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Meurtre en prime time Une enquête d’Annika Bengtzon par Lisa Marklund

Présentation de l’éditeur :

Alors qu’Annika Bengtzon allait partir en week-end avec sa famille, elle est appelée par son journal. Nouveau meurtre. Et pas n’importe lequel : Michelle Carlson, vedette du petit écran, a été tuée d’une balle dans la tête. En acceptant de couvrir l’événement, Annika ne s’attendait pas à ce que ce drame la touche d’aussi près. C’est Anne, une de ses amies, qui a découvert le corps. La veille même de l’assassinat, elle s’était violemment disputée avec Michelle. Il n’en faut pas plus à la police pour faire d’Anne le principal suspect. Annika n’a pas le choix. Elle doit découvrir la vérité… ou son amie passera le reste de ses jours derrière les barreaux.

Merci à Netgalley et aux éditions HLAB pour ce partenariat.

Mon avis :

Soyons clair : c’est le bordel dans le monde de la presse et de la télévision suédoise, et je pèse mes mots. Je retrouve Annika dans le tome 3 de ses enquêtes, et s’il est des choses qui ont changé, d’autres par contre sont toujours présentes. Annika est aujourd’hui en couple (elle n’est pas mariée) et mère de deux jeunes enfants. Seulement, sa vie de couple est loin d’être idyllique, au point qu’elle préfère partir en urgence sur un reportage – le meurtre d’une vedette du petit écran – que d’accompagner son mari en week-end dans sa famille, qui ne l’a jamais acceptée. Et oui : Thomas, son compagnon, était marié à une femme ayant une très belle situation, et sa liaison avec Annika a bousillé son mariage. La naissance de deux enfants n’a pas réconcilié la famille : d’ailleurs, la mère de Thomas se préoccupe peu de ses petits enfants, et met son fils face à ses devoirs de père. Thomas se demande si être père compense le fait d’avoir quitté une femme aussi formidable que son ex-femme, Annika elle-même parfois s’interroge sur le fait d’être mère – bref, tout ne va pas très bien aux royaumes des amoureux.

Au royaume de la presse encore moins. L’éthique ? Elle existe réellement ? Je n’en ai pas vu de trace dans ce roman, ou si peu. Le journal a eu des procès, des menaces de procès, des médiations, et ceux qui le dirigent ne suivent pas vraiment la même ligne éditorial, pour ce journal dit « familial » qui ne recule cependant pas devant des informations croustillantes ou des reportages un peu controversés. L’important : qui finance le journal, et tant pis si les petits protégés des généreux gestionnaires ne sont pas les meilleures plumes de la rédaction, encore moins ceux qui savent prendre des précautions oratoires en écrivant.

La victime ? On l’oublierait presque, tant le frémissement médiatique est intense. Nous sommes littéralement au cœur du travail de l’info, qui consiste autant à chercher, à tenter de recueillir des informations, quitte à attendre, à guetter, un peu comme des paparazzi (ou plutôt comme des paparazzi) des personnes qui ont peut-être des éléments qui serviront de base à un futur article. Ou à faire progresser l’enquête. Parce que l’on ne peut rien y changer : Michelle Carlson a bel et bien été assassinée, et elle était une vedette, aimée des téléspectateurs, pas vraiment de ses collègues – tout le monde voulait sa place, tout le monde, ou presque, pensait qu’elle ne méritait pas sa place. Un exemple ? Anne, amie d’Annika, à la vie sentimentale particulière – en couple, une fille, vit dans un appartement avec elle mais sans son compagnon. Elle était bourrée de rancoeur, ne supportait plus les conditions de tournage imposée, et fait une suspecte idéale – ce n’est pas les dix petits nègres, ce sont les douze suspects. Non, suivre l’enquête n’est pas difficile, il s’agit simplement de comprendre que, contrairement aux séries télévisées, l’on n’a pas qu’un suspect, mais tout une ribambelle, et que les enjeux sont le pouvoir, et la prise de pouvoir au sein de la rédaction du journal.

Meurtre en prime time est un roman intéressant pour tous ceux qui s’intéressent aux journalismes. Il l’est peut-être un peu moins pour ceux qui aiment les romans policiers purs et durs. Il ne faut cependant pas oublier que, questions détails sordides, le lecteur est particulièrement servi dans cette enquête.

 

 

 

Studio 6 de Liza Marklund

Présentation de l’éditeur :

Annika Bengtzon est chargée de répondre aux appels de la Hot Line de La Presse du soir, quotidien suédois à sensation où elle est stagiaire. Un jour, un anonyme lui livre un scoop : le corps nu d’une jeune fille a été découvert dans un cimetière de Stockholm. Elle a visiblement été étranglée. C’est le meurtre de l’été ! Le rédacteur en chef met Annika sur le coup. La victime s’appelait Josefin, elle n’avait que dix-neuf ans et travaillait au Studio Sex, une boîte de nuit porno. Contre toute attente, son enquête la conduit à un ministre. ​Comment s’est-il retrouvé impliqué dans cette affaire sulfureuse ? Quels secrets cache-t-il ? Pour devenir journaliste, Annika va devoir le découvrir. Mais à quel prix ?

Merci à Netgalley et aux Editions HLab pour ce partenariat.

Mon avis :

Ce ne fut pas une lecture plaisante, autant vous le dire tout de suite.
Vous me direz « pas de chance ».
Ce fut une lecture poisseuse mais intéressante : j’estime toujours que ce n’est pas parce que je n’ai pas aimé un livre qu’il n’est pas bon !
Nous sommes en Suède, à la rédaction d’un journal, et permettez-moi de vous dire que ce journal n’est pas très bien organisé : il s’agit de presse à sensation, non d’un journal d’investigation, avec enquête sérieuse à la clef. J’ai presque envie de dire : « regardez un peu cette ligne où n’importe quel individu un peu zinzin peut appeler et dire ce qu’il a envie de dire, avec, parfois, une petite chance que ce soit publié dans le journal. » Où va-t-on ? Droit dans le sensationnalisme et le mur. Je vous rassure : les émissions dites « sérieuses », les concurrents de la presse écrite qu’il s’agit de battre ne sont pas épargnés. La chasse au scoop est leur sport favori, le tout est de se demander quel prix ils sont prêts à payer pour cela, dans tous les sens du terme. Quand aux dites enquêtes « de fond », il faut se demander là aussi quel moyen l’on met pour les faire, et quelle complicité permet de les mener à bien. Dernier élément : les stagiaires. OU la chair fraîche pour alimenter la rédaction à peu de frais. Laissons-les se battre entre eux, au sens figuré, pour obtenir une place, pour placer le bon article. Laissons-les surtout faire ce qu’ils veulent, tant qu’ils publient, et s’ils commettent des erreurs, et bien lavons-nous en les mains. Personne pour les chapeauter, personne pour s’assurer qu’un minimum d’éthique est assuré.
On en oublierait presque qu’un meurtre a été commis. J’ai failli ajouter « un meurtre atroce » mais tous les meurtres, si l’on y réfléchit un peu, sont atroces. Le regard change selon les circonstances – selon aussi la manière dont la victime est présentée. La presse ou le pouvoir de manipuler. La justice, ou l’impossibilité d’enquêter ou de coincer le meurtrier. Oui, à l’heure où les séries télévisées nous gavent d’enquêtes résolues en 52 minutes, il est bon de rappeler que les policiers se retrouvent pieds et poings liés quand ils manquent de preuves et quand le meurtrier a un alibi solide.
A une époque où l’on a encore une forte tendance à montrer certaines victimes comme des coupables, surtout si elles sont des jeunes filles qui ne suivent pas la voie tracée par leurs parents, ce roman montre à quel point il est facile, sur un terme plus ou moins long, d’enfermer une jeune femme dans une prison mentale, de lui faire croire qu’elle ne vaut rien et que seule, elle ne s’en sortira pas. Les extraits du journal intime d’une des victimes sont là pour nous le rappeler, de l’intérieur.
Alors oui, je n’ai pas aimé ce roman, il ne correspond pas à mes goûts. Il parle néanmoins de sujets forts, qu’il est toujours intéressant de voir mis en lumière.

Les Ames englouties par Susanne Jansson

Présentation de l’éditeur :

Pour travailler à sa thèse de biologie, Nathalie retourne vivre dans sa région natale, au coeur d’une Suède humide et reculée. Dans la petite maison qu’elle habite en forêt, elle se laisse rappeler à son enfance douloureuse, à l’époque où la disparition de la jeune Tracy avait inauguré une succession de drames. Un jour, un cadavre est retrouvé dans la tourbière. Dix années auparavant, déjà, une jeune fille momifiée avait été découverte au même endroit. Bientôt, de nouveaux cadavres affleurent. Alors que la police se met en quête d’un serial killer, Göran, ancien professeur de physique, est convaincu que l’endroit est peuplé de revenants. Cette théorie intrigue aussi Maya, photographe judiciaire. Les trajectoires de Nathalie et de ces deux enquêteurs de l’ombre vont se mêler… et de nombreux secrets seront déterrés. Angoissant et précis, un thriller atmosphérique à la rare puissance suggestive, qui conjugue tentations surnaturelles, croyances populaires, explications scientifiques et fines analyses psychologiques.

Mon avis :

Ce livre pourrait presque ne pas être un thriller. Presque. Disons qu’il ne faut pas se fier aux apparences, aux premières pages qui pourraient nous entraîner dans un tout autre domaine. Nous découvrons Nathalie, une étudiante qui termine sa thèse de biologie. Elle est retournée sur les traces de son passé. Quel était-il ? Nous le saurons, mais pas tout de suite. Nous saurons simplement que retourner sur les lieux était douloureux et nécessaire pour elle. Nous savons aussi qu’elle n’a rien à redouter. Elle a été victime collatérale, elle a souffert, elle s’interroge sur ce que sont devenus ceux qu’elle a connus pendant sa jeunesse, elle qui a choisi de couper les ponts, de « re »naître, elle essaie maintenant de renouer les fils de son passé, parce que couper les ponts n’était peut-être pas la bonne solution.
Elle rencontre un jeune homme, un étudiant lui aussi, Johannes. Il n’est pas indifférent. Elle commence à ressentir quelque chose pour lui. Un soir, la tempête, puis l’accalmie. Elle sait ce que cela signifie. Elle se précipite, trouve Johannes inconscient mais encore vivant. Les secours arrivent, le jeune homme est plongé dans le comas. Qui l’a agressé ?
La police enquête, dans ce patelin coupé de tout, rendu célèbre douze ans plus tôt à cause d’une découverte archéologique importante. Presque personne ne vit dans le coin, tous sont partis ou presque. Qui reste-t-il à interroger ? La jeune étudiante qui a trouvé Johannes, et qui n’a pas envie de trop parler. Attention, cela ne veut pas dire qu’elle est suspecte, c’est simplement qu’elle est extrêmement renfermée, que ce n’est pas un hasard si elle vit (pour un court laps de temps il est vrai) seule dans une maison isolée. Il y a aussi Göran, l’ancien scientifique qui s’est spécialisé dans les fantômes depuis que sa femme l’a plaquée et qui vit assez bien des articles qu’il écrit de temps en temps. Le moins que l’on puisse dire est qu’il est très calé sur le sujet, les tourbières, les fantômes « qui n’existent pas ». Un personnage qui vaut le détour à lui tout seul. De plus, il « reconnaît » Nathalie, sa jeune voisine maintenant adulte. Il est le premier lien qui se recrée avec son passé. Il est aussi un des premiers liens avec la police, lui qui alerte depuis des années au sujet des disparitions près des tourbières. En vain. Tout adulte est libre de disparaître. Ou de rester.
En effet, non loin, se trouvent les parents de sa meilleure amie Julia, devenus des grands parents attentifs pour leurs deux petites filles. Eux aussi ont vécu un drame, et eux non plus ne s’en sont pas remis. La tourbière hante leur vie, et ils ne sont pas près à partir.
Ce livre est un roman policier, oui, mais pas seulement. Il nous interroge sur notre rapport à la mort, à la vie, au souvenir. Il montre notre attachement au corps, par rapport à l’esprit. C’est par Maya, la photographe de la police que l’on entre dans cette interrogation, qu’elle partage avec Göran. Elle est entre deux mondes, à la fois photographe pour la police, et artiste, ce qui ne laisse pas d’étonner certaines personnes. Elle est aussi de la région, et si elle était loin quand les drames ont commencé, elle en a eu connaissance. Il n’est pas besoin que tout nous soit raconté, ce que nous découvrons par le biais de Nathalie, de ses souvenirs, ou de ceux de Göran est bien suffisant.
Comme souvent, le motif (ou le mobile, comme vous voudrez) est à chercher dans le passé, récent, ou ancien. Les proches sont les victimes collatérales, comme Nathalie ou son amie Julia. Vivre après, réapprendre à vivre est un vaste programme, pas toujours respecté. Vivre quand on sait enfin ce qu’il est advenu de nos proches. Vivre quand on a perdu l’espoir. Vivre en retrouvant le corps – et pas l’esprit. Bref, un roman policier qui questionne son lecteur sur des thématiques tout sauf policières. Un livre pour sortir des sentiers policiers battus.
Merci à Netgalley et aux Presse de la cité pour ce partenariat.

Un cri sous la glace

Présentation de l’éditeur :

Emma, jeune Suédoise, cache un secret : Jesper, le grand patron qui dirige l’empire dans lequel elle travaille, lui a demandé sa main. Il ne veut cependant pas qu’elle ébruite la nouvelle.
Deux mois plus tard, Jesper disparait sans laisser de traces et l’on retrouve dans sa superbe maison le cadavre d’une femme, la tête tranchée, que personne ne parvient à identifier.
Peter, policier émérite, et Hanne, profileuse de talent, sont mis en tandem pour enquêter. Seul hic, ils ne se sont pas reparlés depuis leur rupture amoureuse dix ans plus tôt. Et Hanne a aussi un secret : elle vient d’apprendre que ses jours sont comptés.

Mon avis :

Autant vous le dire tout de suite, j’ai eu un peu de mal avec ce roman, qui est un peu long à démarrer. Il faut dire que trois voix s’entrecroisent, Peter et Hanne, les enquêteurs, et Emma. Celle-ci est toute jeune, et elle cache un secret : le grand patron de sa société lui a demandé sa main. Par contre, pour l’instant, il veut encore garder leur histoire secrète, il a quelques petits soucis, une toute petite enquête sur le dos, des pratiques pas très honnêtes, bref, ce n’est pas vraiment Cendrillon et le prince charmant, cela ne s’en approche même pas. Pendant qu’ils vivent ce qui pourraient presque être une non-histoire d’amour, le cadavre d’une femme décapitée est retrouvé dans la maison de Jesper.  Si la situation n’était tragique pour la victime, je dirai que Jesper n’en est pas à une enquête près. En parfait patron, il a d’ailleurs soigneusement muselé ses gentils employés : ne parlez pas aux journalistes !

Le livre nous offre un duo d’enquêteurs différents – heureusement, ai-je envie de dire, même si Hanne et Peter sont vraiment hors-normes. Il est inutile dans leur cas de se demander s’ils vont céder à une quelconque attirance, c’est déjà fait depuis dix ans. Chacun a un parcours de vie, disons-le, chaotique, des failles qui sont carrément des gouffres, des problèmes assez graves, pour ne pas dire très graves. Et pourtant, ils vont enquêter, dans une situation pas vraiment facile.

Alors… il faut vraiment prendre le temps de se laisser porter par cette intrigue, étonnante, par la narration qui épouse parfaitement le point de vue des trois protagonistes. Non, parce que, la jeune fiancée, Emma, est vraiment très particulière. Ce n’est pas seulement son présent qui nous interroge – comment elle, simple vendeuse, peut-elle accepter de prêter de l’argent à son richissime fiancé pour couvrir un travail au noir et faire que Jesper n’ait pas à se fatiguer à aller à la banque ? Elle est amoureuse, certes, elle est aussi un peu naïve. La cause (les causes ?) en est à chercher dans son enfance, entre deux parents pas vraiment en harmonie, pour ne pas dire inadaptés à la vie de couple, à la parentalité, au monde qui les entoure. Emma est seule, terriblement, sans famille, sans amis, sans même quelqu’un qui se rapproche d’une copine. S’il faut vraiment faire un rapprochement entre elle et les enquêteurs, il faudrait parler de leur solitude, ou leur isolement, cela dépend du point de vue – le leur, celui des personnes qui les entourent.

En bref, un polar intéressant, mais je me demande si je lirai les deux enquêtes suivantes de cette auteure.

Aphrodite et vieilles dentelles de K.B. Holmqvist

Edition Mirobole – 251 pages

Présentation de l’éditeur :

Tilda et Elida Svensson, 79 et 72 ans, célibataires, mènent une vie à la routine paisible. Elles font des confitures, vont à l’église et se couchent chaque soir exactement à la même heure. Pas de commodités à l’intérieur de leur maison vétuste : les toilettes sont au fond du jardin, l’eau est à tirer au puits. Tout change à l’arrivée d’un nouveau voisin, Alvar Klemens, ou plutôt de son chat : le félin est pris de frénésie sexuelle en mangeant une des plantes d’Alvar, que celui-ci entretient avec un engrais curieux. Et si elles tenaient avec ce produit l’occasion de s’offrir enfin des W.C. dignes de ce nom ? La révolution est décidée : les deux dames montent un business clandestin d’élixir aphrodisiaque…


Mon avis :

Ce roman est drôle et jubilatoire.
Qu’elles sont adorables, ces deux soeurs septuagénaires. Elles sont innocentes, mais pas naïves. Leurs aventures sont tout simplement irrésistibles. Bien sûr ce sont des aventures du quotidien, des petits faits banals, mais pas sans intérêt. On oublie à quel point la vie peut être simple, à quel point on peut être éloigné de tout ce qui peut être notre mode de vie moderne. Les deux soeurs ont le sens de l’économie, et il est des aménagements qui ne vont pas de soi. Et les voir se lancer dans une vente par correspondance est proprement …hors-norme.
N’hésitez pas à les rejoindre !
Leur frère, par contre, est nettement plus terre à terre. Parce qu’il est marié, qu’il a des enfants ? Lui aussi a des projets pour améliorer sa vie, des promesses qu’il a faites à sa femme, oubliant que ses soeurs approchent peut-être des quatre-vingts ans, elles n’ont pas l’intention de lui obéir. Il est des limites à l’aide que l’on peut apporter à son petit frère, et celle qu’elles lui ont apporté est déjà assez conséquente.
Un roman réjouissant, à lire en toute saison.

Le mur du silence d’Hakan Nesser

Présentation de l’éditeur :

Deux appels anonymes signalent la disparition d’une adolescente séjournant dans un camp de vacances. Bientôt, la police trouve un premier cadavre. Van Veeteren, désigné pour mener l’enquête, découvre non pas un camp de vacances, mais une secte très fermée. Propulsé dans un monde de silence aux règles sinistres, l’inspecteur avance à tâtons, avec pour seul guide son intuition…….

Mon avis :

La dernière enquête d’un commissaire de police est un thème récurrent, que ce soit dans les romans ou dans les séries télévisées – vous noterez dans ce dernier cas, le nombre incroyable de policier qui meurent au cours de cette fameuse dernière enquête. Il reste aussi à déterminer ce qui cause cette dernière enquête : l’heure du départ a-t-elle sonné, ou bien est-ce autre chose qui a motivé ce départ ? De même, dans quel état d’esprit cette ultime enquête est-elle abordée ? Ne surtout pas faire de vague, pour ne pas compromettre un départ dans le calme, ou bien tout donner parce que l’on n’a plus rien à perdre ?
Van Veeteren, lui, n’en peut plus. Il ne supporte plus toutes les horreurs qu’il a vues, et réfléchi sérieusement à changer d’orientation professionnelle. Pour son orientation personnelle, c’est déjà fait : il est divorcé, mais son ex-femme souhaite un rapprochement qu’il est loin de désirer. Oui, ses petits-enfants peuvent mener une vie épanouie sans voir grand-mère et grand-père ensemble. Il projetait d’ailleurs ses prochaines vacances très loin… jusqu’à ce qu’on lui demande un service : rien de très grave, si ce n’est un coup de fil anonyme au sujet d’un camp de vacances. Mais Van Veeteren doit un service, et surtout, ne veut pas laisser un jeune collègue dans la panade. Il se rend donc sur place, et la situation est bien différente.
Camp de vacances ? Non, secte, et c’est pour une préparation à la communion que les parents laissent leurs filles, âgées d’une douzaine d’années, sept semaine dans ce camp, sans communication extérieure – nous sommes en 1997, et les téléphones portables ne sont pas aussi courant que maintenant, et je ne vous parle même pas des communications internet. Secte dont les pratiques ne dérangent quasiment personne – ils sont si discrets ! Même la condamnation du « prêtre » n’a pas empêché les adeptes de se multiplier – les vrais croyants ont toujours été persécutés, n’est-ce pas ?
La réalité se fait plus sombre, plus cruelle quand le corps d’une adolescente est découvert, puis un autre. Mais comment enquêter quand les adultes et les enfants se taisent, et quand le gourou est en fuite ? De là à dire qu’il signe là sa culpabilité, il y a un pas que certains franchissent allègrement, alors que les membres de la Vie Pure lui laissent entièrement leur confiance. Peu importe les méthodes utilisées : enquêter prend du temps quand on se heurte au silence.
Van Veeteren et les autres enquêteurs sont profondément humains – heureusement. Les touches d’humour qui parsèment le récit, leur coup de gueule aussi font du bien. Rester indifférent en certaines circonstances est impossible.

Rien de plus grand de Malin Persson Giolito

Présentation de l’éditeur :

La pièce empeste les œufs pourris. L’air est lourd de la fumée des tirs. Tout le monde est transpercé de balles, sauf moi. Je n’ai même pas le moindre bleu.
Stockholm, sa banlieue chic. Dans la salle de classe d’un lycée huppé, cinq personnes gisent sur le sol, perforées de balles. Debout au milieu d’elles, Maja Norberg, dix-huit ans à peine, élève modèle et fille de bonne famille. Son petit copain, le fils de la plus grosse fortune de Suède, et sa meilleure amie, une jolie blonde soucieuse de la paix dans le monde, figurent parmi les victimes, ainsi que Samir, brillant fils d’immigrés décidé à s’affranchir de sa condition.

Neuf mois plus tard, après un battage médiatique qui a dépassé les frontières suédoises, le procès se tient. Mais qui est Maja ? Qu’a-t-elle fait, et pourquoi ?

Mon avis :

Ce livre commence là où d’autres romans ne s’aventure pas, c’est à dire au moment du procès du coupable présumé. Soyons clair : l’opinion publique ne présume rien du tout, et a déjà condamné Maja, accusée de meurtres et de complicité de meurtres. Les preuves, les témoignages sont irréfutables, selon cette même opinion publique. Quelle sera l’issue du procès, et surtout, que s’est-il réellement passé ?
Le roman est raconté du point de vue de Maja. Nous suivons d’un côté le déroulé du procès, de l’autre Maja se souvient de tout ce qui s’est passé avant le jour de la fusillade. Le déroulé du procès est très codifié, et permet de découvrir comment fonctionne le système judiciaire suédois, non en étant didactique, mais en le montrant en action. Maja semble très mature pour son âge, lucide sur ce qui se passe sans être détachée. Elle ne réagit pas comme l’on pouvait s’attendre à ce qu’elle réagisse, comme les personnes qui l’entourent s’attendent à ce qu’elle réagisse. Juge et avocats se trouvent face à une situation inédite, une tueuse de masse présumée ou une victime de plus.
Les souvenirs n’ont pas été pour moi les parties les plus agréables à lire parce que l’on sait où l’on va, l’on sait que ces jeunes gens insouciants n’auront pas l’avenir qu’ils souhaitaient. Maja a un double regard, revivant ce qui s’est passé, examinant ce qui s’est passé à l’aune de son présent et se demandant comment elle aurait pu changer les choses. Maja et la plupart de ses amis faisaient partie de la jeunesse dorée suédoise, cette jeunesse qui avait tout, sauf l’attention, voire l’amour de ses parents. Et je ne vous parle même pas du portrait qui nous est dressé de la société suédoise dans son ensemble. Décidément, les romanciers scandinaves ont très souvent un regard acéré sur leur pays.

 

 

Ce doux pays d’Ake Edwardson

Présentation de l’éditeur : 

Une boutique de quartier dans la banlieue de Göteborg. Trois hommes sont retrouvés assassinés, le visage explosé à l’arme à feu. Erik Winter se trouve face à une affaire particulièrement épineuse. Drogue ? Trafic de réfugiés clandestins ? Ou pire encore ?
Personne ne semble avoir vu ni entendu quoi que ce soit, et ceux qui pourraient savoir se taisent – ou disparaissent…

Mon avis :

Je n’apprécie pas toujours les enquêtes d’Erik Winter, parce qu’il est un enquêteur qui ménage un peu trop, voire beaucoup trop, les personnes qu’il interroge. Cela dépend des enquêtes. Prendre son temps est nécessaire pour bien enquêter, cela ne veut pas dire perdre son temps.
Dans cette intrigue, les faits sont différents, parce qu’Erik sait que le temps joue contre lui, et que la vie d’une personne, au moins, est menacée. Il faut déjà qu’il parvienne à identifier cette personne, jeune, très jeune, présente sur les lieux du crime, mais ignorée (ou pas ?) par les meurtriers.
Trois hommes sont morts. Tous les trois se trouvaient au même endroit parce qu’ils y travaillaient, parce qu’ils y commerçaient – les horaires d’ouvertures de magasins, en Suède, ne sont pas les mêmes qu’en France. Seulement, les proches des victimes ignoraient qu’elles travaillaient là, voire ce qu’elles pouvaient faire là. Ignorance feinte ou réelle ? Leur point commun, à tous trois, est leur origine étrangère. Cela a-t-il pu jouer ?
D’autres auteurs suédois (Camilla Lackberg, Theodor Kallifatides dans une moindre mesure
) ont parlé du malaise d’une certaine frange de la population face à l’arrivée d’immigrés, de réfugiés, sur le sol suédois. Ici, nous voyons plutôt les conséquences de la politique visant à l’intégration au quotidien – ou plutôt les conséquences des erreurs qui ont été commises. Les bonnes intentions ne suffisent pas.
Erik Winter est confronté à la barrière de la langue, aux usages différents. Il lui est plus difficile d’interpréter les indices qu’il pense découvrir. Il a aussi ses propres préoccupations, liées à sa famille et à l’orientation qu’il souhaite donner à sa vie familiale : il n’est pas si facile de choisir où habiter, surtout si l’on a le choix.
Ce doux pays, titre ironique, puisque la Suède n’a pas pu ou su offrir aux immigrés un lieu sûr où vivre sans crainte. N’est-ce pas le problème qui se pose à de nombreux pays occidentaux ?

Le sixième passager de Theodor Kallifatides

Mon résumé :

Un avion s’est écrasé non loin de la maison de la commissaire Kristina Vandel, qui était très occupée. Cinq passagers étiaent enregistré, six étaient à bord. Qui était le jeune garçon étranger à bord ? La commissaire n’enquête pas.

Mon  avis :

Hier, je publiai mon avis sur le dernier roman d’Andrea Camilleri que j’ai lu. Aujourd’hui, je publie mon avis sur un roman de Theodor Kallifatides et mon avis n’est pas du tout, mais alors pas du tout du même niveau. C’est pour cette raison que je l’écris « à chaud », pour m’en débarrasser, comme on se débarrasse d’une corvée véritablement ennuyeuse.
Certes, il est des auteurs dont j’ai lu un second roman, parce que j’avais envie de leur donner une seconde chance et parfois, cela s’est traduit par une belle rencontre littéraire. Je prends le cas de Pieter Aspe. Pour cet auteur-ci, il est évident pour moi que je ne lirai pas un autre de ses romans, parce que ses personnages sont tout ce que je déteste, que ce soit en littérature ou dans la vraie vie.
Prenez la commissaire Kristina Vendel, l’enquêtrice : elle m’a fait penser à la supérieure de Dexter dans le tout premier volume, celle qui ne pouvais arrêter un suspect que s’il se plantait devant sa voiture et qu’il le lui demandait. Et bien Kristina Vendel, c’est pire : au début, elle renonce carrément à enquêter, refusant ce que lui demande la légiste, c’est à dire l’ouverture d’une enquête qui autoriserait à pratiquer une autopsie, permettant d’éclaircir certaines points étranges. Les raisons de ce refus sont finement analysés – enfin, finement… En termes familiers, le contraire de la manière de s’exprimer de Kristina, je dirai qu’elle se prend la tête. Je dirai aussi que penser qu’il est mort, que l’on ne peut rien y faire, et qu’il faut le laisser tranquille est choisir une solution de facilité qui me fait bouillir. Avec une commissaire qui refuse qu’on en sache plus sur ce que le jeune mort a subi, les coupables peuvent dormir bien tranquilles. Non, il faut quasiment qu’on lui mette deux nouveaux cadavres extrêmement mutilés pour que là, oui, quand même, elle se décide à enquêter, sans céder à la tentation de relier les morts entre eux – nan, parce que les coïncidences, cela existe, n’est-ce pas ? Sauf que Kristina est une ancienne étudiante en philosophie, elle philosophe beaucoup, elle lit des livres de philosophie et que si elle révisait ses cours, elle saurait que le hasard n’existe pas, qu’il s’agit d’un faisceau de causes si nombreuses que l’on ne parvient pas à les discerner.
Kristina n’est pas le seul personnage à se perdre dans le méandre des analyses variées, chaque personnage féminin, et quelques personnages masculins aussi, y ont droit. Cela ne ralentit pas le rythme de l’enquête, je vous rassure, puisque l’enquête est passée depuis longtemps à la trappe. Alors, oui, à un moment, Kristina nous dit que rien ne la fera reculer sauf que ce ne sont que des paroles, pas des actes comme l’auraient fait d’autres enquêteurs (Voir Montalbano, pas plus tard que dans mon avis posté hier). Pour une enquêtrice, elle n’est pas assez observatrice, ne prend pas assez de précaution, ne communique pas certains faits à son équipe, par orgueil, à mon avis, et le narrateur omniscient d’intervenir une fois, pas vraiment discrètement, pour nous avertir qu’il va se passer quelque chose.
Pour tenter de conclure un peu cruement (j’en suis déjà à 532 mots), j’ai eu envie de secouer tous les personnages féminins, Kristina en tête de file, parce qu’à force de tout analyser, et de se complaire dans certaines situations, elles n’agissent pas. D’ailleurs, le second motif qui pousse la commissaire à ne pas enquêter est de ne pas déranger la vie privée de la procureure, qui s’est sacrifiée pendant des années. Suis-je la seule à être choquée par le fait qu’il vaut mieux préserver ses petits secrets banals plutôt que de rechercher un meurtrier ? Suis-je la seule à trouver agaçant que les femmes se sacrifient et donc souffrent un max par amour dans ce livre, comme si le véritable amour ne pouvait être que douloureux ? Beaucoup de paroles, mais aussi beaucoup de verbiages, où l’important n’est pas tant ce que l’on dit que ce que l’on cache à l’enquêtrice ou à ses proches. C’est une technique policière comme une autre que de renoncer à poser des questions. Ne pas poser de questions est un principe éducatif suédois (du moins, c’est ce qui est écrit dans le livre) cependant il est un peu incompatible avec le métier de commissaire, qui cherche la petite bête sur certains sujets, et n’approfondit pas ce qui concerne ce qu’elle doit faire dans son métier. Voir, par exemple, la page de réflexion qui précède parfois le moindre des appels téléphoniques qu’elle reçoit, ou qu’elle donne.
En conclusion, je dirai que chaque personnage a toujours été seul, que certains ont même volontairement fait le vide autour d’eux pour vivre une histoire d’amour – je n’arrive pas à trouver positif le fait de ne vivre qu’à deux, sans ami, sans autres parents. Et pensons à remercier le coupable qui a eu la gentillesse de se livrer.

Les morts de la Saint-Jean d’Henning Mankell

Présentation de l’éditeur : 

Nuit de la Saint-Jean. Dans une clairière isolée, trois jeunes gens se livrent à d’étranges jeux de rôle. Bientôt, la fête tourne au drame. La peur s’installe dans la région.
L’inspecteur Wallander est assailli par le doute. Pris dans l’enchaînement des découvertes macabres et des rebondissements, parviendra-t-il à mener à bien cette enquête qui s’annonce particulièrement ardue ?

Mon avis : 

Il pourrait débuter ainsi : rien ne se passe. Oui, une mère s’inquiète pour la disparition de sa fille mais elle est la seule. Astrid, tel est le prénom de la jeune fille, et ses amis sont partis en voyage. La preuve, ils envoient des cartes postales. Non, il ne faut vraiment pas s’en faire, même si Eva a des doutes.
Puis, tout s’accélère. A-t-on trouvé des indices ? Non, mais Sveberg, vieux compagnon de route de Wallander, est retrouvé assassiné chez lui. Il enquêtait en cachette sur ses trois disparitions. Y aurait-il un lien avec son assassinat ? Peut-être, à nouveau. Rien n’est facile dans cette enquête dans laquelle les indices, et donc les preuves manquent.
Wallander n’est pas un policier inoxydable. Il vieillit, sa santé chancelle, et il ne lui est pas facile d’admettre qu’il doit se faire soigner contre le diabète dont il commence à être atteint. Il doute, il doute souvent, notamment parce qu’il découvre qu’il ne savait pas grand chose de Svedberg – on a beau être à la fin du XXe siècle dans ce roman, les moeurs libérés de la Suède semblent n’exister qu’à condition d’être libérés et hétérosexuels. Voir à ce sujet la remarque de Martinsson, tancé vertement par Wallander.
Plus qu’un roman policier, Les morts de la Saint-Jean est un roman sur la société suédoise et son évolution pas forcément positive : Il pensa que la société continuerait à se durcir. De plus en plus de gens exclus, de plus en plus de jeunes qui n’auraient en héritage que la certitude d’être inutiles. Les grilles et les trousseaux de clés seraient l’emblème des années à venir.
Il pensa aussi que le métier de policier n’impliquait au fond qu’une seule chose: résister, combattre ces forces négatives.

Ce qui est dit pour la Suède vaut aussi pour la France, et d’autres pays qui semblent bien aller d’un point de vue économique. Ce que nous montre ce roman est la solitude, inexorable, de certaines personnes plus fragiles que d’autres. Il ne s’agit pas de la solitude volontaire d’ermite, non, mais celles de personnes auxquelles l’on n’a pas tendu la main. Autre signe d’inquiétude : l’émergence de sectes, dont les préceptes peuvent faire sourire, mais qui ne laissent pas de surprendre.
Les morts de la Saint-Jean, un roman qui, comme l’enquête, est lent à démarrer, pour finir en un suspens intense.