Archive | 16 novembre 2019

Les étoiles de David de Kristina Ohlsson

Présentation de l’éditeur :

À Stockholm, alors qu’Efraim Kiel vient recruter un nouveau responsable de la sécurité pour la synagogue de Salomon, l’alarme se déclenche : une institutrice a été abattue devant une école juive, peu de temps avant que deux enfants disparaissent sur le chemin de leur cours de tennis. Crimes antisémites ? Vengeance personnelle ? Y aurait-il même un lien entre les crimes ? Alex Recht et Fredrika Bergman sont chargés de l’affaire, mais une tempête de neige a fait disparaître tout indice. Pendant ce temps, Eden Lundell, à la tête de l’unité antiterroriste de la police suédoise, mène sa propre enquête sur Efraim Kiel. Qui est ce Garçon de papier qui ne cesse d’apparaître durant les recherches ? Les enquêteurs seront amenés jusqu’en Israël pour déterminer s’il s’agit d’un simple mythe, ou d’une réalité…

Merci à Babelio et aux éditions J’ai lu pour ce partenariat.

Mon avis :

Cet été, je me suis offert une cure de romans policiers suédois, en découvrant l’oeuvre de Liza Marklund, et Annika, son héroïne. Je n’ai pas pu m’empêcher de faire le rapprochement entre ses deux autrices suédoises, parce qu’elles exploitent, comme Sjöwall et Wählöö l’avaient fait avant elles, sur la place de la femme dans la société suédoise et sur la parité. En effet, ce n’est pas un vain mot dans ce roman. Frederika, l’héroïne de Kristina Ohlsson, est mariée, elle a deux enfants avec l’homme avec lequel elle a eu une relation de longue date, avant qu’il ne quitte sa femme et ne l’épouse. Il n’a pas quitté sa femme parce que Frederika lui avait fait un enfant dans le dos, non, la naissance de leur premier enfant a été choisi, voulu. Ils l’élèvent donc ensemble, et il n’est pas question pour Frederika qu’il en soit autrement : ne comptez pas sur elle pour donner sa bénédiction à son mari pour qu’il parte quinze jours pour son métier. Attention ! Elle n’est pas contre ses déplacements professionnels, tout comme il n’est pas contre les siens : il faut simplement planifier leur organisation afin que l’un ou l’autre se retrouve seul avec leurs deux enfants pendant un long moment. Alex, le chef de la bridage, a refait sa vie après son veuvage, et auprès de Diana, qui veut que leur vie commune le soit vraiment, il comprend ce que sa femme a dû assumer pendant leurs années de mariage, la laissant seule alors qu’il se consacrait à leur métier. Même Peder a mis de l’eau dans son vin – avec lui, qui n’est plus dans la police, nous revenons de loin du point de vue de la misogynie.

C’est par son biais, presque, que nous entrons dans l’enquête. Peder travaille à divers postes de sécurité depuis qu’il a été licencié de la police. Il vient d’être embaucher comme nouveau responsable de la sécurité de la synagogue de Salomon. Une jeune institutrice a été tuée, deux enfants ont été enlevés puis ont été retrouvés assassinés. Ce n’est pas un crime antisémite, c’est du moins ce que les policiers veulent croire. Le but est de ne pas provoquer d’accès de panique – comme si trois meurtres, à eux seuls, n’étaient pas inquiétants.

Autre fait : le rôle des services secrets, et je ne parle pas forcément des services secrets suédois. Nous croisons aussi le Mossad, et non, l’on ne se demande pas ce qu’ils viennent faire là : toutes les pistes mènent en Israël, toutes. Elles renvoient au passé des parents de deux des victimes, qui ont émigré en Suède peu avant la naissance de leur fils respectif. Alors, oui, ce n’est pas forcément facile d’interroger des parents qui viennent de perdre leur enfant dans des circonstances atroces. Il est tout aussi difficile de se dire qu’ils cachent peut-être des éléments utiles à l’enquête sans s’en apercevoir – ou en s’en apercevant trop bien. Mener une enquête, dans son pays, hors de son pays, n’est pas chose facile, mais aucun des enquêteurs ne recule devant les tâches qui leur incombent.

Ce n’est pas tant que l’enquête nous emmène de rebondissements en rebondissements, c’est que nous nous retrouvons face à des pistes que les enquêtes creusent sans relâche, face à des suspects qui ne cessent de nous surprendre, face à des révélations que certain(e)s auraient voulu garder pour toujours.

Ce n’est pas une lecture agréable, dans le sens où ce qui est raconté ne l’est pas. C’est une lecture qui nous montre une réalité qui n’est pas évidente à découvrir. Il est des personnes, fort heureusement, qui mènent leur vie intime, familiale, paisiblement. Il en est d’autres pour qui la vie de leur pays passe avant – et tant pis pour les dégâts. Les étoiles de David est une oeuvre forte, bien maîtrisée – que les six cents pages de ce pavé ne vous effraie pas.

 

La fille au tatouage de Kristina Ohlsson

Présentation de l’éditeur :

La nuit de la Saint-Jean, une jeune Suédoise est agressée et violée. Malgré ses cris, personne ne vient à son secours… Quinze ans plus tard, à Stockholm, un pasteur et sa femme sont retrouvés morts : les Alhbin se seraient suicidés en apprenant le décès par overdose de leur fille aînée. L’affaire est confiée à Fredrika Bergman. Epuisée par sa grossesse mais toujours aussi déterminée, celle-ci ne tarde pas à mettre au jour un sordide réseau de passeurs exploitant la détresse des réfugiés clandestins. A l’autre bout du monde, une mystérieuse jeune femme travaille en Thaïlande sur un dossier sensible. Si sensible que quelqu’un cherche à la faire taire définitivement : son téléphone ne marche plus, son billet d’avion est annulé, et on glisse de la drogue dans sa valise… Alors que le piège menace de se refermer sur elle, Fredrika se lance dans une course contre la montre pour démêler les fils d’un complot monstrueux. L’heure tourne, et ceux qui savent se taisent…

Mon avis :

Attention : polar suédois. Quel est sa spécificité ? Certaines informations ne seront pas du tout traités par eux de la manière dont elles sont traitées en France. Ainsi, un policier chevronné a la main un peu leste, il fait des plaisanteries sexistes. En France, dans certains polars (et plus encore dans les séries télévisées véritablement catastrophiques) cela passe totalement inaperçu. Ici, non seulement Peder est sévèrement recadré par sa hiérarchie, mais il doit suivre un stage sur la parité. Oui, totalement impensable dans notre beau pays de France.

De même, l’on met en scène une enquêtrice enceinte, une enquêtrice dont la grossesse ne se passe pas très bien, et qui bénéficie pour cela d’un aménagement du temps de travail. Je ne dis pas que ce n’est pas possible en France, je dis qu’il est rarissime de voir un tel personnage.

Maintenant, revenons tout de même à l’enquête. J’ai moins apprécié ce titre que la toute première enquête de Frédrika, ou que la toute dernière dont la chronique… suivra. Déjà le double meurtre puise son origine, comme souvent, dans le passé des deux victimes. Leur présent est entouré de brouillard, d’un voile, comme si personne n’avait les mêmes informations – les bonnes informations pour découvrir la vérité. Et qui est cette mystérieuse jeune femme, coincée de manière très improbable en Thaïlande ? Si je n’ai rien contre les complots en tout genre, je trouve que celui-ci est tout de même bien tiré par les cheveux.

Alors oui, les thématiques qui sont abordées sont importantes. Il est question d’émigration, d’aide aux clandestins. Il est aussi question du soin que l’on apporte – ou non – à sa famille. Je sais (malheureusement, chacun jugera) qu’il arrive que des personnes préfèrent aider de parfaits inconnus et ne s’aperçoivent que trop tard de l’état dans lequel leurs tout proches se trouvent; des risques qu’on leur a fait courir. Faire confiance aux autres, c’est bien, je ne dis pas le contraire, mais prendre soin des siens est important aussi. Il est question de résilience, il est question aussi de vengeance, de haine, du besoin d’avoir toujours l’attention sur soi – pourquoi l’amour inconditionnel que l’on a reçu devrait-il cesser ?

Bref, un polar qui m’a laissé une impression mitigée, un goût d’inachevé sur le plan de l’enquête. Par contre, sur le plan de la vie familiale des enquêteurs, elle est particulièrement riche et aboutie. Les enquêteurs sont des être humains qui enquêtent sur ce que d’autres être humains sont capable de faire de pire – ou de meilleur parfois. Ne l’oublions pas.