Je vous aimais, terriblement, de Jeremy Gavron

Présentation de l’éditeur :

Londres, 1965. Hannah Gavron semble avoir tout pour elle. Une vie libre, deux enfants, des amis proches, des parents aimants, une carrière universitaire prometteuse et un livre sur le point d’être publié, L’Épouse captive, incursion féministe dans le monde des femmes au foyer. Quelques jours avant Noël, elle dépose son plus jeune fils, Jeremy, âgé de quatre ans, à l’école, rejoint l’appartement d’un ami dans le nord de Londres, calfeutre les portes et les fenêtres et ouvre le gaz. Elle avait vingt-neuf ans.
Durant toute son enfance et son adolescence, Jeremy ne connaît rien de la fin tragique de sa mère. Après avoir découvert presque par hasard la dernière note écrite de sa main : « Dites aux enfants que je les aimais, terriblement », il entreprend d’affronter ce passé traumatique.
Qui était cette femme, sa mère, et pourquoi a-t-elle commis cet acte incompréhensible ? Quarante ans plus tard, Jeremy assemble patiemment les pièces du puzzle. Enquêteur tenace et passionné, il découvre des lettres, des journaux, des photos qui vont petit à petit restituer le portrait d’une jeune femme talentueuse libre et complexe, essayant de faire sa place dans un monde d’hommes.
Dans une prose délicate et hypnotique, il nous offre un livre palpitant, qui prend littéralement au cœur.

Mon avis :

Comment se construire quand votre mère se suicide alors que vous n’êtes qu’un enfant ? Et surtout, comment se construire quand on a grandi dans le secret, quand personne ne prononçait le nom de votre mère ? Bien sûr, vu de l’extérieur, certains peuvent se dire que c’est pour se protéger, ou pour protéger l’enfant. Ce n’est pas faux. On survit comme on peut.
Jeremy Gavron a été journaliste, il a écrit des essais, des romans. Ce livre est le premier qui est traduit en français. Il a longtemps vécu sans savoir, puis la mort prématurée de son frère, ses propres problèmes de santé ont fait qu’il a voulu non pas savoir uniquement pourquoi sa mère avait mis fin à ses jours, mais reconstituer la vie d’Hannah qui, pour reprendre le titre d’un livre français « avait tout pour être heureuse »
Plutôt que de nous livrer simplement le résultat de ses recherches, Gavron retrace son cheminement, les obstacles qu’il a dû franchir, y compris des obstacles intimes. Qui trouverait « facile » de retrouver l’amant de sa mère, ou la personne chez qui elle s’est suicidée ? Il n’est pas facile non plus, dans cette famille où le secret domine, de comprendre certains faits qui se retrouvent ainsi mis en exergue par le fait même qu’Hannah s’est suicidée. Ainsi, ses années de pension, ses amours adolescentes, qui cachaient sans doute autre chose, la vie de couple, compliquée, de ses grands-parents. Pas de certitude, mais des pistes pour comprendre la personnalité d’Hannah, si pleine de vie face à un père constamment en proie à la mélancolie.
La vie et la mort d’Hannah s’inscrivent aussi dans une époque, celle de la montée du féminisme, mais sans, encore, aucun de ses acquis. Hannah s’était mariée jeune, avait eu des enfants tôt (sur le conseil de son médecin, pour résoudre un problème de santé (!) et, à la reprise de ses études, s’était heurtée, une parmi d’autres, au paternalisme et au machisme du milieu universitaire. Note : certains de leurs propos sont toujours audibles de nos jours, et pas qu’à l’université. Si elle avait beaucoup soutenu ses amis, si elle débordait d’énergie (voir ses lettres, rares témoignages de sa personnalité, ses photos), je (moi, Sharon) ne sais que trop ce que ce déploiement d’énergie, cet optimisme à tout crin peut cacher.
Le livre, forcément, fige l’ensemble des recherches effectuées par Jeremy Gavron. Parce qu’il n’a pas pu ou pas voulu aller plus loin ? Les deux sans doute, eu égard à la somme d’obstacles qui ont été franchis. Ce livre nous parle d’Hannah Gavron, il nous parle aussi, bien sûr, de Jeremy, de tout ce qu’il a découvert sur sa propre enfance. Et s’il a réussi à se construire, malgré tout, il porte aussi en lui les conséquences de tous les manques, de toutes les interrogations qui ont parcouru sa vie.

5 réflexions sur “Je vous aimais, terriblement, de Jeremy Gavron

  1. Je n’aurai pas forcément pris le temps de m’attarder sur ce livre, mais la manière dont tu l’évoques me donnes envie de découvrir la vie d’Hannah et la manière dont l’auteur a pu retracer, en partie, son enfance.

  2. Wouh quel beau billet ! Tu me donnes envie de lire ce livre mais ce ne sera pas pour tout de suite je le crains et le sujet est sombre…J’ai besoin de lumière en ce moment ! Enfin j’essaie …

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