Archive | 28 février 2015

Tape-Cul de Joe R. Lansdale

Mon résumé :

Hap Collins ne va pas bien, mais alors pas bien du tout. Il squatte lamentablement chez son ami Leonard, se laisse aller, laisse traîner ses affaires sales un peu partout. Il est grand temps de se ressaisir, sauf à vouloir être expulsé à grands coups de pied quelque part ! Il est amoureux d’une charmante jeune femme, Brett, et c’est d’elle que viendra le salut. En effet, Tillie, sa fille, exerce le plus vieux métier du monde et court le risque de ne plus l’exercer longtemps…

Mon avis :

J’ai une tendresse particulière pour ces deux héros totalement déjantés – même si Hap a un gros coup de mou. Il ne durera pas, il n’a déjà que trop duré avant que le roman ne commence. Et Léonard est là pour lui administrer, si nécessaire, pour lui rappeler qu’il vit chez lui, et qu’il est prié de mettre un peu d’ordres dans tout le bordel qu’il a foutu un peu partout dans la maison.

Heureusement, il y a Brett, aussi, la presque femme de la vie de Hap. Il est méfiant, notre ami : il faut dire que Brett a eu une manière très personnelle de régler son problème de violence conjugale. Aujourd’hui, elle a besoin de lui, afin de retrouver sa fille Tillie.

Si vous vous attendez à une gentille quête bien traditionnelle, avec des obstacles, des opposants, des… Avez-vous déjà lu des romans de Joe R. Lansdale ? Sinon, vous sauriez que tous les chemins pris sont de traverses, que les adversaires sont hautement improbables, que le politiquement correct a foutu le camp depuis trèèèèèès longtemps. La rédemption, le rachat ? Il a lieu en espèce sonnante et trébuchante. Gare à ceux qui joueraient sur plusieurs tableaux, les bénéfices sont rarement à compter en argent, plutôt en plomb. Hap et Léonard, eux, ont une ligne de conduite très simple. Pour Hap, aider Brett, pour Léonard, aider Hap – même s’il ne se fait aucune illusion sur la fille de Brett.

Du Texas au Mexique en passant par l’Oklahoma, nos deux héros vivront des aventures extraordinairement inoubliables, qui laisseront des traces et poseront bien des problèmes moraux à Hap. Non, de telles aventures ne laissent pas intacts, sauf dans les mauvais romans.  Elles permettent aussi des rencontres inouies – ce n’est pas le « fils » adoptif de Léonard qui dira le contraire.

Encore un excellent opus signé Joe R. Lansdale.

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Le week-end d’un scénariste

c3a9critoire-vanishingintoclouds3Les mots à placer sont Question, inattendu, merci, gâteau, méditer, souplesse, culot, surprise, hasard, décision, inspiration, trouver, hypocrite, goéland, bataille, réflexion, objectif, tourbillonner, turban, tison

Après Retour de vacances – humeur d’un scénariste, retrouvons ce personnage, les trois autres co-scénaristes et son frère médecin-légiste.

Nous nous étions congratulés tous les quatre, l’inspiration nous avait visités et notre objectif avait été atteint. Non seulement nous avions trouvé une solution héroïque ouvrant de vastes horizons à notre héros, lui permettant de livrer de nouvelles batailles (l’envoyer en mission humanitaire parce qu’il avait été touché par la grâce, il fallait oser, et nous avions eu le culot nécessaire pour le faire), mais nous avions écrit l’épisode qui racontait l’arrivée inattendue de sa remplaçante. Comme le hasard et les intérêts de la chaîne faisaient bien les choses, le tournage de la nouvelle saison démarra une semaine plus tard.
J’avais bien mérité ce week-end en Bretagne avec mon frère. Tout allait bien, Franck avait joué du saxophone pendant que je préparais le repas, puis nous avions déjeuné en regardant les mouettes tourbillonner dans le ciel (« Ce sont des goélands, insistait Franck) quand le téléphone sonna.
– D’habitude, ce genre de surprise, c’est pour moi ! commenta-t-il.
Au bout du fil, le réalisateur, qui, à la réflexion, me semblait au bord de la crise de nerf.
– Barbara veut tout connaître de son personnage, de sa conception à maintenant.
J’eus un réflexe bête, puis je compris : cette charmante actrice, adepte de je ne sais quelle méthode voulait que j’invente une vie entière pour son personnage.
– Elle a médité longuement, avant de nous dire qu’elle n’arrivait pas à entrer dans la peau de son personnage. Elle a donc rédigé une liste de questions, je vous les envoie.
Je promis de répondre pour lundi.
– Pour ce soir, ce serait possible ? Vous savez, les actrices sont des êtres sensibles – et le tournage est un peu beaucoup paralysé, je suis contraint de tourner toutes les scènes où elle ne joue pas. Merci beaucoup !
J’eus à peine raccroché le téléphone que Franck s’exclamait : « c’est charmant ! Heureusement qu’ils ont embauché un scénariste qui a ta « souplesse ». Heureusement que tu n’es pas resté acteur.
– J’étais extrêmement mauvais.
– Pas du tout, dans Les tisons de novembre, tu étais très bien.
– Je jouais un cadavre !
– Ce n’est pas si facile. Beaucoup veulent y parvenir, toi, tu y es arrivé.
– Et comment cela se passe, à l’institut ?
Grand silence. Mon frère et ses collègues avaient été pris en otage six mois plus tôt.
– Pas bien, reprit Franck. Christian a pris un congé prolongé, nous respectons sa décision. Ce serait hypocrite de croire… qu’on peut se remettre ainsi. Il lit tout un tas de bouquins, sur la résilience, le pardon. Bérénice a été titularisée, elle a une belle cicatrice là (Franck montra son cou), et ne met pas d’écharpe, de foulard ou de turban pour la cacher. Pascal s’est écroulé hier. « Asthénie », d’après son médecin. Il en a tant fait depuis six mois que ce n’est pas étonnant.
– Et toi, tu dors toujours dans ton bureau ?
– Et toi, tu écris toujours des romans à l’eau de rose pour contrebalancer ses horreurs.
– Bien sûr.
– Bien sûr aussi. Ce n’est pas tout ça, mais les caprices de cette actrice ne nous empêcheront pas de profiter de cette magnifique tarte tatin.