Quand les femmes étaient des oiseaux par Terry Tempest Williams

Présentation de l’éditeur : 

Tels sont les mots de la mère de Terry Tempest Williams à sa fille, quelques jours avant de mourir. Alors quel choc lorsque cette dernière découvre que ces carnets sont vierges. Pourquoi les lui léguer alors ?

En cinquante-quatre courts chapitres où elle interroge la notion d’héritage et d’identité, l’auteure nous offre un récit des origines cathartique et se raconte en femme plurielle: enfant de la communauté mormone, pionnière de l’écologie américaine, ornithologue et activiste passionnée, écrivaine accomplie. Cette grande dame du nature writing tente surtout de répondre à la question : « Que signifie avoir une voix ? » Nul doute, en tout cas, qu’elle a trouvé la sienne, puissante source d’inspiration.

Merci à Netgalley et aux éditions Phébus pour ce partenariat.

Mon avis : 

J’ai lu pour la première fois une oeuvre de Terry Tempest Williams en 2019, et je regrettais alors que d’autres oeuvres de cette autrice ne soient pas traduites en français. C’est désormais chose faite grâce aux éditions Phébus.

Ce livre m’a questionné, parce qu’il est très éloigné de ce que je suis, de ce que je vis, et il est toujours bon de se confronter à d’autres idées que les siennes.

Terry Tempest Williams est femme, écologiste, ornithologue et mormone. Femme, elle s’inscrit dans une lignée de femmes durement touchées par la maladie. Elle parle d’elles, déjà, dans Refuge, elle parle d’elle à nouveau ici, de ces femmes qui l’ont façonnée, qui ont fait d’elle ce qu’elle est devenu, de ces femme, dont sa mère, qui se sont éloignées, à leur manière, de la culture mormone.

« Tenir un journal, c’est garder une trace. » Toute femme, dans la communauté mormone, se doit de tenir un journal. Sa mère, scrupuleusement, achetait un nouveau cahier journal tous les ans. Elle n’a rien écrit dedans. Pourquoi ? C’est le début de l’interrogation et du cheminement de sa fille, qui s’interroge sur ce que sa mère a voulu lui léguer, à elle, sa seule fille (Terry a trois frères), fille dont elle était très fière, fille qui était aussi une amie, une égale.

« Les carnets de ma mère sont des tombes de papier. » Ils laissent une énigme pour Terry, qui se met à la place de sa mère, elle qui a le même âge quand elle écrit que lorsque sa mère est décédée, sa mère qui ne lui a pas parlé de ses tourments, sa mère qui a toujours fait passer les autres, leurs besoins, avant elle, sa mère, qui ne lui laisse que des pages blanches, des carnets vides. Enigme.

Terry alors se raconte, elle raconte ses combats, ses engagements, son amour aussi pour son mari. Terry est écologiste, féminisme, elle se battra y compris quand on lui dira que cela ne sert à rien – et, bien sûr, ce ne sera pas le cas, son engagement, celui d’autres écrivains, d’autres activistes, portera ses fruits. Pour nous rappeler que oui, si l’on agit, l’on peut faire bouger les choses.

« Quand une femme reste silencieuse, d’autres sont en danger. » Certains n’apprécieront pas cette citation, disant que c’est une manière de culpabiliser les victimes. Sauf que Terry Tempest Williams parle en son nom, au nom de ce qu’elle a vécu, de ce à quoi, surtout, elle a conscience d’avoir échappé. Parler, elle l’a fait. Trop tard non pour elle, mais pour identifier celui qui l’aurait sans doute agressé voir pire. Elle sait qu’elle n’a pas été suffisamment attentive aux signes qui lui montraient la dangerosité de ce collègue. Elle sait aussi qu’elle a eu de la chance, mais que toutes les femmes n’ont pas eu cette chance, et elle y pense à chaque fois qu’une femme est retrouvée assassinée, torturée, violée. Etre féministe, c’est aussi rappeler la dureté du sort des femmes, ne jamais se voiler la face. Elle parle aussi de ce droit qui est menacé aux Etats-Unis, celui à l’avortement. Elle connaît des femmes qui y ont eu recours – elle dit bien qu’elle n’a jamais eu besoin de se questionner à ce sujet – et s’inquiète, pour le futur.

Un livre qui me fait regretter que d’autres ouvrages de cette autrice – mis à part Refuge – ne soit traduit en français.

Challenge « American Year » – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024).

11 réflexions sur “Quand les femmes étaient des oiseaux par Terry Tempest Williams

  1. Jamais lu cette autrice, mais au moins, tu as le mérite de ma la faire connaître (même si jamais je n’aurai le temps de lire un de ses romans).

    Bon, les lutins de WP ne sont plus en grève, le lien est passé crème, je n’ai eu qu’à le cueillir !

    • Tant mieux qu’ils aient cessé leur grève, nanmého !
      Ce ne sont pas forcément des livres faciles à lire, Refuge (lu après l’annonce du cancer de mon cousin) parle sans fard des cancers dont ont souffert les membres de sa famille.

              • Si l’on se met à leur place, je peux comprendre que le récit soit dur à lire, j’ai souvent eu la blague : mon imagination me mettait dans la peau de celles qui vivaient l’horreur et je flippais grave ! Mais je continuais ma lecture, hormis quelques bouquins que je n’ai pas terminé, parce que oui, trop durs…

              • Non, là il ne s’agissait pas de se mettre à la place des autres, il s’agit de dire « non, je ne veux pas savoir ce que la personne a vécu, cela ne se raconte pas ». Je compatis, parce que le second livre que je lis pour le mois espagnol, eh bien, je me suis vraiment retrouvée dans la peau non seulement de la narratrice, mais aussi de certains personnages, et je peux te dire que cela m’a rendu malade.

              • Oups, ça c’est pire, parce que alors, des tas de témoignages ne pourraient jamais être fait… mais il est un fait qu’après les camps, des survivants ont choisi de se taire pour ne pas accabler leurs proches, parce qu’ils ne savaient pas comment en parler et pire, certains se sont tus parce que personne ne voulait les écouter… récits trop durs aussi et certains ne voulaient pas savoir… :/

                J’ai connu ça ! 😥

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