Archive | 22 juin 2019

Le pays oublié du temps de Xavier-Marie Bonnot

Présentation de l’éditeur :

Nouvelle-Guinée.
1936. Le Dr Delorme, Robert Ballancourt et leur guide, Kaïngara, remontent le fleuve Sepik. Ils se rendent dans un village paptni pour acheter des têtes surmodelées, ces crânes de vaincus ou d’ancêtres censés conserver l’esprit des défunts… Marseille, soixante-dix ans plus tard. Le commandant de police Michel de Palma, alias le Baron, découvre le corps du Dr Delorme, assassiné. Le vieil homme est assis dans son bureau, le visage affublé d’un masque.
Devant lui, Totem et Tabou de Freud est ouvert à la page 213. Masques, statuettes et flûtes d’Océanie emplissent la villa, mais un crâne d’ancêtre a été volé… Un gros livre retient l’attention du Baron : le journal de bord de la Marie-Jeanne, goélette sur laquelle, en 1936, le Dr Delorme et Robert Ballancourt embarquèrent pour rejoindre la Papouasie… Tandis que le meurtrier du Dr Delorme continue de frapper dans le milieu des ethnologues et des marchands d’arts premiers, les questions se multiplient.

Mon avis :

Il est toujours agréable pour moi de découvrir un auteur de romans policiers que je ne connaissais pas, et de poursuivre l’exploration de son oeuvre, avec cette troisième enquête du Baron, alias le commandant de Palma que je lis en peu de temps.
Ce que j’aime chez cet enquêteur, c’est qu’en dépit de son métier de policier, lourd, très lourd, il mène une vie presque normale. Il est divorcé, et là, il renoue avec une amie d’enfance, elle aussi en instance de divorce : le moment de retenter sa chance, lui qui n’avait pas osé quelques décennies plus tôt. Un peu de répit dans une enquête qui nous emmène très loin dans le passé et nous questionne sur plusieurs notions. La notion de civilisation, d’abord : nous avons vu les cultures autochtones à l’aune de notre culture occidentale (pour ne pas dire « civilisée ») et les explorateurs sont allées à la rencontre de peuples qui ne demandaient rien, les ont jugés, et ont provoqué quelques problèmes. A la civilisation s’ajoute la religion : les évangélisateurs de tout bord ne sont jamais loin, ceux qui veulent mettre de l’ordre dans les croyances et les actes (dans l’ordre que vous voulez) de ces peuples. N’oublions pas que certains le veulent encore.
Reste ce que l’on nomme l’art, qu’il est intéressant d’étudier, de partager, qu’il est nettement moins de trafiquer. Pourtant, certains ne s’en privent pas – les collectionneurs collectionnent, et tant pis pour la provenance, tant pis pour les sensibilités de ceux à qui appartenaient ces oeuvres – pas toujours uniquement des masques, des statuettes ou des flûtes, ce serait trop simple. Reste aussi à identifier le poids que la famille, ou plutôt que le patriarche, ou le matriarche peut peser sur les siens. Nous avons beau être dans un monde dit « moderne », il est encore des personnes qui ne savent pas s’affranchir du regard, des ordres, voir de l’argent de son aïeul. Etre indépendant, c’est formidable. Encore faut-il en avoir le cran.
Une belle enquête et un beau roman.