Retour de vacances – humeur d’un scénariste.

Revoici le scénariste de Les plumes d’Asphodèle – humeur.

J’avais dit que la reprise serait difficile. Je ne me trompais pas.
Nous avons été réunis tous les quatre, les quatre scénaristes d’une célèbre série télévisée dont j’aurai la correction de taire le nom.
– Le héros de la série a décidé de nous quitter.
Tiens ! Il est plus intelligent que je ne le pensais.
– Il souhaite que son personnage meure, je cite « d’une mort héroïque ».
Je retire ce que je viens de penser.
– Messieurs, je vous laisse donc libre de l’imaginer.

Mouais.
– Il provoque en moi une forte envie de me rendre au cabinet pour satisfaire un besoin naturel.
– Je dirai la même chose, mais en plus bref : il me gonfle, ce crétin prétentieux. Il ne peut tout simplement pas mourir entre deux épisodes ? Comme ça, on enchaîne le suivant avec un bel enterrement, et basta !
– Tu nommes son successeur avant ou après l’enterrement ?
– On verra quand on saura s’il y a un successeur. Pour des questions de parité, ce peut être « une » successeur. Sinon, quelqu’un a une idée neuve ? Parce que les miennes sont toutes usées.
– Qui dit « mort héroïque » dit « mort en protégeant quelqu’un ». Un de ses équipiers ?
– Non, après, on se traînera sa culpabilité sur au moins quatre épisodes, avec le personnage recroquevillé sur son canapé en tenue « cocooning » si c’est une meuf, ou en train d’écluser des bières si c’est un mec. Nan, le mieux, c’est il se sacrifie pour sauver un enfant. C’est juste bête qu’il n’en ait pas – dans l’histoire.
– Idée ! m’écriai-je. Prise d’otages dans une banque, un otage est blessé, il s’offre en échange et… Nan, c’est très bête.
Puis, cela avait été déjà écrit tellement mieux ailleurs. Voir FBI porté disparu pour plus de précision.
– On peut garder le principe de la prise d’otage.
– Mouais, repris-je. Dommage qu’on ne puisse tout simplement pas faire sauter sa voiture. Cela nous évite de nous demander arme à feu ? arme blanche ? dans le cœur ? dans la tête ? Non, parce que ceux qui se prennent une balle dans la tête sont toujours très beaux à la télé, alors que dans la réalité… Franck, mon frère médecin légiste, avait dû reconstituer une victime, et ce n’était beau ni à faire ni à voir.
– Imaginons, je dis bien imaginons
– On ne fait que cela…
– Que ce crétin veuille revenir dans une dizaine d’épisodes, parce que ses projets actuels ont pris l’eau. Non, parce qu’il ne faut pas se leurrer, j’ai lu qu’il était pressenti pour un grand rôle au cinéma. Comment on se dépatouille ?
– On lui crée un sosie ou un frère jumeau. Les spectateurs ont l’habitude. Ils n’attendent même que cela parfois.
– Meilleure idée : il est enlevé, on retrouve le corps des mois après, il est méconnaissable, du coup, ils ne sont pas surs que c’est lui, et cela nous laisse une porte de sortie.
– Objection votre honneur ! Les téléspectateurs regardent les Experts depuis dix ans. Ils savent pour l’ADN et le dossier dentaire, cela ne passera pas.
– Le cabinet de son dentiste a cramé, il a été adopté, donc aucun membre de la famille pour des éléments de comparaison, et comme c’est dommage, on ne possède aucun échantillon de son ADN.
– Adjugé vendu ! Et s’il n’est pas content…
– Qu’il écrive le scénario lui-même !

 

10 réflexions sur “Retour de vacances – humeur d’un scénariste.

  1. Voilà un métier dans lequel je te vois bien : écrire pour des séries à rebondissements !!! J’aime beaucoup à la fin : « et comme c’est dommage »… warf ! J’ai souri !
    Cela fait bien 15 ans pour les Experts non ? J’avais presque oublié FBI Portés disparus, et pourtant je l’ai regardée cette série !!! Comme les autres, à cette époque bénie des séries ! 😉

    • Ce « et comme c’est dommage » m’a été inspirée par une daube de TF1 : le corps de la fliquette dégommée est identifié parce que môman, médecin, avait cru sa fille autiste, et avait prélevé un échantillon d’ADN quand sa môme était gamine – pour se rassurer. Quand j’entends de telles choses dans une série télé, il me vient des envies de meurtres.
      Je crois que l’on en est, pour la série principale, à la saison 12 – mais 17 saisons de New York, section criminelle.
      FBI porté disparu avait l’avantage de jouer avec les clichés, et d’en faire quelque chose de vraiment intéressant. 😉

  2. Pingback: Le week-end d’un scénariste | deslivresetsharon

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