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Le maître de fengshui est à l’ouest de Nury Vittachi

édition Picquier -330 pages

Présentation de l’éditeur :

C F Wong, le maître de fengshui, déteste l’idée de se rendre en Occident. Cependant il est des offres qui ne se refusent pas, surtout quand elles sont aussi bien rémunérées. En effet, les Britanniques espèrent vendre le plus gros avion du monde aux Chinois et on a fait appel à lui pour s’assurer que le fengshui de l’appareil était bon. Bien mieux, la reine, lasse des infortunes que connaît la famille royale, s’inquiète du mauvais fengshui qui pourrait régner au palais de Buckingham. Evidemment, les choses ne se passent jamais comme prévu.

Mon avis :

Il a fallu que je lise ce roman en période de confinement pour découvrir les raisons de l’absence de papiers toilettes autre que ceux parfum brise marine dans les supermarchés. Tout est la faute du maître de fengshui ! Oui, tout : il est incapable d’obtenir le moindre travail de la part de sa secrétaire. En revanche, elle a acheté pas moins de cinq cents rouleaux de papier toilettes, cinq cents ! Du coup, le maître s’en sert pour s’asseoir dessus et méditer en douceur – et personne ne se dit que ces rouleaux pourraient manquer quelque part.

Cependant, on lui propose un contrat en or presque massif, et le maître ne peut résister. Oui, l’argent passe toujours avant tout le reste, surtout qu’il a malencontreusement une grosse dette à rembourser, en lien avec des surligneurs défectueux et c’est avec joie qu’il signe ce contrat, qui va le mettre en relation avec ni plus ni moins que la famille royale. Sa première mission est simple : s’assurer que le plus gros avion au monde est bien feng shui. Las ! Un homme est assassiné dans l’avion lui-même. Pire : le coupable est un ami de Joyce, un homme qui ne ferait pas de mal à une mouche (mais à un éleveur maltraitant ses bêtes, oui). Joyce a donc quelques soucis. Surtout, elle veut vraiment prouver l’innocence de Paul, qui est aux yeux de tous le seul et unique coupable possible. Pourquoi chercher quand tout semble tellement évident ? Puis, nous sommes en Chine, et même si des intérêts européens sont en jeux, les autorités chinoises n’ont pas vraiment envie d’explorer la notion de présomption d’innocence.

Joyce enquête donc – et Wong aussi, presque malgré lui, parce qu’il tient à son intérêt, parce que certains éléments ne sont pas feng shui du tout. La persévérance de Joyce est pour beaucoup dans la progression de l’enquête – cela, et le fait qu’elle soit considérée comme insignifiante par certaines personnes. Elle peut se comporter de manière très ordinaire, c’est évident, mais elle ne renonce pas, et garde ses convictions. Wong, lui, reste maître du feng shui, et s’il dit que cela ne va pas, c’est que cela ne va pas – la réalité dépassera toutes ses craintes.

Le maître du feng shui est à l’ouest est un roman qui nous parle de pouvoir, entre des activistes qui font ce qu’ils peuvent pour alerter contre les dangers du consumérisme et des industriels qui peuvent dépenser des millions en campagne de publicité pour montrer à quel point consommer (et polluer) c’est bien. C’est aussi un livre rempli d’humour et d’absurdité, notamment avec le personnage de Wong, qui ne maîtrise pas totalement la langue anglaise, encore moins la hiérarchie aristocratique de la famille royale anglaise. pourquoi Lady Diana est présentée comme une roturière dans tout le roman alors que les origines aristocratiques de sa famille remonte au XVe siècle – Il y a d’ailleurs la volonté de prendre des distances avec la réalité, notamment en créant une soeur cadette, Marjorie, à la reine ou en présentant Lady Diana comme une roturière alors que les origines aristocratiques de sa famille remonte au XVe siècle – volonté de faire un peu plus rêver la midinette qu’est Joyce ?

Avec ce livre, j’aurai lu l’intégralité des aventures du maître. Comme souvent, j’ai préféré les recueils avec des récits courts, qui se prêtent mieux à ses excentricités.

Fatal fengshui de Nury Vittachi

Edition Philippe Picquier – 380 pages.

Présentation de l’éditeur :

Muni de sa boussole de maître de fengshui et de sa perspicace sagesse chinoise, C.F. Wong résout des énigmes criminelles aussi embrouillées qu’un bol de nouilles. Cette fois-ci, M. Pun, son principal employeur et mécène, a décidé d’offrir pour Noël une séance de fengshui gratuite aux membres de
son conseil d’administration international. Wong se retrouve donc avec une série de missions à accomplir, à Singapour, en Inde, Thaïlande, aux Philippines, en Australie. Seule ombre au tableau : il va aussi devoir emmener avec lui son écervelée de jeune assistante, Joyce McQuinnie… Elle aura pourtant son rôle à jouer, qu’il s’agisse de
retrouver des voitures de luxe qui se volatilisent, ou de démêler un attentat contre un informaticien de Hyderabad, revendiqué par plus de cent cinquante personnes…

Mon avis :

Misogyne, le maître du fengshui l’est complètement. C’est une composante assumée de sa personnalité, tellement assumée qu’il ne se questionne jamais sur ce sujet. Voici d’ailleurs ce qu’il pense des femmes et des adolescents en général, et de son assistante en particulier : Wong décida de laisser son assistante se débrouiller. Selon lui, les adolescents et les femmes étaient des créatures avec lesquelles les adultes masculins étaient dans l’impossibilité de dialoguer. D’ailleurs, son assistante, il ne l’a pas choisie, elle lui a été imposée par un gros, très gros client dont elle est la fille, et comble de catastrophe pour notre maître du feng shui, elle a décidé de rester, tant elle aime ce qu’elle fait ! Pauvre maître du fengshui  ! Il a une assistante qui, il faut bien le dire, est plus douée que lui pour comprendre l’être humain, ses travers, peut-être parce qu’elle est plus proche du réel que lui, ne serait-ce que par les éléments du langage. Oui, la langue peut être une barrière, quand on ne possède pour se faire comprendre que d’un guide la conversation déjà périmée. Le point positif est que les contresens du maître Wong sont des sources irrésistibles de quiproquo, le plus souvent résolu par Joyce – et tant pis si C.F. Wong ne comprend pas l’expression « c’est du gâteau ».

Au cours de ces neuf enquêtes, dont le fil conducteur est M. Pun, son principal employeur et mécène, Wong parcourra, avec Joyce, plusieurs pays d’Asie : l’Inde, la Thaïlande, les Philippines, et ne pourra que constater que la nature humaine est la même partout. Il devra aussi enquêter, sous peine de ne pas être payé – et même en enquêtant ou en trouvant le coupable, il ne sera pas vraiment sûr de recevoir ses honoraires. Un vrai scandale ! Il est vrai que faire arrêter son client n’est pas le meilleur moyen de rentrer dans ses frais. cependant, le maître trouve très souvent le moyen d’empocher quelques à côté – ce n’est pas de sa faute si certains veulent lui faire des cadeaux, ou lui permettent de rencontrer des personnes qui ont un besoin impérieux de faire analyser leur logement.

Ses neuf enquêtes sont suivies par un épilogue en guise de point final, qui nous montre les suites et les perspectives de ses enquêtes. Pas de chance pour le maître du fengshui.

 

Le maître de fengshui perd le Nord de Nury Vittachi

édition Philippe Picquier – 349 pages.

Présentation de l’éditeur :

Mourir est très mauvais pour le fengshui.
C’est pourquoi C.F. Wong, digne maître de fengshui exerçant à Singapour, se trouve amené à résoudre quelques énigmes criminelles-comme l’apparition intempestive d’un fantôme dans un cabinet dentaire, ou la disparition d’une jeune Chinoise promise à une mort inévitable et prochaine. Ici, il est confronté à une histoire très compliquée, qu’il va s’efforcer de dénouer avec l’aide de sa pétillante stagiaire, Joyce McQuinnie, une Anglo-Australienne plus préoccupée par ses soirées en boîte de nuit que par les enseignements de la géomancie traditionnelle chinoise.

Mon avis :

Bon.
Curieux objet de littérature policière que nous avons là.
L’auteur, né au Sri Lanka, est marié avec une anglaise et a adopté trois enfants chinois (je le cite). Ils vivent à Hong-Kong où l’auteur est aussi journaliste.
Bon (bis).
C.F. Wong est un maître du Feng Shui, et j’ai presque failli me convertir à cette philosophie de vie. Enfin, pendant cinq minutes, entendons-nous, puis je suis retournée à mon bordel organisé, c’est tellement mieux ainsi – pour moi.
D’ailleurs, ce pro du rangement et de l’organisation ne parvient pas vraiment à mettre de l’ordre dans sa propre vie. Il faut dire que ce roman ne commençait pas très bien pour lui : en pleine consultation dans l’appartement d’une famille, il ne parvient pas à trouver ce qui ne va pas, ce qui explique ce malaise – et pourtant, il l’éprouve, légèrement, certes, mais il l’éprouve. Enfin, il trouve : quelqu’un a mis le feu à l’appartement et l’odeur de fumée est apparue. Heureusement, le maître de la sagesse orientale a gardé tout son calme, et il lui en fallait, parce que :
– sa secrétaire est une calamité, ne fait absolument rien, sauf lui compliquer la vie ;
– Joyce, sa stagiaire, se met souvent dans des états que la morale réprouve, tout en mettant beaucoup de coeur à l’ouvrage.
De plus, il se retrouvera non seulement à fournir ses services de maître de feng shui, mais à résoudre une affaire d’enlèvement, de vengeance, mais aussi sauver, peut-être, une jeune femme d’une mort imminente. Cela fait beaucoup pour un seul homme, qui ne peut compter que sur sa stagiaire australienne, dont les coutumes l’étonnent, quand ils parviennent à se comprendre – à croire qu’ils ne parlent pas vraiment la même langue tous les deux (ou alors, les jeux de mots sont plus faciles à comprendre dans la langue originelle). Il faut dire aussi que la jeune femme déjeune de breuvages assez incompréhensible, comme des latte et autres caramel macchiatto.
J’ai l’impression que lui-même ne sait pas vraiment comment il se fourre dans des situations encore plus invraisemblables que celles que j’ai nommée plus haut, et qui impliquent la triade (si, si), la police (c’est le minimum) et un hélicoptère (parfois) quand il n’est pas obligé de courir partout, avec Joyce sur les talons. Le pauvre a parfois à peine le temps de se consacrer à son métier, encore moins d’écrire. Les quelques pages qu’il parvient à écrire sont pourtant autant d’invitations à se poster, à réfléchir, à profiter de la vie, à se demander ce qu’est vraiment le bonheur.
Il récuse aussi ceux qui croient tout savoir, ceux qui, en examinant les lignes de la main ou toute autres méthodes de divinations, pensent prédire l’heure de la mort – et ne pas tenter de l’empêcher, puisque tout est écrit. C.F. Wong rappelle, à juste titre, que l’on traverse tous des passes difficiles – à nous de les traverser le mieux possible, sans se laisser abattre, dans tous les sens du terme.
Un livre et une enquête bordélique, mais sympathique.