Mon résumé : Gaël de Nanterry a (un peu changé) depuis la grande bataille entre loups garous, vampires, trolls et autres joyeusetés. Il est désormais principal intérimaire d’un collège pour louveteaux. Il ne s’attendait pas à avoir la visite de son ex, ni du nouveau compagnon de son ex. Difficile d’effacer tant d’années de vie commune, même avec une bonne gomme.
Je n’eus pas le temps de méditer plus avant les châtiments que je lui ferai subir, car Anatole et son meilleur ami Léopold me tiraient par la manche.
– Mon sieur le principal, est-ce que le club théâtre ouvrira de nouveau ?
– Pourquoi a-t-il fermé ?
Je soupçonnais une frayeur de mon prédécesseur, dépassé par la nature même de ses pensionnaires.
– Disons qu’il n’appréciait pas la pièce que nous jouions…commença Léopold
– Une transposition des contes de fée et des fables les plus connues, revisitées à la sauce garou, continua Anatole. Nous n’aurions peut-être pas dû lui monter la scène où le loup déchiquète les petits cochons.
– Ce n’était pas des vrais, précisa Léopold.
– Ni celle où le loup, non content de tuer l’agneau, dévore aussi les brebis.
– Après avoir vérifié qu’elles n’étaient pas galeuses, ni remplies de puces. Quand j’ai suggéré qu’il mange le berger venu pour les tondre en dessert, « il » a tourné de l’œil. Dracula lui a donné les premiers soins.
– ????
– Dracula est le surnom de madame Cobert, notre professeur de français et de théâtre.
Je pensais au vrai Dracula, que je recevais comme patient il n’y a pas si longtemps. A haute voix, je précisais qu’il n’apprécierait pas qu’une simple mortelle soit surnommée ainsi.
– Si le vrai Dracula connaissait madame Cobert, c’est lui qui demanderait à être surnommé madame Cobert, en référence à…
– Certains traits de son caractère.
– Il est vrai que contrairement à lui, elle ne mord pas…
– Enfin, pas tout de suite. Et pas souvent.
Je me sentais soudain très rassuré. Si, si, c’était une libération pour moi d’imaginer le pire plutôt que de croire que quelques grammes de douceur existaient encore dans notre monde de brutes.
Je m’étirai… et constatais que Jared n’avait pas bougé. Ou plutôt si : ses yeux s’étaient écarquillés. Il attendit que nous soyons seuls (c’est-à-dire hors de portée des grandes oreilles des louveteaux) pour murmurer d’une voix éteinte :
– Vous connaissez Dracula, le vrai ?
J’aurai pu lui dire : quoi ? Silas n’a pas eu le temps de vous le dire ? Non, je le pris par les épaules (il mesurait quinze bons centimètres de plus que moi, qu’est-ce qu’il avait pu manger au petit-déjeuner quand il était gosse ?) et lui tint à peu près ce discours :
– Je suis vampirologue diplômé, j’ai à peu près deux cents vampires parmi mes patients, sans compter les loups-garous, car je suis aussi lycanthropologue. Alors, oui, je connais Dracula, ce n’est pas un mystère. Je connais aussi ses trois femmes, et quelques autres membres de sa famille. Seulement… Dracula, lui, il est sympa. Très sympa même, bien éloigné de ce que Bram Stocker a raconté dans son roman – il a préféré se montrer sous son jour le plus noir afin que le secret de leurs existences soit préservé. Mais j’en connais aussi des caractériels, des méchants, des sales gosses immatures, le genre à vous mâcher et à vous recracher comme un chewing-gum usagé. Voulez-vous que je vous les présente ? Je dois la vie à quelques-uns d’entre eux !