Archive | 31 mai 2020

Randonnée funeste au centre équestre: Enquêtes aux Bois Feuillus de Danielle-Marie Poret

Présentation de l’éditeur :

Gérante d’un centre équestre, Lucie passe sa journée auprès de ses cavaliers et des chevaux dont elle prend soin. Un matin de juillet, sa tranquille routine est bouleversée par la disparition de Candice, une jeune cavalière, qui n’est jamais revenue de son excursion.
Le lendemain, le drame se confirme alors que son corps est retrouvé sans vie dans la forêt. Un meurtre dont le mobile est totalement inexpliqué ; qui pouvait en vouloir à cette jeune femme au point de commettre l’irréparable ?
S’associant à la gendarmerie, Lucie met tout en œuvre pour lever le voile sur une affaire qui pourrait bien nuire à la réputation de son centre… Mais très vite, le doute l’assaille : connaissait-elle vraiment la victime ? Et si Candice avait des secrets ?

Mon avis :

Tout d’abord, je tiens à remercier l’autrice pour l’envoi de son livre. L’action se passe en Normandie, c’est un polar, il avait donc tout pour me plaire, et il m’a beaucoup plu. Je préfère le dire d’entrée de jeu, cela évite de faire durer le suspens – surtout vu le temps passé entre ma lecture et la rédaction de cet avis. .
Soyez le bienvenu dans le bocage normand, vert et serein. Découvrez les villages qui le composent, ils ne sont jamais très loin, en voiture ou, si vous avez de la chance, en train, d’une ville de dimension respectable. Ainsi, l’on peut être étudiant, travailler, et, le soir, ou le week-end, retourner dans un village calme. L’on peut aussi y vivre et y travailler, comme Lucie. Elle gère un centre équestre, qu’elle a hérité de ses parents. Attention ! ai-je envie de dire tout de suite. Nous ne sommes pas dans les clichés que j’ai parfois pu trouver ici ou là : oui, les centres équestres accueillent des cavaliers de tous âges, de tous niveaux aussi. J’ai bien dit « des cavaliers » – il n’y a pas que les filles qui aiment les chevaux ! Et pratique l’équitation, cela n’a pas grand chose à voir avec le rose, les paillettes, et l’esbroufe.

Ah, si, il existe une exception : Candice Morinaud. Très sûre d’elle-même, elle est toujours à la pointe de la mode, et entend bien le montrer. Son objectif ? La compétition. Ce n’est pas l’essentiel pour Lucie, très investie dans son métier, toujours prête à prendre soin des animaux, de tous les animaux, même ceux qui sont « inutiles » aux yeux de certains (de Candice !), même si elle doit s’attirer quelques ennuis avec un concurrent – la maltraitance animale existe aussi parce que certains ferment les yeux, et que d’autres ne pensent que profit. Oui, pour Candice, comme pour ses parents, un animal doit rapporter, gagner, sinon, on le revend (formule moins polie : on s’en débarrasse). J’ai aimé à croire que Candice n’a pas toujours été ainsi. Oui, elle a été élevée ainsi, et pourtant, elle est largement en âge de se rebeller contre ce que lui ont inculqué ses parents, et elle leur a assez prouvé par le passé. Mais là, ce sont les vacances, c’est l’occasion, après une année de prépa à Rouen de profiter du bocage normand, de randonnée – oui, l’équitation devrait avant tout être plaisir, et non compétition. Nous pourrions presque nous croire dans les chroniques ordinaires de la Normandie que l’on ne voit jamais, sauf dans des documentaires, quand survient l’impensable : sa jument Ondine rentre seule, affolée. Le lendemain, le corps de Candice est retrouvée : ce n’est pas une chute de cheval qui a conduit à sa mort.

Onde de choc ? Oui. Et l’enquête commence. Elle prend son temps, parce qu’il est nécessaire de le prendre, ce meurtre ne sera pas résolu en un claquement de doigt (ou en cinquante-deux minutes si l’on suit le format télévisuel). Sa résolution est le fruit du travail d’une brigade tout entière, dont chaque membre a sa personnalité, ses points forts, se complétant les uns les autres, il n’est pas question de montrer un poor lonesome enquêteur n’en faisant qu’à sa tête, mais une personnalité qui réunit ses hommes dans tous les sens du terme. Ah si, il est tout de même quelqu’un qui enquête en solitaire : Lucie. Oui, elle n’est pas enquêtrice, mais elle veut comprendre. Déjà, elle connaît bien les bois qui entourent le centre équestre, et cherche à reconstituer le parcours de Candice. Puis, elle pense, pensait, du moins, bien connaître Candice, presque sans histoire, brillante étudiante de prépa, capable de fédérer ses camarades. En enquêtant, Lucie, qui était toujours plongée dans son travail, dans la nécessité de maintenir le centre à flot, voire de l’améliorer tant la compétition est rude, aussi, entre les centres, en découvre aussi, un peu, sur elle-même, et j’envie presque l’optimisme dont elle faisait preuve sur l’entente qui régnait entre les membres de son centre : Lucie est un personnage qui, œuvrant toujours pour le bien-être des autres, empathique, ne peut s’imaginer la noirceur des actes dont certains sont capables. Que le terme « noirceur » ne vous effraie cependant pas : il ne s’agit pas de découpages en règle par un tueur en série sadique, il est question de relations humaines, d’influences que l’on peut avoir sur les autres, d’emprise aussi. Il est, heureusement, des personnes capables de réagir et de prendre des décisions en conséquence. Il faut, pour cela, parler, ne pas hésiter, on ne le répétera jamais assez. Le bocage, les bois, les grandes villes normandes peuvent cacher bien des secrets, entre tradition, modernité, et, parfois terrible sentiment de solitude.