain.

Mascarade de Ray Celestin

Présentation de l’éditeur :

1928. Chicago est la cité de tous les contrastes. Du ghetto noir aux riches familles blanches, en passant par la mafia italienne tenue par Al Capone, la ville vit au rythme du jazz, de la prohibition et surtout du crime, que la police a du mal à endiguer. C’est dans ce contexte trouble qu’une femme appartenant à l’une des plus riches dynasties de la ville fait appel à l’agence Pinkerton. Sa fille et le fiancé de celle-ci ont mystérieusement disparu la veille de leur mariage. Les détectives Michael Talbot et Ida Davies, aidés par un jeune jazzman, Louis Armstrong, vont se charger des investigations.

Mon avis :

Je découvre cet auteur avec ce second volet des aventures des détectives Michael Talbot et Ida Davies et je dois dire que je n’ai pas été déçue – manière de dire que j’ai vraiment beaucoup aimé ce livre, dont l’épaisseur m’avait pourtant un peu effrayée au début. Epaisseur qui n’est pas gratuite : il n’est rien à retrancher dans cette enquête.
Des détectives chargés de retrouver une jeune fille disparue et, éventuellement, son fiancé : un classique. Ce qui l’est moins est la couleur de la peau des détectives – pourquoi une riche femme blanche engagerait-elle des détectives de couleur ? Ah, oui : parce que son futur gendre aimait à s’encanailler dans certains quartiers chauds. Surtout, pourquoi le père de la jeune fille et le père du jeune homme sont-ils bien d’accord sur un point : ne rien faire pour les retrouver. Tout détective respectueux de sa hiérarchie (il s’agit de la fameuse agence Pinkerton, tout de même) cesserait aussitôt d’enquêter. Sauf qu’ils sentent que quelque chose clochent. Sauf que leur hiérarchie restera toujours leur hiérarchie, il n’y aura pas de moyen de gravir les échelons pour Ida. Sauf que leur première cliente leur offre les moyens (peut-être) de quitter l’agence.
Parallèlement à cette enquête, nous découvrons Dante, qui revient à Chicago après plusieurs années hors de cette ville, plusieurs années pour oublier, pour survivre avec sa culpabilité. Il revient, parce qu’Al Capone a besoin de lui, lui que tous ou presque croyaient mort. Il l’était – presque – et son retour n’a rien d’une renaissance. Il se retrouve en pleine guerre des gangs, et presque tous les coups sont permis pour obtenir la suprématie sur un territoire le plus vaste possible.
Guerre des gangs ou pas, le noyau de ce livre est la famille, les siens, les proches. Que veut-on pour ses enfants ? Le meilleur ? Mais le meilleur pour qui ? Pour Michael Talbot, c’est évident : permettre à ses enfants de faire des études de leur choix. Quand on dirige un gang ou quand on s’est enrichi de manière  pas vraiment honnête, on pense avant tout aux apparences, à ce qui est mieux pour soi, piégeant parfois son enfant avec des directives contradictoires. L’époque veut cela, me dira-t-on : on ne demandait pas son avis à ses enfants. Certes. On peut cependant éviter de choisir le plus déraisonnable.
Et la musique ? Elle nous réserve de beaux moments, sincères. Louis Armstrong aide Ida Davies, mais il est aussi le joueur de jazz en plein ascension, bien décidé lui aussi à garder son indépendance musicale. Il est un homme, pris entre deux amours, dévoué à son neveu Clarence, handicapé mental depuis un accident.
Il est tant d’autres choses que j’aurai à dire sur ce livre. Tenez, je n’ai pas encore parlé de Jacob, le photographe qui aide lui aussi Ida, figure charismatique et émouvante. J’aurai à dire aussi que certaines « victimes » (si vous lisez le livre, vous comprendrez le pourquoi de ces guillemets) ont subi ce qui est resté longtemps l’une de mes pires phobies. Mais je serai sympa, je ne donnerai pas les détails des interventions qu’ils ont subies – mais vous pouvez toujours demandé à Nunzi.
Mascarade, un polar musical historique aux intrigues complexes et développées.
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Une famille explosive de Ge Yan

Présentation de l’éditeur :

Xue Shengqiang, appelé « papa », n’a jamais quitté son petit village natal du Sichuan, en Chine. Fils à maman, il s’est marié et a repris l’entreprise familiale, qui fabrique la célèbre pâte de haricots aux piments. Si la matriarche tient sa maison d’une main de fer, papa, lui, est loin d’être un saint : il est accro au sexe et a installé sa maîtresse dans l’appartement au-dessus de grand-mère. Le voilà bien embêté lorsque cette dernière découvre le pot aux roses… Les ennuis continuent car il doit organiser l’anniversaire – 80 ans – de grand-mère, et son frère a décidé d’y mettre son grain de sel. Cerise sur le gâteau, Jasmine, sa maîtresse, est enceinte !

Merci à Netgalley et aux éditions Presse de la cité pour ce partenariat.

Mon avis :

Sommes-nous bien en Chine ? Oui, mais dans une Chine moderne, qui paraît de prime abord très éloignée des années de la Révolution culturelle, et pas si éloignée, par le retour de certaines pratiques, de la Chine ancienne (la jeune maîtresse en lieu et place de la deuxième épouse). Voici notre héros: Xue, patron de l’usine familiale que sa mère a réussi à récupérer à la force du poignet. Il a fait un malaise alors qu’il était avec sa jeune maîtresse, et sa mère a pris les choses en main. Il est celui qui résout toujours les problèmes des autres, et du coup, n’a pas le temps de résoudre les siens (merci maman).
Il n’est pas le narrateur de l’histoire, non, c’est sa fille qui rédige le récit, elle que l’on dit folle, elle qui pose problème depuis toujours et qui est pourtant capable de mener à bien ce récit. Elle a également une manière très enlevée de mêler ce que dit son père, réellement (c’est assez bref) et ce qu’il rêve de dire, tout ce qu’il a sur le coeur, parfois depuis plusieurs années.
Nous sommes en Chine, mais certains problèmes sont universels. Xue a l’impression d’avoir été le moins aimé, lui qui n’a pas fait d’études supérieures, lui qui a dû reprendre l’usine familiale après avoir gravi toutes les échelons ou presque, lui qui a dû rester avec la femme qui le trompait pour le bien de sa fille, lui qui a couvert son beau-frère adultère, lui qui cherche à caser son brillant frère, toujours célibataire au désespoir de sa mère : pas facile, n’est-ce pas, de se croire le mal-aimé. Gageons que le point de vue de son frère ou celui de sa soeur sont bien différents.
Le récit se concentre sur quelques jours seulement. Pourtant, de nombreux retours en arrière, parfaitement intégrés dans les propos de la fille de Xue, nous permettent de bien connaître cette famille « explosive ». Le ton n’est jamais pesant, les propos sont parfois crus, ce qui ne veut pas dire grossier, et l’on comprend que Xue soit sur le point « d’exploser » lui aussi, lui l’authentique fils à maman qui se fait encore, à son âge, réprimander par elle. Oui, le ton est le plus souvent léger, humoristique, et pourtant, les sujets sont graves pour une société qui reste proche des traditions.
Une famille explosive – ou un regard étonnant sur la Chine contemporaine.

No Home de Yaa Gyasi

Présentation de l’éditeur :

Maama, esclave Ashanti, s’enfuit de la maison de ses maîtres Fantis durant un incendie, laissant derrière elle son bébé, Effia. Plus tard, elle épouse un Ashanti, et donne naissance à une autre fille, Esi. Ainsi commence l’histoire de ces deux demi-sœurs, Effia et Esi, nées dans deux villages du Ghana à l’époque du commerce triangulaire au XVIIIe siècle. Effia épouse un Anglais et mène une existence confortable dans le fort de Cape Coast, sans savoir que Esi, qu’elle n’a jamais connue, est emprisonnée dans les cachots du fort, vendue avec des centaines d’autres victimes d’un commerce d’esclaves florissant avant d’être expédiée en Amérique où ses enfants et petits-enfants seront eux aussi esclaves.

Mon avis :

Je pourrai vous dire qu’aucun livre ne parle aussi bien de l’esclavage et de ses conséquences, ce qui serait faux. Tant de livres, excellents, nous racontent, nous montrent et nous démontrent les ravages causés par l’esclavage. Seulement, la plupart nous raconte la vie d’une communauté d’esclave en particulier, voire d’un esclave – je pense à  Jim dans les aventures d’Huckleberry Finn de Mark Twain, roman et personnages précurseurs s’il en est. Rares sont ceux qui commencent à l’origine de l’esclavage pour nous emmener jusqu’à nos jours, suivant les descendants, sur plusieurs générations, de deux demi-soeurs, Effia et Esi.
J’ai presque envie de dire que chaque chapitre peut se lire indépendamment les uns des autres, parce que chacun d’entre eux, consacré à l’un des descendants de l’une ou de l’autre soeur, est tellement dense, tellement riche que j’ai ressenti, à la fin de chacun d’entre eux, le besoin de faire une pause, ce qui m’arrive rarement.
Aucun sort n’est enviable, ni pour les descendants de l’une, ni pour ceux de l’autre. Pas de manichéisme non plus : il n’y a pas les gentils noirs d’un côté et les méchants blancs de l’autre. Les noirs ont participé activement aux commerces des leurs, au gré de l’expansion de leur territoire et de leur envie/de la nécessité (rayer la mention inutile ou pas) de commercer avec les anglais.
Le sentiment qui domine en tournant les pages (ou en cliquant sur le bouton de la liseuse, comme vous voulez) est la colère, face à ces vies gâchées, la colère, devant la peur que ressentent les personnages – voir les lois Jim Crow qui permettent de « récupérer » « son » esclave en fuite. Ce livre est un roman, certes, mais il m’a vraiment donné l’impression de lire aussi un document, profond, sur l’histoire de l’esclavage et de la communauté Afro-américaine. Ce livre, écrit par une jeune femme de 26 ans, est un livre qui marque profondément. Je souhaite à cette auteur le meilleur pour ces prochains romans.