Archive | 4 décembre 2021

Ouragan sur Damgan d’Hervé Huguen

Présentation de l’éditeur :

« On n’a pas été en mesure de reconstituer exactement le scénario du drame, avait admis le commissaire Droniou. Pourquoi deux armes ? Je n’en sais rien, ce que je sais, c’est que Caroline tenait encore le fusil dans les mains, il n’y avait pas beaucoup de questions à se poser. »
L’enquête s’orientait vers une tragédie familiale à huis clos, derrière les murs d’une villa en bordure d’un océan déchaîné cette nuit-là. La meurtrière souffrait de troubles psychiatriques… Un crime limpide en effet.
L’inspecteur Kervilin va pourtant douter de ce qu’il découvre, et s’acharner à prouver que la tuerie ne s’est pas déroulée comme on voudrait le faire croire. Il paiera au prix fort son obstination…
Dix ans après la mort de Kervilin et la clôture des investigations sur le massacre, le commissaire Baron se voit chargé de rouvrir le dossier. Avec une question : que faisait l’inspecteur Kervilin la nuit où il est décédé ?

Mon avis :

Je sens que je vais écrire un avis de « professeur de français ». Tant pis. Pourquoi ? Parce que la première chose que j’ai remarqué, c’est le long retour en arrière qui est effectué dans le roman. Nous suivons en effet Nazer Baron, à qui il a été demandé d’enquêter sur la mort d’un policier, Kervilin, dix ans plus tôt. Il a été assassiné, après qu’on lui a retiré une enquête sur laquelle il s’acharnait. Baron va voir son ex-femme, qui lui raconte tout ce dont elle se souvient – ou plutôt, nous nous retrouvons dix ans plus tôt, avec cet homme qui découvre un massacre terrible et qui veut faire toute la lumière sur ce qui s’est passé, et tant pis si cela dérange. Cela dérange. Ce retour en arrière occupera presque la moitié du récit.

Ce policier est passé à côté de sa vie. Oui, je suis dure. Il a été père de deux enfants, il s’est comporté comme on attendait qu’un père se comporte, ni plus, ni moins, et son fils est mort dans un accident de voiture, à 18 ans, comme trop de jeunes qui meurent sur les routes parce qu’ils sont fatigués, ont trop bu, ont trop présumé de leurs forces, eux ou ceux qui étaient avec eux. Depuis, seul son travail compte. Sa femme l’a quitté, parce qu’elle en avait assez de vivre avec un homme qui n’est plus réellement là. Lui ne comprend pas ce qu’elle trouve à l’homme qui l’a remplacé – la simplicité, sans doute, l’envie de vivre aussi.

Baron doit ainsi enquêter sur deux affaires dont l’une est la conséquence de l’autre : jamais Kervilin ne serait mort s’il ne s’était pas acharné. Il faut dire que cette affaire est atroce : quatre membres d’une même famille sont morts, le père, la seconde épouse, le fils, âgé de trois ans issu de ce mariage, et la fille aînée. C’est elle qui les aurait tués avant de se suicider. J’utilise le conditionnel, parce que l’action judiciaire est éteinte du fait de la mort de la présumée coupable et parce que Simon ne croit pas en sa culpabilité. Alors qui ? Son regard s’est tourné vers le fils, le seul survivant, et tant pis s’il est le seul à croire en la culpabilité de ce jeune homme, dévasté par la mort des siens.

Dix ans après… Cédric va bien. Il a 37 ans. Il a épousé sa compagne de l’époque, il a deux enfants. Il a fait fructifié l’entreprise familiale, il ne s’est pas contenté de prendre la succession de son père adoptif. Cédric et sa soeur Caroline ont en effet été adoptés par Julius, leur oncle, à la mort de leurs parents, frère et belle-soeur du chef d’entreprise. Caroline n’avait que quatre ans quand ses parents sont morts, sous ses yeux, elle-même n’a réchappé que de justesse. C’est grâce à sa tante Fabienne qu’elle a repris goût à la vie, et c’est à sa mort qu’elle a sombré de nouveau. A la dérive depuis longtemps, elle avait reçu un ultimatum de son père. Elle devait se faire soigner.

Oui, le sujet est atroce, mais, et ce mais est d’importance, jamais l’horreur n’est banalisé. Oui, il est normal que les enquêteurs soient secoués, choqués, malades en découvrant les scènes de crime, et je souhaite vraiment (hélas, j’ai un titre en tête) que de telles horreurs ne soient jugées « ordinaires ». Quant au dénouement, que je ne révèlerai pas, forcément, il nous rappelle que rien n’est jamais simple, encore moins simplistes, et qu’il ne faut pas confondre recherche de la vérité et préjugés.