Je crois que j’ai fait une bêtise en acceptant la proposition du chef de la meute du Sud. Cependant, diriger un pensionnat de louveteaux m’avait semblé une bonne idée, après toutes les épreuves que j’avais traversées.
Les professeurs m’avaient accueilli avec soulagement. Mon prédécesseur était si désespéré qu’il avait choisi de partir… dans le coffre de sa voiture. Il s’était décidé subitement.
– Il était devenu paranoïaque à un point qui défiait l’entendement, me dit monsieur Guéry, professeur d’histoire des lycanthropes. Il n’osait plus « tenter une sortie » en dehors des heures de cours. J’ai cru comprendre que vous étiez…
– Vampirologue et lycanthropologue, précisai-je. (Vous m’aurez peut-être reconnu si vous avez suivi V comme vampire : Gaël de Nanterry).
– Belle combinaison, reprit-il. Heureusement pour nous, il est rarement des vampires enfants. Les malheureux, je les plaindrais. Rester ado toute la mort, ce n’est pas une vie.
– Sinon, ajouta monsieur Frédéric, professeur de mathématiques, êtes-vous au courant de la catastrophe ? Trois fois rien, je vous assure. Disons que… à la suite d’un léger conflit entre le principal et certains élèves, deux salles de classes sont impraticables, à croire que les murs ont été construits en craie. Disons qu’ils se sont un peu effondrés. Juste un peu.
– Cela a fait un de ces bruits, commenta monsieur Guéry, contredisant son collègue.
– Je vous rassure, reprit son collègue, une équipe de Trolls très compétents a commencé les réparations. L’immeuble a résisté à leur arrivée.
Non, pas des Trolls, surtout pas.
Je sais : la dernière fois que je vous ai donné des nouvelles, nous nous rendions avec le haut-conseil vampirique, le haut-conseil faerique, le comité trollesque et bien sûr, pleine de loulou garous au Val Fleury, pour conjuguer nos efforts afin de déjouer un complot.
C’était le mois dernier.
J’ai l’impression que c’était il y a un siècle.
Le complot ? Il a été déjoué, je vous rassure tout de suite.
On ramasse les pots cassés, actuellement.
Enfin, si je peux appeler cela des pots.
Et c’est un peu repoussant.
Regarder deux salles de classe démolies est reposant, à côté.
Sauf quand j’ai vu qui dirigeait l’équipe de Troll.
Un spécialiste des Trolls.
Mon ex, Silas Chépukoi.
Oui, nous avons rompu, ou plutôt, « pris un temps de recul afin de reconsidérer notre relation ».
Nous avions reculé dans la même direction, apparemment.
Je l’ai salué, ai posé quelques questions sur les travaux, puis je suis allé jusqu’à mon bureau et me suis enfermé dedans, pour ne ressortir qu’après le départ des Trolls.
Sauf que Silas m’attendait.
Soit.
La soirée allait être longue.
Surtout si je vous explique en détails comment nous en sommes arrivés là.