Archive | 1 novembre 2023

Le Dernier festin des vaincus d’Estelle Tharreau

Présentation de l’éditeur :

Un soir de réveillon, Naomi Shehaan disparaît de la réserve indienne de Meshkanau.
Dans une région minée par la corruption, le racisme, la violence et la misère, un jeune flic, Logan Robertson, tente de briser l’omerta qui entoure cette affaire. Il est rejoint par Nathan et Alice qui, en renouant avec leur passé, plongent dans l’enfer de ce dernier jalon avant la toundra.
Un thriller dur qui éclaire sur les violences intracommunautaires et les traumatismes liés aux pensionnats indiens, dont les femmes sont les premières victimes.
« Au Canada, une autochtone a dix fois plus de risque de se faire assassiner qu’une autre femme. »

Mon avis : 

Merci aux éditions Taurnada pour ce partenariat.

Savez-vous ce qui est bien quand vous découvrez un nouveau roman d’Estelle Tharreau ? C’est que le lecteur ne peut savoir à l’avance à quoi s’attendre, tant chaque livre est différent du précédent. Les seules constances, si j’ose dire, sont la rigueur dans la construction de l’intrigue, et la richesse des personnages rencontrés. Oui, je sais, cela fait déjà beaucoup, si l’on y réfléchit.

Le dernier festin des vaincus nous entraîne au Canada. Une jeune fille, Naomi, a disparu de la réserve indienne de Meshkanau le soir du réveillon. Personne ne s’inquiète, pas même sa mère. Ce n’est pas la première fois qu’elle disparait. Ce n’est pas la première jeune fille qui disparait. On finit par les retrouver – ou pas. On classe l’affaire, et c’est presque ce qui se passe, si ce n’est que des voix s’élèvent pour parler de Naomi. Elles ne sont pas nombreuses : Marie Fontaine, qui tient la station de radio de la réserve, Nathan, Alice puis Logan. De très rares voix, alors que d’autres font beaucoup de bruits pas seule pour clore l’affaire, non pour parler aussi de l’immense projet de scierie qui tend à bouleverser la vie de la région.

Et si ce n’était pas les voix qui se font entendre qui étaient importantes, mais celles qui se taisent ? Si le récit se focalise tour à tour sur différents personnages, nous découvrons des bribes de leur passé par le biais de leurs pensées lorsqu’ils se remémorent ce qu’ils ont vécu, ce qu’ils ont subi, ce qu’ils n’ont jamais pu dire, ce qu’ils ont à peine pu se dire. J’ai lu certaines scènes quasiment en apnée, et ce n’est pas une image, j’ai eu littéralement le souffle coupé face à l’horreur des situations. La force de ce livre est non seulement de nous montrer les causes, mais surtout toutes les conséquences de ses actes du passé, conséquences dont les ramifications s’étendent en une arborescence des plus inattendues.

Dirai-je « âme sensible, s’abstenir ? » Je n’en suis pas une. Tout ce qui est narré dans ce livre devait l’être. Maintenant que cela été dit, que faire ? Agir n’est pas si simple, c’est ce dont se rend compte Nathan, pourtant empli de toutes les bonnes intentions, de toutes les forces aussi que lui donne sa naissance et tous les avantages qu’il a reçues sans même y penser. Il n’hésite pas à se remettre en question, au fur et à mesure que se déroule ce récit au long cours – enquêter prend du temps, entraver une enquête aussi, désentraver une enquête, reprendre le combat, encore plus.

Je vous conseille ce livre si vous aimez les polars, les romans noirs. Et si vous avez aimé ce livre, je ne puis que vous recommander de lire d’autres romans signé Estelle Tharreau, notamment Mon ombre assassine, paru en 2019.